En matière de sécurité et de défense, nous invitons le Gouvernement à saisir, en novembre prochain, l’occasion de la célébration des dix ans du traité bilatéral de Lancaster House pour conforter notre coopération bilatérale. Vous le savez, l’armée britannique est, avec l’armée française, celle qui compte en Europe ; membre du Conseil de sécurité des Nations unies, le Royaume-Uni doit rester associé à la défense de l’Europe –la géographie est têtue ! Le Sénat jouera tout son rôle pour conforter, sur le plan parlementaire, cette coopération. Ne laissons pas le Brexit ruiner ces dix années d’efforts !
Le Brexit – on peut le penser – est un non-sens géostratégique : l’heure n’est plus aux États-nations, mais aux États-continents.
Le Royaume-Uni est fragilisé. La remise en cause du protocole irlandais rouvre une douloureuse question de frontière et menace l’intégrité du marché intérieur. En Écosse, où 62 % des votes furent défavorables au Brexit lors du référendum de 2016, le camp des partisans de l’indépendance apparaît, désormais, majoritaire dans les sondages.
Fragilisée elle aussi, l’Union européenne peine à s’affirmer comme puissance. À nos portes, la Turquie joue un rôle déstabilisateur, poussant sans vergogne ses pions de la Méditerranée orientale au nord-est syrien et au Haut-Karabakh, au mépris du droit international.
Dimanche dernier, le candidat nationaliste Ersin Tatar, soutenu par la Turquie, a été élu président de l’autoproclamée République turque de Chypre-Nord. Il a battu le dirigeant sortant, qui était favorable à une réunification de l’île. Quelle sera la réaction européenne ? Quel corps prendra, concrètement, la fameuse « autonomie stratégique européenne » ?
Les sanctions adoptées par le Conseil de l’Union européenne à la suite de l’affaire Navalny, tout comme les menaces de sanctions contre la Turquie lors du dernier Conseil européen, vont dans le sens d’un diagnostic mieux partagé. C’est une bonne chose. La « boussole stratégique » nous permettra peut-être d’obtenir un consensus plus large quant à l’analyse des menaces. Néanmoins, la baisse des crédits du fonds européen de défense est un très mauvais signal, qui brouille les bonnes intentions affichées, y compris dans le domaine spatial.
Face à l’affirmation des politiques de puissance au mépris du droit, l’Europe doit rester le refuge du droit, mais elle doit aussi devenir une puissance, pour mieux protéger et mieux défendre notre modèle et nos valeurs. C’est ce message que nous demandons au Gouvernement de relayer au niveau européen !