Intervention de Marie Huygue

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 23 septembre 2020 à 14h00
Quel avenir pour les mobilités dans les espaces peu denses

Marie Huygue, chercheuse au CNRS, consultante en mobilité :

J'attribue aux espaces peu denses auxquels je m'intéresse trois caractéristiques. La première est une dépendance structurelle à la voiture. La deuxième caractéristique est celle de la prédominance de la voiture dans les pratiques de mobilité des habitants. Le troisième élément tient au fait que la culture de la mobilité y soit avant tout automobile.

En jouant le jeu de la réflexion prospective, qui n'est pas mon jeu favori, je peux présenter le futur désirable pour les espaces peu denses. Il s'agit de mettre en place un système de mobilités ouvert à tous les usagers : piétons, cyclistes, flâneurs, automobilistes, jeunes et personnes âgées... Cet espace permettrait donc aux villes de n'être pas uniquement des endroits où se déplacer, mais également des centres-bourgs où flâner. Le système de mobilités serait plus ouvert et également moins générateur d'inégalités sociales et territoriales que le système actuel.

Nous connaissons les solutions pour y parvenir. Nous en avons entendu des exemples tout à l'heure : développement d'infrastructures, d'offres de mobilité, travail de planification... C'est un panel de solutions complémentaires.

J'insiste sur le terme « expérimentation », car les territoires qui ont une vraie dynamique de mobilité durable l'ont souvent développée à partir d'expérimentations de petite ampleur.

On pourrait s'interroger sur les raisons de l'absence de mise en place des dynamiques sur tous les territoires. Une partie des freins tient au portage des projets. Dans les territoires ruraux avec lesquels je travaille, j'observe différentes peurs de la part des décideurs. Certains d'entre eux n'ont pas encore d'intérêt à développer de mobilité durable, car les systèmes actuels sont perçus comme satisfaisants pour une grande partie de la population. D'autres ont peur de l'échec car ils manquent de confiance dans les expérimentations. D'autres encore craignent de ne pas être capables de développer les projets en milieu rural.

La LOM rebat les cartes en matière de compétences sur la mobilité. Elle encourage largement les communautés de communes à s'emparer de la compétence mobilité. C'est un objectif louable, mais il semble que les territoires soient encore très réticents. Pourtant, le choix doit être opéré au mois de mars prochain. Les freins tiennent tant au financement, qu'à une mauvaise compréhension de la loi. Il convient donc de faire preuve de pédagogie. Certains territoires sont totalement novices sur le sujet de la mobilité. Le risque au 31 mars 2021 est donc qu'un grand nombre de communautés de communes décident finalement de ne pas prendre la compétence.

J'insiste sur l'importance du portage des expérimentations. Il me semblait qu'à partir du 31 mars 2021, les territoires non AOM ne pourraient plus candidater aux appels à projets portés par France Mobilités ou l'Ademe. Apparemment cette affirmation n'est pas exacte, ce qui est une très bonne nouvelle. Ma peur est que nous nous retrouvions dans une situation dans laquelle des territoires prendraient la compétence, se trouveraient dans une vraie dynamique de mobilité durable tandis que d'autres se retrouveraient bloqués, sans pouvoir agir sur la mobilité. Si l'on m'affirme à l'inverse que malgré tout, ces territoires pourraient répondre aux appels à projets, ma crainte diminue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion