Séance en hémicycle du 21 octobre 2020 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires européennes, le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous donne la parole, en vous souhaitant la bienvenue au Sénat pour votre première intervention dans notre hémicycle.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à m’associer à l’hommage que le Président de la République a rendu cet après-midi à Samuel Paty. Les citoyens libres formés par le professeur Samuel Paty feront comprendre notre Nation, nos valeurs et notre Europe, a souligné le Président de la République. C’est un enseignement qui peut aussi éclairer notre débat de ce soir.

Après avoir accompagné le Président la République la semaine dernière au Conseil européen des 15 et 16 octobre, je suis heureux de venir rapporter, dans l’hémicycle du Sénat, les positions défendues par la France, ainsi que les avancées obtenues sur quelques sujets d’importance : les négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, la coordination européenne contre l’épidémie de covid-19, le changement climatique et les relations extérieures de l’Union européenne. Pour compléter ce panorama, je dirai quelques mots de l’état des négociations relatives à la politique agricole commune (PAC), premier budget de l’Union européenne. Cette politique, à laquelle votre chambre porte une attention particulière, a fait l’objet d’un premier accord, hier, sous l’impulsion du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

S’agissant en premier lieu de la lutte contre la covid et des mesures de coordination européenne, la situation actuelle, partout en Europe, suscite de vives inquiétudes. Partout, l’épidémie reprend, se développe ; partout, des mesures restrictives se mettent en place. Il faut bien le dire, la coordination européenne fut initialement défaillante. Si la réponse économique a été, je le crois, à la hauteur des besoins et des combats qui ont été menés, notamment au cours du mois de juillet, par le Président de la République pour préparer la relance et soutenir nos économies, sur le front sanitaire, faute de compétence européenne dans ce domaine, la coordination a été pour le moins insuffisante.

Face à la reprise de l’épidémie, nous devons reprendre nos travaux pour améliorer autant que possible cette coordination européenne. Il est normal que les mesures soient différenciées par pays, souvent par territoire, région ou ville ; c’est le cas partout en Europe. Cette carte, ce patchwork parfois, reflète aussi la nécessité d’une réponse adaptée, ciblée à l’épidémie.

Néanmoins, il est indispensable que les décisions européennes se prennent de la manière la plus lisible, coordonnée, coopérative et proportionnée possible. C’est l’objet d’un premier accord obtenu la semaine dernière au Conseil des affaires générales, auquel je participais, puis au Conseil européen, réunissant les chefs d’État et de gouvernement, pour harmoniser les seuils et les données scientifiques et sanitaires sur le fondement desquelles les mesures sont prises.

Cette première étape étant franchie, nous devons aller plus loin pour rapprocher et harmoniser le plus possible les mesures elles-mêmes, notamment pour limiter certaines restrictions. Les déplacements en Europe, dans le contexte que nous connaissons, peuvent paraître décalés, mais ils ne sont pas un luxe, en particulier pour les 350 000 travailleurs frontaliers que compte notre pays et qui, chaque jour, ont un besoin impératif, pour leur vie professionnelle et personnelle, de franchir une frontière dont ils avaient parfois presque oublié l’existence.

Nous devons donc progresser vers la reconnaissance mutuelle d’un certain nombre de mesures restrictives pour les transports et les déplacements les plus essentiels. Je pense notamment à la reconnaissance mutuelle des tests actuellement développés, à la limitation, voire à la suppression, des mesures de quarantaine, ainsi qu’à l’harmonisation des mesures préalables d’information, pour rendre plus systématiques les échanges d’information entre les pays de l’Union européenne et éviter qu’un pays ne prenne par surprise l’un de ses voisins, mettant ainsi en difficulté de nombreux citoyens européens en certaines occasions.

Il faut souligner que, grâce à ces efforts bilatéraux et européens de coordination, nous ne sommes pas, fort heureusement, dans la situation que nous avons connue au printemps dernier, quand nos plus proches voisins – je pense par exemple à l’Allemagne – avaient appliqué des mesures de restriction du passage aux frontières. Nous devons poursuivre dans cette voie. Dans cette perspective d’approfondissement de la coordination, le Conseil européen a décidé que se tiendraient de manière très fréquente, plusieurs fois par mois si nécessaire, des visioconférences entre les chefs d’État et de gouvernement. La première aura lieu la semaine prochaine.

Sur le plan sanitaire, la question des vaccins a également été abordée à l’occasion du Conseil européen. Il faut souligner les avancées rapides de l’Union européenne pour assurer un travail commun. Trois contrats ont d’ores et déjà été signés entre l’Union européenne et plusieurs grands laboratoires effectuant des recherches ; trois autres sont en préparation. Nous devons poursuivre dans cette voie, car l’Union européenne ne donnerait certainement pas une bonne image si devait se manifester, à l’occasion de la découverte d’un vaccin ou d’un nouveau remède, une forme de nationalisme ou de « chacun pour soi » sanitaire. Il est donc très important de renforcer, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, la coordination en matière de financement et de préacquisition des vaccins.

J’en viens à la question majeure et toujours pendante des négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pour préparer la relation future à l’issue du Brexit.

Le Conseil européen a permis de rappeler, dans cette phase tendue des discussions, les priorités communes, unanimes des Vingt-Sept. Trois d’entre elles sont particulièrement importantes pour la France et sont soutenues par l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elles figurent dans le mandat de notre négociateur, Michel Barnier.

La question de la pêche, tout d’abord, est éminemment sensible pour la France et pour sept autres pays directement impliqués dans une forme de club rassemblant des États pour lesquels cette activité est très importante sur les plans économique et territorial. Elle est surtout un sujet de préoccupation commun à l’ensemble de l’Union européenne : il importait de le manifester lors du Conseil européen. Le 1er janvier prochain, le visage du Brexit sera d’abord celui de nos pêcheurs. Nous avons obligation de défendre au mieux leurs intérêts ; le Président de la République s’y attache pleinement, vous le savez, jour après jour. Cela ne signifie pas que la situation sera inchangée au 1er janvier prochain, mais nous devons réaliser le maximum d’efforts pour obtenir un accord. Cela implique – nous ne devons pas céder à une pression tactique britannique sur ce point – que le sujet de la pêche ne doit pas être isolé dans la négociation, au motif qu’il est important pour nos amis et voisins Britanniques. Il l’est évidemment tout autant pour nous. Nous l’avons dit, nos pêcheurs ne valent pas moins que les pêcheurs britanniques, et notre priorité est de les défendre. Le maintien d’un accès durable, stable et réciproque aux eaux britanniques est évidemment notre priorité. Il importait de le rappeler clairement, parce que des critiques ou des doutes s’expriment parfois, entretenus le cas échéant par nos amis Britanniques.

La deuxième priorité, c’est l’établissement de conditions de concurrence équitables dans la relation économique que nous cherchons à bâtir avec les Britanniques. Cela est essentiel pour assurer une équité entre nos économies, extrêmement intégrées après quarante-cinq ans d’appartenance commune à l’Union européenne. Il est évidemment impossible d’imaginer que l’on accorde aux Britanniques un accès complet à notre marché, selon la formule « zéro tarif, zéro quota », sans obtenir de leur part des garanties sérieuses, solides et dynamiques, c’est-à-dire pérennes, quant au respect de nos règles dans les domaines les plus sensibles, en matière environnementale, sanitaire et – plus encore sans doute, la compétition pouvant être féroce – d’aides d’État : c’est l’un des sujets difficiles de la négociation.

J’évoquerai plus brièvement la question dite de la gouvernance, qui peut paraître technique, mais est éminemment importante. En effet, si l’une des parties, par exemple le Royaume-Uni, ne respectait pas l’intégralité des engagements pris – les dernières semaines ont montré que, malheureusement, ce n’était pas seulement un cas d’école –, nous devrons pouvoir recourir à des mécanismes de rétorsion rapides pour défendre au mieux nos intérêts.

Nous sommes déterminés, ouverts à la poursuite de cette négociation, car il est dans notre intérêt d’obtenir un accord. Cela étant, c’est surtout dans l’intérêt du Royaume-Uni, aussi ne devons-nous en aucun cas changer fondamentalement de positionnement ou d’approche. Nos priorités sont claires, partagées à vingt-sept, elles ont été réaffirmées à l’occasion de ce Conseil européen et figurent dans le mandat de notre négociateur, rendu public voilà plusieurs mois.

Dans les prochaines heures, cette négociation continuera, je l’espère, selon les priorités et dans le cadre que j’ai décrit. En même temps, nous devons nous préparer – c’est la responsabilité particulière du Gouvernement – à l’ensemble des scénarios, notamment aux deux branches de l’alternative concernant notre relation future avec le Royaume-Uni : en cas d’accord, il n’y aura pas maintien du statu quo, puisque quitter le marché unique implique, pour le Royaume-Uni et ses opérateurs économiques, des contrôles douaniers, sanitaires, phytosanitaires aux frontières, qui sont déjà prévus ; en cas de no deal, aux contrôles s’ajouteront un certain nombre de barrières tarifaires et non tarifaires dans le commerce avec le Royaume-Uni. Le Premier ministre a réuni, le 12 octobre dernier, l’ensemble des ministres concernés pour vérifier l’état de ces préparatifs, en vue de les accélérer ou de les compléter lorsque cela est nécessaire.

Sur la question climatique, un premier débat s’est tenu, à l’occasion du Conseil européen, sur le rehaussement de nos ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Avec onze autres pays, dont certains nous ont rejoints au cours de ce Conseil européen, la France a défendu, par la voix du Président de la République, un rehaussement à hauteur d’au moins 55 % de la cible de baisse des émissions à l’horizon 2030. C’est la proposition de la Commission européenne ; le Parlement européen a voté un objectif plus ambitieux encore. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais il est impératif de conjuguer cette ambition avec une nécessaire équité.

Certes, l’Union européenne se doit d’avoir des ambitions climatiques et de les défendre. Pour autant, ce modèle ne sera ni juste ni efficace si elle n’exige pas, de ses partenaires, un certain nombre de garanties, de mesures d’équité ou de compensation. Je pense évidemment à ce que l’on appelle parfois, de manière simplificatrice, mais évocatrice, la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Grâce à un tel dispositif, les exigences environnementales imposées, d’une part, à nos partenaires ou à nos rivaux commerciaux, et, d’autre part, à nos propres entreprises seraient mises au même niveau.

En outre, le Conseil européen a rapidement abordé diverses questions de relations extérieures, qu’il s’agisse de la Turquie ou du partenariat entre l’Union européenne et l’Afrique, lequel fera l’objet d’un sommet spécifique : les autorités de l’Union européenne et celles de l’Union africaine se retrouveront le 9 décembre prochain.

Nous devons soutenir l’Afrique, tout particulièrement dans cette période de lutte contre la covid, face aux conséquences sanitaires et économiques de la pandémie : c’est ce que fait la France au sein des instances internationales, dans le cadre du G20 ou du club de Paris, pour assurer la prolongation d’un moratoire sur la dette.

De plus, nous participons à la lutte directe contre l’épidémie sur le continent africain : c’est le sens de l’initiative Access to Covid-19 T ools A ccelerator, dite « ACT-A », prise, sous l’impulsion de la France, par l’Union européenne et l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, au mois d’avril dernier, pour soutenir les systèmes de santé dans cette période de lutte contre l’épidémie. Pour l’avenir, il s’agit également de défendre l’accès universel et équitable au vaccin, à un prix abordable.

La réunion du 9 décembre sera suivie, au premier semestre de 2021, d’un sommet rassemblant les dirigeants de l’Union européenne et ceux de l’Union africaine.

Enfin – elle ne figurait pas au menu du Conseil européen, mais cette question ô combien importante fait partie de l’actualité européenne –, j’évoquerai la politique agricole commune.

L’accord budgétaire du 21 juillet dernier a permis de stabiliser la PAC au niveau actuel. Ce combat essentiel n’était pas gagné d’avance. Je songe notamment aux paiements directs, qui constituent une part essentielle des revenus des agriculteurs. La stabilité financière de cette politique se trouve ainsi garantie.

Le contenu de la PAC est tout aussi important. Je n’entrerai pas dans les détails de cet accord, que les discussions avec la Commission et le Parlement européens doivent encore confirmer. Je soulignerai simplement, en saluant le travail de mon collègue Julien Denormandie, que les ministres de l’agriculture sont parvenus cette nuit à un accord qui prévoit notamment l’obligation d’inclure, au sein du premier pilier de la PAC, des « écorégimes » – pardon de cette expression un peu barbare ! –, afin de garantir qu’il n’existera pas de différences de traitement ou de distorsions de concurrence entre pays de l’Union européenne. C’est une demande forte et légitime de nos agriculteurs : oui au verdissement de la PAC, à condition que ses exigences s’appliquent à tous. Ces « écorégimes » constitueront au moins 20 % des paiements directs dans l’ensemble des États membres.

En marge de cette discussion sur la PAC, un accord important a été obtenu par notre ministre de l’agriculture et de l’alimentation pour un soutien d’urgence à la viticulture française. Il vient compléter le plan présenté par le Premier ministre l’été dernier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces accords correspondent aux positions que votre assemblée défend, en la matière, à une très forte majorité, en faveur d’une politique agricole plus verte, plus juste et garantissant un revenu stable pour nos agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le secrétaire d’État, je suis heureux de vous retrouver ce soir dans notre hémicycle, après vous avoir accueilli à Port-en-Bessin, dans mon département, jeudi dernier ; nous avons alors abordé le sujet du Brexit et, en particulier, ses conséquences pour la pêche.

