Nous examinons le rapport de Mme Catherine Morin-Desailly sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
Ce projet de loi vise à faire sortir vingt-sept biens culturels des collections nationales afin de permettre leur restitution au Bénin et au Sénégal, qui les ont réclamés respectivement en 2016 et en 2019.
Ces biens sont arrivés en France comme prises de guerre. Depuis toujours, les oeuvres d'art ont fait l'objet de convoitise et de saisies à l'occasion des conflits. On peut penser, par exemple, aux sculptures rapportées par les armées napoléoniennes d'Italie, qui avaient elles-mêmes été dérobées par les Romains aux Grecs autrefois. Retracer l'histoire des oeuvres d'art, c'est aussi retracer l'histoire des conquêtes. L'idée de restitution est récente. Elle date notamment de la Convention de La Haye de 1954 relative à la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Certains biens culturels font l'objet de réclamations de longue date, comme la pierre de Rosette ou les frises du Parthénon réclamées par la Grèce à l'Angleterre, ou le buste de Néfertiti, réclamé à l'Allemagne, etc. On peut aussi mentionner la problématique des biens juifs qui ont été spoliés par les nazis, sur laquelle notre collègue Mme Corinne Bouchoux s'était penchée dans le cadre d'une mission d'information de notre commission, ou celle des biens culturels saisis à l'époque de la colonisation. On peut enfin évoquer la question délicate des restes humains et de leur conservation.
Les vingt-six objets destinés à être rendus au Bénin proviennent du palais royal d'Abomey. Cet ensemble est composé de statues, de portes en bois sculptées, d'autels portatifs, de trônes, de sièges, de récades, mais aussi d'un métier à tisser, d'un fuseau, d'une tunique, d'un pantalon de soldat et d'un sac en cuir. Ces objets ont été emportés en 1892 par le général Dodds, commandant des armées coloniales françaises, dans le cadre de la guerre du Dahomey qui l'opposait au roi Béhanzin. Le général Dodds les a ensuite donnés au musée d'ethnographie du Trocadéro en 1893 et 1895. Ils sont aujourd'hui conservés au musée du Quai Branly.
Le sabre que le projet de loi vise à rendre au Sénégal aurait été confisqué à Amadou Tall, le fils d'El Hadj Omar Tall, par le général Archinard après la prise de Bandiagara en 1893. Il a intégré les collections du musée de l'Armée en 1909, à la suite d'un don du général Archinard.
Le Bénin et le Sénégal considèrent qu'il s'agit de pièces particulièrement symboliques au regard de leur patrimoine, de leur culture et de leur histoire. Les vingt-six objets béninois font partie du Trésor de Béhanzin, dernier roi d'Abomey. Quant au sabre, il provient de la famille d'El Hadj Omar Tall, qui est considéré au Sénégal comme la figure du résistant africain à la conquête occidentale et à la colonisation. J'ai tenu à ce que nous auditionnions la représentation de ces deux pays en France afin d'en savoir plus sur leur motivation. Je dois dire que dans les deux cas, les pays nous ont fait valoir l'importance à recouvrer la propriété de ces objets pour permettre à leur population de se réapproprier davantage leur histoire et leur culture. Leur objectif est donc véritablement de les exposer au public pour permettre, en particulier, à la jeunesse de se reconnecter avec son passé.
Dans le cas du Bénin en particulier, le retour s'inscrit dans une vraie démarche de valorisation culturelle et de développement économique et touristique à laquelle j'ai été très sensible. Les oeuvres ont vocation à retourner sur le site d'Abomey, où un musée de l'épopée des amazones et des rois doit être construit dans les années à venir. En 2006 déjà, grâce au soutien de Jacques Chirac, une grande exposition avait été organisée entre le musée du Quai Branly et la Fondation Zinsou à Cotonou, où une partie des oeuvres du Trésor de Béhanzin avaient été exposées.
L'intervention du Parlement est nécessaire parce que les collections publiques sont inaliénables, ce qui signifie que la propriété d'un bien conservé dans ces collections ne peut pas être transférée.
Il est vrai que le code du patrimoine ménage la possibilité d'un déclassement, mais il concerne uniquement les objets qui ont perdu leur intérêt public à figurer dans les collections et il n'est pas applicable aux biens entrés dans les collections sur la base de dons et de legs. Le déclassement ne peut donc pas être utilisé pour les objets revendiqués par le Bénin et le Sénégal.
En revanche, le législateur peut poser des exceptions au principe d'inaliénabilité des collections, puisqu'il s'agit d'un principe à valeur législative, et non constitutionnelle. À ce titre, il peut directement prévoir la sortie de certains biens des collections publiques en vue de leur restitution. Cela s'est déjà fait par le passé, pour la restitution de la dépouille de Saartje Baartman - la « Vénus hottentote » - à l'Afrique du Sud en 2002 et pour la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande en 2010. Dans les deux cas, des sénateurs en avaient été à l'initiative, à savoir Nicolas About et, comme vous le savez, moi-même pour les têtes maories qui sont des restes humains patrimonialisés.
Le présent projet de loi se distingue des deux lois de restitution que notre pays a votées par le passé sur deux points. Sur la méthode, il s'agit d'une initiative du Gouvernement et non du Parlement. Ce projet de loi vise en effet à concrétiser une promesse présidentielle, qui trouve son origine dans le discours que le Président de la République a prononcé le 28 novembre 2017 à Ouagadougou. Le principe de ces restitutions avait déjà été annoncé, par le Président de la République en novembre 2018 en ce qui concerne les pièces qui font partie du Trésor de Béhanzin, et par le Premier ministre en novembre 2019 en ce qui concerne le sabre.
