Mon cher collègue Ouzoulias – je reprends exceptionnellement ma casquette de directeur de recherche –, la réalité est bien pire que ce vous pensez ! Ceux qui sont amenés à diriger des thèses dissuadent d’excellents étudiants d’en faire. En effet, nous savons et nous anticipons qu’il n’y aura pas de poste. C’est cela qui est dramatique. Nous sommes en train de nous priver de l’avenir.
Madame la ministre, par votre amendement n° 212, vous signifiez votre volonté de repartir sur une trajectoire de dix ans. Mais vous faites par ailleurs le choix de passer essentiellement par une augmentation de 400 millions d’euros des crédits de l’ANR, dont le budget était de 533 millions d’euros en 2019.
Comme vous le savez sans doute, depuis sa création en 2005, l’ANR a financé quelque 18 000 projets. Puisque vous parlez d’« ambition », voyez la Deutsche Forschungsgemeinschaft, la DFG, équivalent de notre ANR, qui a distribué 3, 3 milliards d’euros à ses chercheurs pour 31 000 projets en 2019 ! Si l’on veut avoir de l’ambition, c’est possible ; il y a des exemples.
En outre, le modèle que vous sélectionnez pose problème. Tout d’abord, les financements par le préciput sont une exception en Europe. Ensuite, la concentration territoriale des préciputs favorise certaines équipes au détriment d’autres. Enfin, le préciput ne finance pas toujours l’intégralité des coûts de fonctionnement, et il est assez complexe.
De manière plus fondamentale, on ne peut pas opposer systématiquement projet, conjoncture et structure. Le choix que vous avez retenu se fait clairement au détriment de l’aspect structurel. Les chercheurs et les apprentis chercheurs ne sont pas des hamsters devant tout le temps pédaler à toute vitesse pour faire des projets de recherche !