Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un honneur pour moi, qui viens d’être élu président de la commission des affaires européennes, d’ouvrir ce débat consécutif à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre.
Je tiens à rendre publiquement hommage à mon prédécesseur, Jean Bizet, qui a tant œuvré pour toujours mieux faire entendre la voix du Sénat à Bruxelles et diffuser l’esprit européen au Sénat. Je l’en remercie et je tâcherai de poursuivre cette mission avec la même ardeur que lui.
Monsieur le secrétaire d’État, de la dernière réunion des chefs d’État ou de gouvernement, je retiendrai trois points, que vous avez d’ailleurs évoqués.
Tout d’abord, je relève la patience, voire la placidité, que les dirigeants européens ont manifestée à l’égard du Royaume-Uni. Ce pays reste l’un des voisins les plus proches de l’Union européenne, il est fortement intégré commercialement à l’Union, et nous espérons tous construire avec lui une nouvelle relation privilégiée.
Bien sûr, le Royaume-Uni y a encore plus intérêt que nous : selon la Commission, il dépend de l’Union pour environ la moitié de son commerce de biens, alors que l’Union réalise 13 % de son commerce de biens avec lui. L’Union tient aussi un levier important avec le passeport financier, qu’elle peut décider unilatéralement d’octroyer, ou non, au Royaume-Uni.
Le rapport de force est donc en notre faveur, mais nous sommes particulièrement soucieux pour nos pêcheurs, qui ont besoin de pouvoir travailler dans les eaux britanniques et dont l’activité est tributaire de l’issue de la négociation.
Certains grands armements négocient déjà en sous-main des droits de pêche avec les Britanniques, voire rachètent des navires sous pavillon britannique. Or ces grandes manœuvres sont hors de portée pour la pêche artisanale, qui fait vivre tant de familles sur nos côtes.
J’insiste donc sur la nécessité d’accompagner les pêcheurs au plus près, quelle que soit l’issue de la négociation. Cette dernière reste hasardeuse, tant le Royaume-Uni souffle le chaud et le froid. Et quand bien même un accord serait finalement conclu, comment être sûr qu’il sera respecté ? En effet, le projet de loi sur le marché intérieur britannique viole de manière flagrante l’accord de retrait conclu ensemble il y a seulement un an. Dans un tel contexte, comment garder confiance ?
J’en viens au deuxième point saillant de la dernière réunion du Conseil européen : la cristallisation sur les conséquences du Pacte vert.
L’ambition climatique de l’Union européenne est grande, et notre pays en est le promoteur le plus convaincu. Mais nous entrons maintenant dans le vif du sujet : les États membres prennent la mesure de l’ampleur de l’effort à accomplir, et il n’est pas étonnant que les chefs d’État ou de gouvernement aient reporté à leur prochaine réunion de décembre la décision sur l’ampleur du relèvement de l’objectif de réduction des émissions de carbone. Pour l’instant, ils sont tombés d’accord pour que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui sera fixé à 55 %, voire plus, soit respecté par les États membres pris collectivement, et non un à un. Ce point est important.
Cette concession aux États aujourd’hui adeptes du charbon risque d’accroître la pression sur les autres, notamment sur la France. Aussi pouvons-nous légitimement nous interroger sur l’effort qui sera demandé à notre pays et sur ses conséquences pour nos industries et notre agriculture. La Commission vient seulement de promettre la réalisation d’une étude d’impact sur la stratégie « de la ferme à la fourchette » : il était temps !
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que nous disposerons, avant le sommet européen de décembre prochain, d’éléments précis quant aux conséquences concrètes, pour nos filières, de la vertu promue par le Président de la République en matière climatique ? Je crois que vous êtes en mesure de nous apporter des informations complémentaires.
Que l’on me permette une troisième et dernière remarque sur les conclusions du Conseil européen : en matière de relations extérieures, l’impression est mitigée.
D’un côté, je me félicite de l’élan que semblent vouloir donner les chefs d’État ou de gouvernement à notre partenariat avec l’Afrique : c’est assurément le continent avec lequel l’Europe doit construire un avenir, en bâtissant sur un socle commun de valeurs partagées et en engageant des investissements substantiels dans les infrastructures, au service du développement durable.
De l’autre, nous pouvons être inquiets de la frilosité du Conseil européen devant l’évolution de la situation en Biélorussie, au Haut-Karabakh ou encore en Méditerranée orientale, où la Russie et la Turquie multiplient les provocations. La diplomatie européenne doit absolument changer de braquet et permettre à l’Union européenne de se faire respecter sur la scène internationale. Comment la France peut-elle en convaincre ses partenaires ?
Avant que le débat ne s’engage, je formulerai une observation conclusive. Alors qu’il doit normalement se réunir quatre fois par an, le Conseil européen s’est réuni deux fois pendant ce seul mois d’octobre : cette situation s’explique bien sûr par des impératifs sanitaires, mais elle traduit sans doute une évolution de fond dans la répartition des rôles entre les institutions de l’Union. Notre commission des affaires européennes en tiendra compte dans la réflexion qu’elle entend mener dans la perspective de la conférence sur l’avenir de l’Europe. Cette conférence doit permettre aux Européens de se réapproprier la construction européenne : il est donc important qu’elle ait lieu