Commission des affaires sociales

Réunion du 27 octobre 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • EHPAD
  • PLFSS
  • autonomie
  • branche
  • cinquième branche
  • domicile
  • revalorisation

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Je souhaite la bienvenue devant notre commission à Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie.

La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a créé une cinquième branche de la sécurité sociale, dont la gestion a été confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Le Gouvernement a ensuite confié à M. Laurent Vachey, que nous auditionnerons demain, la mission de formuler des propositions sur l'organisation et le financement de cette branche en vue de ce PLFSS. Celui-ci reprend, parmi les propositions du rapport Vachey, le transfert d'une prestation, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), de la branche famille à la branche autonomie, ainsi que le transfert de recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) depuis la branche maladie et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), tout en conservant le financement des établissements dans le champ de l'Ondam, qui s'élargit aux dépenses financées par la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) et la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA).

Les contours de cette branche sont renvoyés à une concertation, le « Laroque de l'autonomie ». Demeure en toile de fond une question lancinante, à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre aujourd'hui : comment financer cette cinquième branche ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie

Permettez-moi avant tout de féliciter celles et ceux d'entre vous qui ont été élus ou réélus lors des dernières élections sénatoriales. Vous connaissez mon attachement à la démocratie parlementaire, à l'équilibre entre les deux chambres du Parlement et, par extension, au rôle essentiel de la Haute Assemblée, représentante de nos territoires.

Pour avoir travaillé sur plusieurs projets de loi de financement de la sécurité sociale en tant que députée et que présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, j'estime que le PLFSS pour 2021 est un beau PLFSS. Il est à la hauteur de la crise sanitaire que nous traversons, mobilise tous nos moyens et apporte aux personnels de soin, au sens large, la juste reconnaissance que nous leur devions. Enfin, il prépare l'avenir, en consacrant une nouvelle branche de la sécurité sociale, la couverture du risque de perte d'autonomie ; c'est à cet égard un PLFSS fondateur, qui fera date.

Cela fait presque deux décennies que les pouvoirs publics songent à une telle branche. Ce sujet est évidemment au coeur de ce qui fait société : il convient de s'organiser pour prendre soin des plus vulnérables, leur insuffler confiance et les considérer comme des êtres qui agissent, et non qui subissent. La réforme que nous devons porter repose notamment sur un appui accru au secteur médico-social, secteur du « prendre-soin », mais cela doit se faire au service d'un objectif plus large, du principe intangible de la préservation de la dignité et de la liberté des aînés jusqu'au bout.

Nous ne partons pas de rien : nous nous inscrivons dans la continuité de réformes majeures, telles que la création de la CNSA après la canicule de 2003. Nous franchissons aujourd'hui une étape historique. Certains ne voient dans la présente réforme qu'une mesurette administrative, mais il nous faut prendre la mesure du moment : en tranchant, en pleine crise sanitaire, le débat ancien sur la cinquième branche, nous avons fait un choix politique aux conséquences de long terme.

La création de cette cinquième branche porte en elle quatre promesses.

Une promesse d'universalité, d'abord : la gouvernance de la branche conservera son originalité, du fait du rôle des conseils départementaux, mais sa création doit être synonyme d'équité territoriale renforcée.

Une promesse de qualité renforcée de l'offre d'accompagnement, ensuite, ainsi qu'une promesse de renforcement des politiques transversales de l'autonomie, au croisement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles qui sont destinées aux personnes handicapées ; le soutien aux proches aidants sera également évoqué.

Enfin, une promesse de démocratie, avec la création d'un rendez-vous annuel au Parlement, qui mettra en lumière la politique publique de l'autonomie, mais aussi les déterminants de sa trajectoire financière. La création de cette branche permet de faire la vérité des prix et de regarder en face les ressources que nous consacrons à cette politique et celles qui nous manqueront pour répondre aux défis posés par la transition démographique.

Cela ne se fera pas en un jour : je reviendrai sur la façon dont ces promesses s'incarneront dans le futur projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie.

D'ores et déjà, ce PLFSS redéfinit les missions de la CNSA et renforce les pouvoirs du conseil départemental, tout en offrant une architecture simplifiée propice à la diversification des interventions de la CNSA, qui pourra ainsi employer les 600 millions d'euros d'investissement prévus par le Ségur de la santé, notamment en apportant son aide à la modernisation numérique des établissements et des services.

