Merci pour vos interventions. Je me félicite tout d'abord du soutien apporté par Daniel Laurent à la ligne stratégique que je vous propose. En réponse aux demandes de précisions de Franck Montaugé, le capital de cette entreprise est aujourd'hui détenu à 84,3 % par l'État, à 11,7 % par Naval Group, tandis que les salariés représentent 2,4 % des parts et les sociétés locales de sous-traitance 1,6 %. Ces dernières souhaitent renforcer leur participation au capital, même si ces PME et ETI n'ont pas les moyens de la porter à 20 ou 30 %. La valorisation de cette entreprise ainsi que le montant de la transaction prévue sont assez difficiles à établir et l'Agence des participations de l'État ne nous a pas apporté de précisions. Nous estimons que celle-ci l'estime à environ 120 millions d'euros : cela nous paraît sous-évalué bien qu'il faille tenir compte des très faibles marges dégagées par ce type d'activité - de l'ordre de 2 %. C'est une industrie très capitalistique, avec de gros outils industriels, et des paquebots de plusieurs centaines de millions d'euros qui ne sont que peu financés par des avances et sont surtout payés à la livraison. La rentabilité est donc faible, ce qui explique que la valorisation puisse vous paraître faible.
Il est prévu que Fincantieri achète 50 % du capital et que l'État lui prête 1 % du capital pendant douze ans, avec des contreparties que l'on ne connait pas : certes, cela permet de ne pas céder la majorité des parts et de préserver une possibilité d'influence ou de blocage dans le pouvoir de décision. Reste cependant la question de savoir ce qui adviendra si Fincantieri ne remplit pas ses engagements : ces 1 % devront-ils être rétrocédés, récupérés ou rachetés ? Tout cela mériterait d'être précisé.
Par ailleurs, les Chantiers de l'Atlantique se caractérisent par un remarquable modèle de sous-traitance locale et d'empreinte économique territoriale : au-delà de ses 3000 salariés, l'entreprise fait travailler 3000 sous-traitants français et 1000 sous-traitants étrangers ; elle réalise également 66 % de ses achats en France, 33 % dans les Pays de la Loire et 90 % en Europe.
Je partage les préoccupations exprimées sur les « Routes de la soie » - sujet sur lequel notre commission devra sans doute approfondir sa réflexion. Je souligne à nouveau que l'opération prévue pour les Chantiers de l'Atlantique, dont nous nous saisissons avant qu'elle n'intervienne, illustre ce que l'on redoute de voir se généraliser, avec l'emprise croissante de groupes chinois ou américains.
Je rappelle que la Commission européenne vient de proposer un mécanisme pour interdire les rachats prédateurs, notamment par des opérateurs chinois, à des prix défiant toute concurrence. Il y a là, par rapport à la « naïveté » qui a pu être autrefois dénoncée, un déclic et une volonté de préservation de notre appareil productif, avec, en complément un système de filtrage des investissements étrangers qui se resserre.
S'agissant des étapes à venir, sur lesquelles Marie-Noëlle Lienemann s'interroge, le Gouvernement ne nous a pas communiqué d'informations sur sa volonté ou pas de reconduire, pour la quatrième fois, samedi qui vient, l'accord conclu avec Fincantieri. Sans cette information, nous ne savons pas ce qu'il adviendra. L'opération est d'ailleurs suspendue à une décision positive de la Commission européenne et, faute de disposer d'indications précises, nous en sommes réduits à attendre samedi pour voir si la conclusion d'un accord sera à nouveau prorogée.
Quant à nos moyens d'actions, je vais mettre toute mon énergie à donner une visibilité à ce rapport. Peut-être proposerons-nous une initiative législative permettant aux collectivités territoriales de rentrer dans le capital des entreprises jugées stratégiques par les Régions, au-delà des possibilités existantes. Avec la promotion de cette forme de « capitalisme territorial », j'apporte ainsi un élément de réponse aux interrogations de Martine Berthet. Ce sera également l'occasion de sensibiliser nos collègues députés à ce sujet.
Dans le prolongement des propos de Fabien Gay, je confirme qu'il s'agit à la fois d'une question financière et industrielle. Il nous faut accompagner le virage vers une plus grande maîtrise de nos actifs industriels, notamment les grands chantiers à vocation souveraine - civile ou militaire - pour y garantir une influence suffisante de l'État. Je précise bien entendu, qu'il ne m'appartient pas de mettre en cause la stratégie de Fincantieri, dont le capital est très étatisé puisque son principal actionnaire est la Caisse des dépôts italienne. Nous soulignons simplement la nécessité de préserver les intérêts des Chantiers de l'Atlantique et de son écosystème sur notre territoire.