Sur le fond, ce projet de loi vise à restituer, non pas des restes humains, mais des objets et oeuvres d'art. Le principal critère qui avait été utilisé à l'époque par le législateur pour apprécier la légitimité de ces restitutions, à savoir le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ne s'applique pas à l'examen de demandes portant sur des biens culturels.
D'un point de vue juridique, rien n'oblige aujourd'hui la France à accéder aux demandes présentées par le Bénin et le Sénégal. Les collections sont protégées, au niveau national, par le principe d'inaliénabilité. Les oeuvres sont entrées dans les collections de nos musées de manière régulière, suite à un don. Aucun texte international ne fixe aujourd'hui de règles prescrivant leur retour. La convention de l'Unesco de 1970 n'a pas de caractère rétroactif. Enfin, les prises de guerre restaient « autorisées » à l'époque où le Trésor de Béhanzin et le sabre ont été saisis par les armées coloniales françaises, la première convention internationale en la matière datant de 1899.
La restitution de ces objets répond donc davantage à des considérations d'ordre diplomatique et éthique. Il faut avoir à l'esprit le fait que la question du retour des biens culturels à leur pays d'origine prend une place de plus en plus importante ces dernières années dans les discussions internationales. Je pense par exemple à l'Unesco : notre représentante permanente, Véronique Roger-Lacan ne nous a pas caché que les revendications en faveur d'une meilleure prise en compte de ces demandes, considérées comme légitimes, vont crescendo. Ce sujet ne se pose évidemment pas seulement en France, mais dans l'ensemble des anciennes puissances coloniales. L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas ont ouvert ces dernières années des réflexions sur le sujet.
Je déplore que la France n'ait pas saisi plus tôt l'importance que prenait peu à peu cette question et n'ait pas conduit la réflexion prospective que le Sénat, en 2002, comme en 2010, l'avait enjoint de lancer. C'est une des raisons pour lesquelles Philippe Richert et moi-même tenions tant à la mise en place de la Commission scientifique nationale des collections, que nous avions investi d'une mission prospective de réflexion.
Mais, le ministère de la culture est resté immobile. Nous nous retrouvons de ce fait sur une position défensive qui nous est très préjudiciable. C'est ce qui a justifié mon souhait, en janvier dernier, de voir une mission d'information de notre commission réfléchir à la question de la restitution des objets d'art. J'ai peur que, faute d'avoir ouvert à temps notre réflexion, notre surdité face aux demandes de restitution ne finisse par nous discréditer. Nous perdrions alors la possibilité de défendre notre position sur la scène internationale et les concepts qui nous sont chers, à commencer par celui de musée universel ! Il est dénoncé par un nombre croissant de pays comme un objet néocolonial et grandement menacé, sans doute parce que nous n'avons pas su donner de gages suffisants de réciprocité dans la mise en oeuvre de cette conception universelle. La France est très isolée à l'Unesco sur ce sujet.
Certains diront que nous n'avons pas à prendre en compte les arguments éthiques, mais n'est-ce pas justement le rôle du législateur de se pencher sur ces questions pour faire concorder le droit avec les attentes de la société ? Les arguments mémoriels et éthiques n'avaient d'ailleurs pas été absents de la réflexion qu'avait conduite le législateur au moment de se prononcer sur les précédentes demandes de restitution dont il avait été saisi. Pour ma part, j'avais souligné, au moment où j'avais déposé ma proposition de loi sur les têtes maories, que le trafic dont elles avaient fait l'objet faisait partie « des pires heures du colonialisme » et j'avais insisté sur l'importance de donner du sens aux restitutions, dans la mesure où celles-ci ne sont qu'un geste dans une démarche plus globale de renouvellement du dialogue, d'approfondissement de la compréhension mutuelle et de développement de la coopération.
Notre commission s'est montrée très attachée, depuis plusieurs années, à défendre les droits culturels. Le retour d'un certain nombre de biens culturels m'apparaît cohérent avec cette notion, car il s'agit de revendications légitimes menées par des peuples autochtones. Plusieurs conditions me paraissent néanmoins devoir être respectées.
La première condition est que ce retour reste strictement limité, par exemple, aux seuls biens qui revêtent un caractère hautement symbolique d'un point de vue historique ou artistique pour les pays d'origine et essentiels pour la construction de l'identité culturelle de la société civile des pays concernés. J'avais là encore été très vigilante au moment du dépôt de la proposition de loi sur les têtes maories à ce que les restitutions reposent sur un certain nombre de critères strictement définis pour ne pas ouvrir la « boîte de Pandore ». S'agissant des restes humains, il me paraissait ainsi essentiel qu'il existe une demande formelle d'un État ; que les objets ne fassent plus l'objet de recherches scientifiques ; que l'objectif soit l'inhumation ; et que les restes soient issus d'actes de barbarie ayant entraîné la mort.