Surtout, ce PLFSS apporte une première définition du périmètre de la branche : il comprendra les dispositifs gérés par la CNSA ; l'AEEH y sera également intégrée. C'est une première étape ; le périmètre pourra évoluer dans les années à venir.

La création de cette branche s'appuie sur un renforcement de l'information du Parlement, puisqu'une nouvelle annexe du PLFSS sera désormais consacrée aux dépenses consolidées de l'État et des départements dans le champ de l'autonomie. Cette source d'information nouvelle sera extrêmement riche.

Nous avons fait le choix dans ce PLFSS d'un financement autonome de cette branche par des recettes propres : la CNSA sera affectataire de 28 milliards d'euros de CSG, toutes assiettes confondues, à compter de 2021. Nous anticipons partiellement l'affectation de la fraction de CSG qui avait été prévue pour 2024 dans la loi du 7 août 2020. Cela permettra le financement de mesures nouvelles à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cette branche est donc très loin d'être une coquille vide.

Est ainsi prévue une revalorisation salariale massive dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La nouvelle branche prendra à sa charge la totalité des revalorisations de tous les personnels, quel que soit leur statut, dans tous les Ehpad. Nous ne demandons rien aux départements ni aux résidents : c'est inédit. Sont également prévus des crédits d'investissement dans l'immobilier, le numérique et les petits équipements.

Une somme de 2,1 milliards d'euros a été prévue sur cinq ans pour le secteur médico-social. Ce plan inédit doit nous permettre, à terme, de rénover et de restructurer près d'un quart de l'offre, mais aussi de concevoir et de mettre en oeuvre un établissement de type nouveau, l'Ehpad de demain, qui soit plus ouvert, plus protecteur, mieux structuré en petites unités de vie, plus adapté enfin à la transition climatique et aux troubles cognitifs.

On peut aussi citer parmi les mesures nouvelles ainsi financées, à hauteur de 300 millions d'euros, la poursuite de la convergence tarifaire, qui vise à augmenter le taux d'encadrement dans les Ehpad. S'y ajoutent de nouvelles mesures de soutien aux personnes en situation de handicap, que Sophie Cluzel vous détaillera.

Enfin, je voudrais mettre l'accent sur le soutien au secteur de l'aide à domicile, qui vous tient à coeur et que je connais bien. Nul besoin de remettre l'église au milieu du village : ce secteur relève de la compétence des départements. La branche autonomie soutient ceux-ci dans leur action à travers des concours financiers massifs : près de 3 milliards d'euros en 2020. Des informations complémentaires nous ont conduits à proposer une hausse de 120 millions d'euros de ces concours pour 2021.

Au-delà de ce soutien, j'ai tenu à ce que l'État intervienne plus massivement en faveur des aides à domicile, aux côtés des conseils départementaux. Ainsi, 80 millions d'euros viennent soutenir les collectivités qui s'engagent à verser une prime Covid à ces aides, en contrepartie d'un effort au moins égal de leur part. À ce jour, au moins 84 départements se sont engagés à verser cette prime.

Mais le virage domiciliaire ne saurait s'incarner que dans une mesure conjoncturelle. Le PLFSS intègre donc un dispositif inédit et pérenne : la branche autonomie financera à hauteur de 200 millions d'euros en année pleine un soutien aux conseils départementaux qui s'engageront à revaloriser les salaires de l'aide à domicile. Sur la base de cette enveloppe, des échanges avec les départements sont engagés avec les départements pour convenir d'un effort public global de revalorisation salariale. Les partenaires sociaux seront invités à négocier une trajectoire ainsi finançable ; nous les recevrons dès la semaine prochaine pour préparer cette démarche.

Nous faisons le pari de la coconstruction : l'État ne décidera pas seul de la revalorisation. Je peux néanmoins déjà vous annoncer que l'avenant 44 à la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, première étape de la revalorisation, sera bien agréé. Le seul objectif que l'État fixera dans la négociation qui s'ouvre est la nécessité de procéder prioritairement à une revalorisation des bas salaires. Il n'est pas admissible que certains demeurent en dessous du SMIC.

