Intervention de Nathalie Mas-Raval

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 23 septembre 2020 à 14h00
Quel avenir pour les mobilités dans les espaces peu denses

Nathalie Mas-Raval, directrice générale des services de la communauté de communes du Pic Saint-Loup :

Je vais vous présenter en plusieurs temps l'expérience de la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup. Tout d'abord, j'évoquerai les initiatives, puis le retour d'expérience et enfin les perspectives.

Le territoire du Grand Pic Saint-Loup compte 50 000 habitants et 36 communes situées au nord de la métropole de Montpellier. Sur ces 36 communes, 15 sont considérées comme très peu denses, avec moins de 300 habitants. Les deux-tiers des actifs travaillent en-dehors du territoire, avec de très forts mouvements pendulaires avec la métropole de Montpellier et un cadencement insuffisant des transports en commun. L'enjeu est évidemment d'améliorer les circulations pendulaires, et également de fournir des solutions de mobilité pour tous les usagers, actifs ou captifs. Pour ce faire, nous avons travaillé sur plusieurs outils et solutions de mobilité : les mobilités actives (vélo, marche à pied), les nouvelles mobilités, le transport à la demande. Cette solution nous est apparue la plus pertinente en tirant le transport avec lignes régulières situé sur la métropole, jusqu'à notre territoire. Le volet important a consisté en une coordination entre les AOM, c'est-à-dire la métropole, la région et les entités gestionnaires de voirie que sont le département et les communes.

Notre approche qualifiée par certains d'innovante - mais qui me paraît en réalité de bon sens - a été partenariale. Il s'agit aussi d'une approche d'usage, consistant à prendre la place de l'usager pour ne pas rater notre cible.

En premier lieu, nous avons conclu un contrat de réciprocité avec la métropole. Nous avons ensuite recherché des financements en participant à des appels à projets, seuls et parfois avec le département de l'Hérault. Par exemple, nous avons répondu à l'appel à projets Vélos et Territoires de l'Ademe.

Notre projet « Pôles Nouveaux usages » est conçu comme un pôle d'échange multimodal destiné aux territoires peu dense. Il propose des solutions qui peuvent ne pas apparaître très innovantes, mais qui sont pertinentes pour notre territoire (auto-partage, covoiturage, auto-stop organisé...). Ces solutions s'appuient sur des outils numériques (plateformes de covoiturage, information voyageurs en temps réel) et sur les vélos électriques, très utiles dans notre territoire fortement vallonné.

La cartographie met en évidence un rabattement sur les bourgs-centres. Notre objectif est de les dynamiser. Il ne faut pas oublier que la mobilité représente un pan important de l'aménagement du territoire. On peut utiliser la rupture de charge lors des déplacements de manière à apporter un bénéfice au dynamisme commercial des centres villes. Nous avons travaillé à répondre à cette question en incitant au rabattement vers les bourgs-centres, leurs services et leurs commerces. Telle est la vision macro.

Ensuite, la vision micro s'inscrit dans un travail partenarial avec les communes sur les circulations douces. À travers une signalétique, il s'agit de rabattre les usagers qui doivent subir une rupture de charge vers le coeur de ville.

La logique s'inscrit dans la cohérence. La région nous a été d'une grande aide car elle portait également une politique de revitalisation des bourgs-centres, en y mettant les financements associés sous l'angle spécifique de l'innovation.

Nous avons en outre privilégié la logique d'usage et une approche de terrain. Nous avons beaucoup d'usagers différents. Nous avons constaté que des bus en provenance de la métropole traversaient notre territoire, mais sans s'y arrêter. Par conséquent nous avons travaillé avec la métropole, et sommes au bout d'un temps assez long parvenus à un résultat malgré le nombre important d'acteurs présents autour de la table.

Au début, nous avions 3 500 voyageurs par an. Puis le nombre de trajets a doublé grâce au rabattement sur une gare TER, après renégociation de la délégation de service public (DSP) conjointement avec la métropole. Nous avons donc apporté un bénéfice aux populations, pour un coût négligeable, en s'appuyant sur le réseau existant.

Par ailleurs, nous avons travaillé le sujet de l'auto-stop, destiné avant tout aux populations captives. L'accueil a été mitigé dans la mesure où il existe des craintes d'agressions. Alors que nous pensions toucher avant tout les jeunes, la cible s'est finalement avérée être celle des 35-60 ans.

Nous avons travaillé de manière pragmatique à utiliser les solutions déployées dans la métropole, notamment l'auto-partage en utilisant les véhicules communaux, mais également sur le transport à la demande (TAD) avec des véhicules publicitaires, dans la même logique de moindre dépense.

Nous avons enfin encouragé le vélo à assistance électrique, destiné aux actifs et aux locations de moyenne durée, sur des trajets domicile-travail. Le département de l'Hérault nous épaule sur ce projet. Le test a démontré un fort report modal, dans la mesure où 10 % des testeurs procèdent à l'acquisition d'un vélo à assistance électrique après le test. Pour la sécurité des utilisateurs, il convient toutefois de gérer les pistes cyclables, ce qui engage à nouveau le volet partenarial. L'enjeu en la matière est aussi économique et touristique.

Pour conclure, la mobilité sur un territoire peu dense repose sur un foisonnement de solutions. La coopération avec les acteurs et la richesse du lien social constituent des atouts certains. Les freins éventuels organisationnels et institutionnels tiennent à la longueur des délibérations dans l'intercommunalité (36 communes) pour passer des achats. Il existe un levier important pour changer les comportements de chacun à travers la communication.

Parfois, nous rencontrons des difficultés de coordination des subventions. Par exemple, à l'occasion d'un projet de développement d'une plateforme de covoiturage avec une intercommunalité voisine, nous avons pu constater certaines aberrations de notre système de financement car les subventions arrivaient à des moments différents. Des améliorations en termes de calendrier pourraient utilement intervenir pour apporter de la cohérence dans nos actions.

Je peux témoigner aussi sur les sujets de pérennité des appels à projets, qui sont certes incitatifs mais se heurtent à un grand turn-over des personnes qui travaillent sur ces appels à projets. Je n'ai en revanche pas rencontré de difficultés en ingénierie, notamment car j'ai bénéficié de l'aide du département.

À l'ère du « tout, tout de suite », il faut être conscient que les changements de comportements prennent du temps. Néanmoins, des perspectives encourageantes peuvent être relevées malgré les freins. J'encourage chacun à se rendre sur la plateforme numérique France Mobilités pour effectuer un parangonnage, ce qui peut constituer un gain de temps.

En matière de dé-mobilité, les EPCI jouent un rôle de levier important car ils animent le développement économique. Le volet de planification spatiale et financière, le volet démocratique (groupes d'usagers) sont également utiles.

Je finirai ma présentation par un sondage édité à l'occasion du séminaire de rentrée des conseillers communautaires. Il en ressort que l'investissement sur la mobilité représente pour nos conseillers, après celui sur le développement économique et sur la gestion des déchets ménagers, le troisième investissement prioritaire sur quatorze compétences. On constate par conséquent l'importance que revêt la mobilité, qui constitue un pan de l'aménagement du territoire.

Un projet d'aménagement du territoire ne sera réussi que s'il est concerté, innovant et durable. Quand on parle de durable on pense à l'environnement, mais je parlerai aussi de pérennité. Avant tout, il faut se mettre à la place des usagers et de leurs besoins, en faisant appel au bon sens pour apporter des solutions.

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