Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 21 octobre 2020 à 21h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 15 et 16 octobre 2020

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, gestion de l’épidémie, Brexit, tensions avec la Turquie : l’ordre du jour du Conseil européen qui s’est tenu la semaine dernière ne manquait pas de dossiers brûlants.

Je souhaite revenir sur l’un point qui y figurait : la lutte contre le changement climatique. Atteindre la neutralité carbone en 2050, comme s’y est engagée l’Union européenne dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, nécessite de revoir à la hausse notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Qu’il soit de moins 55 % par rapport au niveau de 1990, comme le propose la Commission, ou de moins 60 %, comme le souhaite le Parlement européen, cet objectif est dans tous les cas extrêmement ambitieux, et son atteinte nécessite de redoubler d’efforts. Il est un fait que si nous sommes souvent très volontaires quand il s’agit de nous fixer des objectifs ambitieux, nous sommes un peu moins performants lorsqu’il s’agit de les tenir.

Je rappelle, pour ne citer que l’exemple français, que notre pays n’est pas à la hauteur des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris, engagements qui ont été traduits au plan national par la stratégie bas-carbone.

En effet, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 0, 9 % l’année dernière, alors qu’elles auraient dû baisser de 1, 5 %. Nous sommes donc loin de ces objectifs, sachant que, à partir de 2024, cette baisse est supposée atteindre 3, 2 % par an. Il nous faut donc impérativement accélérer le rythme de réduction de nos émissions, comme le Haut Conseil pour le climat le souligne d’ailleurs dans son rapport annuel publié le mois dernier.

Dans le cadre du plan d’investissements du Pacte vert pour l’Europe et du plan de relance européen, qui sera financé par de la dette commune, l’Union européenne entend mobiliser des moyens considérables pour assurer la transition de son économie.

En additionnant les moyens du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et la nouvelle capacité d’emprunt en commun, l’Union européenne disposera, ces prochaines années, de 1 850 milliards d’euros pour financer ses politiques. Il est prévu qu’au moins 30 % de cette capacité financière soit consacrée aux dépenses liées au climat, les autres dépenses devant respecter le principe consistant à ne pas nuire à l’environnement. Au regard des défis auxquels notre continent fait face et des besoins colossaux en l’investissement, nombreux sont ceux qui considèrent que ce montant est insuffisant.

De même, plusieurs questions se posent s’agissant de l’utilisation de ces moyens : selon quels critères seront-ils utilisés ? Comment distinguer des projets qui concourent réellement à cette transition ? Comment s’assurer que cette manne financière viendra bien financer des investissements verts ? Et à quel rythme pourra-t-elle être débloquée ?

Nous sommes par ailleurs en attente, monsieur le secrétaire d’État, d’une véritable stratégie européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports. En effet, les stratégies relatives à la transition agricole et à la transition énergétique ont été récemment publiées.

Les transports sont, au niveau européen, le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. En France, il s’agit même du premier secteur émetteur, qui contribue à près de 30 % de nos émissions totales, et c’est le seul secteur dont les émissions, au lieu de diminuer, ont augmenté depuis 1990.

La majorité de ces émissions sont liées au transport routier. Comme le souligne la Commission européenne dans sa communication du 17 septembre sur les ambitions de l’Europe en matière de climat pour 2030, ce secteur pourrait enregistrer une diminution de ses émissions d’environ 20 % seulement entre 2015 et 2030, ce qui nécessite qu’il fasse l’objet d’une attention accrue.

Or, en dehors de quelques mesures prises par l’Union européenne, par exemple en matière de normes d’émissions des véhicules particuliers et des poids lourds, on peine à trouver au niveau européen un plan d’action ambitieux en faveur de la décarbonation des transports. Pourtant, les investissements réalisés ne manquent pas.

À quand, monsieur le secrétaire d’État, un grand plan d’investissement européen en faveur des transports publics et des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes ?

C’est peu dire que la stratégie pour une mobilité durable et intelligente que la Commission européenne entend bâtir ces prochains mois est importante. Elle devrait permettre d’aller plus loin dans le soutien à la conversion du parc automobile, au développement des carburants alternatifs, au développement des transports publics et, plus généralement, au report modal.

En ce qui concerne les transports maritimes, un mouvement de verdissement est d’ores et déjà engagé, au travers notamment du développement de navires à propulsion au gaz naturel liquéfié, ou GNL. Pour autant, de gros efforts restent à fournir pour réduire les importantes émissions de CO2, d’oxyde d’azote, d’oxyde de soufre et de particules fines des navires et développer les carburants alternatifs.

La Commission européenne et le Parlement souhaitent par ailleurs inclure le transport maritime au sein du marché carbone – Jean-François Husson l’a souligné précédemment. Quelle est la position de la France sur cette proposition, monsieur le secrétaire d’État ?

En matière de transport aérien, les engagements pris avant la crise sanitaire continuent pour l’heure d’être suivis par les compagnies aériennes et les aéroports. En juin 2019, plus de 200 aéroports européens ont signé la résolution du Conseil international des aéroports, ou ACI, s’engageant dans une feuille de route visant à atteindre l’objectif zéro émission nette de CO2 au plus tard en 2050. Airbus s’est fixé comme objectif d’être le premier constructeur à proposer, en 2035, l’avion à hydrogène.

Néanmoins, le secteur mettra des années à retrouver son activité de 2019, et le choc économique lié à la crise sanitaire risque que de remettre en question ces objectifs. Quelle politique européenne est-elle envisagée pour soutenir les objectifs de décarbonation du secteur aérien, monsieur le secrétaire d’État ?

Il reste beaucoup de chemin parcourir pour assurer cette décarbonation du secteur des transports. La crise que nous connaissons est l’occasion d’accélérer cette transition en investissant massivement dans les solutions bas-carbone. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que l’Union européenne soit au rendez-vous de ce défi.

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