Ce PLFSS est une étape, mais nombre de sujets trouveront leur place dans le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie qui sera présenté en 2021. La branche, ce sont les fondations ; il nous faut désormais construire la maison.

Cela passe par l'amélioration de la gouvernance territoriale, la simplification des modes de financement des établissements et des services, et un dialogue renforcé entre agences régionales de santé (ARS) et départements.

Cela passe aussi par une amélioration de l'offre à domicile comme en Ehpad, au travers d'une augmentation progressive du taux d'encadrement, mais aussi d'un changement de modèle dans l'intervention des professionnels : le domicile et l'établissement doivent travailler en continuum.

Cela passe encore par l'amélioration de l'information donnée aux citoyens, par le biais notamment d'un réseau très identifié de maisons de l'autonomie dans tous les territoires, chargées d'accueillir et d'orienter les personnes. Cette réflexion est en cours ; nous devons la construire avec les départements.

Il faudra financer la trajectoire qui sera portée par le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Vous avez pris connaissance des pistes évoquées par le rapport Vachey et vous connaissez la complexité des choix à faire dans un contexte très difficile pour toutes les branches de la sécurité sociale. Les choix ne sont pas simples ; il faudra les regarder en face et en discuter avec l'ensemble des partenaires au cours de l'élaboration du prochain projet de loi, dans le cadre de ce que j'ai appelé le « Laroque de l'autonomie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Nous saluons la mise en place de cette nouvelle branche, mais de nombreuses questions demeurent en matière de finances et d'organisation. La pérennité des moyens financiers nouvellement dédiés à cette branche est incertaine. En effet, si le Ségur de la santé permet à cette branche d'afficher des dépenses en hausse, elles sont essentiellement financées par le déficit de la branche maladie. C'est notamment le cas des dépenses d'investissement, qui seraient, selon le Gouvernement, tirées par le plan de relance. Est-ce une manière pérenne de financer le secteur médico-social ?

Le Gouvernement a fait une lecture a minima du rapport Vachey pour dessiner le périmètre de la branche autonomie. Certes, il aurait vocation à évoluer. Où en sont les concertations à ce sujet ?

Comment justifier le déficit prévu en 2022 et 2023 ? Pourquoi ne pas prévoir dès à présent les ressources correspondantes ?

Tous les Français plébiscitent le maintien à domicile. Dès lors, est-ce un bon signal que d'engager, dans le cadre du plan de relance, la construction de nouvelles places d'Ehpad, alors qu'aucune mesure en faveur du maintien à domicile ne figurait dans la version initiale du PLFSS ? Seule la mobilisation des acteurs de terrain a fait évoluer les orientations du Gouvernement au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

La deuxième vague de l'épidémie de covid-19 menace les Ehpad. Nous nous interrogeons sur leur capacité à gérer cette crise et sur la surveillance épidémique dans ce secteur. Quelle est votre vision de la situation actuelle ?

Quelles pistes du rapport Piveteau sur l'habitat inclusif souhaitez-vous mettre en avant ?

Enfin, le comité interministériel du handicap se réunira dans quelques jours. Quelles en seront les grandes lignes ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Je tiens à m'inscrire en faux par rapport à vos propos concernant le soutien au maintien à domicile. Il y a trente ans, mon premier métier a été de créer une telle structure. Or il n'y a pas eu beaucoup de progrès depuis lors : on ne peut pas nous faire porter la responsabilité de problèmes récurrents. Dès mon entrée au Gouvernement, j'ai fait remarquer qu'il était anormal que les travailleurs de ce secteur n'aient pas reçu la prime Covid : seuls 19 départements, d'ailleurs loin d'être les plus riches, l'avaient fait spontanément, sans soutien de l'État. Nous avons cherché comment offrir une enveloppe supplémentaire pour aider tous les départements dans cette démarche. Nous sommes là pour aider les départements sans leur ôter leurs compétences dans ce secteur. Ce n'est pas sous la pression des fédérations que l'État et les départements construisent, ensemble, une démarche de revalorisation salariale ; le rôle des parlementaires est également important, car il faut être unanime sur ce sujet.

MM. Véran et Dussopt ont eu l'occasion de se prononcer sur la suite donnée au rapport Vachey. Le PLFSS pour 2021 prévoit un financement de cette branche par des recettes propres : 28 milliards d'euros issus de la CSG. Nous lui affectons aussi, dès cette année, une fraction de la CSG, comme il était prévu à partir de 2024 dans la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie. C'est une première étape.

En vérité, il n'y a pas de solution magique. Le rapport Vachey préconise de nouveaux prélèvements obligatoires, de nouveaux transferts et de nouvelles économies : un débat complexe s'annonce dans un contexte délicat pour les finances sociales. Des travaux interministériels s'ouvrent ; le débat sera mené avec tous les partenaires. Il doit être mené parallèlement à celui qui portera sur le financement du futur projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Les pistes d'économies du rapport Vachey, déjà évoquées dans le rapport Libault, sont également prises en compte dans notre réflexion.

Concernant le comité interministériel du handicap, je laisserai Sophie Cluzel faire les annonces à l'issue de sa réunion.

Le rapport Piveteau porte sur des enjeux majeurs et contient des pistes de réflexion intéressantes. Nous aborderons la réforme de l'autonomie à travers une approche domiciliaire. Cela recouvre toutes les formes de domicile, au-delà de celui que vous avez occupé toute votre vie. Les locations partagées seront évoquées, tout comme les actions coeur de ville : ce sera une politique éminemment territoriale. Les personnes âgées qui veulent rester à domicile ne doivent plus être isolées, mais être placées au coeur des villes et des villages. M. Piveteau a plutôt évoqué ces pistes dans le champ du handicap, mais nous travaillons sur toutes les formes de l'autonomie.

Quant à la situation sanitaire dans les Ehpad, 550 clusters sont aujourd'hui en cours d'examen, avec les conséquences que vous imaginez. Nous devons anticiper d'éventuelles aggravations ou hospitalisations. C'est ce que nous faisons au travers de la distribution, dès maintenant, dans tous les Ehpad de tests antigéniques, de manière à éviter les propagations soudaines connues lors de la première vague. Il faut tester pour pouvoir isoler. Nous avons voulu maintenir une ligne de crête : protéger tout en essayant de ne pas isoler ces personnes. En effet, la première vague nous a montré les situations dramatiques que pouvait causer un confinement total des personnes âgées. Il faut tenir compte des proches aidants et des fins de vie qui doivent être accompagnées. Le contexte de nouvelle flambée de l'épidémie et la nécessaire vigilance sanitaire rendent cette tâche plus difficile : c'est notre devoir que de protéger, mais un dépistage et un isolement immédiat des cas pourraient permettre d'éviter un reconfinement total de ces établissements. Nous demandons à leurs directeurs d'avoir des réponses graduées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

J'ai entendu vos réponses à nos questions financières. Nous avons déjà beaucoup débattu des besoins à venir de la cinquième branche : à l'évidence, on ne pourra pas se limiter aux 31 milliards d'euros déjà prévus. Même si le Sénat a approuvé la création de cette branche, il garde un regard critique, car il en attend beaucoup. Nous comptons sur vous pour apporter tous les apaisements nécessaires sur les futurs financements de cette branche. Concernant l'aide à domicile, toutes les associations expriment une attente très forte et seront attentives à vos déclarations et au changement de paradigme que vous annoncez.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Les attentes suscitées par la création de cette branche sont importantes, notamment dans le milieu associatif du handicap. La promesse d'universalité qui est faite représente un défi majeur. La barrière d'âge, le fameux seuil des soixante ans, demeure problématique pour les personnes handicapées. Comment analysez-vous la position du collectif Handicaps, qui propose d'étoffer l'ordonnance prévue à l'article 16 de ce PLFSS en y intégrant la création d'une nouvelle prestation unique de compensation de la perte d'autonomie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

