Intervention de Isabelle Mesnard

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 23 septembre 2020 à 14h00
Quel avenir pour les mobilités dans les espaces peu denses

Isabelle Mesnard, France Mobilités, Cerema :

Je suis en effet directrice de projet au Cerema et à ce titre, j'anime la démarche France Mobilités.

Je complèterai les propos de David Caudel, que je partage entièrement, et y ajouterai une idée supplémentaire. Nous avons assisté à une première vague de territoires précurseurs qui se sont lancés pour élaborer des stratégies, au-delà des projets expérimentaux, et construire des plans de mobilité. À notre sens, il y a un véritable enjeu à les soutenir à l'échelle nationale, avec notamment la prise de compétence mobilités, mais également à l'échelle locale en permettant aux territoires précurseurs de diffuser leurs idées et leurs démarches.

Je m'appuierai sur un retour d'expérience car nous tenons une banque de plans de mobilité au sens large. En analysant ces plans, on constate la diversité des territoires qui se sont lancés dans l'élaboration de stratégies. Parmi les collectivités porteuses, se trouvent des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) mais également des échelles supérieures telles que les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Les échelles de coopération sont variables, parfois plus larges que le simple EPCI. Ces territoires ont eux-mêmes des structures très différentes (de 5 à 120 communes, de 20 000 à 100 000 habitants, de faible à très faible densité...). Cela n'empêche pas ces territoires de construire des stratégies.

Les éléments déclencheurs qui les amènent à agir sont intéressants à analyser. Il peut s'agir de démarches de planification qui concernent d'autres sujets que les mobilités, d'appels à projets, qui constituent un véritable levier des politiques publiques, mais également d'initiatives d'autres collectivités territoriales, qui les conduisent à s'emparer de cet enjeu pour leur propre territoire.

Une seule finalité anime ces acteurs : réduire la dépendance à la voiture de leur territoire, avant tout pour des raisons sociales. Les collectivités constatent en effet que sans voiture, il est plus difficile pour les jeunes et les personnes âgées de se déplacer. Les obstacles à la mobilité entraînent une rupture du lien social et des difficultés d'accès aux commerces et aux services. Par conséquent, un moyen de lutte contre la désertification consiste à travailler sur les mobilités. Les raisons environnementales tenant à la lutte contre les nuisances jouent également un rôle. Il s'agit enfin d'articuler la lutte contre l'étalement urbain avec le travail sur les mobilités.

À l'avenir, les territoires pourraient nuancer leur objectif de réduction de la part de la voiture avec le véhicule électrique, qui constitue l'un des axes du plan de relance. En effet, l'objectif pourrait être de permettre à des personnes en situation de précarité énergétique d'avoir accès à des véhicules électriques.

Dans la façon de décliner cette stratégie commune, on constate que certains territoires ont pris un peu d'avance. Le plus simple est de travailler par part modale, en développant les autres moyens de mobilité que la voiture. D'autres territoires commencent à poser les sujets de façon plus stratégique et transversale, en cherchant à renforcer l'attractivité du territoire, notamment pour les personnes en recherche d'emploi.

Quand on regarde ces stratégies en premier rang, il s'agit pour les territoires peu denses de trouver des alternatives à la voiture en développant des transports collectifs. Cette solution est complexe financièrement, mais les transports collectifs sont très structurants. Il faut avoir du poids pour obtenir des résultats sur l'organisation des TER. Il y a un lien direct avec l'intermodalité. Les travaux portent aussi sur les changements de comportements et les modes actifs. L'arrivée du vélo électrique vient changer la donne sur le déploiement du vélo. Il serait nécessaire aussi de développer davantage la marche, y compris en changeant l'aménagement. Le management de la mobilité figure au premier rang des préoccupations des territoires ruraux. Pour ce faire, le bouche à oreille et les actions de proximité constituent un véritable atout propre aux territoires ruraux.

En revanche, les initiatives sur le covoiturage sont moins nombreuses, certainement parce que les réponses au covoiturage se pensent aujourd'hui à une plus grande échelle que celle des territoires ruraux. De même, une certaine frilosité sur l'auto-partage est constatée. Enfin sur les mobilités solidaires, il paraît surprenant que peu d'initiatives se soient développées puisqu'un réseau de transport d'utilité sociale est peu coûteux et facile à mettre en oeuvre.

Les deux absents des stratégies de mobilités sont le tourisme et les marchandises, ce qui pose question. Peut-être les territoires ruraux ont-ils besoin d'être davantage outillés en la matière.

En conclusion, une forte dynamique des acteurs locaux est constatée. Il convient néanmoins de faire preuve de prudence, en faisant en sorte de maintenir cette dynamique. L'innovation repose sur la concertation, sur l'appropriation d'outils urbains. Nous sommes très surpris de l'enrichissement de ces stratégies grâce à l'arrivée d'acteurs, et de la communication entre ces acteurs. Pour l'heure, les démarchent de mobilité s'inscrivent dans un moyen terme. Nous devons donc les aider à réfléchir à plus long terme, et à élaborer des stratégies plus matures.

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