Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h00
Projet de loi adopté relatif à la restitution de biens culturels à la république du bénin et à la république du sénégal — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteure :

Le problème de la méthode est évident, vous avez été nombreux à l'évoquer. Au début du quinquennat, j'avais rencontré Claudia Ferrazzi, la conseillère pour la culture du Président de la République. Elle voulait s'appuyer sur ma proposition de loi sur la restitution des têtes maories pour justifier la restitution des objets dont on parle aujourd'hui. Je l'avais alertée sur la méthode, en plaidant pour une réflexion partagée au niveau national, ouverte à la représentation nationale et à l'ensemble de la communauté scientifique. C'est pour cela que je me suis insurgée, lorsque l'on a voulu supprimer, sans arguments, la Commission scientifique nationale des collections. Si cette commission n'a pas bien fonctionné, c'est tout simplement parce que le ministère de la culture n'a pas voulu qu'elle fonctionne bien ! Sa composition était pléthorique et elle ne pouvait pas réellement travailler. Le ministère ne s'est jamais emparé de ce sujet. Les ministres successifs, ces quinze dernières années, n'ont jamais entamé de réflexion sur une doctrine concernant de possibles restitutions.

En ce qui concerne la méthode, le minimum est de prendre l'avis des experts. En 2008, au moment où l'on envisageait de restituer les têtes maories, Christine Albanel a lancé un grand symposium au musée du Quai Branly, avec des experts venus du monde entier, pour débattre de la question. Il aurait été souhaitable de reproduire cette démarche. Pourquoi aussi viser l'Afrique et non l'Asie ? Si on lance la réflexion, autant qu'elle porte sur l'ensemble des pays colonisés.

Le choix du sabre pervertit aussi la démarche, alors que celle-ci doit être authentique. Autant la restitution des objets du trésor d'Abomey me paraît légitime, autant la restitution du sabre me semble incongrue et dommageable au projet de loi. L'enjeu est de trouver le bon équilibre entre ce qui est moral aujourd'hui et qui était légal hier. Il ne s'agit pas de répondre aux demandes excessives du rapport Sarr-Savoy qui préconise la restitution des 70 000 objets provenant d'Afrique dans les collections du musée du Quai Branly, peu importe qu'ils aient été mal ou bien acquis et quelle que soit leur origine. Cela n'a pas de sens !

La question de l'après, posée par Mme Lepage, est très importante. Restituer n'est pas le mot adéquat, car il signifie que l'on reconnaît que l'on n'est pas le légitime propriétaire de l'objet. Or ce texte est une loi de circonstance visant à faire une exception au principe d'inaliénabilité. Le projet de loi n'aura pas pour effet de remettre en cause la légalité de la propriété. Il ne s'agit pas d'une démarche faite devant le juge pour contester la propriété.

Une loi-cadre sera-t-elle nécessaire ? La réflexion reste très pauvre en France et ne fait que commencer. Il semble prématuré, à ce stade, d'envisager un cadre général applicable à toutes les demandes de restitution. Il faut trouver un accord autour des critères à remplir. Le travail remarquable de la Commission scientifique nationale des collections lors de sa réflexion sur les restes humains pourrait servir de base à une évolution législative. Nous sommes pour l'instant contraints de procéder au cas par cas, au risque de voir le Parlement encombré de lois similaires. C'est pourquoi je ne peux que renouveler mon souhait d'une réflexion sérieuse sur le sujet, associant des conservateurs, mais aussi des juristes, des anthropologues, etc. Je rappelle également que ces musées sont sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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