Pas plus qu'avec la Vénus hottentote ou les têtes maories, il ne saurait être question de vider les musées français de leurs richesses ou de faire voler en éclats le principe d'inaliénabilité des collections, tant il constitue la colonne vertébrale de nos musées. C'est lui qui contribue à l'enrichissement et à la valorisation de nos collections publiques. C'est lui qui permet de préserver la cohérence scientifique de nos collections. Nous ne pouvons donc que souscrire à l'insertion par les députés d'un membre de phrase qui rappelle que le cadre général applicable aux collections reste celui de l'inaliénabilité et que les retours auxquels la représentation nationale consent y sont strictement dérogatoires, ponctuels et limités.
La seconde condition, c'est que le retour se caractérise par une volonté réciproque, à la fois sincère et authentique, de réappropriation d'une histoire commune et de renouveau des rapports. Bref, le retour n'a de sens que s'il est suivi d'une véritable coopération renforcée en matière culturelle et patrimoniale. Au contraire, un retour qui serait dicté, soit par la repentance, soit par la volonté de se donner bonne conscience, n'a pas vraiment de sens. La ministre de la culture a d'ailleurs dit à l'Assemblée nationale qu'il ne s'agissait pas d'un acte de repentance. De ce point de vue, il n'est toujours pas clair, à l'issue des auditions, si ce sont les autorités béninoises et sénégalaises ou les autorités françaises qui ont fait le choix des objets que ce projet de loi vise à remettre.
Cela m'amène à mon dernier point : que penser de la méthode employée pour ces restitutions au Bénin et au Sénégal ? C'est sans doute là qu'il y a le plus matière à critiques, tant la décision politique a, dans cette affaire, précédé et prévalu sur toute autre forme de débat - historique, juridique, scientifique, philosophique et éthique -, empêchant de ce fait la formation d'un consensus.
La parole des autorités scientifiques n'a pas pu être entendue, car elles ont été sollicitées une fois prise la décision de restituer les objets réclamés. De même, nous n'avons pas été entendus par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy lors de la rédaction de leur rapport et ces derniers n'ont jamais répondu à notre invitation pour une audition devant notre commission au cours des derniers mois.
Quant aux marges de manoeuvre du Parlement, elles s'apparentent à celles dont il dispose lors du vote d'un projet de loi de ratification. Autant dire qu'elles sont réduites à leur strict minimum et ce, d'autant plus que l'un des objets visés par le projet de loi, à savoir le sabre, est en dépôt au Sénégal depuis 2018 et lui a déjà été officiellement remis, un an après la première procédure de prêt qui avait été contractée. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement pour refléter davantage la réalité en préférant à l'idée de « remise » celle de « transfert », puisque la remise a déjà eu lieu.
Bien sûr, ce n'est pas la première fois que la décision politique prévaut en matière de restitution, en dépit du principe d'inaliénabilité des collections - un principe qui, rappelons-le, a été mis en place dès l'Ancien régime pour empêcher le roi d'agir à sa guise avec le domaine de la couronne dont il est le simple gardien. On se souvient récemment du prêt de longue durée consenti par Nicolas Sarkozy concernant les 297 manuscrits coréens détenus à la Bibliothèque nationale de France, qui avaient été pillés par la marine française en 1866 en représailles de massacres de civils et missionnaires français. En 1993, François Mitterrand avait déjà restitué un premier manuscrit à la Corée en échange de la signature d'un contrat avec Alstom. Plus loin encore, plusieurs objets conservés au musée de l'Armée ont été offerts par le Gouvernement sans autorisation préalable de sortie des collections : un glaive de Premier consul ayant appartenu à Napoléon Bonaparte aux États-Unis en 1945, trois emblèmes mexicains au Mexique en 1964, un canon à la République fédérale d'Allemagne en 1984...
Mais c'est justement cela qu'il, faut, à mon sens, éviter à l'avenir. C'est la raison pour laquelle je vous soumettrai dans quelques instants un amendement destiné à mieux encadrer scientifiquement, dans le futur, ce type de procédures, afin de limiter le risque que de pareilles situations ne se reproduisent. Son objectif est de garantir un temps pour l'expertise scientifique, préalable au temps politique et diplomatique. Il faut s'assurer aussi que la démarche est authentique et que l'objet en question est bien désiré par le pays bénéficiaire.
Nous aurons également l'occasion dans quelques semaines de débattre de nouveau de cette question autour des conclusions de la mission d'information sur la restitution des objets d'art qui a été constituée sur ma suggestion la session passée. Il est clair que nous ne pouvons pas en rester là et qu'il reste beaucoup à faire en termes de moyens mis à la disposition des musées pour avancer sur la recherche de provenance, de formation des conservateurs, mais aussi d'évolution des parcours muséographiques. Sans compter la réflexion à ouvrir, qui me paraît indispensable, sur ce qu'implique pour la France la notion de musée universel.
Il nous revient enfin le soin de définir le périmètre de ce texte, à la lumière duquel sera appréciée la recevabilité des amendements tirée de l'article 45 de la Constitution. Je vous propose de considérer que le périmètre du projet de loi concerne :
- la restitution des biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal,
- les modalités applicables aux procédures de restitution d'objets d'art revendiqués par un État étranger.
Je vous proposerai de considérer que n'appartiennent pas au domaine du texte les dispositions :
- visant à restituer des biens culturels à d'autres États ;
- et portant sur la restitution de restes humains.
Je ne peux tout d'abord que souligner le caractère singulier de ces débats dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons. Mais il en est ainsi de la vie parlementaire ! Je voudrais aussi saluer la qualité du travail de notre rapporteure, qui s'intéresse à ces questions depuis plusieurs années et qui a su me faire partager son point de vue. Elle cherche, avec raison, à dégager une méthode, là où prévaut plutôt une approche strictement politique, qui vise surtout à répondre à des exigences diplomatiques ou à donner des gages à des visions mémorielles.