Au sujet du Brexit, nous partageons votre avis : l’heure est grave. Je salue l’unité des Vingt-Sept derrière notre négociateur, Michel Barnier. Notre position est ferme : nous voulons une concurrence équitable, des règles claires pour nos pêcheurs et une gouvernance robuste.

Les chances d’instaurer un partenariat étendu avec le Royaume-Uni après le 1er janvier 2021 s’amenuisent chaque jour davantage – votre ministre de tutelle, M. Le Drian, ne l’a pas nié cette après-midi, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. En fait, rien n’est certain.

M. le secrétaire d ’ État le concède.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

En matière de sécurité et de défense, nous invitons le Gouvernement à saisir, en novembre prochain, l’occasion de la célébration des dix ans du traité bilatéral de Lancaster House pour conforter notre coopération bilatérale. Vous le savez, l’armée britannique est, avec l’armée française, celle qui compte en Europe ; membre du Conseil de sécurité des Nations unies, le Royaume-Uni doit rester associé à la défense de l’Europe –la géographie est têtue ! Le Sénat jouera tout son rôle pour conforter, sur le plan parlementaire, cette coopération. Ne laissons pas le Brexit ruiner ces dix années d’efforts !

Le Brexit – on peut le penser – est un non-sens géostratégique : l’heure n’est plus aux États-nations, mais aux États-continents.

Le Royaume-Uni est fragilisé. La remise en cause du protocole irlandais rouvre une douloureuse question de frontière et menace l’intégrité du marché intérieur. En Écosse, où 62 % des votes furent défavorables au Brexit lors du référendum de 2016, le camp des partisans de l’indépendance apparaît, désormais, majoritaire dans les sondages.

Fragilisée elle aussi, l’Union européenne peine à s’affirmer comme puissance. À nos portes, la Turquie joue un rôle déstabilisateur, poussant sans vergogne ses pions de la Méditerranée orientale au nord-est syrien et au Haut-Karabakh, au mépris du droit international.

Dimanche dernier, le candidat nationaliste Ersin Tatar, soutenu par la Turquie, a été élu président de l’autoproclamée République turque de Chypre-Nord. Il a battu le dirigeant sortant, qui était favorable à une réunification de l’île. Quelle sera la réaction européenne ? Quel corps prendra, concrètement, la fameuse « autonomie stratégique européenne » ?

Les sanctions adoptées par le Conseil de l’Union européenne à la suite de l’affaire Navalny, tout comme les menaces de sanctions contre la Turquie lors du dernier Conseil européen, vont dans le sens d’un diagnostic mieux partagé. C’est une bonne chose. La « boussole stratégique » nous permettra peut-être d’obtenir un consensus plus large quant à l’analyse des menaces. Néanmoins, la baisse des crédits du fonds européen de défense est un très mauvais signal, qui brouille les bonnes intentions affichées, y compris dans le domaine spatial.

Face à l’affirmation des politiques de puissance au mépris du droit, l’Europe doit rester le refuge du droit, mais elle doit aussi devenir une puissance, pour mieux protéger et mieux défendre notre modèle et nos valeurs. C’est ce message que nous demandons au Gouvernement de relayer au niveau européen !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’ordre du jour du Conseil européen de la semaine dernière était riche, avec notamment la question de la gestion de la crise sanitaire, ce sont en premier lieu les discussions relatives à la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne qui ont retenu l’attention de la commission de finances, compte tenu de son champ de compétences.

Si ce Conseil européen était décrit comme le sommet de la dernière chance pour le Brexit, force est de constater qu’il a ressemblé aux précédents. Ce feuilleton, malheureusement désormais bien connu, reste inchangé : les États membres ont manifesté leur union derrière le négociateur en chef, Michel Barnier, et ont constaté l’insuffisance des progrès accomplis jusqu’à présent.

Dans une allocution prononcée à l’issue du Conseil européen, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a d’ailleurs soufflé sur les braises en regrettant que, après quarante-cinq années de participation britannique à l’Union européenne, cette dernière ne soit pas prête à accorder au Royaume-Uni un statut similaire à celui du Canada…

Toutefois, l’optimisme reste de rigueur, compte tenu de l’appel du Conseil européen à intensifier les négociations et de l’accord de Londres, annoncé ce soir, pour les reprendre.

Ainsi, le Conseil européen n’a toujours pas tranché définitivement le sort du Brexit ; nous avons le sentiment d’assister à une partie d’échecs interminable.

Les rebondissements de ces négociations font peser des incertitudes sur nos entreprises et sur de nombreux Français dont le quotidien est déjà bouleversé par la crise sanitaire actuelle. Dans ses conclusions, le Conseil européen appelle l’ensemble des parties prenantes, à tous les échelons, à intensifier leurs travaux pour se préparer à une éventuelle absence d’accord. Or le temps presse : celui dont nous disposons ne se compte désormais plus qu’en semaines.

Monsieur le secrétaire d’État, estimez-vous que la France est suffisamment préparée, à l’heure actuelle, en termes économiques, budgétaires et douaniers pour faire face à une absence d’accord ?

D’ici à quelques semaines, notre assemblée examinera en séance publique le projet de loi de finances pour 2021. Les travaux ont déjà commencé en commission. Si les conséquences économiques de la crise sanitaire ont pu occulter, au cours des derniers mois, les débats sur les effets d’un no deal sur l’économie française, maintenant que l’échéance est proche, les prévisions macroéconomiques ont nécessairement pu être affutées. Qu’en est-il concrètement ?

Outre les effets macroéconomiques, le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a des conséquences budgétaires immédiates sur le montant de la participation de la France au budget européen : celui-ci augmentera de 2, 1 milliards d’euros l’année prochaine, du seul fait du départ d’un des principaux contributeurs nets.

À combien estimez-vous aujourd’hui l’effet d’un no deal sur le produit intérieur brut de la France en 2021 ? L’économie britannique a-t-elle réellement plus à craindre que la nôtre d’un retrait sans accord ?

Les débats du Conseil européen ont également porté sur le changement climatique et, plus précisément, sur la proposition de la Commission européenne de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. En ma qualité de rapporteur général de la commission des finances, mais aussi comme ancien rapporteur spécial des crédits de la mission « Écologie », je salue la conduite d’une telle réflexion.

À cet égard, la mobilisation du levier budgétaire semble indispensable. Dans cette perspective, en juillet dernier, le Conseil européen a invité la Commission à présenter une proposition visant à introduire une nouvelle ressource propre fondée sur un système révisé d’échange de quotas d’émission, en l’étendant éventuellement au transport maritime.

Alors que les négociations relatives à la prochaine décision dite « ressources propres » de l’Union européenne sont en cours, quelles sont les perspectives d’introduction d’un tel système à court terme ? Enfin, à combien pourrait s’élever le rendement de cette ressource ?

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Pierre-Jean Verzelen applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Fournier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un honneur pour moi, qui viens d’être élu président de la commission des affaires européennes, d’ouvrir ce débat consécutif à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre.

Je tiens à rendre publiquement hommage à mon prédécesseur, Jean Bizet, qui a tant œuvré pour toujours mieux faire entendre la voix du Sénat à Bruxelles et diffuser l’esprit européen au Sénat. Je l’en remercie et je tâcherai de poursuivre cette mission avec la même ardeur que lui.

Monsieur le secrétaire d’État, de la dernière réunion des chefs d’État ou de gouvernement, je retiendrai trois points, que vous avez d’ailleurs évoqués.

Tout d’abord, je relève la patience, voire la placidité, que les dirigeants européens ont manifestée à l’égard du Royaume-Uni. Ce pays reste l’un des voisins les plus proches de l’Union européenne, il est fortement intégré commercialement à l’Union, et nous espérons tous construire avec lui une nouvelle relation privilégiée.

Bien sûr, le Royaume-Uni y a encore plus intérêt que nous : selon la Commission, il dépend de l’Union pour environ la moitié de son commerce de biens, alors que l’Union réalise 13 % de son commerce de biens avec lui. L’Union tient aussi un levier important avec le passeport financier, qu’elle peut décider unilatéralement d’octroyer, ou non, au Royaume-Uni.

Le rapport de force est donc en notre faveur, mais nous sommes particulièrement soucieux pour nos pêcheurs, qui ont besoin de pouvoir travailler dans les eaux britanniques et dont l’activité est tributaire de l’issue de la négociation.

Certains grands armements négocient déjà en sous-main des droits de pêche avec les Britanniques, voire rachètent des navires sous pavillon britannique. Or ces grandes manœuvres sont hors de portée pour la pêche artisanale, qui fait vivre tant de familles sur nos côtes.

J’insiste donc sur la nécessité d’accompagner les pêcheurs au plus près, quelle que soit l’issue de la négociation. Cette dernière reste hasardeuse, tant le Royaume-Uni souffle le chaud et le froid. Et quand bien même un accord serait finalement conclu, comment être sûr qu’il sera respecté ? En effet, le projet de loi sur le marché intérieur britannique viole de manière flagrante l’accord de retrait conclu ensemble il y a seulement un an. Dans un tel contexte, comment garder confiance ?

J’en viens au deuxième point saillant de la dernière réunion du Conseil européen : la cristallisation sur les conséquences du Pacte vert.

L’ambition climatique de l’Union européenne est grande, et notre pays en est le promoteur le plus convaincu. Mais nous entrons maintenant dans le vif du sujet : les États membres prennent la mesure de l’ampleur de l’effort à accomplir, et il n’est pas étonnant que les chefs d’État ou de gouvernement aient reporté à leur prochaine réunion de décembre la décision sur l’ampleur du relèvement de l’objectif de réduction des émissions de carbone. Pour l’instant, ils sont tombés d’accord pour que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui sera fixé à 55 %, voire plus, soit respecté par les États membres pris collectivement, et non un à un. Ce point est important.

Cette concession aux États aujourd’hui adeptes du charbon risque d’accroître la pression sur les autres, notamment sur la France. Aussi pouvons-nous légitimement nous interroger sur l’effort qui sera demandé à notre pays et sur ses conséquences pour nos industries et notre agriculture. La Commission vient seulement de promettre la réalisation d’une étude d’impact sur la stratégie « de la ferme à la fourchette » : il était temps !

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que nous disposerons, avant le sommet européen de décembre prochain, d’éléments précis quant aux conséquences concrètes, pour nos filières, de la vertu promue par le Président de la République en matière climatique ? Je crois que vous êtes en mesure de nous apporter des informations complémentaires.

Que l’on me permette une troisième et dernière remarque sur les conclusions du Conseil européen : en matière de relations extérieures, l’impression est mitigée.

D’un côté, je me félicite de l’élan que semblent vouloir donner les chefs d’État ou de gouvernement à notre partenariat avec l’Afrique : c’est assurément le continent avec lequel l’Europe doit construire un avenir, en bâtissant sur un socle commun de valeurs partagées et en engageant des investissements substantiels dans les infrastructures, au service du développement durable.

De l’autre, nous pouvons être inquiets de la frilosité du Conseil européen devant l’évolution de la situation en Biélorussie, au Haut-Karabakh ou encore en Méditerranée orientale, où la Russie et la Turquie multiplient les provocations. La diplomatie européenne doit absolument changer de braquet et permettre à l’Union européenne de se faire respecter sur la scène internationale. Comment la France peut-elle en convaincre ses partenaires ?

Avant que le débat ne s’engage, je formulerai une observation conclusive. Alors qu’il doit normalement se réunir quatre fois par an, le Conseil européen s’est réuni deux fois pendant ce seul mois d’octobre : cette situation s’explique bien sûr par des impératifs sanitaires, mais elle traduit sans doute une évolution de fond dans la répartition des rôles entre les institutions de l’Union. Notre commission des affaires européennes en tiendra compte dans la réflexion qu’elle entend mener dans la perspective de la conférence sur l’avenir de l’Europe. Cette conférence doit permettre aux Européens de se réapproprier la construction européenne : il est donc important qu’elle ait lieu

M. le secrétaire d ’ État opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

, même si la pandémie a contraint de reporter son lancement, prévu en mai dernier. À ce sujet, le Président de la République annonce des avancées prochaines : pouvez-vous tracer des perspectives ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, eu égard à l’importance et au nombre des sujets abordés lors du dernier Conseil européen, il est clair que l’Union européenne traverse un moment tout à fait exceptionnel.

Bien sûr, depuis dix ans, l’Europe a connu bien des moments exceptionnels et des crises : la crise financière, la gestion de la dette grecque, les épisodes de tensions diplomatiques avec des pays amis, les attentats terroristes, l’épidémie de la covid-19, le Brexit… Dans ces moments, les chefs d’État européens n’ont qu’une mission, qui prime toutes les autres : protéger les peuples.

Je limiterai mon propos à deux sujets : la crise sanitaire et le Brexit.

En mars dernier, au début de l’épidémie, l’Europe a connu un retard à l’allumage. Évidemment, il ne s’agit pas ici de donner des leçons ; toujours est-il que l’épidémie a progressé de diverses manières selon les régions et que, dans certains endroits, l’on disposait du matériel nécessaire, alors que dans d’autres on en manquait, qu’il s’agisse des masques ou des tests. Il y avait des situations d’urgence à gérer.

À l’évidence, deux objectifs s’imposent à nous : premièrement, il faut améliorer la coordination, au stade de la décision comme à celui de l’action ; deuxièmement, sans créer une énième structure, il faut concevoir les mécanismes grâce auxquels l’Union européenne pourra être plus réactive face aux prochaines crises.

Les questions transfrontalières, portant sur les tests, les mesures de quarantaine, les déplacements vers l’Union européenne, ont été abordées lors du dernier Conseil européen. Nous saluons la volonté commune exprimée à cet égard.

