Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la constitution — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

Le second facteur expliquant le faible recours aux expérimentations locales est, selon le Conseil d'État, leur issue binaire. La loi organique prévoit en effet que la mesure testée est soit généralisée, soit abandonnée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de préciser que l'expérimentation peut également aboutir au maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et à leur extension à d'autres collectivités territoriales, et que la loi peut aussi modifier les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation. La possibilité d'abandonner l'expérimentation ne sera toutefois plus explicitement mentionnée.

L'ajout des issues possibles aux expérimentations dans la loi organique permet sans doute de clarifier les possibilités dont dispose le législateur au terme d'une expérimentation. Cet ajout n'a cependant que peu de portée en droit. Le législateur, en effet, peut déjà, dans le cadre actuel de l'expérimentation, modifier dans la loi les dispositions qui régissent l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation pour laisser davantage de marge de manoeuvre aux collectivités. De même, et sans révision constitutionnelle, la pérennisation de l'expérimentation dans une partie seulement des collectivités ne pourra se faire que dans le respect du principe d'égalité. Une différence de situation objective devra justifier une différence pérenne de traitement. L'ajout de cette issue au niveau organique ne permet donc pas, comme le présente parfois le Gouvernement, une différenciation par une pérennisation des expérimentations sur une partie seulement du territoire sur la base de la volonté de chacune des collectivités.

Aussi, nous vous proposerons de préciser que cette pérennisation « partielle » ne peut se faire que dans le respect du principe d'égalité, afin d'expliciter la portée de cet ajout dans le cadre constitutionnel actuel.

Nous vous proposerons également, comme notre collègue Kerrouche, de maintenir l'abandon parmi les issues possibles de l'expérimentation. Nous pourrions toutefois corriger une anomalie de la loi organique actuelle, en prévoyant que le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi visant à l'abandon de l'expérimentation n'aura pas pour effet de proroger l'expérimentation au-delà du terme prévu par la loi autorisant l'expérimentation.

Enfin, l'évaluation des expérimentations locales est aujourd'hui déficiente, nous l'avons souligné à plusieurs reprises. La loi organique prévoit pourtant deux types de rapport évaluatif : un rapport final réalisant une évaluation de l'expérimentation. Sur les quatre expérimentations menées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, une seule a fait l'objet d'une évaluation, qui a été rendue publique un mois après sa pérennisation. Est également prévu un rapport annuel du Gouvernement au Parlement qui permet d'effectuer un suivi annuel des demandes d'expérimentation et des entrées dans les expérimentations en cours. Or, depuis 2003, celui-ci n'a jamais été rendu. Le Gouvernement propose donc, dans son projet de loi organique, de le supprimer.

Nous sommes quant à nous convaincus que l'évaluation est consubstantielle à l'expérimentation. Elle seule permet au législateur de définir, en connaissance de cause, les suites à donner à une expérimentation. C'est pour cette raison que nous vous proposerons de consacrer trois moments d'évaluation, conformément aux recommandations du Conseil d'État : une évaluation finale, une évaluation intermédiaire et un suivi annuel. L'évaluation finale actuellement en vigueur serait ainsi complétée par une évaluation intermédiaire, réalisée à mi-parcours pour chacune des expérimentations. Chaque année, le Gouvernement devrait également remettre au Parlement un rapport indiquant, d'une part, les collectivités ayant décidé de participer à une expérimentation locale et, d'autre part, les demandes d'expérimentations formulées par les collectivités.

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