Je regrette que l'on n'ait pas consulté en amont les conservateurs, les archéologues, les historiens, les sociologues, etc. Cela aurait évité d'attribuer au sabre d'El Hadj Oumar Tall une dimension symbolique qu'il n'a peut-être pas et à son ancien propriétaire une aura qu'il ne mérite sans doute pas.
Il faut ensuite savoir trouver le juste équilibre entre ce qui est moral aujourd'hui, ce qui fut légal hier et l'exigence de contextualisation historique essentielle en démocratie.
Il convient enfin de rappeler que le caractère inaliénable de nos collections est un principe fondateur de la notion de musée universel, à moins d'ouvrir la porte à tous les engrenages dont on ne sait pas lorsqu'ils s'arrêteront. Il est dommage que la Commission scientifique nationale des collections, créée à l'initiative de Philippe Richert en 2002, ait été négligée. Rien n'a été fait pour faciliter son travail et aborder ces sujets de manière scientifique. Résultat, nous sommes aujourd'hui dans une position défensive. Certes, le dernier mot doit revenir au politique et au Parlement, mais encore faut-il que la décision soit éclairée par des avis étayés. Il faut éviter de céder à la tyrannie de l'instant, aux appels d'une diplomatie du soft power ou à des approches communautaires ou mémorielles, en passant par-dessus bord nos principes multiséculaires forgés justement pour que le patrimoine de la Nation ne soit pas soumis aux humeurs du prince du moment.
Ce projet de loi d'exception m'inspire un profond malaise. D'autres pays d'Afrique ou d'Asie frappent déjà à la porte que le Président de la République a ouverte avec le discours qu'il a prononcé à Ouagadougou. Le Gouvernement affirme que le caractère inaliénable des collections est maintenu, mais comme cette loi d'exception est fondée, sinon sur le fait du prince, du moins sur la raison d'État, elle risque d'en appeler d'autres. Ces lois d'exception en série risqueront de porter atteinte à la cohérence des collections de nos musées, constituées au fil des siècles, et par là même, à la vision universaliste, fondée sur la mise en valeur du génie humain, d'où qu'il vienne. Déjà, sept pays demandent plus de 13 000 objets. Le défaut d'anticipation de la part de l'exécutif ne peut que surprendre, tellement cette question est prégnante. Notre rapporteure propose de créer un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d'oeuvres d'art extra-occidentales, ainsi qu'un mode de régulation de ces questions qui est de bon sens. Nous suivrons donc ses préconisations.
Élue des Français de l'étranger, je suis allée plusieurs fois en Afrique. La question de la restitution des biens culturels a souvent été évoquée. Je pense notamment à mes échanges avec Marie-Cécile Zinsou, que la rapporteure a également entendu dans le cadre de ses travaux préparatoires.
Ces restitutions constituent des moyens importants pour permettre à de nombreux Africains de renforcer leur identité. Elles aideront la jeunesse à retisser le lien avec son histoire. Pour que les futures générations puissent construire leur avenir, il est en effet vital qu'elles puissent accéder à leur histoire et s'inspirer des générations précédentes. Les restitutions des vingt-six pièces du trésor de Béhanzin, provenant du pillage du Palais d'Abomey en 1892, et du sabre d'El Hadj Omar Tall contribueront à refonder notre relation et notre partenariat avec ces pays africains. Elles offrent la possibilité d'ouvrir un nouveau chapitre de notre diplomatie culturelle entre la France et l'Afrique. Les inquiétudes que l'on peut entendre concernant la conservation et la présentation au public de ces biens seront, je n'en doute pas, levées grâce au renforcement de la coopération culturelle franco-béninoise. Il convient de tout entreprendre pour que ces biens continuent, à l'avenir, d'être présentés au public dans des lieux adaptés.
Ce projet de loi est de portée limitée, mais pose malgré tout la question de l'après. N'en doutons pas, d'autres États africains souhaiteront récupérer à l'avenir des biens culturels appartenant à leur histoire. Cette démarche s'inscrit dans un mouvement global sur l'histoire et la mémoire qui traverse nos sociétés. Dans ce contexte, je m'interroge sur le procédé législatif qui sera le nôtre l'avenir : devrons-nous à chaque fois passer par un dispositif dérogatoire au droit commun ou, à l'inverse, disposerons-nous d'une loi-cadre qui permettrait, peut-être, une procédure plus claire et plus lisible ?
Je partage les arguments avancés par notre rapporteure et M. Brisson. Le Parlement, et en particulier le Sénat, a été traité comme une caisse enregistreuse : on nous a demandé de valider une démarche sur laquelle nous n'avons pas réussi à faire toute la clarté et je n'ai toujours pas compris, comme Mme Morin-Desailly, pourquoi le sabre d'El Hadj Omar Tall était concerné par ce texte, car il semble qu'il ne s'agirait pas forcément du choix des Sénégalais. Ils estiment que ce sabre ne témoigne pas de l'image qu'ils se font d'Omar Tall comme dignitaire religieux qui a introduit le soufisme sunnite au Sénégal - dimension qui aurait d'ailleurs sans doute méritée d'être un peu plus mise en avant en raison du contexte.