Nous sommes toujours dans l’attente d’un vaccin. Lorsqu’il sera disponible, sa distribution et sa répartition à l’échelle de l’Union européenne devront faire l’objet d’engagements précis. Pour l’heure, les progrès de la recherche doivent donner lieu à un véritable partage d’informations.

J’en viens à la question du Brexit.

Comme beaucoup, je salue le travail mené par Michel Barnier. Il a su bâtir une ligne commune et faire vivre une solidarité entre les États de l’Union européenne. En revanche, comme beaucoup sans doute également, je regrette les volte-face du gouvernement britannique, qui est peut-être en train de préparer l’avènement d’un royaume désuni…

Je ne reprendrai pas l’historique des événements survenus depuis la campagne du référendum sur le Brexit. Je ne nie pas la volonté du peuple anglais de sortir de l’Union européenne, mais certains apprentis sorciers ont tout de même joué avec la vérité

M. Alain Richard opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

, Nigel Farage en tête : il assurait aux Anglais que, après le Brexit, les 350 millions de livres sterling prétendument versés chaque semaine à l’Union européenne viendraient financer le système de santé britannique. Un autre partisan du Brexit en campagne avait inscrit ce slogan sur son bus : Boris Johnson, car c’est de lui qu’il s’agit, a depuis fait son chemin ! En tout cas, que de fake news, comme on dit chez moi en patois picard !

Sourires et exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Regardons la situation en face : nous sommes plus près d’échouer à trouver un accord que de traiter les différents dossiers se trouvant sur la table.

Parmi les sujets brûlants figurent l’établissement des conditions de concurrence loyale et équitable, si importantes pour nos entreprises, nos usines et nos salariés, le respect des engagements pris quant au filet de sécurité irlandais et la pêche, question qui cristallise beaucoup de passions de l’autre côté de la Manche.

Soyons extrêmement clairs et ne faisons preuve d’aucune faiblesse : si les eaux territoriales britanniques cessent d’être ouvertes aux pêcheurs français et européens, les pêcheurs britanniques ne doivent plus avoir accès au marché intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Ayons le courage de l’affirmer dès maintenant aux pêcheurs britanniques : pêcher, c’est bien, mais vendre sa pêche, c’est mieux !

Monsieur le secrétaire d’État, comme élu des Hauts-de-France et comme parlementaire, je vous le demande : refusons la conclusion d’un accord au rabais avec le Royaume-Uni sur le dos de nos pêcheurs français et européens !

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur ce qui, pour le groupe écologiste, constitue la question majeure abordée lors du dernier Conseil européen : le changement climatique.

La semaine dernière, lors de notre échange en commission, j’ai déjà salué le vote récent du Parlement européen. Comme l’a souligné Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, fixer l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 60 % à l’horizon 2030 par rapport à 1990 est historique.

Cet objectif serait-il « irréaliste » ? Ferait-il peser « une trop forte contrainte pour l’économie », comme le disait, lors de cette même réunion, notre collègue Jean Bizet ? Je ne le pense pas, et le Parlement européen ne le pense pas non plus. Au contraire, il représente une chance pour l’économie : c’est par l’innovation énergétique, par la transition de nos modèles de production et de consommation que notre économie deviendra moins vulnérable et créera davantage d’emplois. En revanche, il serait irréaliste de penser qu’une moindre ambition permettrait à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone en 2050, comme elle s’y est engagée.

Le vote du Parlement européen est une avancée inédite, mais elle ne paraît pas avoir été relayée par ce Conseil européen. Certes, le Conseil européen n’a pas tranché : la décision quant à l’objectif actualisé a été reportée à décembre prochain. Mais une lecture attentive des points 10, 11, 12 et 13 des conclusions du Conseil amène à constater que celles-ci ne font même pas mention de la volonté du Parlement européen. Le Conseil européen ne prend en considération que la proposition au rabais de la Commission européenne, à savoir une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, qui semble représenter le compromis déjà convenu à demi-mot. Manifestement, lors de ce Conseil européen, la ligne de la Commission européenne n’a pas été troublée. Pourtant, elle ne nous permettra pas de tenir la trajectoire des accords de Paris. Ce sont les scientifiques qui l’affirment : il faudrait adopter un objectif nettement plus ambitieux pour que nous puissions limiter la hausse des températures au degré et demi visé.

Monsieur le secrétaire d’État, cette ambition est-elle celle du seul Parlement européen ? Ce dernier aura-t-il la force de résister aux fortes pressions exercées par les géants des énergies fossiles, qui, d’une certaine manière, essaient de profiter de la crise sanitaire et économique pour capter une partie de l’argent des plans de relance et neutraliser les objectifs climatiques ? Nous le savons, il existe de fortes réticences, en particulier de la part des pays de l’Est aux économies fortement carbonées.

Bien sûr, j’ai entendu la déclaration émise par onze pays, dont le nôtre, s’engageant à réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre. Je partage votre souci d’équité : chacun doit prendre sa part à l’effort en matière climatique, celui-ci ne pouvant concerner que la seule Union européenne. L’élection américaine changera peut-être la donne à cet égard. Reste que l’Union européenne doit s’engager, pour cette décennie déterminante, sur la trajectoire qui lui permettra de tenir les engagements pris au travers de l’accord de Paris.

Nous attendons, au-delà de l’affichage d’un objectif chiffré, des avancées quant aux dispositifs et aux moyens qui permettront de l’atteindre.

Certes, le plan de relance et le budget pluriannuel de l’Union n’étaient pas officiellement inscrits au menu de ce Conseil, mais, de toute évidence, ces sujets étaient sous-jacents. En ce sens, nous sommes très attentifs au contenu du plan de relance massif programmé. En particulier, il est nécessaire d’augmenter le budget pluriannuel de l’Union à proportion de ces efforts de relance. Il s’agit là encore d’une volonté nettement affirmée par le Parlement européen. Si l’on veut éviter des coupes catastrophiques dans les politiques européennes, il faudra bien accroître substantiellement les ressources propres de l’Union, à côté des contributions des États. La taxe carbone aux frontières, la taxe Gafam, la taxe sur les transactions financières : autant de leviers qu’il nous faut actionner pour nous donner les moyens d’agir. Sur ce point, le Premier ministre a répondu positivement, la semaine dernière, au président de mon groupe, Guillaume Gontard. Ce Conseil européen a-t-il permis d’entrevoir des perspectives concrètes à cet égard ?

Qu’il s’agisse des plans de relance européen et nationaux qui se préparent ou des actions de transition verte qui s’annoncent, le Sénat, chambre des territoires, doit aussi relayer les attentes des élus locaux. Ce sont eux, ce sont elles qui savent le mieux investir au plus près des citoyens pour traduire en actions concrètes les mesures de transition. Nous sommes donc très attentifs au caractère décentralisé des efforts de relance : c’est dans la proximité qu’ils seront payants !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadège Havet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les 15 et 16 octobre, le Conseil européen a adopté ses conclusions sur les relations extérieures de l’Union européenne, sur la gestion de la crise sanitaire, sur les pourparlers avec le Royaume-Uni dans la perspective du Brexit et sur la redéfinition de nos ambitions climatiques. L’Europe est là, et bien là !

Les vingt-sept chefs d’État ou de gouvernement ont tout d’abord exprimé les inquiétudes que leur inspire la crise sanitaire en cours, alors que la deuxième vague de l’épidémie touche l’ensemble du continent. L’Irlande se reconfine : c’est une première pour un pays de l’Union européenne ; en France, un couvre-feu est mis en place, comme depuis lundi en Belgique, où tous les cafés et restaurants devront fermer pour au moins un mois. En Allemagne, l’épidémie connaît une nette accélération. En Espagne, des habitants sont appelés à rester chez eux. À Londres, et dans d’autres régions du Royaume-Uni, il est désormais interdit de recevoir chez soi des personnes extérieures au foyer. Une campagne de dépistage de tous les Slovaques de plus de dix ans va être lancée.

Notre continent paie un lourd tribut, avec plus de 250 000 décès. Dans ce contexte de crise sanitaire, la gestion collective de la pandémie s’est nettement améliorée ces derniers mois. Le Conseil européen a appelé à ce que ces efforts conjoints des États membres se poursuivent, ce que nous ne pouvons qu’approuver. L’Union est aujourd’hui au rendez-vous et apparaît, dans ce domaine aussi, comme l’échelon pertinent d’intervention pour lutter contre la pandémie. Pour être plus efficaces encore, il nous faut en effet mener, au niveau européen, des actions coordonnées sur la base des meilleures données scientifiques collectées selon une méthodologie commune, de la recherche transfrontières des contacts, des stratégies de dépistage, de la reconnaissance mutuelle des tests, de la restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’Union européenne.

À cet égard, je salue le travail du groupe Renew Europe, et plus particulièrement celui de notre collègue eurodéputée Véronique Trillet-Lenoir, qui a préfiguré l’adoption de recommandations par le Conseil des affaires générales du 13 octobre dernier, auquel vous avez participé, monsieur le secrétaire d’État. Nous saluons votre action décisive. Le recours à une seule et même cartographie du risque pour faciliter la prise de décisions communes, défendu par Renew Europe, est désormais effectif.

Ce combat, nous devons le mener côte à côte. Il en va de même de la lutte contre le réchauffement climatique, deuxième point à l’ordre du jour. Le Conseil européen a déclaré que « l’Union doit relever son niveau d’ambition pour la décennie à venir » en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une certitude : l’objectif actuel d’une réduction de 40 % de ces émissions est insuffisant pour nous permettre de tenir la trajectoire conduisant à la neutralité climatique en 2050.

Alors que la Commission a présenté, il y a un mois, un plan visant à une réduction d’au moins 55 % d’ici à 2030 des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, la décision sera finalement prise en décembre, pour les cinq ans de l’accord de Paris. Il nous faudra être au rendez-vous. Je reprends les propos tenus récemment par l’eurodéputé Pierre Karleskind : « Ne soyons pas défaitistes face à l’immensité de ce qui est devant nous. »

Alors, soyons ambitieux ! C’est bien le sens de l’amendement présenté par Pascal Canfin, président de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen. Adopté il y a deux semaines, il fixe un objectif de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre.

Ambitieux, il faudra l’être aussi pour nos pêcheurs dans les semaines à venir. S’agissant des futures relations entre l’Union et le Royaume-Uni, les négociations bloquent depuis plusieurs mois sur trois dossiers, et non des moindres : les conditions de concurrence et la gouvernance, la manière de régler les différends dans le cadre du futur accord et la pêche.

Sénatrice du Finistère, je voudrais insister sur cette dernière pierre d’achoppement. Le Président de la République l’a rappelé avec force, jeudi dernier, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait en début d’année : sur ce sujet, pas d’accord sans un bon compromis symétrique, pas d’accord sans visibilité. Le dossier de la pêche est fondamental pour la France, en raison de l’activité des pêcheurs de ses ports du Nord-Ouest dans les très poissonneuses eaux britanniques.

Il semble toutefois que les Britanniques auraient plus à perdre que l’Union européenne à sacrifier la conclusion d’un accord global au motif de retrouver leur souveraineté sur leurs eaux, sauf, peut-être, à ce qu’ils concluent des accords de pêche bilatéraux avec d’autres États, comme ils viennent de le faire avec la Norvège. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Rappelons par ailleurs que, en cas de no deal, le Royaume-Uni n’aura plus accès au système européen de l’énergie, ce qui lui coûtera plus d’un milliard d’euros par an. Londres se verra également réimposer des droits de douane et des quotas, fortement préjudiciables à son économie.

Nos pêcheurs ont conscience que la situation ne sera pas la même à l’avenir qu’aujourd’hui. Il nous faudra les accompagner, et le soutien de l’Union européenne sera absolument nécessaire dans cette perspective. Cette évolution vient en effet s’ajouter aux conséquences économiques de la crise de la covid-19, ainsi qu’à des réglementations complexes et parfois contestées.

Pas d’accord sans un bon compromis, pas d’accord sans visibilité, sans respect dans la durée : je l’ai dit, ce sera tout l’enjeu des échanges à venir. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous en direz peut-être plus à propos de la dernière actualité des négociations.

En parlant d’Europe unie, nous nous félicitons de ce que les ministres européens de l’agriculture soient parvenus à un accord sur la nouvelle politique agricole commune, prévoyant des mesures environnementales fortes pour tous les États membres.

M. Alain Richard applaudit.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’évoquerai à mon tour la pêche.

À l’approche de l’échéance du 31 décembre, la question des relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne était une nouvelle fois inscrite à l’ordre du jour du dernier Conseil européen.

Vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil a pris acte de l’insuffisance des progrès pour parvenir à un accord, s’agissant en particulier des conditions équitables de concurrence, de la gouvernance et de la pêche.

Comme l’a souligné notre collègue Verzelen, une chose est claire : les pêcheurs ne doivent en aucun cas constituer une variable d’ajustement.

Eu égard à la longueur de nos façades maritimes, l’économie côtière est fondamentale pour notre pays et la dynamique de nombreux territoires français en dépend : c’est une évidence.

En outre, la volonté du Gouvernement de soutenir un objectif de souveraineté alimentaire – mon groupe appelle de ses vœux depuis longtemps la fixation d’un tel objectif – doit impérativement prendre en compte le secteur de la pêche, au titre de la diversité agricole.

C’est pourquoi je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, de votre engagement de faire figurer la pêche tout en haut de vos priorités. Il faut parvenir à un accord donnant-donnant.

D’un côté de la Manche, nos pêcheurs doivent pouvoir accéder aux eaux territoriales britanniques pour que leur activité reste économiquement viable ; de l’autre, nos amis Britanniques ont besoin de pouvoir accéder au marché européen pour écouler leurs produits : faut-il le leur rappeler ?

