Intervention de Olivier Jacquin

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 23 septembre 2020 à 14h00
Quel avenir pour les mobilités dans les espaces peu denses

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

Sur le vélo, Olivier Schneider de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) m'indique qu'il s'agit de l'une des propositions de la convention citoyenne. Elle vient d'être émise également par Xavier Desjardins, et nous avons entendu l'expérience menée à Lunéville. Le sujet va donc faire son chemin.

Deux territoires à titre d'illustration, ce n'est évidemment pas suffisant. Nous avons néanmoins fait le choix de ces territoires, qui ne sont pas des très peu denses. Nous aurions pu choisir d'autres territoires, mais vous aurez compris que nous nous sommes livrés à une illustration arbitraire du champ des possibles.

Je passe maintenant la parole à Thomas Matagne, qui intervient pour l'entreprise Ecov.

Thomas Matagne, président-fondateur d'Ecov. - Ecov est une entreprise au statut de société par actions simplifiée (SAS) inscrite dans le champ de l'économie sociale et solidaire (ESS). Notre mission est de réussir à transformer la voiture en solution de transport collectif.

Nous sommes une équipe de cinquante personnes aux profils très diversifiés. Nous avons déployé des lignes de covoiturage sur une quinzaine de territoires, principalement en Rhône-Alpes. Nous considérons que la transition ne se fera pas sans la voiture, qui représente le mode de transport le plus largement répandu sur les territoires. Le système routier s'est construit depuis un siècle, et les territoires peu denses ne sont pas en mesure de s'en passer. Nous avons besoin de la voiture car nous avons construit un mode d'organisation collectif autour de cet objet si efficace qu'il est surconsommé, avec un taux d'occupation faible. Les sièges libres sur les territoires sont extrêmement nombreux, car l'occupation des véhicules n'est que de 1,3 personne par voiture. Si l'on monétisait les sièges inoccupés, à l'échelle nationale, on atteindrait un équivalent en dépenses publiques de 40 à 45 milliards d'euros. Il s'agit donc d'une richesse latente, qui ne signifie cependant pas que 45 milliards d'euros de marché existent en valeur effective. La richesse que ces sièges vides représentent est néanmoins certaine.

Nous proposons du covoiturage pour les trajets du quotidien dans les territoires péri-urbains et ruraux, définis comme tous les territoires situés en-dehors des centres villes, où les transports collectifs sont très présents. Dans ces territoires peu denses, seront structurés dans l'espace et dans les temps des services à haute fréquence en s'appuyant sur les flux de véhicules. Pour comprendre les points de vue des utilisateurs, je proposerai l'exemple du projet Lane, mis en oeuvre autour de Bourgoin-Jallieu, au travers d'une vidéo.

Une vidéo est diffusée.

Le point clé de notre service est la simplicité et l'instantanéité, tant pour l'usager que pour le conducteur. Nous reprenons les recettes du transport collectif pour les appliquer sur le réseau routier. Nous obtenons ainsi des changements de comportements très importants. Plus de 80 % de nos passagers sont d'anciens auto-solistes. Ces personnes abandonnent leur voiture car elles bénéficient en contrepartie d'un service de qualité et fiable. Ces mêmes personnes n'utilisaient précédemment aucun service de covoiturage alors que les plateformes sont présentes depuis longtemps sur ces territoires. 75% de nos utilisateurs ont été convaincus par nos services car ils les ont testés. L'innovation n'est donc pas que virtuelle. L'innovation est question d'aménagement, d'adaptation, de qualité de service. Pour la mener à bien, une bonne gouvernance est nécessaire.

Les nouvelles lignes de covoiturage à haut niveau de service (CoHNS) viennent d'être inaugurées à Grenoble. Sur ces lignes, un pas est franchi puisqu'elles sont introduites dans le Pass Mobilités de l'agglomération. Il s'agit donc d'une liaison complète entre l'usage et la tarification. De plus, ces lignes sont les premières à s'articuler avec une voie réservée. Le bénéfice est double. La voie réservée crée une incitation au covoiturage - donc une contrainte pour les autres automobilistes - et la politique publique garantit de pouvoir trouver des covoitureurs d'une façon très aisée. Finalement, l'incitation crée un cercle vertueux.

En matière de mobilité, c'est l'offre qui crée la demande. Par conséquent, il convient que l'offre atteigne un haut niveau de qualité de service pour que les gens consentent à abandonner leur voiture individuelle. Pour cela, il faut comprendre les territoires et les flux de véhicules, ce qui est très complexe et relève de la recherche et développement (R&D). Il est possible de développer des lignes de covoiturage dans des territoires très ruraux, même si ces lignes ne seront pas situées partout, en toutes circonstances. Des complémentarités seront nécessaires avec d'autres modes : transports solidaires, transports à la demande.

Lorsqu'on analyse les modes de mobilité selon deux critères, le coût d'intervention des collectivités publiques d'une part et les objectifs de politiques publiques retenus d'autre part, on se rend compte que les différents modes ont des domaines de pertinences différents mais peuvent se compléter. Il convient aussi de bien identifier les différents publics, qui n'ont pas tous les mêmes besoins. Les différents modes se complètent et s'articulent.

Ecov est de plus en plus un opérateur des mobilités en zones peu denses. Ainsi nous avons mis en place un service de trottinettes, afin de répondre aux nécessités de mobilité du dernier kilomètre dans une zone d'activité. Nous nous sommes intéressés aux usages, aux problématiques de nos usagers, et y avons répondu par la fourniture de trottinettes et de vélos. Sans ces solutions, la grille de covoiturage n'aurait pas été complète. Notre objectif n'est pas non plus de se situer en concurrence avec les transports collectifs, mais de s'inscrire dans une complémentarité, chacun dans son domaine de pertinence. Les transports collectifs offrent une grande capacité et une garantie, alors que le covoiturage accélère la fréquence de transports et permet potentiellement la conversion d'auto-solistes. Le transport solidaire s'adresse pour sa part à des publics captifs, souvent plus âgés. Dans les territoires où ces publics se trouvent, il est possible d'engager des conducteurs. Tout comme les lignes de covoiturage, le transport solidaire devient un service public partagé. L'environnement de mobilité devient alors un écosystème aussi performant que celui présent dans les zones denses, en tenant compte de données économiques différentes.

Merci pour la qualité de présentation de ce concept et pour le concept lui-même. Nous avons le sentiment, avec ces expérimentations réussies, qu'une autre utilisation de la voiture est possible. J'ai retenu l'exemple d'Ecov car cette société s'inscrit totalement dans l'organisation collective des bassins de mobilité par les AOM. À l'inverse, des sociétés du même type mènent un lobbying assez appuyé pour faire en sorte que le covoiturage de courte distance s'effectue hors des AOM.

Sylvie Landriève va à présent nous livrer une synthèse intermédiaire qui apportera une ouverture sur le sujet suivant.

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