Cher Pierre Ouzoulias, je ne connais pas encore ce média, mais je vais m’y intéresser dès demain matin au plus tard.
Madame la ministre, il ne s’agit pas de vous faire un procès d’intention. Justement, les intentions affichées via la création de ce Science Media C ent r e paraissent louables en ces temps de crises multiples. La nécessité de penser la médiation scientifique paraît en effet très urgente, alors que nos sociétés sont face à des choix techniques de plus en plus nombreux et complexes.
Toutefois, la solution de centres science et médias, proposée dans le texte de loi, n’est pour nous pas la bonne. On peut malheureusement craindre, avec le dispositif prévu par le texte, une instrumentalisation de la science, car la référence dans le texte de loi aux exemples étrangers est particulièrement malvenue, notamment la référence au Science Media Centr e du Royaume-Uni, est éminemment problématique.
Une enquête fouillée retracée dans le livre Les Gardiens de la raison de Stéphane Foucart sur le Science Media Cent r e du Royaume-Uni montre les processus de désinformation scientifique dont se rend coupable l’agence, au bénéfice, entre autres, de certains de ses donateurs. Ainsi, les experts mis en avant par cette agence avaient pour certains des conflits d’intérêts avérés. De plus, une large partie d’entre eux n’était même pas des scientifiques de profession.
Citer ici cet exemple est-il une maladresse ? On peut l’espérer, mais la rédaction de l’article ne permet pas de lever les doutes.
Le risque est ici la création d’un groupe d’experts garants de la « bonne science », en capacité d’instrumentaliser les discours et l’autorité scientifique dans l’espace public.
Au contraire, les sciences doivent être plurielles, comme on l’a dit, madame la ministre. Plutôt que de créer un réseau d’experts, supposés légitimes, il convient de laisser s’exprimer une diversité de points de vue scientifique, permettant aux citoyens de se faire une opinion éclairée, par le biais de journalistes d’investigation qui sont aussi des professionnels et que l’on doit reconnaître.
On connaît les stratégies des grandes entreprises pour fabriquer du doute dans l’esprit des citoyens sur les sujets comme les OGM, ou le glyphosate.