Dans ces conditions, il faut refuser l’annualisation de l’accès aux eaux britanniques. Cette formule est même un non-sens économique, en ce qu’elle interdirait tout investissement, faute de visibilité d’une année sur l’autre. Elle ouvrirait la porte à une insécurité économique insoutenable pour nos pêcheurs.

La pêche est un métier difficile, parfois dangereux, mais exercé avec passion. Je vous laisse imaginer le chaos qu’induirait la conclusion d’un mauvais accord. La France, avec les huit autres États membres concernés, doit tenir le cap d’une répartition juste des quotas d’espèces et d’un accès aux eaux réciproque et équitable.

L’échéance approche : le 31 décembre, c’est demain. Disposez-vous d’un plan B en cas de désaccord ? J’aimerais obtenir une réponse sur ce point.

Pour lutter contre le changement climatique, l’agriculture et la forêt représentent une partie de la solution. Trop souvent, l’agriculture est perçue comme une activité émettrice de gaz à effet de serre ; elle l’est, en effet, mais elle est aussi l’un des principaux leviers à actionner pour lutter contre le réchauffement climatique, notamment par l’engagement dans l’agroécologie.

À ce titre, je souhaite évoquer les discussions sur la PAC post-2020, dont les derniers développements vont dans le bon sens. Je salue en particulier la proposition de mettre en place des « écorégimes ». Réserver une part des aides directes aux agriculteurs qui font des efforts en matière de développement durable est une nécessité. Depuis plusieurs années, un grand nombre de nos agriculteurs se sont engagés dans la transition écologique, que nous ne devons pas craindre d’accélérer. Notre pays ne sera pas le plus pénalisé par des normes écologiques plus contraignantes, car il est préparé. En revanche, cette évolution contraindra certains États membres à réagir, en particulier ceux qui exercent une forme de dumping en laissant leurs agriculteurs cultiver le moins-disant environnemental.

C’est pourquoi j’adhère à cette nouvelle ambition formulée pour la PAC, et, dans ce cadre, je soutiens la position du Gouvernement de porter à 30 % le niveau des aides directes conditionnées au respect des mesures en faveur de l’écologie. J’y adhère d’autant plus qu’elle rejoint les stratégies de l’Union européenne concernant la biodiversité et celle « de la ferme à la table », qui sont au cœur du Pacte vert.

À propos de ces stratégies, monsieur le secrétaire d’État, où en est le travail de la Commission sur l’élaboration d’un étiquetage nutritionnel harmonisé et d’un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables couvrant les aspects nutritionnels, climatiques, environnementaux et sociaux des produits alimentaires ?

C’est aussi parce que l’agriculture a un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique que nous devons accepter le verdissement de la politique agricole commune.

Alors oui, comme le souligne le Conseil européen dans ses conclusions, nous devons examiner avec intérêt l’objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Ce cap doit cependant être partagé collectivement par les États membres, voire, autant que possible, au-delà des frontières de l’Union européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérémy Bacchi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le récent Conseil européen a inscrit à son ordre du jour la problématique du manque de coordination des États membres dans la gestion de la pandémie de covid-19. Dans ce contexte sanitaire, le sujet ne pouvait être évité, bien que l’Union européenne n’ait, pour l’heure, aucune compétence en matière de santé.

Les questions relatives au changement climatique, ainsi qu’à l’ambitieux objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, figuraient également à l’ordre du jour.

Sans nier l’importance majeure de ces sujets, le groupe CRCE s’étonne et regrette que la résurgence du conflit dans le Haut-Karabakh entre Arméniens et Azerbaïdjanais n’ait pas été abordée, d’autant que, dimanche dernier, les deux camps se sont accusés mutuellement d’avoir violé une nouvelle trêve humanitaire, à peine une semaine après un premier cessez-le-feu, conclu mais jamais respecté.

Les combats se poursuivent donc sur ce territoire où l’on compte déjà des centaines de morts et des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes affectées par le conflit, directement ou indirectement, et jetées sur les routes de l’exil.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas d’un fait mineur : la paix est menacée aux portes de l’Europe, et j’aimerais dire ici toute ma solidarité aux familles endeuillées, qui continuent de fuir les bombardements, laissant tout derrière elles.

Compte tenu de ses relations avec l’Azerbaïdjan et l’Arménie, mais aussi de son implication dans le groupe de Minsk, la France ne peut que s’inquiéter de ces évolutions périlleuses qui éloignent la perspective d’une résolution pacifique du conflit.

À quand une reconnaissance officielle par la France de la république d’Artsakh, en lieu et place de la représentation permanente installée en 1998 ? À quand une reconnaissance par l’Union européenne, qui a fait du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes un principe fondamental ? Nous estimons qu’une telle reconnaissance officielle constitue aujourd’hui le seul moyen de parvenir à une paix durable dans une zone instable depuis le fragile cessez-le-feu de mai 1994.

Je m’interroge, monsieur le secrétaire d’État : dans ce contexte sanglant, comment expliquer aux Arméniens et aux Karabakhiotes que l’Union européenne poursuive ses discussions avec la Turquie dans le cadre de l’accord sur la crise des réfugiés et celles avec l’Azerbaïdjan sur la révision de l’accord de coopération de 1996 ? Comment comprendre les récentes déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, selon lesquelles, sur les dossiers chypriote, libyen et artsakhi, des sanctions contre Ankara sont « prêtes et peuvent être utilisées immédiatement » ?

Par ailleurs, dans le cadre offert par le groupe de Minsk, le strict respect des principes de Madrid de 2007 permettrait d’organiser à la fois un processus d’autodétermination sécurisé par une opération de maintien de la paix et le retour de plus d’un million de déplacés artsakhis, arméniens et azéris.

Dans l’urgence de la situation, une question simple se pose : quelle est l’approche de l’Union européenne pour que les cessez-le-feu soient enfin respectés, notamment afin que puissent être dispensés les soins et l’aide aux populations civiles ?

Selon nous, l’assistance civile, l’appui concret à la mise en œuvre d’un cessez-le-feu et la reconnaissance officielle de la république d’Artsakh sont aujourd’hui les seules solutions pour aboutir à une résolution pérenne du conflit. Il est regrettable que l’Union européenne ne soit pas à la hauteur de l’enjeu, eu égard à la catastrophe humanitaire qui se déroule devant nos yeux.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très honoré d’intervenir ce soir, en tant qu’orateur du groupe Union Centriste, bien sûr, mais aussi en ma qualité de président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je souhaite pouvoir m’exprimer systématiquement en une telle occasion, dès lors que l’ordre du jour du Conseil européen comportera des questions relevant de la compétence de notre commission.

Nous le savons, un très grand nombre de défis environnementaux doivent être relevés à l’échelon européen. C’est, bien sûr, le cas de la lutte contre le changement climatique et de l’élaboration de la future loi climat, laquelle s’inscrira nécessairement dans le cadre des orientations qui auront été décidées au niveau européen.

J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le vote historique intervenu en la matière au Parlement européen le 6 octobre dernier, a fixé pour 2030 un objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre de 60 % par rapport à 1990, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

D’aucuns jugent cet objectif irréaliste ; d’autres s’en réjouissent. La présidente de la Commission européenne, nous le savons, défend un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Certains États sont encore très réticents et demandent de nouvelles évaluations de l’impact d’une telle évolution.

De ce point de vue, l’issue du Conseil européen n’est pas une surprise : la fixation du nouvel objectif de réduction des émissions pour 2030 est reportée ; il sera discuté lors du prochain Conseil de décembre, à la veille du cinquième anniversaire de l’accord de Paris.

On ne peut que se réjouir, cependant, que les conclusions de ce Conseil aient explicitement pris acte qu’il était nécessaire de relever l’ambition climatique pour la décennie à venir. Cela signifie que plus personne ne se satisfait d’un objectif de 40 % de réduction des émissions et fait peser sur le rendez-vous de décembre une exigence de taille : il s’agira, en quelque sorte, du Conseil de la dernière chance pour rehausser le niveau d’ambition de l’Union européenne. La France s’est publiquement exprimée, dans une déclaration conjointe avec onze autres États, en faveur d’un objectif de réduction d’au moins 55 %.

Le Conseil européen a également rappelé, dans ses conclusions, l’importance de mener une action forte et coordonnée, de mettre en œuvre une diplomatie européenne en matière de climat en vue d’unir nos forces sur la scène mondiale pour continuer à faire progresser la cause de la lutte contre le changement climatique. Cela est primordial, car, qu’il s’agisse de la crise sanitaire que nous traversons ou de la catastrophe naturelle que viennent de connaître les Alpes-Maritimes, tout nous rappelle qu’il y a urgence à agir.

Septembre 2020 a été le mois de septembre le plus chaud jamais enregistré dans le monde ; il y a urgence.

Le climat de notre planète s’est déjà réchauffé de plus de 1 degré et il gagne encore, en moyenne, 0, 2 degré par décennie depuis la fin des années 1970 ; il y a urgence.

Les climatologues relèvent que les événements climatiques extrêmes sont devenus une nouvelle normalité. « Désormais, aucun endroit ni aucun d’entre nous n’est à l’abri du changement climatique », nous prévient le climatologue américain Michael Mann, de l’université de Pennsylvanie ; il y a urgence.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’implique et s’impliquera dans la définition des orientations qui seront prises lors du prochain Conseil européen ; elle apportera toute sa part à l’élaboration de solutions en vue de réduire l’empreinte environnementale et climatique de notre économie. Nous l’avons récemment fait au travers d’une mission d’information et du dépôt, par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, d’une proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental du numérique. Nous continuerons à combler ces angles morts de nos politiques publiques, en étant force de proposition pour une transition durable de notre économie.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Brexit a montré que, même après avoir tissé des liens de solidarité et d’interdépendance pendant plus de cinquante ans, si l’envie d’être ensemble fait défaut, cela ne tient plus. Nous devons mettre cette observation au cœur de nos préoccupations lorsque nous développons de nouveaux instruments financiers.

Même si l’on considère que l’accord du 21 juillet est quasiment miraculeux, ces instruments ne suffiront pas à construire une Europe politique. Même après cet accord, il n’y aura pas de moment fédéral sans capacité et volonté politiques d’aller plus loin.

Le Conseil européen de la semaine passée a abordé énormément de sujets, mais n’a pas fait la « une » des journaux. Concernant le Brexit, on est toujours dans l’incertitude : les Britanniques veulent-ils partir sans accord ou usent-ils simplement d’une tactique de négociation quelque peu brutale ?

Concernant le cadre financier pluriannuel, alors que sa mise en œuvre est urgente et que la pandémie reprend de la vigueur, les remarques du Parlement européen sur les propositions avancées et sur l’accord actuel apparaissent mériter des réponses pertinentes.

S’agissant du G reen D eal, si l’on doit saluer la volonté de la Commission européenne de relever l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l’horizon 2030 par rapport à 1990, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut tout de même constater que l’on n’a pas beaucoup avancé sur la définition des moyens d’y parvenir…

En outre, il faut veiller, lorsque l’on se fixe un tel objectif, à ce que les émissions de gaz à effet de serre ne soient pas transférées hors du territoire de l’Union européenne à travers l’importation de biens. C’est exactement ce qui s’est passé en France : nous avons réduit nos émissions, mais celles des pays où sont produits les biens que nous importons ont augmenté quasiment dans la même mesure !

Enfin, le pacte migratoire ne résout rien : on a changé les noms, mais on ne change pas de politique.

Du fait de toutes ces incertitudes, il est difficile à l’Union européenne de parler le langage de la puissance.

Monsieur le secrétaire d’État, concernant le Brexit, pouvez-vous nous dire si nous disposerons des outils pour faire respecter, même en l’absence d’accord sur la relation future, l’accord de retrait, déjà mis à mal par le gouvernement britannique, en particulier pour assurer le respect des droits des Britanniques qui vivent dans l’Union européenne et des ressortissants de l’Union européenne qui continueront à vivre au Royaume-Uni, notamment en matière de permis de séjour et de continuité des droits sociaux ? Quelle sera, à terme, la place de la Cour de justice de l’Union européenne dans le contrôle du respect de l’accord de retrait, s’il n’y a pas d’accord sur la relation future ?

L’accord du 21 juillet constitue un nouvel instrument de financement des politiques européennes, mais il est en réalité aussi un symbole : depuis février 2020, plus de 70 % des obligations souveraines émises par les États membres ont été rachetées par la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, 750 milliards d’euros sur les prochaines années, c’est moins que ce que prévoit le programme de Joe Biden pour chaque année de la décennie à venir. Comment, dès lors, faire le poids face aux États-Unis ou à la Chine, qui vont mobiliser beaucoup plus d’argent que nous, alors que nous semblons avoir déjà atteint le maximum de nos capacités ?

En outre, depuis quelques années déjà, les ressources propres de l’Union européenne baissent : elles représentent moins de 30 % des ressources totales et cet état de fait ne pourra que s’accentuer si l’on augmente de cette manière les financements européens.

Or on constate qu’une partie des nouvelles dépenses, celles qui n’entreront pas directement dans le cadre financier pluriannuel, vont financer des politiques nationales, au risque d’entraver la convergence entre les pays. Certains auront les moyens d’aider leurs entreprises, d’autres beaucoup moins. Un tel risque de décrochage entre en totale contradiction avec la convergence qui a toujours été recherchée au travers des politiques européennes.

Monsieur le secrétaire d’État, si l’on veut pérenniser ces nouveaux outils, dont nous saluons la création, il faut renforcer les ressources propres. À défaut, il s’agira d’un one shot et l’on aura cassé la dynamique. Si nous voulons que le succès du 21 juillet ait un lendemain, il faut absolument trouver de nouvelles ressources propres et faire en sorte que l’Union européenne puisse continuer à être crédible sur ce plan.