On parle depuis des années de cette cinquième branche, mais on n'est jamais allé jusqu'au bout du sujet. Vous avez évoqué les moyens qui lui seront consacrés : ce n'est pas une coquille vide, mais on sait qu'ils ne suffiront pas. On avance, mais il y a urgence. L'État peut-il tout faire, ou bien faudrait-il mettre en place un impôt de solidarité ? On ne peut pas faire l'autruche ! Les gens sont prêts à payer, à condition que les recettes aillent vraiment à la cinquième branche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Cette nouvelle branche, avez-vous dit, porte une promesse d'équité territoriale. Nous sommes évidemment favorables à une réduction des écarts territoriaux, mais je m'interroge sur la méthode que vous comptez employer pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Ces prestations seraient-elles transférées vers la cinquième branche, ce qui pourrait entraîner une perte de compétences pour les conseils départementaux ? Si seule une harmonisation est prévue, à quel coût cela se fera-t-il, et selon quelles modalités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Que feriez-vous sans les départements ? La coconstruction et le cofinancement deviennent la règle. Tout le monde souhaite la revalorisation des services d'aide à domicile ; je l'ai moi-même portée dans mon département, dans un souci de simplification et d'équité. Des maisons départementales de l'autonomie (MDA) seraient créées dans tous les départements : quelle plus-value en attendez-vous ?

Les moyens prévus pour la nouvelle branche dans ce PLFSS sont insuffisants. Surtout, en allouant à la CNSA une fraction des recettes de la CSG sans augmenter cette dernière, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, on retire une somme équivalente à l'assurance maladie. Pouvez-vous démontrer le contraire ?

Enfin, quelle est votre position concernant le nombre d'agréments possibles pour un accueillant familial ? Aujourd'hui, quatre personnes peuvent être accueillies s'il y a parmi elles au moins un couple. Êtes-vous favorable à la suppression de cette condition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

La création de la cinquième branche a été une très bonne nouvelle, mais la trajectoire de financement prévue inquiète beaucoup le secteur de l'aide à domicile. À la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale, 200 millions d'euros lui seraient consacrés en année pleine - 150 millions en 2021. Les fédérations du secteur ont pourtant estimé les besoins à au moins 600 millions d'euros, en regard de l'application d'un avenant en souffrance de signature du Gouvernement. Celui-ci se proposerait de couvrir, par le biais de la CNSA, un tiers du coût de cet avenant, les départements couvrant le reste ; la répartition serait donc plus défavorable à ces derniers qu'actuellement. Pouvez-vous confirmer qu'un tel partage est prévu ?

Certes, vous n'avez rien demandé aux départements ni aux personnes accueillies pour financer la revalorisation salariale dans les Ehpad, mais le secteur des soins et de l'aide à domicile doit une nouvelle fois attendre. Face à cette équation financière, des départements sont tentés de mettre en cause l'opposabilité des conventions collectives, loin de votre promesse d'universalité et d'équité territoriale. Le secteur est sinistré : on constate une hémorragie du personnel médico-social, notamment dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

L'avenant 43 à la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile est signé depuis des mois. S'il n'est pas agréé en 2020, son application, prévue pour 2021, serait reportée d'une année. La revalorisation salariale a déjà été reportée dans ce secteur. En outre, cet agrément conditionne le tournant domiciliaire prôné par les rapports Libault et El Khomri. Pouvons-nous avoir des garanties quant à son agrément avant la fin de l'année ?

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Vous avez évoqué la revalorisation salariale des personnels des Ehpad, tous statuts confondus. Qu'en est-il des personnels des Ssiad et des maisons d'accueil spécialisées ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Je suis une départementaliste convaincue. Le domaine social fait partie des missions premières des départements : ne pas parler de coconstruction serait incompréhensible. L'État, pour la première fois, veut les aider dans le domaine de l'aide à domicile. Y consacrer 200 millions d'euros au sein du PLFSS est complètement inédit : il faudrait tout de même le saluer ! Cette approche a fonctionné pour le versement de la prime Covid. Certains départements l'ont élargie aux soignants à domicile ; d'autres requièrent l'aide de l'État ; d'autres encore refusent cet élargissement par principe. Les départements revendiquent cette compétence et chacun sait qu'une convention collective ne se négocie pas tout seul : il faut les partenaires sociaux, mais aussi les financeurs que sont les départements, aidés par l'État. Cette méthode a d'ailleurs été saluée par le président de l'Assemblée des départements de France (ADF).

La barrière d'âge est un sujet évoqué de longue date. Nous devons dans un premier temps renforcer les politiques transversales du handicap et de l'autonomie, le soutien aux proches aidants et l'approche domiciliaire. Il n'y a pas de consensus général quant au champ des prestations qui devraient devenir transversales et faire l'objet d'un modèle unique. Notre but est en tout cas que les personnes s'y retrouvent : elles ne doivent pas affronter un parcours du combattant quand elles passent d'un dispositif à l'autre. Un travail de concertation est nécessaire.

