Intervention de Olivier Paccaud

Réunion du 28 octobre 2020 à 15h00
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Question préalable

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud :

Les nations qui ont dominé leur temps et leur monde ont presque toujours été celles qui ont maîtrisé la modernité, la technicité.

« Celui qui voit loin va loin », dit un vieux dicton picard. Aussi, nous le savons tous, la recherche doit être une priorité. Elle l’est souvent dans les discours, elle doit le devenir dans les actes. Ce projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 en donne l’occasion.

Dans sa motion tendant à opposer la question préalable, notre collègue Céline Brulin dénonce une « profonde inadéquation entre les ambitions nécessaires et l’insincérité manifeste du contenu de la loi de programmation ». À juste titre.

Les travaux de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, saisie au fond, ainsi que des deux commissions, celles des affaires économiques et des finances, saisies pour avis, ont effectivement pointé un effort budgétaire insuffisant et une trajectoire peu crédible de ce projet de loi, malgré les effets d’annonce du Gouvernement.

La trajectoire budgétaire prévue initialement s’étendait sur dix ans pour atteindre, à terme, un supplément annuel de 5 milliards d’euros, mais nos rapporteurs ont relevé qu’elle ne tenait pas compte de l’inflation. La commission des finances – je salue la brillante démonstration de mon ami nordiste Jean-François Rapin – a établi qu’en euros constants, c’est-à-dire une fois neutralisés les effets de l’inflation, la hausse prévue à l’horizon 2030 par la loi de programmation serait environ quatre à cinq fois inférieure à ce qui était annoncé. Cela revenait seulement à stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB.

Par ailleurs, il n’y a jamais eu précédemment de trajectoire fixée sur dix ans. Cette durée inhabituellement longue, comme l’a souligné le Conseil d’État, l’exposait à des aléas aussi bien politiques qu’économiques, et faisait reposer la plus grande part de l’effort budgétaire sur l’après-quinquennat.

Le tour de passe-passe est très grossier ! Céline Brulin a parlé de « malhonnêteté intellectuelle » ; je n’irai pas aussi loin, mais tout de même…

Dans ces conditions, l’effort budgétaire proposé ne pouvait permettre d’atteindre l’objectif de Lisbonne de 1 % du PIB en faveur de la recherche publique, ce qui a été confirmé par les projections des plus grandes instances scientifiques de ce pays.

Notre groupe partage donc le constat figurant dans la motion sur le manque de crédibilité de la programmation proposée par le Gouvernement.

Cependant, ce n’est pas ce texte que nous examinons aujourd’hui.

La commission de la culture, ainsi que les deux commissions saisies pour avis, ont modifié la trajectoire budgétaire prévue. Elles ont limité sa durée à sept ans et concentré l’effort sur les premières années.

Ainsi, elles ont prévu pour 2021 et 2022 des marches successives de 1, 1 milliard d’euros à destination des programmes de recherche, soit un abondement de 3, 3 milliards d’euros sur deux ans. Le projet initial prévoyait, quant à lui, une hausse moyenne de 450 millions d’euros sur les deux premières années.

Ce coup d’accélérateur est indispensable : nous sommes passés en matière de recherche et développement de la quatrième à la douzième place des pays de l’OCDE entre le début des années 1990 et aujourd’hui. Nous ne saurions en être fiers !

Notre effort public de recherche est passé, dans le même temps, de près de 1 % du PIB à moins de 0, 8 %. Or de nombreux pays européens ont déjà atteint l’objectif de Lisbonne. La bataille économique se joue, aujourd’hui plus que jamais, sur le terrain scientifique et technologique. Faire de la recherche l’une des variables d’ajustement budgétaire est un non-sens, et même une faute politique !

Le texte issu des travaux de nos commissions renoue donc avec l’ambition légitime qu’aurait dû avoir ce projet de loi. Tout d’abord sur le plan financier, comme je viens de l’indiquer, mais également par diverses dispositions visant à améliorer notre système de recherche. Car, si ce texte est dépourvu de grandes mesures structurelles, il aborde des questions concernant directement les chercheurs et les enseignants-chercheurs, telles que leur recrutement, le fonctionnement des organismes de recherche ou les relations avec le secteur privé.

Sur chacun de ces thèmes, la commission de la culture, dont la position était très attendue par la communauté scientifique – nous avons en effet tous reçu un nombre impressionnant de méls –, a proposé diverses avancées par rapport au texte initial. Je tiens, à cet égard, à saluer notre rapporteure Laure Darcos de la qualité de son travail, son écoute constante et son enthousiasme souriant.

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