Permettez-moi avant tout de féliciter celles et ceux d'entre vous qui ont été élus ou réélus lors des dernières élections sénatoriales. Vous connaissez mon attachement à la démocratie parlementaire, à l'équilibre entre les deux chambres du Parlement et, par extension, au rôle essentiel de la Haute Assemblée, représentante de nos territoires.
Pour avoir travaillé sur plusieurs projets de loi de financement de la sécurité sociale en tant que députée et que présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, j'estime que le PLFSS pour 2021 est un beau PLFSS. Il est à la hauteur de la crise sanitaire que nous traversons, mobilise tous nos moyens et apporte aux personnels de soin, au sens large, la juste reconnaissance que nous leur devions. Enfin, il prépare l'avenir, en consacrant une nouvelle branche de la sécurité sociale, la couverture du risque de perte d'autonomie ; c'est à cet égard un PLFSS fondateur, qui fera date.
Cela fait presque deux décennies que les pouvoirs publics songent à une telle branche. Ce sujet est évidemment au coeur de ce qui fait société : il convient de s'organiser pour prendre soin des plus vulnérables, leur insuffler confiance et les considérer comme des êtres qui agissent, et non qui subissent. La réforme que nous devons porter repose notamment sur un appui accru au secteur médico-social, secteur du « prendre-soin », mais cela doit se faire au service d'un objectif plus large, du principe intangible de la préservation de la dignité et de la liberté des aînés jusqu'au bout.
Nous ne partons pas de rien : nous nous inscrivons dans la continuité de réformes majeures, telles que la création de la CNSA après la canicule de 2003. Nous franchissons aujourd'hui une étape historique. Certains ne voient dans la présente réforme qu'une mesurette administrative, mais il nous faut prendre la mesure du moment : en tranchant, en pleine crise sanitaire, le débat ancien sur la cinquième branche, nous avons fait un choix politique aux conséquences de long terme.
La création de cette cinquième branche porte en elle quatre promesses.
Une promesse d'universalité, d'abord : la gouvernance de la branche conservera son originalité, du fait du rôle des conseils départementaux, mais sa création doit être synonyme d'équité territoriale renforcée.
Une promesse de qualité renforcée de l'offre d'accompagnement, ensuite, ainsi qu'une promesse de renforcement des politiques transversales de l'autonomie, au croisement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles qui sont destinées aux personnes handicapées ; le soutien aux proches aidants sera également évoqué.
Enfin, une promesse de démocratie, avec la création d'un rendez-vous annuel au Parlement, qui mettra en lumière la politique publique de l'autonomie, mais aussi les déterminants de sa trajectoire financière. La création de cette branche permet de faire la vérité des prix et de regarder en face les ressources que nous consacrons à cette politique et celles qui nous manqueront pour répondre aux défis posés par la transition démographique.
Cela ne se fera pas en un jour : je reviendrai sur la façon dont ces promesses s'incarneront dans le futur projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie.
D'ores et déjà, ce PLFSS redéfinit les missions de la CNSA et renforce les pouvoirs du conseil départemental, tout en offrant une architecture simplifiée propice à la diversification des interventions de la CNSA, qui pourra ainsi employer les 600 millions d'euros d'investissement prévus par le Ségur de la santé, notamment en apportant son aide à la modernisation numérique des établissements et des services.
Surtout, ce PLFSS apporte une première définition du périmètre de la branche : il comprendra les dispositifs gérés par la CNSA ; l'AEEH y sera également intégrée. C'est une première étape ; le périmètre pourra évoluer dans les années à venir.
La création de cette branche s'appuie sur un renforcement de l'information du Parlement, puisqu'une nouvelle annexe du PLFSS sera désormais consacrée aux dépenses consolidées de l'État et des départements dans le champ de l'autonomie. Cette source d'information nouvelle sera extrêmement riche.
Nous avons fait le choix dans ce PLFSS d'un financement autonome de cette branche par des recettes propres : la CNSA sera affectataire de 28 milliards d'euros de CSG, toutes assiettes confondues, à compter de 2021. Nous anticipons partiellement l'affectation de la fraction de CSG qui avait été prévue pour 2024 dans la loi du 7 août 2020. Cela permettra le financement de mesures nouvelles à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cette branche est donc très loin d'être une coquille vide.
