Intervention de Bruno Belin

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 octobre 2020 à 17h35
Projet de loi adopté par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières — Examen du rapport pour avis

Photo de Bruno BelinBruno Belin, rapporteur pour avis :

Je remercie M. Longeot pour la confiance qu'il m'a témoignée, ainsi que tous nos collègues qui se sont associés aux dix auditions préparatoires.

Alors qu'une épidémie de jaunisse due à des pucerons verts touche sévèrement les cultures betteravières - la perte de rendement, de 13 % en moyenne nationale, atteint parfois 40 % dans certaines régions. Les alternatives aux néonicotinoïdes donnent des résultats insatisfaisants, notamment parce que les pucerons s'adaptent aux produits utilisés. Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite autoriser des dérogations à l'interdiction des néonicotinoïdes pour les semences, jusqu'au 1er juillet 2023. L'Assemblée nationale s'est prononcée dans le même sens.

Les néonicotinoïdes sont non seulement nocifs, mais toxiques ; toute une série de preuves scientifiques solides en ont été apportées. Ils affectent en particulier les abeilles, qui perdent leur sens de l'orientation et leur capacité de reproduction. Plus généralement, ils provoquent un effondrement dramatique des populations d'insectes volants - jusqu'à 75 % de la biomasse européenne aurait disparu en moins de trente ans !

Leur caractère persistant nous conduit à nous interroger. De fait, une part très importante des substances actives - 80 % a minima, selon certaines personnes auditionnées - s'infiltre dans les sols.

C'est donc un motif de satisfaction pour la commission que le projet de loi ne remette pas en cause le principe de l'interdiction générale des néonicotinoïdes.

Les dérogations sont envisagées pour la filière de la betterave, une filière industrielle importante qui emploie 45 000 personnes dans 21 sucreries et dont dépendraient, selon les professionnels, 90 000 emplois indirects. Cette filière est confrontée à des difficultés structurelles, découlant notamment de la fin des quotas sucriers.

La dérogation prévue est strictement encadrée : limitée dans le temps, elle vise seulement les traitements enrobés pour la betterave, à l'exclusion de toute autre culture.

Le volet lié à la recherche est essentiel, car il faut absolument préparer l'après-2023. Je ne sais si les 7 millions d'euros prévus sont suffisants ou non, mais il est important que la filière ait cet impératif et ce calendrier à l'esprit. Un conseil de surveillance, prévu par le projet de loi, permettra de suivre ce volet recherche et sa mise en oeuvre.

Si l'article 40 de la Constitution ne nous permet pas d'augmenter par voie d'amendement les sommes allouées à la recherche, nous pouvons recommander de renforcer les moyens mis à la disposition pour les filières autres que la betterave. Par ailleurs, je recommande la mise en place, pour glisser de l'écologie punitive vers l'écologie incitative, d'un mécanisme consistant à affecter une partie du produit de la taxe existante sur les pesticides à l'indemnisation des producteurs de betteraves n'ayant pas recours aux néonicotinoïdes et qui feraient face à l'épidémie de jaunisse. Il s'agirait de récompenser les producteurs aux pratiques les plus vertueuses.

Enfin, la question est posée de la constitutionnalité du texte dans la mesure où il vise les seules semences de betterave sucrière. J'estime à cet égard qu'il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Sur la base du travail que j'ai mené sur le projet de loi, en particulier des auditions qui ont été organisées, je n'ai pas de proposition d'amendement à vous soumettre.

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