Au demeurant, la représentation diplomatique de ces deux pays nous a brossé les contours du programme culturel et d'échanges très structuré qui pourrait accompagner ces restitutions. Je reconnais qu'il emporte l'adhésion. Dans ces conditions, la restitution des objets peut contribuer à refonder nos relations culturelles avec ces pays et je trouve cette démarche très constructive.
Toujours en ce qui concerne la méthode, je regrette que le Gouvernement ait repris à son compte certains arguments du rapport Sarr-Savoy, sans faire connaître sa position sur d'autres évoqués par le rapport. Celui-ci se montre notamment méfiant vis-à-vis de la notion d'universalité des objets d'art et de la culture en général : dans le rapport, le mot « universalité » ne figure qu'en notes et jamais les deux auteurs ne se prononcent sur ce concept. L'option inverse de l'universalité consiste à considérer que les oeuvres d'art n'ont de sens que dans le milieu culturel qui les a produites. Voilà, à mon avis, qui marquerait un recul très fort pour la pensée que nous portons, celle de la République française qui considère que les oeuvres appartiennent au patrimoine général de l'humanité. La référence de l'art contemporain à l'art africain est à cet égard révélatrice.
Je regrette donc vivement que le Président de la République ait ouvert un débat idéologique d'une grande portée, qui met en jeu les fondements de certaines conceptions républicaines auxquelles je suis très attaché, sans nous dire exactement quelle était sa position : je n'ai pas compris s'il faisait siennes toutes les conclusions, y compris d'ordre philosophique, du rapport Sarr-Savoy, ou si, au contraire, il s'en détachait à la faveur d'un débat idéologique dont on voit les enjeux liés à l'actualité. Je soutiendrai la position de la rapporteure, avec les réserves que j'ai énoncées.
Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera ce texte qui est nécessaire et qui permet d'engager une nouvelle forme de coopération culturelle avec le Sénégal et le Bénin. Cette restitution limitée ne remet pas en cause le principe d'inaliénabilité. Mais cela durera-t-il ? Les demandes d'autres pays affluent pour des milliers d'objets : combien de lois d'exception comme celle-ci devra-t-on étudier avant d'envisager un texte général fixant un cadre à ces restitutions ? Ce texte est sans doute le premier d'une longue série qui rendra bientôt une loi-cadre nécessaire.
Cette loi répond à une demande du Bénin et du Sénégal. Elle ne met pas fin au caractère inaliénable de nos collections publiques. La restitution envisagée témoigne d'une exigence de vérité, d'une volonté commune d'apaiser les conflits de mémoire et de nouer un partenariat plus équilibré, dans la confiance. Ce texte concrétise aussi un engagement fort du Président de la République formulé en juin 2017 devant les étudiants de l'université de Ouagadougou.
La moitié de la population africaine a moins de vingt ans. Chacun sait qu'il est important pour que la personnalité se forge harmonieusement d'avoir conscience de sa propre histoire et de la valeur de son patrimoine. Très peu de jeunes Africains ont les moyens de voyager, de venir à Paris pour voir ces objets. Les restitutions leur permettront d'accéder chez eux à des oeuvres de leur culture, de leur civilisation, et de se les approprier. Exposées là-bas, elles possèdent une forte valeur symbolique ; elles sont les témoins du passé. Elles contribuent ainsi à un sentiment de fierté, de confiance en soi, nécessaires à la construction d'une société prospère. Ces objets ont aussi une signification spirituelle. Il est donc important qu'ils soient exposés à tous. Le Sénégal et le Bénin s'y sont engagés, avec des garanties de bonne conservation, dans le cadre d'une coopération repensée. La réalisation du nouveau musée d'Abomey s'inscrira dans cette vision. Les biens n'en seront pas moins toujours porteurs d'universalité. Ils appartiennent au patrimoine mondial : cela signifie qu'ils doivent être accessibles aussi bien aux populations des pays développés, qu'à toutes les populations du monde.
Ce texte reste dans le domaine de l'exception, mais nous ne devons pas ignorer que les demandes, jusque-là limitées, risquent de devenir plus nombreuses : je sais que Madagascar demande la couronne de la reine Ranavalona III. Il nous appartiendra de décider au cas par cas. Et je ne parle pas du pillage des oeuvres dans les terres de conflit. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera ce projet de loi.
Ce texte soulève deux problèmes. Un problème de méthode, tout d'abord. Ce texte n'est que l'habillage juridique du fait du prince. À tel point que lorsque Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont rédigé leur étude, ils ont consulté la commission de la culture de l'Assemblée nationale, mais non celle du Sénat.
Le texte pose aussi des problèmes de fond. Le terme même de « restitution » comporte un biais idéologique qui fausse l'histoire. Comme l'a rappelé M. Ouzoulias en parlant de l'art contemporain, ce sont nos avant-gardes qui ont érigé en oeuvres artistiques ces objets, auxquels on ne reconnaissait aucune valeur artistique auparavant. Ce sont nos artistes, nos critiques d'art, nos collectionneurs qui ont conféré à ces objets un statut particulier, reconnu mondialement. Attention aux lectures orientées de l'histoire : ces restitutions, on le sait, sont instrumentalisées par des mouvements indigénistes.