Est ainsi prévue une revalorisation salariale massive dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La nouvelle branche prendra à sa charge la totalité des revalorisations de tous les personnels, quel que soit leur statut, dans tous les Ehpad. Nous ne demandons rien aux départements ni aux résidents : c'est inédit. Sont également prévus des crédits d'investissement dans l'immobilier, le numérique et les petits équipements.
Une somme de 2,1 milliards d'euros a été prévue sur cinq ans pour le secteur médico-social. Ce plan inédit doit nous permettre, à terme, de rénover et de restructurer près d'un quart de l'offre, mais aussi de concevoir et de mettre en oeuvre un établissement de type nouveau, l'Ehpad de demain, qui soit plus ouvert, plus protecteur, mieux structuré en petites unités de vie, plus adapté enfin à la transition climatique et aux troubles cognitifs.
On peut aussi citer parmi les mesures nouvelles ainsi financées, à hauteur de 300 millions d'euros, la poursuite de la convergence tarifaire, qui vise à augmenter le taux d'encadrement dans les Ehpad. S'y ajoutent de nouvelles mesures de soutien aux personnes en situation de handicap, que Sophie Cluzel vous détaillera.
Enfin, je voudrais mettre l'accent sur le soutien au secteur de l'aide à domicile, qui vous tient à coeur et que je connais bien. Nul besoin de remettre l'église au milieu du village : ce secteur relève de la compétence des départements. La branche autonomie soutient ceux-ci dans leur action à travers des concours financiers massifs : près de 3 milliards d'euros en 2020. Des informations complémentaires nous ont conduits à proposer une hausse de 120 millions d'euros de ces concours pour 2021.
Au-delà de ce soutien, j'ai tenu à ce que l'État intervienne plus massivement en faveur des aides à domicile, aux côtés des conseils départementaux. Ainsi, 80 millions d'euros viennent soutenir les collectivités qui s'engagent à verser une prime Covid à ces aides, en contrepartie d'un effort au moins égal de leur part. À ce jour, au moins 84 départements se sont engagés à verser cette prime.
Mais le virage domiciliaire ne saurait s'incarner que dans une mesure conjoncturelle. Le PLFSS intègre donc un dispositif inédit et pérenne : la branche autonomie financera à hauteur de 200 millions d'euros en année pleine un soutien aux conseils départementaux qui s'engageront à revaloriser les salaires de l'aide à domicile. Sur la base de cette enveloppe, des échanges avec les départements sont engagés avec les départements pour convenir d'un effort public global de revalorisation salariale. Les partenaires sociaux seront invités à négocier une trajectoire ainsi finançable ; nous les recevrons dès la semaine prochaine pour préparer cette démarche.
Nous faisons le pari de la coconstruction : l'État ne décidera pas seul de la revalorisation. Je peux néanmoins déjà vous annoncer que l'avenant 44 à la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, première étape de la revalorisation, sera bien agréé. Le seul objectif que l'État fixera dans la négociation qui s'ouvre est la nécessité de procéder prioritairement à une revalorisation des bas salaires. Il n'est pas admissible que certains demeurent en dessous du SMIC.
Ce PLFSS est une étape, mais nombre de sujets trouveront leur place dans le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie qui sera présenté en 2021. La branche, ce sont les fondations ; il nous faut désormais construire la maison.
Cela passe par l'amélioration de la gouvernance territoriale, la simplification des modes de financement des établissements et des services, et un dialogue renforcé entre agences régionales de santé (ARS) et départements.
Cela passe aussi par une amélioration de l'offre à domicile comme en Ehpad, au travers d'une augmentation progressive du taux d'encadrement, mais aussi d'un changement de modèle dans l'intervention des professionnels : le domicile et l'établissement doivent travailler en continuum.
Cela passe encore par l'amélioration de l'information donnée aux citoyens, par le biais notamment d'un réseau très identifié de maisons de l'autonomie dans tous les territoires, chargées d'accueillir et d'orienter les personnes. Cette réflexion est en cours ; nous devons la construire avec les départements.
Il faudra financer la trajectoire qui sera portée par le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Vous avez pris connaissance des pistes évoquées par le rapport Vachey et vous connaissez la complexité des choix à faire dans un contexte très difficile pour toutes les branches de la sécurité sociale. Les choix ne sont pas simples ; il faudra les regarder en face et en discuter avec l'ensemble des partenaires au cours de l'élaboration du prochain projet de loi, dans le cadre de ce que j'ai appelé le « Laroque de l'autonomie ».