Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 28 octobre 2020 à 21h30
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Article 6

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Madame la ministre, nous avons bien entendu vos arguments. Mais le dispositif que vous êtes en train de promouvoir n’est autre qu’une installation durable des agents dans la précarité. Il ne s’agit peut-être pas de précarisation, puisque ceux-ci sont manifestement, pour une part, déjà précaires ; mais le système que vous proposez pour répondre à cette précarité n’offre pas de garanties dans la durée aux chercheurs.

C’est bien, les programmes de recherche. Mais derrière ces programmes, il y a avant tout des chercheurs ! Or on ne traite pas les chercheurs comme des kleenex qu’on utilise pour un seul projet – c’est aussi cela qui démoralise nos chercheurs. Quand on fait le point sur votre projet de loi, on observe qu’il prévoit 15 000 emplois précaires supplémentaires, c’est-à-dire une augmentation de 10 % de tels emplois ; dans le même temps, du côté des postes sous plafond, qui ne sont d’ailleurs pas toujours statutaires, l’augmentation est bien plus modeste.

On voit bien globalement, donc – c’est, au reste, ce que le monde de la recherche et des chercheurs nous dit –, que ce projet de loi va inscrire dans le marbre, voire accroître, la précarité, ce qui ne peut qu’affaiblir notre recherche et nos chercheurs.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que lorsqu’on demande aux prix Nobel français qui sont issus du CNRS – ce nom n’évoque peut-être à certains que des soupçons de « bureaucratie », mais beaucoup de nos lauréats en sont issus, même si tel n’est pas le cas de la dernière – comment ils ont pu atteindre leurs objectifs, et ce qu’ils doivent au CNRS, ils mettent justement en avant trois critères qui sont pour eux déterminants : la durée et la stabilité de leur emploi ; la liberté dans la conduite de leur recherche ; la possibilité de mener des recherches sur des champs qui, sans avoir été jugés prioritaires au départ, ont fini par s’avérer beaucoup plus féconds que certains autres champs qui, eux, avaient été jugés prioritaires mais n’ont abouti qu’à des résultats modestes.

Il faut plutôt la consolider cette philosophie de la recherche française. Je suis donc pour le recul de la contractualisation et contre ces nouveaux contrats.

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