Je déplore aussi la méconnaissance des principes d'inaliénabilité, d'insaisissabilité et d'imprescriptibilité. Je n'évoquerai pas non plus les problèmes diplomatiques que ces « restitutions » commencent à poser dans le monde, à l'égard de la France. Cette loi, en passant outre le caractère inaliénable, ouvre une liste, dont on ne sait pas où elle s'arrêtera. En plus, lancer ce mouvement avec le sabre d'un conquérant jihadiste de l'époque, qui faisait peu de cas des principes dont nous parlons aujourd'hui, est faire preuve de méconnaissance de l'histoire.
Le texte porte atteinte aussi à la dimension universelle des oeuvres d'art. Réduire les objets d'art à leur culture d'origine revient à les amputer de leur dimension universelle. Je conçois tout à fait que les demandes de certains pays puissent être fondées ; je pense toutefois que nous aurions pu trouver des réponses qui permettent de ne pas renoncer à nos principes. Cette loi crée un précédent, alors qu'il aurait été possible de trouver d'autres solutions : des prêts de long terme, des partenariats avec des musées, etc. Un partisan de ce texte affirme que le président Chirac avait été un précurseur : de qui se moque-t-on ? Qui peut dire que le président Jacques Chirac était favorable aux restitutions, alors qu'il n'a jamais, comme d'ailleurs ses successeurs jusqu'ici, voulu faire droit à ces demandes ? Le musée du Quai Branly participe au rayonnement de toutes ces cultures qui ont longtemps été minoritaires, oubliées, et leur confère une dimension très particulière. Nous voterons le texte tel qu'il est amendé, mais nous serons très vigilants par la suite, notamment en commission mixte paritaire.
Je partage les propos du Président Retailleau. Il faut veiller à ne pas faire acte de repentance. Ces oeuvres d'art, que nous avons conservées, ont permis de faire rayonner l'art africain. On peut légitimement se demander ce qu'elles seraient devenues si elles avaient été exposées dans d'autres pays. On doit aussi s'interroger sur les conditions de conservation de ces oeuvres dans leur pays d'origine. Les conditions de sécurité seront-elles suffisantes pour éviter qu'elles ne soient volées et ne se retrouvent sur le marché parallèle ? Nous voterons ce projet de loi tel qu'amendé par notre rapporteure. Mais il s'agit d'une nouvelle loi d'exception et il conviendra de veiller à ce qu'elles ne se multiplient pas.
Le problème de la méthode est évident, vous avez été nombreux à l'évoquer. Au début du quinquennat, j'avais rencontré Claudia Ferrazzi, la conseillère pour la culture du Président de la République. Elle voulait s'appuyer sur ma proposition de loi sur la restitution des têtes maories pour justifier la restitution des objets dont on parle aujourd'hui. Je l'avais alertée sur la méthode, en plaidant pour une réflexion partagée au niveau national, ouverte à la représentation nationale et à l'ensemble de la communauté scientifique. C'est pour cela que je me suis insurgée, lorsque l'on a voulu supprimer, sans arguments, la Commission scientifique nationale des collections. Si cette commission n'a pas bien fonctionné, c'est tout simplement parce que le ministère de la culture n'a pas voulu qu'elle fonctionne bien ! Sa composition était pléthorique et elle ne pouvait pas réellement travailler. Le ministère ne s'est jamais emparé de ce sujet. Les ministres successifs, ces quinze dernières années, n'ont jamais entamé de réflexion sur une doctrine concernant de possibles restitutions.
En ce qui concerne la méthode, le minimum est de prendre l'avis des experts. En 2008, au moment où l'on envisageait de restituer les têtes maories, Christine Albanel a lancé un grand symposium au musée du Quai Branly, avec des experts venus du monde entier, pour débattre de la question. Il aurait été souhaitable de reproduire cette démarche. Pourquoi aussi viser l'Afrique et non l'Asie ? Si on lance la réflexion, autant qu'elle porte sur l'ensemble des pays colonisés.
Le choix du sabre pervertit aussi la démarche, alors que celle-ci doit être authentique. Autant la restitution des objets du trésor d'Abomey me paraît légitime, autant la restitution du sabre me semble incongrue et dommageable au projet de loi. L'enjeu est de trouver le bon équilibre entre ce qui est moral aujourd'hui et qui était légal hier. Il ne s'agit pas de répondre aux demandes excessives du rapport Sarr-Savoy qui préconise la restitution des 70 000 objets provenant d'Afrique dans les collections du musée du Quai Branly, peu importe qu'ils aient été mal ou bien acquis et quelle que soit leur origine. Cela n'a pas de sens !
La question de l'après, posée par Mme Lepage, est très importante. Restituer n'est pas le mot adéquat, car il signifie que l'on reconnaît que l'on n'est pas le légitime propriétaire de l'objet. Or ce texte est une loi de circonstance visant à faire une exception au principe d'inaliénabilité. Le projet de loi n'aura pas pour effet de remettre en cause la légalité de la propriété. Il ne s'agit pas d'une démarche faite devant le juge pour contester la propriété.
