Je ne peux tout d'abord que souligner le caractère singulier de ces débats dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons. Mais il en est ainsi de la vie parlementaire ! Je voudrais aussi saluer la qualité du travail de notre rapporteure, qui s'intéresse à ces questions depuis plusieurs années et qui a su me faire partager son point de vue. Elle cherche, avec raison, à dégager une méthode, là où prévaut plutôt une approche strictement politique, qui vise surtout à répondre à des exigences diplomatiques ou à donner des gages à des visions mémorielles.
Je regrette que l'on n'ait pas consulté en amont les conservateurs, les archéologues, les historiens, les sociologues, etc. Cela aurait évité d'attribuer au sabre d'El Hadj Oumar Tall une dimension symbolique qu'il n'a peut-être pas et à son ancien propriétaire une aura qu'il ne mérite sans doute pas.
Il faut ensuite savoir trouver le juste équilibre entre ce qui est moral aujourd'hui, ce qui fut légal hier et l'exigence de contextualisation historique essentielle en démocratie.
Il convient enfin de rappeler que le caractère inaliénable de nos collections est un principe fondateur de la notion de musée universel, à moins d'ouvrir la porte à tous les engrenages dont on ne sait pas lorsqu'ils s'arrêteront. Il est dommage que la Commission scientifique nationale des collections, créée à l'initiative de Philippe Richert en 2002, ait été négligée. Rien n'a été fait pour faciliter son travail et aborder ces sujets de manière scientifique. Résultat, nous sommes aujourd'hui dans une position défensive. Certes, le dernier mot doit revenir au politique et au Parlement, mais encore faut-il que la décision soit éclairée par des avis étayés. Il faut éviter de céder à la tyrannie de l'instant, aux appels d'une diplomatie du soft power ou à des approches communautaires ou mémorielles, en passant par-dessus bord nos principes multiséculaires forgés justement pour que le patrimoine de la Nation ne soit pas soumis aux humeurs du prince du moment.
Ce projet de loi d'exception m'inspire un profond malaise. D'autres pays d'Afrique ou d'Asie frappent déjà à la porte que le Président de la République a ouverte avec le discours qu'il a prononcé à Ouagadougou. Le Gouvernement affirme que le caractère inaliénable des collections est maintenu, mais comme cette loi d'exception est fondée, sinon sur le fait du prince, du moins sur la raison d'État, elle risque d'en appeler d'autres. Ces lois d'exception en série risqueront de porter atteinte à la cohérence des collections de nos musées, constituées au fil des siècles, et par là même, à la vision universaliste, fondée sur la mise en valeur du génie humain, d'où qu'il vienne. Déjà, sept pays demandent plus de 13 000 objets. Le défaut d'anticipation de la part de l'exécutif ne peut que surprendre, tellement cette question est prégnante. Notre rapporteure propose de créer un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d'oeuvres d'art extra-occidentales, ainsi qu'un mode de régulation de ces questions qui est de bon sens. Nous suivrons donc ses préconisations.