Vous nous direz également comment vous envisagez de sortir de la problématique de l’État de droit. Personne n’est parfait dans l’Union, beaucoup d’États se voient infliger des condamnations par la Cour de justice de l’Union européenne. Quels critères objectifs retenir à cet égard ?

Il faut, bien entendu, défendre l’intérêt financier de l’Union ; c’est d’abord le rôle du parquet européen. Il serait nécessaire, à mon sens, d’insister auprès des pays connaissant des problématiques de corruption pour qu’ils luttent contre le mauvais usage des fonds européens. Au cours d’un récent déplacement en Hongrie, nous avons pu entendre des témoignages de responsables de collectivités locales. Il est indispensable que nous puissions disposer des moyens de mieux suivre l’emploi des fonds européens. Il est regrettable, à cet égard, qu’un pays comme la Hongrie ne soit pas partie prenante au parquet européen.

Sur la question migratoire, on nous a annoncé la suppression de la procédure Dublin ; c’est très bien, mais la responsabilité du pays de premier accueil restera. Sur un tel sujet, alors qu’il existe tellement de différences de pratiques entre les États, il me semble que nous devrions essayer d’avancer à quelques-uns. Créons, avec l’Allemagne et quelques autres pays, une cour européenne du droit d’asile, pour que les rejets ou les acceptations des demandes d’asile puissent être reconnus entre ces pays. Cela permettrait de fluidifier la mise en œuvre des principes et d’avancer en donnant confiance à ceux qui ne veulent pas bouger.

S’agissant de l’espace Schengen, nous avons constaté que la pandémie a mis à mal le respect de ses principes, avec le retour de contrôles aux frontières tout à fait scandaleux et inappropriés. La crise sanitaire a montré que notre espace de libre circulation n’était absolument pas au niveau ; il convient de le faire évoluer.

Concernant les relations extérieures, je pourrais reprendre mot pour mot les propos de notre collègue Jérémy Bacchi sur l’agression azérie au Haut-Karabakh. L’implication de l’Union européenne est nécessaire pour faire cesser ce drame humanitaire.

Quelles actions seront entreprises pour protéger les manifestants victimes de violences en Biélorussie ? Avec qui nous allons négocier en Afrique ? Avec l’Union africaine, qui n’a pas les mêmes compétences que l’Union européenne ? Avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ? Avec les différents pays africains ? Comment parvenir à établir une relation qui ne soit pas déséquilibrée ?

Vous nous direz, peut-être, monsieur le secrétaire d’État, quelle place peuvent tenir, selon vous, les parlements nationaux dans le débat sur l’avenir de l’Europe. Les parlements nationaux disposent de la souveraineté budgétaire ; si nous voulons dégager de nouvelles ressources propres pour l’Union, il est absolument indispensable qu’ils soient au cœur du débat sur l’avenir de l’Europe, car ils sont seuls en mesure de faire évoluer la situation sur ce plan. C’est une question essentielle !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, gestion de l’épidémie, Brexit, tensions avec la Turquie : l’ordre du jour du Conseil européen qui s’est tenu la semaine dernière ne manquait pas de dossiers brûlants.

Je souhaite revenir sur l’un point qui y figurait : la lutte contre le changement climatique. Atteindre la neutralité carbone en 2050, comme s’y est engagée l’Union européenne dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, nécessite de revoir à la hausse notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Qu’il soit de moins 55 % par rapport au niveau de 1990, comme le propose la Commission, ou de moins 60 %, comme le souhaite le Parlement européen, cet objectif est dans tous les cas extrêmement ambitieux, et son atteinte nécessite de redoubler d’efforts. Il est un fait que si nous sommes souvent très volontaires quand il s’agit de nous fixer des objectifs ambitieux, nous sommes un peu moins performants lorsqu’il s’agit de les tenir.

Je rappelle, pour ne citer que l’exemple français, que notre pays n’est pas à la hauteur des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris, engagements qui ont été traduits au plan national par la stratégie bas-carbone.

En effet, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 0, 9 % l’année dernière, alors qu’elles auraient dû baisser de 1, 5 %. Nous sommes donc loin de ces objectifs, sachant que, à partir de 2024, cette baisse est supposée atteindre 3, 2 % par an. Il nous faut donc impérativement accélérer le rythme de réduction de nos émissions, comme le Haut Conseil pour le climat le souligne d’ailleurs dans son rapport annuel publié le mois dernier.

Dans le cadre du plan d’investissements du Pacte vert pour l’Europe et du plan de relance européen, qui sera financé par de la dette commune, l’Union européenne entend mobiliser des moyens considérables pour assurer la transition de son économie.

En additionnant les moyens du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et la nouvelle capacité d’emprunt en commun, l’Union européenne disposera, ces prochaines années, de 1 850 milliards d’euros pour financer ses politiques. Il est prévu qu’au moins 30 % de cette capacité financière soit consacrée aux dépenses liées au climat, les autres dépenses devant respecter le principe consistant à ne pas nuire à l’environnement. Au regard des défis auxquels notre continent fait face et des besoins colossaux en l’investissement, nombreux sont ceux qui considèrent que ce montant est insuffisant.

De même, plusieurs questions se posent s’agissant de l’utilisation de ces moyens : selon quels critères seront-ils utilisés ? Comment distinguer des projets qui concourent réellement à cette transition ? Comment s’assurer que cette manne financière viendra bien financer des investissements verts ? Et à quel rythme pourra-t-elle être débloquée ?

Nous sommes par ailleurs en attente, monsieur le secrétaire d’État, d’une véritable stratégie européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports. En effet, les stratégies relatives à la transition agricole et à la transition énergétique ont été récemment publiées.

Les transports sont, au niveau européen, le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. En France, il s’agit même du premier secteur émetteur, qui contribue à près de 30 % de nos émissions totales, et c’est le seul secteur dont les émissions, au lieu de diminuer, ont augmenté depuis 1990.

La majorité de ces émissions sont liées au transport routier. Comme le souligne la Commission européenne dans sa communication du 17 septembre sur les ambitions de l’Europe en matière de climat pour 2030, ce secteur pourrait enregistrer une diminution de ses émissions d’environ 20 % seulement entre 2015 et 2030, ce qui nécessite qu’il fasse l’objet d’une attention accrue.

Or, en dehors de quelques mesures prises par l’Union européenne, par exemple en matière de normes d’émissions des véhicules particuliers et des poids lourds, on peine à trouver au niveau européen un plan d’action ambitieux en faveur de la décarbonation des transports. Pourtant, les investissements réalisés ne manquent pas.

À quand, monsieur le secrétaire d’État, un grand plan d’investissement européen en faveur des transports publics et des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes ?

C’est peu dire que la stratégie pour une mobilité durable et intelligente que la Commission européenne entend bâtir ces prochains mois est importante. Elle devrait permettre d’aller plus loin dans le soutien à la conversion du parc automobile, au développement des carburants alternatifs, au développement des transports publics et, plus généralement, au report modal.

En ce qui concerne les transports maritimes, un mouvement de verdissement est d’ores et déjà engagé, au travers notamment du développement de navires à propulsion au gaz naturel liquéfié, ou GNL. Pour autant, de gros efforts restent à fournir pour réduire les importantes émissions de CO2, d’oxyde d’azote, d’oxyde de soufre et de particules fines des navires et développer les carburants alternatifs.

La Commission européenne et le Parlement souhaitent par ailleurs inclure le transport maritime au sein du marché carbone – Jean-François Husson l’a souligné précédemment. Quelle est la position de la France sur cette proposition, monsieur le secrétaire d’État ?

En matière de transport aérien, les engagements pris avant la crise sanitaire continuent pour l’heure d’être suivis par les compagnies aériennes et les aéroports. En juin 2019, plus de 200 aéroports européens ont signé la résolution du Conseil international des aéroports, ou ACI, s’engageant dans une feuille de route visant à atteindre l’objectif zéro émission nette de CO2 au plus tard en 2050. Airbus s’est fixé comme objectif d’être le premier constructeur à proposer, en 2035, l’avion à hydrogène.

Néanmoins, le secteur mettra des années à retrouver son activité de 2019, et le choc économique lié à la crise sanitaire risque que de remettre en question ces objectifs. Quelle politique européenne est-elle envisagée pour soutenir les objectifs de décarbonation du secteur aérien, monsieur le secrétaire d’État ?

Il reste beaucoup de chemin parcourir pour assurer cette décarbonation du secteur des transports. La crise que nous connaissons est l’occasion d’accélérer cette transition en investissant massivement dans les solutions bas-carbone. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que l’Union européenne soit au rendez-vous de ce défi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Fournier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parmi les sujets traités dans le cadre de ce Conseil européen, j’évoquerai deux points qui sont complémentaires de l’intervention de mon collègue Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : les négociations entre Londres et Bruxelles et les évolutions dans la gestion de la crise sanitaire mondiale que nous vivons.

Depuis que le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne, les pourparlers entre Londres et Bruxelles pour un accord de libre-échange qui entrerait en vigueur à la fin de la période de transition patinent, et l’échéance se rapproche dangereusement.

Je souhaite rappeler que, pour la pêche, une absence d’entente au 31 décembre prochain se traduirait par la fermeture immédiate des eaux britanniques aux pêcheurs de l’Union européenne, et réciproquement, par l’absence de quotas de pêche partagés et par le retour possible de nouveaux conflits d’usage entre les flottilles françaises, belges et néerlandaises dans la zone de pêche largement amputée au niveau de la Manche.

Très dépendante de la future négociation, la filière pêche française sera lourdement menacée par une absence de traité et d’accès réciproque dans les eaux territoriales. Entre 2011 et 2015, quelque 98 000 tonnes de poissons ont été pêchées chaque année dans les eaux territoriales britanniques, entraînant 171 millions d’euros de chiffre d’affaires et 2 566 emplois directs. Nous sommes en vision no deal : englober la pêche dans un accord global de libre-échange reste un réel contrepoids dans les négociations.

Quelque trente ports français sont concernés par cette dépendance. Permettez-moi, pour illustrer mon propos, de prendre l’exemple de mon territoire, les Hauts-de-France, deuxième région la plus fortement touchée.

Le port de Boulogne-sur-Mer est le premier port de pêche français en termes de tonnage – 36 000 tonnes par an. On y traite 360 000 tonnes de produits de la mer chaque année. Sa logistique d’approvisionnement et de distribution et sa capacité frigorifique sont sans équivalent pour la filière. Boulogne-sur-Mer est une plateforme logistique agroalimentaire leader en France et en Europe.

Ne devrions-nous pas mieux anticiper la crise par plusieurs dispositifs, par exemple en assouplissant le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, afin de pouvoir l’utiliser comme un fonds d’urgence de soutien du secteur, ou en mettant en place un plan stratégique pour l’avenir de la pêche européenne, afin de nous préparer à la recherche de marchés de substitution en cas de barrières douanières trop importantes avec le Royaume-Uni ?

J’en viens au sujet des échanges. Le port de Calais assure chaque année le transport de 10 millions de voyageurs, mais aussi de 44 millions de tonnes de marchandises sur la ligne de ferry Calais-Douvres. C’est un poumon économique pour notre territoire.

L’Union européenne doit se doter d’un accord de libre-échange ambitieux. S’il souhaite maintenir des relations commerciales sans quotas ni droits de douane, le Royaume-Uni doit s’engager à actualiser ses règles en matière de concurrence, de normes de travail et de protection environnementale, afin d’éviter tout risque de dumping social et fiscal aux portes de l’Europe.

Permettez-moi à présent d’aborder un dossier tout particulier : la concession franco-britannique Eurotunnel, filiale de Getlink, qui assure 26 % des échanges entre le Royaume-Uni et le continent européen, soit un peu plus de 138 milliards d’euros de marchandises et 21 millions de passagers par an.

L’Union européenne a encouragé la France à négocier un avenant au traité de Canterbury, pour faire en sorte que le tunnel reste sous l’égide du droit européen et de la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne en cas de litige. Qu’en est-il de cette concertation, monsieur le secrétaire d’État ?

Je souhaite terminer par un point positif en rapport avec la crise sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Fournier

Je termine, monsieur le président.

Nous ne pouvons que nous féliciter des progrès réalisés jusqu’à présent en ce qui concerne la coordination générale au niveau de l’Union européenne, y compris la recommandation relative à une approche coordonnée de la restriction de la libre circulation. Cette coordination doit être poursuivie.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat du réchauffement climatique et de la destruction des espaces naturels est réel. Les citoyens européens nous interpellent, nous, les élus, sur la nécessité d’agir pour la planète, pour l’humanité et pour les générations à venir.

L’Union européenne a compris la nécessité de bâtir un modèle économique viable en tenant compte de l’urgence climatique.

Pourtant, l’action européenne en faveur du climat a été évoquée au Conseil européen des 15 et 16 octobre sans que soit arrêtée de position concernant la révision de l’objectif de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon de 2030, objectif qui s’intègre dans la stratégie de l’Union européenne en vue d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050. Ce n’est pas une surprise, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous aviez indiqué lors du débat préalable au Conseil que ce point ne serait pas tranché avant le Conseil européen de décembre.

Les conclusions des 15 et 16 octobre confirment bien la volonté de convenir lors du Conseil européen de décembre, à la fois d’un nouvel objectif de réduction des émissions pour 2030 plus ambitieux, mais aussi de l’actualisation de la contribution déterminée au niveau national de l’Union européenne, actualisation qui sera adressée aux parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique.

Bien que la cible finale pour l’horizon 2030 ne soit pas précisée, les conclusions se réfèrent à la proposition présentée par la Commission européenne de réduire d’au moins 55 % les réductions d’émissions d’ici à 2030. Ma première question est donc la suivante, monsieur le secrétaire d’État : cela signifie-t-il que, dès aujourd’hui, la position adoptée par le Parlement européen le 6 octobre à une courte majorité de relever cet objectif à 60 % est jugée hors de portée, donc exclue pour le Conseil européen ?

Ce nouvel objectif pour 2030 sera atteint collectivement par l’Union européenne, ce qui implique des différences et une solidarité entre les États dans une logique d’équité et de maîtrise des coûts. Cette nouvelle ambition va nécessiter des investissements importants ; comme le souligne l’étude d’impact de la Commission européenne, elle aura des impacts sectoriels significatifs et représentera des enjeux d’ampleur variable suivant les États membres.

Il est donc nécessaire de fixer un cap, mais également d’accompagner les économies des États membres dans cette transformation profonde, afin que les citoyens européens n’en soient pas victimes in fine. Le Conseil européen – je souhaite saluer cette décision – a appelé la Commission à mener des consultations approfondies avec les États membres, afin d’évaluer les situations spécifiques et de fournir davantage d’informations sur les répercussions de ce nouvel objectif à l’échelon des États membres.

À ce stade, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur l’état des réflexions et des rapports de force au sein du Conseil européen, à la fois sur l’ambition révisée, mais aussi sur le niveau acceptable ou souhaitable de solidarité entre les États pour y parvenir. Compte tenu des premiers échanges intervenus avec la Commission, pouvez-vous également d’ores et déjà nous éclairer sur l’impact prévisionnel d’un tel rehaussement pour la France ?

Enfin, les conclusions du Conseil des 15 et 16 octobre évoquent la nécessité de prévenir le risque de fuite carbone – vous l’avez évoqué. C’est un sujet auquel le Sénat est particulièrement sensible.

Il est essentiel de mettre en place rapidement un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, afin de préserver des conditions équitables de concurrence entre les entreprises européennes et les autres, mais aussi de répondre à cet enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui a une portée mondiale.

L’Europe ne doit pas se montrer naïve en la matière. Ces débats prouvent bien, comme l’avait affirmé le Sénat dans son avis motivé relatif à la loi européenne sur le climat, que la définition de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas un élément technique ni mécanique : elle revêt un caractère éminemment politique et doit être pleinement acceptée par les États membres pour être mise en œuvre avec succès.

Les enjeux d’une telle décision sont lourds en termes économiques et sociaux, technologiques et industriels, mais aussi en termes d’aménagement du territoire dans chacun des États membres ; il ne faut pas se le cacher.

Je me félicite donc de ce que la dernière position de compromis sur la loi européenne sur le climat, présentée par la présidence allemande en vue du Conseil « Environnement » du 23 octobre, écarte la voie du recours aux actes délégués entre 2030 et 2050 et retienne en contrepartie le principe d’un objectif intermédiaire à l’horizon de 2040. Tel était le point dur de l’avis motivé du Sénat.

L’urgence est toutefois de parvenir à mettre en œuvre de manière concrète et efficace les instruments du cadre financier pluriannuel et du plan de relance, notamment en vue d’accompagner les défis économiques, sociaux et territoriaux de la lutte contre le changement climatique dans un contexte économique profondément dégradé par la crise de la covid-19.

La lutte contre le changement climatique est l’une des matrices structurantes de ce nouveau cadre financier pluriannuel et du plan de relance. Plus l’Europe prend du retard dans leur mise en œuvre, plus il lui sera difficile d’atteindre un objectif rehaussé de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions satisfaisantes.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite moi aussi évoquer le thème du changement climatique abordé à l’occasion du dernier Conseil européen.

Dans le contexte actuel, la question qui me semble la plus fondamentale est la suivante : comment faire de l’Union européenne un outil stratégique pour écrire la prochaine page de la mondialisation ? L’Europe peut saisir cette opportunité pour redonner un sens à la mondialisation.

Le Sénat a fait des propositions, monsieur le secrétaire d’État. Au début de l’année 2020 – vous n’étiez pas encore au Gouvernement –, le Sénat a adopté une résolution demandant au Gouvernement de porter au niveau de l’Union européenne un projet de barrière écologique aux frontières. Ce projet vise un double objectif : économique, par la restauration de la compétitivité de nos entreprises et de nos agriculteurs soumis à des normes beaucoup plus exigeantes que leurs partenaires commerciaux ; et écologique, par la taxation des produits provenant des pays s’affranchissant de toute réglementation environnementale.

Je crois à l’échange, à la force de nos entreprises, à la compétence de nos salariés et de nos agriculteurs et à l’excellence de leur savoir-faire. Mais, pour que cette liberté d’échanger ait un sens, il faut que les règles soient les mêmes pour tous et que nous remettions de l’équité et de la réciprocité dans les échanges internationaux.

Pour que l’écologie et la lutte contre le dérèglement climatique soient non pas dogmatiques, mais pragmatiques et durables, pour qu’elles protègent nos emplois, la mise en place de cette barrière écologique semble essentielle.

Nous avons besoin d’actes réels. Trop souvent, les politiques publiques environnementales peuvent sembler inconsistantes. C’est d’autant plus vrai lorsqu’elles sont européennes : les objectifs sont soit fixés à très long terme et ne nous engagent pas réellement, soit fixés à court terme et irréalistes, discréditant ainsi la parole publique. En matière de climat et d’énergie, nos objectifs doivent être réalisables et ils doivent respecter une règle simple : arrêtons de créer des usines à gaz trop sophistiquées.

Conformément aux objectifs de l’accord de Paris, l’Europe – tout le monde en est d’accord – doit s’engager sur un objectif de neutralité carbone ou neutralité climatique à l’horizon 2050. La Commission a estimé qu’il fallait rehausser les objectifs climatiques européens pour 2030, car les politiques actuelles ne permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de 60 % d’ici 2050. Mais quelle ambition et quelles mesures concrètes ?

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite également évoquer le sujet de l’agriculture, si stratégique pour l’Europe, en particulier pour la France.

La stratégie « De la ferme à la table » présentée par la Commission porte sur l’ensemble des stades de la chaîne alimentaire. Elle comporte notamment des mesures législatives pour une diminution de l’utilisation des pesticides, des mesures favorisant l’augmentation des surfaces consacrées à l’agriculture biologique et des actions visant à aider les consommateurs à opter pour une alimentation saine et durable.

Notre agriculture, ne l’oublions pas, est toutefois l’une des plus vertueuses au regard des normes et des standards. Nous avons la chance d’avoir une agriculture forte : elle doit le rester.

La PAC doit évoluer pour simplifier la vie de nos agriculteurs. Vous avez annoncé dans votre propos liminaire que le niveau de la PAC sera stabilisé, notamment le premier pilier, et que des écorégimes seraient créés, afin d’éviter les distorsions de concurrence pour nos agriculteurs.

Sachez que nous serons particulièrement vigilants sur ce point, car nous avons besoin de l’agriculture pour l’écologie : les agriculteurs concourent largement à la diversité biologique par l’élevage, par la variété des cultures et par l’entretien de nos paysages. Nos agriculteurs ont besoin du soutien de l’Europe, monsieur le secrétaire d’État.

Enfin, dans tous les pays européens nous devons bâtir des approches territoriales et proposer une adaptation des politiques publiques à la lutte contre le changement climatique. Il faut donc passer à l’action dans les territoires et faciliter le dialogue entre l’État, les corps intermédiaires et les élus locaux. Cela suppose que l’Europe soit moins technocratique et plus proche des citoyens. Sur ce point aussi, monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur vous.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de féliciter le président Rapin – nous sommes tous deux, pour cet échange européen, dans une configuration inédite –, ainsi que le président Bizet, dont je salue le travail accompli pendant de longues années en tant que président de la commission des affaires européennes. Il se trouve que dans une autre vie européenne, le président Bizet et moi-même avons échangé très régulièrement et, j’ose le dire, très amicalement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai de répondre aux diverses questions que vous m’avez posées, en espérant n’oublier aucun des points que vous avez soulignés.

Monsieur Pascal Allizard, la question de la sécurité et de la défense avec le Royaume-Uni est éminemment importante. Nous allons fêter les dix ans des accords de Lancaster House au début du mois de novembre prochain ; vous l’avez rappelé. Le maintien d’un cadre de coopération bilatérale de sécurité et de défense prioritaire est impératif pour la France, comme, je le crois, pour le Royaume-Uni.

Comme vous l’avez rappelé, le Royaume-Uni est encore à bien des égards notre premier partenaire de défense en Europe et au-delà. Le Brexit ne doit pas abîmer ce partenariat : il y a un peu plus de trois ans, le Président de la République l’affirmait déjà dans le discours de la Sorbonne.

Nous avons mis en place avec plus de dix pays un cadre ad hoc souple, l’initiative européenne d’intervention, qui, au-delà d’une relation bilatérale, est un cadre européen informel permettant de travailler avec le Royaume-Uni indépendamment du Brexit.

Cette initiative européenne d’intervention se poursuivra quoi qu’il arrive, deal ou no deal, et, dans l’hypothèse où un accord serait trouvé avec le Royaume-Uni dans les années qui viennent, quel que soit le contenu de ce dernier. C’est une instance, très souple et extrêmement utile, de planification stratégique, d’analyse commune de la menace et de planification de nos équipements. L’idée qui avait présidé à sa création était de nous doter d’un forum permettant une discussion continue avec le Royaume-Uni.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre relation avec la Turquie et l’attitude de ce pays ont fait l’objet de plusieurs questions, posées sous différents angles. Ce sujet est extrêmement important. Nous le savons, nous ne vivons pas seulement un moment de tension temporaire et ciblée, comme celle que nous observons aujourd’hui, par exemple, en Méditerranée orientale, un sujet qui a été évoqué notamment lors du Conseil européen des 1er et 2 octobre dernier.

Nous sommes confrontés avec la Turquie, qui a sans doute une approche d’ensemble, à une multitude de foyers de tension en Méditerranée orientale, en Asie centrale – je reviendrai sur la question du Haut-Karabakh – et sur les scènes de plusieurs conflits régionaux – en Syrie, en Libye, dans les Balkans –, mais aussi à nos portes et parfois même, via différents relais – associatifs, réseaux sociaux, etc. –, dans nos sociétés, dans nos pays.

Nous devons défendre notre modèle de valeurs sans aucune naïveté à l’égard de la Turquie. Je pourrais multiplier les exemples récents montrant que, au cours des six derniers mois, le Président de la République a fait évoluer la posture de l’Union européenne vers plus de fermeté vis-à-vis de la Turquie. Cela ne passe pas simplement par des discussions autour de possibles sanctions ; il s’agit aussi d’adopter, au cas par cas, les postures les plus adaptées, les plus concrètes et les plus fermes.

Par exemple, cet été, le Président de la République a décidé d’organiser un exercice de présence navale militaire conjoint avec l’Italie, Chypre et la Grèce, quand une présence navale turque s’est manifestée en Méditerranée orientale dans les eaux chypriotes et grecques. Il était nécessaire d’envoyer ce signal à la Turquie, et cela n’aurait pas été fait dans le passé. Nous devons disposer d’une palette de réponses signalant notre fermeté.

Malgré les faiblesses que vous trouvez au pacte sur la migration et l’asile – un sujet sur lequel je reviendrai tout à l’heure –, monsieur Leconte, celui-ci permet de réduire notre dépendance à l’égard de la Turquie.

En effet, déléguer à la Turquie la question migratoire revient à mettre entre ses mains la gestion de grands sujets comme l’énergie, l’immigration, voire un certain nombre de sujets économiques et la gestion de crises régionales. Nous sommes parfaitement en ligne quant à l’attitude de fermeté que vous appelez de vos vœux. Nous avons d’ailleurs réussi à faire bouger la position européenne, car, il y a encore quelques mois, cette fermeté à l’égard de la Turquie n’était pas consensuelle.

Le sommet des 1er et 2 octobre fut à cet égard très important, mais nous devons continuer dans cette voie. La Turquie avait alors envoyé quelques signaux positifs de dialogue. Si cela se confirme, nous poursuivrons la discussion, mais si les provocations venaient à reprendre et un climat de tension généralisée à se réinstaller, toutes les mesures, y compris des mesures dites « de restriction » ou « de sanction » seront envisagées.

Monsieur Husson, vous l’avez dit, le Brexit est une sorte de partie d’échecs interminable. Je partage la frustration exprimée par nombre d’entre vous. Vous m’avez posé des questions très précises sur les effets macroéconomiques du Brexit ; ce thème était par ailleurs sous-jacent dans nombre d’interventions.

Il faut prendre ces estimations avec la prudence nécessaire, mais nous pensons que, s’il n’y avait pas d’accord à court terme, l’impact pour le PIB français serait l’année prochaine de moins de 0, 1 point. Pour le PIB du Royaume-Uni, en revanche, il serait dix fois supérieur, du fait de la forte asymétrie de la relation commerciale entre ce pays et la France ou l’Union européenne. En effet, moins de 10 % des exportations de l’Union européenne vont vers le Royaume-Uni, quand près de 50 % les exportations du Royaume-Uni se dirigent vers l’Union européenne.

Vous avez également évoqué la question climatique, ainsi que certaines ressources propres en matière climatique, notamment ce qu’on appelle parfois le « mécanisme d’inclusion carbone » et que je préfère pour ma part désigner, de manière simplifiée et peut-être plus pédagogique, comme une forme de taxe carbone aux frontières de l’Europe.