Une loi-cadre sera-t-elle nécessaire ? La réflexion reste très pauvre en France et ne fait que commencer. Il semble prématuré, à ce stade, d'envisager un cadre général applicable à toutes les demandes de restitution. Il faut trouver un accord autour des critères à remplir. Le travail remarquable de la Commission scientifique nationale des collections lors de sa réflexion sur les restes humains pourrait servir de base à une évolution législative. Nous sommes pour l'instant contraints de procéder au cas par cas, au risque de voir le Parlement encombré de lois similaires. C'est pourquoi je ne peux que renouveler mon souhait d'une réflexion sérieuse sur le sujet, associant des conservateurs, mais aussi des juristes, des anthropologues, etc. Je rappelle également que ces musées sont sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Les amendements COM-1 et COM-2 visent à tenir compte du fait que le sabre a déjà été remis à la République du Sénégal par le Premier ministre français, Édouard Philippe, à l'occasion d'une cérémonie qui s'est tenue le 17 novembre 2019 à Dakar. Dans ces conditions, il apparaît plus approprié de faire référence à un « transfert » qu'à une « remise », pour marquer, dans le cas du Sénégal, le transfert de propriété qu'implique l'article 2 de ce projet de loi et, dans le cas du Bénin, à la fois ce transfert de propriété et le déplacement des objets induits par les dispositions de l'article 1er.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Même raisonnement pour l'amendement COM-2.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 2
Afin de garantir un examen scientifique des demandes de restitution qui pourraient être présentées à l'avenir, l'amendement COM-3 vise à créer un Conseil national chargé de réfléchir aux questions de circulation et de retour d'oeuvres d'art extra-occidentales.
Il répond à trois objectifs : contenir à l'avenir les risques de « fait du prince » en matière de restitution de biens culturels extra-occidentaux ; apporter aux pouvoirs publics un éclairage scientifique dans leur prise de décision en la matière ; et encourager notre pays et, en particulier, le monde muséal, à approfondir sa réflexion sur ces questions qui ont vocation à rebondir dans les années à venir.
Cette instance, dont la composition serait resserrée et réunirait des compétences scientifiques - conservateurs, historiens, historiens de l'art, ethnologues, juristes, etc. - aurait pour mission de donner son avis sur les demandes de restitution présentées par des États étrangers, hors celles présentées en application de la Convention de l'Unesco de 1970, avant que les autorités françaises n'y aient apporté une réponse, afin d'éclairer les pouvoirs publics dans leur prise de décision. Elle serait autorisée à entendre des experts pour l'aider à former son avis. Celui-ci serait rendu public. Il s'agirait cependant d'un avis simple, afin de laisser les pouvoirs publics libres de leur décision. Il pourrait également prodiguer des conseils sur les questions de circulation et de retour des oeuvres d'art extra-occidentales à la demande des ministres intéressés ou des commissions chargées de la culture et des affaires étrangères du Parlement.
Cet amendement est très important. Il fixe un cadre à nos prochains travaux éventuels sur ce sujet. Le Président de la République n'a pas le pouvoir de disposer seul de ce qui appartient à la Nation.
ni que les empereurs romains, car dans la Rome antique la différence entre res privata et res publica était fondamentale. C'était d'ailleurs le Sénat romain qui était compétent. Il est donc important que le Parlement exerce ses prérogatives, conformément au principe de séparation des pouvoirs. Dans les communes, le maire ne peut autoriser la sortie d'un bien domanial de la commune qu'avec l'aval d'une délibération du conseil municipal. Cet amendement précise la composition du nouveau conseil. Il est important de préciser l'esprit dans lequel il devra travailler, car l'administration des musées peut être très conservatrice sur ces questions.
Nous voterons cet amendement. Nous sommes favorables à l'association d'experts scientifiques. En revanche, que recouvre la notion d'art extra-occidental ?
Les Républicains sont favorables à ce texte en raison de cet amendement qui pose les bases d'une nouvelle méthode pour éviter le fait du prince. La culture et le patrimoine de la Nation n'appartiennent pas au Président de la République : ils sont constitutifs de notre identité. La commission qui avait été créée en 2002 a été sabordée. Il est utile de consulter des historiens, des ethnologues et des experts, afin d'éviter les approximations historiques, comme celle qui concerne le transfert du sabre. L'effort de contextualisation est le fondement de la démarche des historiens et d'une démocratie éclairée.
Nous ne sommes pas convaincus par la méthode proposée. Chaque demande de restitution est particulière et spécifique. Une commission généraliste ne pourra être compétente dans tous les cas. Je le rappelle, en l'espèce, les conservateurs des musées du Quai Branly et de l'Armée ont été consultés.
Vous faites preuve du même immobilisme dont ont fait preuve les conservateurs, ce qui fait que rien n'a bougé depuis des années ! Il s'agit de créer les conditions d'une réflexion authentique sur chaque objet. Ce conseil fournira un éclairage, qui manque aujourd'hui, sur chaque demande. Lors de la restitution des têtes maories, on s'est heurté à l'opposition des conservateurs de musée. Il est donc important d'ouvrir la consultation à tous les spécialistes. Mon amendement vise à aller de l'avant et je regrette votre position frileuse. J'ajoute que ce conseil n'aura qu'un pouvoir d'avis et que la décision reviendra, in fine, au pouvoir politique.
Concentrons-nous, pour l'instant, sur les demandes issues des pays anciennement colonisés ; le sujet est suffisamment vaste...
Les cas traités par ce conseil engloberont-ils toutes les situations, y compris lorsque l'origine de la détention est illicite ?
Le conseil sera saisi pour tous les biens, quelle qu'en soit l'origine à l'exception de ceux revendiqués dans le cadre de la convention de l'Unesco de 1970, qui font déjà l'objet d'une procédure.
Je soutiens cet amendement, y compris d'un point de vue politique. On ne peut laisser à l'exécutif le monopole de cette question, car cela ferait des biens culturels des objets diplomatiques comme les autres, de vulgaires objets de marchandage politique. Il faut en outre casser le sentiment qu'ont certaines administrations d'être les propriétaires de leur patrimoine.