Quant à l'APA et à la PCH, notre souhait premier est l'équité territoriale. La situation actuelle n'est pas satisfaisante : on relève énormément de disparités dans la qualité des services, dans le maillage territorial et dans l'offre même. Le principe d'universalité de la cinquième branche justifie des changements. Parvenir à l'égalité sera plus compliqué, mais l'équité territoriale est le moins que nous devons à la population. Nous entendons donc apporter un soutien dans ce domaine, sans prévoir une recentralisation de ces prestations.

Le transfert d'une part des recettes de la CSG correspond au financement des services médico-sociaux qui étaient jusqu'à présent financés par la branche maladie. Les mesures nouvelles du Ségur de la santé auraient été financées par celle-ci en l'absence de cinquième branche. Il ne s'agit donc pas d'un déficit supplémentaire de la branche maladie au profit de la branche autonomie.

Mmes les députées Robert et Corneloup doivent bientôt remettre un rapport sur les accueillants familiaux. Beaucoup de préconisations vont dans le sens d'un élargissement de cet accueil, solution très humaine et demandée à laquelle je suis très favorable. Il faut seulement faire en sorte de respecter cette dimension familiale. Permettre l'accueil de quatre personnes est un bon équilibre, qui me semble envisageable.

J'ai demandé à M. Libault d'analyser le rôle des MDA existantes, afin d'élaborer une modélisation de ce qui pourrait être mis à disposition sur tous les territoires, sans obérer d'autres options peut-être plus innovantes. Les gens ont besoin d'un lieu unique où recevoir ces informations, pour mettre fin au parcours du combattant que tous dénoncent aujourd'hui. La transversalité de ces lieux entre handicap et autonomie est également importante.

Concernant les Ssiad, nous avions prévu des travaux complémentaires sur les champs du secteur médico-social qui n'avaient pas été couverts par le Ségur de la santé. Une première réunion avec les organisations syndicales a eu lieu ; nous voulons faire aboutir ces travaux au plus vite, car ces revendications sont tout à fait légitimes.

Quant à l'avenant 43, s'il était agréé aujourd'hui, les départements devraient automatiquement régler une facture de plus de 600 millions d'euros. Nous avons décidé de les accompagner, au travers de l'enveloppe supplémentaire prévue dans le PLFSS, afin de pouvoir négocier cet avenant. Cette négociation demande quelque temps, mais les départements sont sensibles à cette aide de l'État et sont donc prêts à aller dans le sens souhaité par le Gouvernement et les fédérations de ce secteur. Nous jouons un rôle de facilitateur de cette négociation, qui devrait être finalisée à la mi-novembre. Donnez-nous encore quelques jours ! Sachez en tout cas que l'enveloppe que nous offrons vise à aller dans le sens de cet avenant. Surtout, il faut s'attaquer à la revalorisation des bas salaires, pour qu'aucun travailleur de ce secteur ne soit plus payé en dessous du Smic.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Merci de nous avoir éclairés sur les propositions que vous faites dans ce PLFSS. Je m'interroge sur l'organisation territoriale des Ehpad et des établissements recevant des personnes handicapées. Longtemps, la doctrine a favorisé les établissements d'au moins 100 places, ce qui a freiné nombre de projets locaux. Au prétexte de l'inclusion, on pousse les établissements installés dans des territoires ruraux à déménager dans des zones urbaines. J'espère que ce n'est pas votre objectif !

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Je partage complètement votre analyse. Le grand âge est trop souvent resté à l'écart de nos préoccupations : les établissements étaient trop souvent loin des centres et adossés à des hôpitaux ; l'aspect sanitaire, certes très important dans le contexte actuel, a pris le dessus sur les impératifs de proximité. Il faut des établissements à dimension humaine, soumis à une charte de qualité et mieux intégrés au coeur des villes ; cela seul permet des relations intergénérationnelles, avec les écoles ou les associations. Enfin, les plus grosses structures ont davantage souffert de l'épidémie de covid-19.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Élisabeth Doineau a raison : nous sommes régulièrement sollicités par des maires qui se voient contraints de fermer les Ehpad de leurs communes du fait des travaux de restructuration imposés par les règles des ARS.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

