J’ai compris, au fil des auditions que nous avons menées, qu’il était parfaitement possible que quelqu’un soit recruté vers 35 ou 37 ans et enchaîne ensuite trois contrats de dix ans. C’est ce que les opérateurs nous ont dit : c’est une facilité qu’ils demandent.
Quand vous enchaînez trois contrats de chantier, vous n’avez plus de carrière, plus de droit à la mobilité, plus de droit à la formation, plus de droit à rien, ce qui est quand même une forme de précarité.
Par ailleurs, sur le fond, il y aurait, dans l’enseignement supérieur et la recherche, des formes de rigidité, et il faudrait fluidifier, par les contrats, la capacité des opérateurs à mieux employer des personnes sous contrat, donc non titulaires.
Mais quand on regarde la réalité des chiffres, on constate qu’il y a, dans l’enseignement supérieur et la recherche 50 % de précaires ! C’est bien que, manifestement, il n’y a pas beaucoup de rigidités. Si un salarié sur deux est sous contrat précaire, c’est qu’il est inutile de continuer à fluidifier, c’est que nous sommes arrivés à un niveau qui est déjà inacceptable.
Vous avez repris l’opposition fondamentale, que je crois pertinente, entre le modèle anglo-saxon et le modèle français. Le modèle français est fondé sur le service public, sur la fonction publique : les missions de service public sont d’abord et prioritairement assurées par des fonctionnaires. C’est l’un des grands mérites du Conseil national de la résistance que d’avoir jeté les bases de ce modèle en 1945 – vous me permettrez d’y rester attaché. Cet élément est déterminant : c’est ce qui fait l’indépendance du fonctionnaire et, en l’espèce, du chercheur ; et c’est ce qui fait, surtout, sa capacité à être au service de l’intérêt général.
Ce que vous nous proposez, c’est le modèle anglo-saxon ; c’est celui que nous refusons. C’est précisément pour cette raison que nous voterons contre cette disposition.