Cela dit, nous ouvrons un débat qui exige plus de temps et d'échanges ; on ne peut traiter ce sujet par-dessus la jambe comme nous le faisons aujourd'hui.
L'amendement COM-3 est adopté et devient article additionnel.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La seconde partie de nos travaux est consacrée au projet de loi de programmation de la recherche que nous examinerons en séance cet après-midi. Je vais d'abord laisser notre rapporteur, Mme Laure Darcos, présenter les amendements qu'elle nous propose d'adopter, puis nous examinerons la motion et les amendements déposés sur le texte que nous avons établi.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article additionnel avant l'article 1er
Les libertés académiques caractérisent la liberté professionnelle réservée aux universitaires et aux chercheurs. Elles sont la condition d'existence de leur métier, donc du progrès des connaissances, et se déclinent en trois volets : la liberté de recherche, la liberté d'enseignement et la liberté d'expression.
Or les libertés académiques ne sont plus, en France, à l'abri d'atteintes manifestes : menaces proférées à l'encontre d'enseignants ou de chercheurs participant à des débats, intimidations visant le contenu de travaux de recherche, violences verbales ou physiques perpétrées contre des enseignants. Le terrible drame survenu à Conflans-Sainte-Honorine montre plus que jamais la nécessité de préserver, au sein de la République, la liberté d'enseigner librement et de former les citoyens de demain.
Dans ce contexte, il paraît indispensable de réaffirmer les libertés académiques et de les conforter dans la loi. L'indépendance et la liberté d'expression des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs sont déjà reconnues dans le code de l'éducation, mais l'amendement que je vous propose d'adopter tend à préciser que les libertés académiques s'exercent dans le respect des valeurs de la République, afin d'inscrire dans la loi que ces valeurs, au premier rang desquelles se trouve la laïcité, constituent le socle sur lequel reposent les libertés académiques et le cadre dans lequel elles s'expriment.
Je comprends l'esprit de cet amendement et j'y adhère complètement ; l'université doit être un sanctuaire qui résiste à toutes les dominations. Néanmoins, j'aurais un point de désaccord sémantique : au terme de « valeurs », grandeur mesurable, je préfère le terme de « principes ».
Nous aurons l'occasion d'en discuter en séance, mon cher collègue.
L'amendement n° 234 est adopté.
Article additionnel après l'article 10
Cet amendement sera cher au coeur de M. Ouzoulias, puisqu'il a pour objet de donner toute sa place au campus Condorcet en tant qu'instrument de la politique nationale de recherche en faveur des sciences humaines et sociales ; il s'agit d'inscrire ses modalités de gouvernance, d'organisation et de fonctionnement dans le code de la recherche, tout en clarifiant ses compétences en matière de coopération scientifique. Cet amendement tend également à inscrire ce campus dans son territoire en associant les collectivités territoriales, notamment la région Île-de-France.
L'amendement n° 235 est adopté.
Article additionnel après l'article 20
À compter de 2021, les étudiants en situation de handicap ayant saisi le recteur de région académique pourront signaler leur situation particulière dans leur dossier de saisine. Cet amendement a pour objet de s'assurer que le traitement de ces informations se fasse selon une procédure unique et que chaque étudiant en situation de handicap dispose du même niveau d'accompagnement.
Cet amendement tend également à créer un nouveau droit pour ces étudiants : ils bénéficieront d'un droit de saisine particulier du recteur de région académique, afin de demander le réexamen de leur situation pour obtenir une affectation dans une formation de deuxième cycle compatible avec leurs besoins.
L'amendement n° 236 est adopté.
Article 22
L'amendement rédactionnel n° 237 est adopté.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
La commission a donné les avis suivants sur la motion et les autres amendements de séance :
Article 22
L'amendement n° 233 rétablit l'habilitation à légiférer par ordonnance en matière spatiale. Nous avons eu quelques explications de la ministre de la défense, Mme Parly. Le Gouvernement doit préciser ce qu'il veut faire, or, pour l'instant, la spécification de satellite militaire n'est pas précisée. Avis défavorable. Nous en reparlerons en séance.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 233.
La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :
Article 23
L'amendement n° 50 revient sur la suppression de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF). Avis défavorable.
Il semble important de revenir sur une création qui ne semble pas avoir fait preuve de son efficacité. La structure d'établissement public donnée par la loi du 13 octobre 2014 paraît en effet trop lourde, compte tenu des contraintes qu'elle génère en matière d'organisation, pour un budget réduit de 1,2 million d'euros et un peu moins de six équivalents temps plein. Le projet de loi propose de lui retirer ce statut pour transformer Agreenium en Alliance Agreenium, appuyée sur une convention de coordination territoriale entre différents établissements d'enseignement supérieur et de recherche agronomiques, sous l'égide de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Les emplois seront conservés voire renforcés au sein de cette Alliance, le budget de l'Inrae faisant effet levier. Je crois que c'est une bonne mesure. C'est pourquoi je propose un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 218.
Article 24
Si, d'aventure, l'article 24 était maintenu, quelle serait la position du rapporteur sur les amendements à l'article 24 ?
Ce serait un avis défavorable. Le moindre changement de virgule permettrait à certains de prendre l'ascendant sur d'autres.
La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion est close à 12 h 20.