La Commission européenne estime le rendement annuel d’une telle taxe entre 5 et 14 milliards d’euros selon le périmètre auquel serait appliqué le mécanisme. Il faut toutefois prendre ces estimations avec une certaine prudence, là encore.

Apparemment, il est plus facile de mesurer le coût du carbone et de le comparer d’un producteur à l’autre au niveau international dans des secteurs tels que le ciment ou l’acier. Nous pourrions donc commencer par leur appliquer le mécanisme, avant de l’étendre à l’ensemble des secteurs concernés. Le rendement approcherait alors les 15 milliards d’euros par an.

En tout état de cause, on voit que les chiffres ne sont pas du tout anecdotiques. Sachez que la mise en place d’une seule de ces nouvelles ressources propres que nombre d’entre vous ont mentionnées dans leurs interventions permettrait de couvrir autour de 10 % du budget européen.

Je rappelle, à titre pédagogique, que le coût annuel du Brexit est d’environ 10 milliards d’euros. Grâce à une ou deux ressources de ce type, la facture du Brexit, qui est pour l’instant prise en charge collectivement, puisque nous n’avons pas voulu réduire nos ambitions en termes de dépenses – c’était légitime –, serait ainsi absorbée. J’aurais pu prendre d’autres comparaisons, mais je crois que mon exemple donne une idée des ordres de grandeur en question.

Monsieur le président Rapin, vous avez soulevé un certain nombre de questions concernant la pêche et le Brexit. J’en profite pour essayer d’apporter quelques précisions, pour autant qu’on puisse le faire alors que la négociation relative à ce secteur est encore en cours.

Tout d’abord, par-delà toutes les sensibilités politiques, je veux souligner à quel point ce secteur est prioritaire pour nous. Dans ces derniers moments, nous maintenons une pression très forte : ce dossier constitue une priorité dans la négociation, en espérant que celle-ci reprenne. Mais la discussion ne reprendra évidemment pas au prix de concessions déraisonnables et d’un changement d’approche. Il n’en est pas question, même si les Britanniques l’ont parfois affirmé.

Il existe une zone très sensible pour notre modèle de pêche artisanale et pour certaines régions, que le sénateur Allizard, notamment, connaît bien : c’est la bande des 6 à 12 milles marins, qui est tout à fait prioritaire pour les Britanniques, mais – cela tombe bien ! – pour nous aussi.

Vous l’avez rappelé directement ou indirectement : notre modèle de pêche, qui repose souvent sur un ou deux bateaux – on compte souvent un bateau pour une famille ou un pêcheur – et qui n’est pas un modèle industriel, comme c’est le cas par exemple chez nos partenaires néerlandais, nous oblige à nous montrer encore plus fermes dans la défense des intérêts de pêcheurs qui en dépendent directement. Je rappelle que, au total, sur la façade nord-est du pays, ce sont entre 25 % et 30 % de la pêche qui s’effectuent directement dans les eaux britanniques aujourd’hui.

Vous l’avez dit à plusieurs reprises, nous ne devons pas nous considérer comme demandeurs, parce qu’il est évident, si vous examinez l’ensemble de la négociation économique – j’ai rappelé les chiffres –, que l’intérêt des Britanniques à trouver un accord est beaucoup plus grand que le nôtre.

Si l’on prend la filière halieutique au sens large, en y incluant la transformation, il y a un besoin britannique presque vital, notamment à court terme, d’accéder à notre industrie : près des trois quarts de la transformation des produits de la pêche britannique se font sur le continent, en France prioritairement, notamment dans les Hauts-de-France. C’est donc extrêmement important, et il s’agit évidemment d’un levier de discussion, ne serait-ce que pour la filière de la pêche.

En ce qui concerne la question climatique, je vais tâcher de répondre aux questions du président Rapin, mais aussi de nombre d’intervenants.

Je crois qu’il faut garder l’équilibre que j’essaie de décrire : l’Europe a dans son modèle – je crois que c’est désormais presque identitaire – une sensibilité à la question climatique. Nous sommes exemplaires en matière climatique – je parle de l’Europe.

Vous avez évoqué la question du respect des engagements français, mais je crois que cela légitime encore davantage le respect de cet équilibre.

On nous dit parfois qu’il faut aller le plus loin possible, sans s’arrêter aux objectifs atteints aujourd’hui ou à ceux que nous serons capables d’atteindre à l’horizon de 2030, c’est-à-dire demain, en fait. On pourrait donc afficher des objectifs encore plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, au-delà de 55 %, en se disant que l’on verra bien si l’on sera capable ou non de les atteindre. Je crois qu’une telle démarche ne serait ni sérieuse ni crédible.

Il ne faudrait pas que cette nouvelle soit en quelque sorte digérée comme s’il s’agissait d’une évidence : pour la première fois, la semaine dernière, le Président de la République a soutenu au nom de la France, avec onze autres pays, l’ambition d’une réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Je rappelle que la cible est aujourd’hui fixée à 40 % : il s’agit donc d’un effort important.

Comme vous l’avez souligné, je prends aussi cet objectif comme une incitation à faire plus. Il est déjà difficile de tenir les engagements pris collectivement ; tendre vers 55 % de réduction est donc une ambition réellement très forte.

Respecter cet équilibre en matière climatique répond aussi à la nécessité de ne pas nous en tenir à une sorte d’exemplarité naïve, au sens où nos objectifs doivent être à la fois crédibles et partagés le plus possible par nos concurrents commerciaux. À cet égard, je crois que l’activisme climatique ou la diplomatie climatique européenne a été efficace, puisque la Chine, par exemple, vient d’endosser une cible en matière de neutralité carbone, qui n’est certes pas l’échéance de 2050, mais qui est 2060, ce qui n’est pas neutre ou anodin.

D’ici à 2030, il faudra nous doter d’un certain nombre d’outils pour garantir cette équité.

Tout d’abord, à l’intérieur de l’Union européenne, se posera la question de la solidarité. Cette dernière est légitime : il faut aider les pays pour lesquels il est le plus difficile d’atteindre cet objectif. C’est l’objet d’un nouvel outil créé cet été, le Fonds pour une transition juste, doté de près de 20 milliards d’euros aux termes du plan de relance qui a été adopté. Il bénéficiera assez significativement à nos collègues polonais, notamment.

Cette solidarité est légitime, à condition que nos partenaires prennent pleinement part à l’effort nécessaire pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050 et, je l’espère, au mois de décembre, l’objectif intermédiaire d’au moins 55 % de réduction des gaz à effet de serre en 2030. Sinon, la solidarité ne fonctionnera pas : on peut légitimement aider des pays qui ont un mix énergétique plus défavorable, quand c’est le fruit de l’Histoire et non leur faute, mais ils doivent prendre des engagements. Il ne faudrait pas que l’on ait à payer deux fois !

Monsieur le président Rapin, vous m’avez également questionné sur l’existence d’une étude d’impact. Il y en a une au niveau macro, si je puis dire, au niveau de l’Union européenne dans son ensemble. Elle a été publiée par la Commission européenne, ce qui correspondait à l’une des exigences que nous avions définies avant de nous engager à atteindre cette cible de 55 %.

Comme l’a souligné Marta de Cidrac, me semble-t-il, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne de détailler cette étude d’impact pays par pays et secteur par secteur, pour que nous puissions prendre nos décisions de la manière la plus éclairée possible au mois de décembre prochain.

À ceux qui trouvent que tout cela est encore empreint d’incertitudes – je puis le comprendre, car, après le dernier conseil européen, il faut bien reconnaître que les Européens n’ont pas encore atteint l’objectif fixé ou défini de cible commune pour 2030 –, je leur répondrai de regarder la vitesse à laquelle les choses se sont déroulées depuis un an et demi.

Au printemps de 2019, seuls quatre pays, dont la France, défendaient l’objectif de neutralité carbone en 2050 – on ne parlait même pas de 2030. Ensuite, on est parvenu à mettre en place une coalition de neuf ou dix pays, et, en décembre dernier, donc en huit mois seulement, l’objectif de 2050 a été adopté, certes avec un codicille polonais, mais celui-ci sera progressivement levé.

Aujourd’hui, on parle même d’un rehaussement massif de nos objectifs pour 2030, afin de tenir la trajectoire de neutralité carbone de 2050 de manière crédible. Même certains pays qui étaient réticents face à ces deux ambitions, comme la République tchèque par exemple, ont déjà donné un signe tangible d’approbation – sous un certain nombre de conditions à ce stade – de l’objectif de 2030 rehaussé. Tout cela pour vous dire que les choses avancent rapidement.

En réponse à M. Verzelen, j’ai déjà parlé du « retard à l’allumage » de l’Union européenne en matière de gestion sanitaire de la crise. Comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, on voit bien ce qu’il est nécessaire de compléter : il faut une coordination des critères et des mesures. Dans les prochaines semaines, il faudra aussi mener un combat pragmatique, celui de la reconnaissance mutuelle des tests, notamment des tests antigéniques, qui vont se développer.

Enfin, un travail commun sur les vaccins est indispensable. Je sais que le Parlement, ainsi que le Parlement européen d’ailleurs, demande davantage d’information sur les contrats que la Commission européenne signe en notre nom à tous sur les vaccins. J’essaierai de vous apporter le plus de précisions possible dans les prochaines semaines.

Ces contrats comportent évidemment une part de confidentialité. À ce stade, je puis simplement dire que trois d’entre eux sont déjà signés et que trois autres sont encore en cours d’élaboration. Chacun représente entre 200 et 400 millions de doses sécurisées : ce ne sont donc pas, là non plus, des actions secondaires ou anecdotiques, puisque cela pourrait permettre de couvrir une large partie de la population européenne dès la première vague de vaccination.

Monsieur Fernique, j’espère avoir répondu à l’essentiel de vos questions. Il faut en effet s’interroger sur la manière d’atteindre nos objectifs.

Se pose la question de l’équité internationale – j’ai évoqué la solidarité interne, mais cela vaut aussi pour l’extérieur –, avec le mécanisme d’inclusion carbone ou la taxe carbone aux frontières, selon l’appellation que vous préférez.

Toutefois, il existe aussi parmi les instruments économiques que l’on met en place au niveau européen des outils qui ont vocation à accompagner les États pour qu’ils atteignent ces objectifs. Je pense aux plans de relance : la France a défendu et obtenu que l’objectif en matière de dépenses climatiques soit désormais fixé à 37 % dans les plans de relance européens.

Pour l’ensemble du budget européen, nous avons porté et obtenu une cible de 30 % de dépenses favorables au climat, avec, de surcroît, un principe général intitulé « ne pas nuire », ou, en anglais, « do no harm », qui consiste à ne pas faire financer par le budget européen des dépenses contraires à l’ambition climatique, que l’on appelle parfois « brunes ».

J’en profite d’ailleurs pour évoquer le sujet de la politique agricole commune, puisqu’il a été évoqué à deux reprises : nous n’atteindrons pas nos cibles écologiques et ce fameux objectif de 30 % sans une politique agricole commune bien financée au niveau européen. En effet, celle-ci contribuera très largement à l’accomplissement de cette ambition, a fortiori dans les conditions de verdissement que j’évoquais dans mon intervention liminaire, à savoir les « écorégimes » obligatoires négociés par Julien Denormandie, qui, je l’espère, seront confirmés, voire renforcés dans les prochains jours dans le cadre des trilogues avec le Parlement européen.

De façon générale, je rappelle que, dans l’accord du 21 juillet sur le mécanisme d’inclusion carbone, comme pour d’autres accords, comme celui sur la taxe numérique, il y a un accord de principe – ce n’est que la première fois : le combat n’est pas fini ! – sur la mise en place de nouvelles ressources propres qui permettront de prendre en charge tout ou partie – j’espère que ce sera la totalité – de la facture et du remboursement du plan de relance après 2027, et, plus globalement, d’alléger les contributions nationales directes.

C’est très important, parce qu’aucune ressource propre n’a été créée et affectée au budget européen depuis les années 1970. Il existe une contribution nationale fondée sur le revenu national brut, le RNB, mais les ressources propres, notamment les droits de douane, existaient dès les premières politiques communes, dont la PAC : elles n’ont jamais véritablement été complétées. Il s’agit donc d’un changement de modèle tout à fait significatif. Il faudra ensuite adopter le cadre législatif précis dans lequel s’inscriront ces ressources au niveau européen ; autant dire que cela n’est pas gagné d’avance.

Je précise aussi que la Haute Assemblée, comme l’Assemblée nationale, aura à connaître de la décision relative aux ressources propres de l’Union européenne, puisque celle-ci doit faire l’objet d’une ratification nationale et d’une autorisation par chaque parlement national dans les prochaines semaines.

Madame Havet, vous m’avez questionné sur les accords bilatéraux que conclurait le Royaume-Uni. Celui-ci a effectivement annoncé un accord avec la Norvège : je crois qu’il faut être prudent, parce que, pour l’instant, cela s’apparente davantage à une opération de communication qu’à un véritable accord en bonne et due forme.

M. le président de la commission des affaires européennes acquiesce.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Concernant la pêche, tout comme vous, nous ne voulons pas d’un accord au rabais. Celui-ci nous soumettrait à la loi de l’annualité : il y aurait une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos pêcheurs, qui nous obligerait à renégocier chaque année les autorisations d’accès et les quotas avec les Britanniques. Il est évident qu’un tel dispositif annuel est inacceptable et qu’il fait partie des points dont nous avons dit et répété que nous ne pourrions les admettre, car il est incertain et manque donc de visibilité.

Je le redis à M. Cabanel, l’accès à notre marché est évidemment un besoin essentiel pour les Britanniques. Vous avez soulevé la question de l’étiquetage des produits, monsieur le sénateur : ce point a été de nouveau abordé par la Commission européenne dans les propositions du Green Deal il y a quelques mois.

