Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat du réchauffement climatique et de la destruction des espaces naturels est réel. Les citoyens européens nous interpellent, nous, les élus, sur la nécessité d’agir pour la planète, pour l’humanité et pour les générations à venir.
L’Union européenne a compris la nécessité de bâtir un modèle économique viable en tenant compte de l’urgence climatique.
Pourtant, l’action européenne en faveur du climat a été évoquée au Conseil européen des 15 et 16 octobre sans que soit arrêtée de position concernant la révision de l’objectif de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon de 2030, objectif qui s’intègre dans la stratégie de l’Union européenne en vue d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050. Ce n’est pas une surprise, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous aviez indiqué lors du débat préalable au Conseil que ce point ne serait pas tranché avant le Conseil européen de décembre.
Les conclusions des 15 et 16 octobre confirment bien la volonté de convenir lors du Conseil européen de décembre, à la fois d’un nouvel objectif de réduction des émissions pour 2030 plus ambitieux, mais aussi de l’actualisation de la contribution déterminée au niveau national de l’Union européenne, actualisation qui sera adressée aux parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique.
Bien que la cible finale pour l’horizon 2030 ne soit pas précisée, les conclusions se réfèrent à la proposition présentée par la Commission européenne de réduire d’au moins 55 % les réductions d’émissions d’ici à 2030. Ma première question est donc la suivante, monsieur le secrétaire d’État : cela signifie-t-il que, dès aujourd’hui, la position adoptée par le Parlement européen le 6 octobre à une courte majorité de relever cet objectif à 60 % est jugée hors de portée, donc exclue pour le Conseil européen ?
Ce nouvel objectif pour 2030 sera atteint collectivement par l’Union européenne, ce qui implique des différences et une solidarité entre les États dans une logique d’équité et de maîtrise des coûts. Cette nouvelle ambition va nécessiter des investissements importants ; comme le souligne l’étude d’impact de la Commission européenne, elle aura des impacts sectoriels significatifs et représentera des enjeux d’ampleur variable suivant les États membres.
Il est donc nécessaire de fixer un cap, mais également d’accompagner les économies des États membres dans cette transformation profonde, afin que les citoyens européens n’en soient pas victimes in fine. Le Conseil européen – je souhaite saluer cette décision – a appelé la Commission à mener des consultations approfondies avec les États membres, afin d’évaluer les situations spécifiques et de fournir davantage d’informations sur les répercussions de ce nouvel objectif à l’échelon des États membres.
À ce stade, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur l’état des réflexions et des rapports de force au sein du Conseil européen, à la fois sur l’ambition révisée, mais aussi sur le niveau acceptable ou souhaitable de solidarité entre les États pour y parvenir. Compte tenu des premiers échanges intervenus avec la Commission, pouvez-vous également d’ores et déjà nous éclairer sur l’impact prévisionnel d’un tel rehaussement pour la France ?
Enfin, les conclusions du Conseil des 15 et 16 octobre évoquent la nécessité de prévenir le risque de fuite carbone – vous l’avez évoqué. C’est un sujet auquel le Sénat est particulièrement sensible.
Il est essentiel de mettre en place rapidement un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, afin de préserver des conditions équitables de concurrence entre les entreprises européennes et les autres, mais aussi de répondre à cet enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui a une portée mondiale.
L’Europe ne doit pas se montrer naïve en la matière. Ces débats prouvent bien, comme l’avait affirmé le Sénat dans son avis motivé relatif à la loi européenne sur le climat, que la définition de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas un élément technique ni mécanique : elle revêt un caractère éminemment politique et doit être pleinement acceptée par les États membres pour être mise en œuvre avec succès.
Les enjeux d’une telle décision sont lourds en termes économiques et sociaux, technologiques et industriels, mais aussi en termes d’aménagement du territoire dans chacun des États membres ; il ne faut pas se le cacher.
Je me félicite donc de ce que la dernière position de compromis sur la loi européenne sur le climat, présentée par la présidence allemande en vue du Conseil « Environnement » du 23 octobre, écarte la voie du recours aux actes délégués entre 2030 et 2050 et retienne en contrepartie le principe d’un objectif intermédiaire à l’horizon de 2040. Tel était le point dur de l’avis motivé du Sénat.
L’urgence est toutefois de parvenir à mettre en œuvre de manière concrète et efficace les instruments du cadre financier pluriannuel et du plan de relance, notamment en vue d’accompagner les défis économiques, sociaux et territoriaux de la lutte contre le changement climatique dans un contexte économique profondément dégradé par la crise de la covid-19.
La lutte contre le changement climatique est l’une des matrices structurantes de ce nouveau cadre financier pluriannuel et du plan de relance. Plus l’Europe prend du retard dans leur mise en œuvre, plus il lui sera difficile d’atteindre un objectif rehaussé de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions satisfaisantes.