À vous entendre, avant, on ne faisait rien pour les personnes âgées ; maintenant, vous faites tout... Georges Clemenceau disait qu'on succède toujours à des imbéciles et qu'on précède toujours des incompétents ! J'ai défendu, en 1975, à Lille, une thèse de médecine portant sur l'influence de l'environnement sur le psychisme de la personne âgée. Depuis lors, des progrès ont été accomplis, diverses actions ont été mises en oeuvre pour les personnes âgées. La prestation spécifique dépendance (PSD) a été créée en 1997, sur l'initiative du président Chirac. Certes, c'est encore insuffisant, mais tout cela a été fait !

La création de la cinquième branche a été saluée par notre rapporteur comme une avancée ; elle serait totale, à mes yeux, s'il y avait un système de gestion paritaire, plutôt qu'une gestion directe par la CNSA. Vous évoquez un apport financier de plusieurs milliards d'euros issus de la CSG, mais celle-ci n'augmente pas. Dès lors, il y a obligatoirement une perte de recettes pour l'assurance maladie.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Jamais je n'ai dit qu'il ne s'était rien fait avant ! J'ai même rappelé dans mon propos liminaire que nous ne partions pas de rien !

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

J'ai toujours salué mes prédécesseurs et leurs accomplissements. Je parle d'une vision de la société et du regard porté aujourd'hui sur le grand âge : ce regard doit être changé, il ne faut plus voir les retraités comme des personnes inutiles et coûteuses. C'est pourquoi nous imaginons les Ehpad de demain, ou le maintien de ces personnes à domicile, au coeur des villes, de la société et de la culture. Pour ce faire, nous ne partons pas d'une feuille blanche, bien au contraire : nous nous appuyons sur les innovations territoriales en cours, pour essayer de les universaliser et de réduire les disparités.

J'ai les mêmes interrogations que vous sur le financement. On nous propose souvent de nouveaux prélèvements, mais le Gouvernement ne veut pas opérer de prélèvements supplémentaires. Il faudra mener une réflexion interministérielle, mais aussi, peut-être, repenser toutes les branches de la protection sociale et voir ce qui est encore adapté à la société d'aujourd'hui. Le cinquième risque est réel, il requiert des financements rapides, alors que d'autres systèmes méritent peut-être d'être revus.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Les agents d'Ehpad relevant de la fonction publique hospitalière ont bénéficié au 1er septembre d'une première augmentation de salaire. Cette augmentation a été assurée par les établissements, alors que leur trésorerie est souvent fragile ; seront-ils remboursés ?

Par ailleurs, j'ai compris que la revalorisation des traitements des agents territoriaux des Ehpad ne coûterait rien aux départements : de manière dérogatoire, le financement de ces mesures serait assuré par la nouvelle branche. Cette dérogation sera-t-elle durable ?

Enfin, vous avez affirmé que le financement de cette branche était autonome. Je ne comprends pas ce qui vous permet de l'affirmer ; en dehors des transferts de recettes de CSG, il n'y a pas de nouvelles sources de financements. Votre réponse à M. Milon finit de m'inquiéter : si le Gouvernement ne veut pas de prélèvements supplémentaires, comment financera-t-on cette branche ? Allez-vous procéder à des réductions de droits dans les autres branches ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

Concernant les pistes de financement, je ne peux pas aller au-delà de ce que j'ai déjà dit, car la question n'est pas tranchée au-delà de 2021. Ce PLFSS est une première étape.

En réponse à votre première question, les sommes avancées par les Ehpad seront bien remboursées. Cela se fera en deux fois, en octobre et en janvier. Tous les agents des Ehpad seront revalorisés par la branche autonomie, et non pas seulement les agents territoriaux ; cela se fait par dérogation, non de manière pérenne.

En ces temps de crise, on relève beaucoup de demandes de renfort en personnel. Nous avons lancé hier une circulaire auprès de Pôle Emploi pour faciliter les recrutements dans les Ehpad et pour l'aide à domicile. Tous les leviers devront être utilisés, de l'alternance à l'apprentissage, et tous les surcoûts seront pris en charge. Ces établissements doivent le savoir. La réponse à la crise actuelle peut être l'occasion de susciter des vocations.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 35.