Ce sujet, sur lequel la France avait mené une expérimentation pour certains produits, a pris un peu de retard : on ne dispose pas encore d’un cadre européen pour l’étiquetage nutritionnel et pour l’origine des produits, notamment en ce qui concerne les plats préparés. C’est un combat que nous devons encore mener, tout comme nous devons maintenir la pression sur la Commission.

Monsieur le sénateur Bacchi, sur la question du Haut-Karabakh, je serai prudent, parce que vous en connaissez la sensibilité. Notre objectif aujourd’hui est de maintenir un lien entre les parties, dans l’intérêt que vous avez légitimement défendu. En effet, l’enjeu, la priorité à court terme, notamment pour l’Arménie, est que les hostilités cessent.

En tant que coprésidente du groupe de Minsk – le Président de la République s’est entretenu à plusieurs reprises avec le président Trump et le président Poutine, qui assurent la coprésidence de ce groupe avec nous –, la France s’est engagée à obtenir une cessation des hostilités. C’était le message du Conseil européen des 1er et 2 octobre dernier – vous évoquiez le rôle insuffisamment clair de l’Union européenne dans cette crise –, mais pas, il est vrai, celui des 15 et 16 octobre.

La France est en situation de conduire des initiatives sur ce dossier : nous avons par deux fois obtenu le principe d’une cessation des hostilités, même si, chaque fois, l’accord est fragile et risque d’être violé. Aujourd’hui, il faut essayer de consolider le principe de cessation des combats et, surtout, insister pour une reprise des discussions entre les deux parties. À ce stade, faire des gestes qui vont au-delà, même si je peux en comprendre la logique, fragiliserait les efforts diplomatiques et les efforts de paix.

Je l’ai rappelé, à l’évidence, cette crise s’inscrit dans le cadre de la politique qui est menée par la Turquie dans l’ensemble de la région et qui consiste à alimenter les tensions. La France a dénoncé cette politique avec fermeté, en faisant là aussi bouger ses partenaires européens.

Monsieur Jean-François Longeot, j’espère avoir répondu à l’essentiel de vos interrogations sur la manière de combiner l’ambition climatique avec le réalisme des objectifs et sur les outils pour atteindre ces derniers. Reste la question du calendrier. On savait que le Conseil européen des 15 et 16 octobre était un point d’étape, mais, j’y insiste, nous avons beaucoup accéléré sur ce volet. Je l’ai mentionné, certains pays hostiles à des efforts supplémentaires, tels la République tchèque, bougent d’ores et déjà.

Notre objectif est bien d’obtenir un accord d’ici à la fin de l’année, pour que, avant la prochaine Conférence des parties sur le changement climatique – nous célébrons cette année les cinq ans de l’accord de Paris ! –, la COP26, qui a été reportée pour cause de covid-19, mais qui se tiendra l’an prochain au Royaume-Uni, l’Union européenne puisse déposer une nouvelle contribution, ce que l’on appelle une NDC, ou N ationally D etermined C ontribution, c’est-à-dire une contribution aux accords de Paris, pour rehausser à 55 % au moins l’objectif de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2030. Tel est notre engagement politique et international.

Monsieur Leconte, j’ai dit un mot du pacte migratoire : ce sujet pourrait déclencher une discussion nous menant très tard dans la nuit… Je vous propose qu’on y revienne une autre fois.

En ce qui concerne la question climatique, vous avez parlé du risque des fuites de carbone : il est identifié, et c’est exactement pour cela que nous nous battons pour le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. L’Union européenne, je le rappelle, représente moins de 10 % des émissions mondiales de CO2. Si nous ne pouvons compter que sur nos propres efforts, nous n’y arriverons pas, d’où l’importance de ces « écluses environnementales », comme on les appelle parfois. Le risque de fuites de carbone est spécifiquement mentionné dans les conclusions du Conseil européen.

Je n’ai pas encore répondu à la question qui a été soulevée à deux ou trois reprises de la réforme du mécanisme ETS – Emissions Trading Schemes –, qui peut aussi faire partie de cette boîte à outils.

Pour être très précis, le système ETS couvre aujourd’hui l’essentiel des secteurs, mais pas la totalité : en est exclue une partie du secteur agricole, du secteur des transports et du secteur du bâtiment. Il faut faire preuve de prudence à ce stade quant aux effets d’une extension du mécanisme.

Cette extension paraîtrait naturelle et sympathique sur le principe, mais le prix du carbone n’est pas soutenable au même niveau pour tous les secteurs. Il ne faudrait pas qu’elle tire le prix du carbone vers le bas pour l’ensemble de nos entreprises et de nos secteurs, ou, à l’inverse, que ce prix atteigne un niveau totalement irréaliste pour certains secteurs.

Pour ce qui concerne le secteur du transport maritime, en tout cas, nous avons dit à la Commission que nous n’y étions pas hostiles. Cependant, il faut examiner le mécanisme dans le détail : il existe certains secteurs pour lesquels il n’est pas illégitime d’avoir un dispositif spécifique, ce qui est le cas aujourd’hui du transport aérien.

Comment faire respecter les engagements adoptés dans le cadre du Brexit ? Plusieurs d’entre vous ont évoqué directement ou indirectement la question du respect de l’accord de retrait, dans lequel les Britanniques ont donné un certain nombre de coups de canif.

Nous avons engagé une procédure de mise en demeure – là encore, c’est une preuve de la force de l’Europe que de l’avoir fait vite –, dès lors que le texte a été voté à la Chambre des communes. Plus important encore, le Parlement européen a brandi une menace réelle et crédible, en affirmant qu’il ne voterait pas – en cas d’accord, son vote sur la relation future doit être acquis – si les Britanniques ne retiraient pas le projet de loi sur le premier chapitre, qui est l’accord de retrait. Pour être tout à fait honnête, il s’agit là du principal levier sur lequel l’Europe peut s’appuyer. Il faut que nous soyons sûrs que l’accord de retrait n’a pas été remis en cause par les Britanniques : c’est la condition d’avoir un deal à la fin.

Cela renvoie plus largement à la question de la gouvernance : si nous ne disposons pas de mécanismes unilatéraux de rétorsion, nous ne serons pas crédibles vis-à-vis de nos partenaires, ni assurés du respect des engagements adoptés.

Je crois avoir répondu aux questions du sénateur Mandelli sur le climat, en parlant du principe « ne pas nuire », ainsi que sur le transport maritime.

Madame la sénatrice Fournier, vous avez eu raison d’aborder la question du tunnel sous la Manche : c’est une préoccupation absolument vitale, parce qu’il est hors de question de ne pas assurer la continuité du trafic.

Nous avons pris différentes mesures. Ainsi, depuis hier, l’Union européenne nous a donné une habilitation à discuter de manière bilatérale, mais en son nom, avec le Royaume-Uni au sujet du cadre juridique post-Brexit relatif au tunnel sous la Manche. En effet, le traité de Canterbury ne suffit pas : certaines règles en matière de sécurité ou les licences des conducteurs de train dépendent directement des règlements ferroviaires européens. Il faut donc trouver un équivalent, que la France va négocier avec le Royaume-Uni.

Si nous n’aboutissions pas à un accord, soit en raison d’un désaccord avec le Royaume-Uni, soit faute de temps, d’ici le 31 décembre, nous avons aussi la possibilité – votre assemblée l’a autorisé par habilitation – de prendre des mesures de contingence unilatérales et symétriques, pour garantir que, en tout état de cause, le tunnel fonctionne dans des conditions de sécurité communes et respectées.

Je crois avoir répondu aux questions de Mme de Cidrac sur le climat. J’ajouterai un dernier point au sujet des outils d’accompagnement de la transition écologique : en plus du plan de relance et de la cible des 30 %, il existe un outil européen que l’on ne mentionne pas assez et que la France ambitionne aussi de transformer, c’est la Banque européenne d’investissement, la BEI, dont le budget a été renfloué pour soutenir la relance dans le cadre des discussions ayant eu lieu ces derniers mois.

La BEI devient progressivement une sorte de banque européenne du climat, avec une cible de 50 % de dépenses consacrées au soutien, notamment des collectivités locales, pour des projets climatiques, de transition écologique et de rénovation thermique d’ici à 2025.

Enfin, pour répondre au sénateur Chevrollier, il faut évidemment une équité des échanges sur le plan climatique. C’est notamment la question du mécanisme d’ajustement aux frontières – je n’y reviens pas –, mais c’est vrai aussi pour notre politique commerciale.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle – c’est la même chose que pour les écorégimes en interne pour la politique agricole – on ne peut pas commercer et signer des accords commerciaux avec de grands partenaires internationaux qui ne respectent pas nos exigences minimales en matière sanitaire et environnementale.

Je pense évidemment, vous l’aurez compris, à l’accord sur le Mercosur, qui a justifié une position de rejet et de fermeté de la France. J’ai également rappelé l’importance de la PAC pour nous permettre d’atteindre ces objectifs environnementaux. C’est absolument essentiel, et l’accord conclu hier y contribue.

Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai été long, mais je voulais être, si ce n’est exhaustif, du moins le plus complet possible dans mes réponses aux différentes interventions, même en cette heure avancée de la soirée et malgré le couvre-feu.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos réponses très précises, sénateur par sénateur : c’était un bel exercice.

Je formulerai une conclusion en forme non pas de synthèse, mais plutôt d’ouverture pour des discussions futures que nous aurions à mener.

J’évoquerai premièrement le Brexit, pour rappeler que les Anglais ne sont pas nos ennemis. Vous le savez, ma ville natale est Boulogne-sur-Mer. Or, lorsqu’on se trouve à Boulogne et qu’il fait beau, on voit les côtes anglaises – et on sait, d’après un dicton local, qu’il va pleuvoir le lendemain…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Deuxièmement, je dirai un mot de la pêche : aujourd’hui, nous devons nous donner tous les moyens nécessaires pour que les structures d’accueil de ce secteur, c’est-à-dire nos ports, fonctionnent bien. Je suis convaincu que, sur le plan douanier, nous avons parfaitement fait les choses et que nous nous sommes bien préparés, avec des renforts de personnels.

Je suis plus inquiet pour ce qui concerne les systèmes vétérinaires de surveillance, pour lesquels, vous le savez, nous rencontrons des problèmes. Il ne s’agit pas de problèmes fonctionnels, puisque ces services n’interviennent pour l’instant que très peu, mais cela ne va pas durer. Il nous faut vraiment nous donner les moyens de les faire bien fonctionner, quitte à revenir en arrière ensuite si le dispositif est trop large. En tout cas, on ne peut pas se permettre de commettre des erreurs d’emblée.

Troisièmement, je parlerai de la PAC. Après avoir entendu vos propos et ceux de mes collègues, mais aussi lu les comptes rendus de ce qui s’est passé hier en commission, je voudrais que nous engagions une discussion, monsieur le secrétaire d’État, sur la surveillance de l’utilisation des fonds. Nous serons très attentifs sur ce point, car nous estimons qu’il n’est pas possible de décentraliser ces fonds aux États. Vous savez très bien ce qui risque de se passer : il va y avoir de terribles différences entre les États. J’ai eu un échange tout à l’heure avec deux députées européennes, qui étaient très inquiètes de ces dispositions.

Quatrièmement, et enfin, je veux évoquer la question du Parlement de Strasbourg. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, nous formulerons des propositions. Le Sénat français sera proactif et tentera de trouver un équilibre, tout au moins pour faire respecter le traité, tel qu’il a été établi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

… pour que les sessions du Parlement se tiennent correctement à Strasbourg.

Aujourd’hui, on ne peut plus prétexter de raisons sanitaires pour justifier que les sessions se tiennent à Bruxelles, puisque la situation dans cette ville, et en Wallonie en général – c’est le ministre belge de la santé lui-même qui l’a dit ! –, est l’une des plus graves en Europe.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie une fois de plus. Pour la suite, nous agirons ensemble et, vous l’avez compris, nous aurons besoin de vous entendre rapidement, dans le cadre d’une audition, pour tenter de régler tous ces problèmes.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous en avons terminé avec le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 22 octobre 2020 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Ordre du jour réservé au groupe UC

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public, présentée par M. Laurent Lafon (texte de la commission n° 39, 2020-2021) ;

Proposition de loi visant à réformer la procédure d’octroi de la dotation d’équipement des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey (texte de la commission n° 36, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quarante.

La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du p rojet de loi portant diverses dispositions d ’ adaptation au droit de l ’ Union européenne en matière économique et financière a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean Bizet, Laurent Duplomb, Dominique de Legge, Michel Canevet, Patrice Joly et André Gattolin.

Suppléants : Mme Christine Lavarde, MM. Daniel Gremillet, Jean-François Rapin, Pierre Louault, Mme Viviane Artigalas, MM. Jean-Claude Requier et Éric Bocquet.

La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. François-Noël Buffet, Philippe Bas, Mme Muriel Jourda, MM. Arnaud de Belenet, Jean-Yves Leconte, Jérôme Durain et Xavier Iacovelli.

Suppléants : Mmes Jacky Deromedi, Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Hervé Marseille, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Éliane Assassi et M. Jean-Yves Roux.

La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de l ’ inclusion dans l ’ emploi par l ’ activité économique et à l ’ expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Frédérique Puissat, M. Philippe Mouiller, Mmes Élisabeth Doineau, Monique Lubin, Michelle Meunier et M. Xavier Iacovelli.

Suppléants : Mmes Chantal Deseyne, Pascale Gruny, Catherine Procaccia, Nadia Sollogoub, Corinne Féret, Véronique Guillotin et Laurence Cohen.