Intervention de Pierre Ouzoulias

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h00
Projet de loi adopté relatif à la restitution de biens culturels à la république du bénin et à la république du sénégal — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

Je partage les arguments avancés par notre rapporteure et M. Brisson. Le Parlement, et en particulier le Sénat, a été traité comme une caisse enregistreuse : on nous a demandé de valider une démarche sur laquelle nous n'avons pas réussi à faire toute la clarté et je n'ai toujours pas compris, comme Mme Morin-Desailly, pourquoi le sabre d'El Hadj Omar Tall était concerné par ce texte, car il semble qu'il ne s'agirait pas forcément du choix des Sénégalais. Ils estiment que ce sabre ne témoigne pas de l'image qu'ils se font d'Omar Tall comme dignitaire religieux qui a introduit le soufisme sunnite au Sénégal - dimension qui aurait d'ailleurs sans doute méritée d'être un peu plus mise en avant en raison du contexte.

Au demeurant, la représentation diplomatique de ces deux pays nous a brossé les contours du programme culturel et d'échanges très structuré qui pourrait accompagner ces restitutions. Je reconnais qu'il emporte l'adhésion. Dans ces conditions, la restitution des objets peut contribuer à refonder nos relations culturelles avec ces pays et je trouve cette démarche très constructive.

Toujours en ce qui concerne la méthode, je regrette que le Gouvernement ait repris à son compte certains arguments du rapport Sarr-Savoy, sans faire connaître sa position sur d'autres évoqués par le rapport. Celui-ci se montre notamment méfiant vis-à-vis de la notion d'universalité des objets d'art et de la culture en général : dans le rapport, le mot « universalité » ne figure qu'en notes et jamais les deux auteurs ne se prononcent sur ce concept. L'option inverse de l'universalité consiste à considérer que les oeuvres d'art n'ont de sens que dans le milieu culturel qui les a produites. Voilà, à mon avis, qui marquerait un recul très fort pour la pensée que nous portons, celle de la République française qui considère que les oeuvres appartiennent au patrimoine général de l'humanité. La référence de l'art contemporain à l'art africain est à cet égard révélatrice.

Je regrette donc vivement que le Président de la République ait ouvert un débat idéologique d'une grande portée, qui met en jeu les fondements de certaines conceptions républicaines auxquelles je suis très attaché, sans nous dire exactement quelle était sa position : je n'ai pas compris s'il faisait siennes toutes les conclusions, y compris d'ordre philosophique, du rapport Sarr-Savoy, ou si, au contraire, il s'en détachait à la faveur d'un débat idéologique dont on voit les enjeux liés à l'actualité. Je soutiendrai la position de la rapporteure, avec les réserves que j'ai énoncées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion