Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur ce qui, pour le groupe écologiste, constitue la question majeure abordée lors du dernier Conseil européen : le changement climatique.
La semaine dernière, lors de notre échange en commission, j’ai déjà salué le vote récent du Parlement européen. Comme l’a souligné Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, fixer l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 60 % à l’horizon 2030 par rapport à 1990 est historique.
Cet objectif serait-il « irréaliste » ? Ferait-il peser « une trop forte contrainte pour l’économie », comme le disait, lors de cette même réunion, notre collègue Jean Bizet ? Je ne le pense pas, et le Parlement européen ne le pense pas non plus. Au contraire, il représente une chance pour l’économie : c’est par l’innovation énergétique, par la transition de nos modèles de production et de consommation que notre économie deviendra moins vulnérable et créera davantage d’emplois. En revanche, il serait irréaliste de penser qu’une moindre ambition permettrait à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone en 2050, comme elle s’y est engagée.
Le vote du Parlement européen est une avancée inédite, mais elle ne paraît pas avoir été relayée par ce Conseil européen. Certes, le Conseil européen n’a pas tranché : la décision quant à l’objectif actualisé a été reportée à décembre prochain. Mais une lecture attentive des points 10, 11, 12 et 13 des conclusions du Conseil amène à constater que celles-ci ne font même pas mention de la volonté du Parlement européen. Le Conseil européen ne prend en considération que la proposition au rabais de la Commission européenne, à savoir une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, qui semble représenter le compromis déjà convenu à demi-mot. Manifestement, lors de ce Conseil européen, la ligne de la Commission européenne n’a pas été troublée. Pourtant, elle ne nous permettra pas de tenir la trajectoire des accords de Paris. Ce sont les scientifiques qui l’affirment : il faudrait adopter un objectif nettement plus ambitieux pour que nous puissions limiter la hausse des températures au degré et demi visé.
Monsieur le secrétaire d’État, cette ambition est-elle celle du seul Parlement européen ? Ce dernier aura-t-il la force de résister aux fortes pressions exercées par les géants des énergies fossiles, qui, d’une certaine manière, essaient de profiter de la crise sanitaire et économique pour capter une partie de l’argent des plans de relance et neutraliser les objectifs climatiques ? Nous le savons, il existe de fortes réticences, en particulier de la part des pays de l’Est aux économies fortement carbonées.
Bien sûr, j’ai entendu la déclaration émise par onze pays, dont le nôtre, s’engageant à réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre. Je partage votre souci d’équité : chacun doit prendre sa part à l’effort en matière climatique, celui-ci ne pouvant concerner que la seule Union européenne. L’élection américaine changera peut-être la donne à cet égard. Reste que l’Union européenne doit s’engager, pour cette décennie déterminante, sur la trajectoire qui lui permettra de tenir les engagements pris au travers de l’accord de Paris.
Nous attendons, au-delà de l’affichage d’un objectif chiffré, des avancées quant aux dispositifs et aux moyens qui permettront de l’atteindre.
Certes, le plan de relance et le budget pluriannuel de l’Union n’étaient pas officiellement inscrits au menu de ce Conseil, mais, de toute évidence, ces sujets étaient sous-jacents. En ce sens, nous sommes très attentifs au contenu du plan de relance massif programmé. En particulier, il est nécessaire d’augmenter le budget pluriannuel de l’Union à proportion de ces efforts de relance. Il s’agit là encore d’une volonté nettement affirmée par le Parlement européen. Si l’on veut éviter des coupes catastrophiques dans les politiques européennes, il faudra bien accroître substantiellement les ressources propres de l’Union, à côté des contributions des États. La taxe carbone aux frontières, la taxe Gafam, la taxe sur les transactions financières : autant de leviers qu’il nous faut actionner pour nous donner les moyens d’agir. Sur ce point, le Premier ministre a répondu positivement, la semaine dernière, au président de mon groupe, Guillaume Gontard. Ce Conseil européen a-t-il permis d’entrevoir des perspectives concrètes à cet égard ?
Qu’il s’agisse des plans de relance européen et nationaux qui se préparent ou des actions de transition verte qui s’annoncent, le Sénat, chambre des territoires, doit aussi relayer les attentes des élus locaux. Ce sont eux, ce sont elles qui savent le mieux investir au plus près des citoyens pour traduire en actions concrètes les mesures de transition. Nous sommes donc très attentifs au caractère décentralisé des efforts de relance : c’est dans la proximité qu’ils seront payants !