Mes chers collègues, je remercie celles et ceux d'entre vous qui se sont enquis de ma santé ces derniers jours ; leur gentillesse m'a profondément touché. Faisons tous très attention à ce virus, car il laisse des traces.
Plusieurs d'entre vous ont suggéré qu'une partie de nos réunions se tiennent en téléconférence. Ce sera le cas, à ce jour, des réunions programmées dans les petites salles. Il importe en effet que nos collègues qui sont cas contacts puissent participer à nos travaux.
Nous examinons cet après-midi le rapport pour avis de notre collègue Bruno Belin sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dit projet de loi « néonicotinoïdes ».
Adopté par l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier, ce texte a été renvoyé pour son examen au fond à la commission des affaires économiques. Sophie Primas, rapporteure, présentera son rapport demain, la délibération en séance publique étant prévue le 27 octobre prochain.
Je rappelle que les néonicotinoïdes ont été interdits par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont notre commission avait été saisie au fond. En 2018, nous nous étions saisis pour avis du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, texte à finalité agricole, mais étendant l'interdiction des néonicotinoïdes aux substances présentant des modes d'action identiques.
Le présent projet de loi vise à permettre l'octroi de dérogations à l'interdiction des néonicotinoïdes pour les semences de betterave sucrière jusqu'au 1er juillet 2023. Le Gouvernement espère ainsi sauver la filière de la betterave et du sucre, qu'il juge indispensable à la préservation de notre souveraineté alimentaire et économique.
Si la finalité agricole et industrielle du texte a justifié son renvoi à la commission des affaires économiques, il était indispensable que nous nous en saisissions pour avis, dans la mesure où le projet de loi affecte fortement les milieux naturels et la biodiversité, une compétence centrale de notre commission.
Je rappelle que, devant une commission saisie pour avis, seuls sont recevables les amendements du rapporteur pour avis.
Je remercie Bruno Belin pour son travail : sitôt élu, il a pris les dossiers à bras-le-corps !
Je remercie M. Longeot pour la confiance qu'il m'a témoignée, ainsi que tous nos collègues qui se sont associés aux dix auditions préparatoires.
Alors qu'une épidémie de jaunisse due à des pucerons verts touche sévèrement les cultures betteravières - la perte de rendement, de 13 % en moyenne nationale, atteint parfois 40 % dans certaines régions. Les alternatives aux néonicotinoïdes donnent des résultats insatisfaisants, notamment parce que les pucerons s'adaptent aux produits utilisés. Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite autoriser des dérogations à l'interdiction des néonicotinoïdes pour les semences, jusqu'au 1er juillet 2023. L'Assemblée nationale s'est prononcée dans le même sens.
Les néonicotinoïdes sont non seulement nocifs, mais toxiques ; toute une série de preuves scientifiques solides en ont été apportées. Ils affectent en particulier les abeilles, qui perdent leur sens de l'orientation et leur capacité de reproduction. Plus généralement, ils provoquent un effondrement dramatique des populations d'insectes volants - jusqu'à 75 % de la biomasse européenne aurait disparu en moins de trente ans !
Leur caractère persistant nous conduit à nous interroger. De fait, une part très importante des substances actives - 80 % a minima, selon certaines personnes auditionnées - s'infiltre dans les sols.
C'est donc un motif de satisfaction pour la commission que le projet de loi ne remette pas en cause le principe de l'interdiction générale des néonicotinoïdes.
Les dérogations sont envisagées pour la filière de la betterave, une filière industrielle importante qui emploie 45 000 personnes dans 21 sucreries et dont dépendraient, selon les professionnels, 90 000 emplois indirects. Cette filière est confrontée à des difficultés structurelles, découlant notamment de la fin des quotas sucriers.
La dérogation prévue est strictement encadrée : limitée dans le temps, elle vise seulement les traitements enrobés pour la betterave, à l'exclusion de toute autre culture.
Le volet lié à la recherche est essentiel, car il faut absolument préparer l'après-2023. Je ne sais si les 7 millions d'euros prévus sont suffisants ou non, mais il est important que la filière ait cet impératif et ce calendrier à l'esprit. Un conseil de surveillance, prévu par le projet de loi, permettra de suivre ce volet recherche et sa mise en oeuvre.
Si l'article 40 de la Constitution ne nous permet pas d'augmenter par voie d'amendement les sommes allouées à la recherche, nous pouvons recommander de renforcer les moyens mis à la disposition pour les filières autres que la betterave. Par ailleurs, je recommande la mise en place, pour glisser de l'écologie punitive vers l'écologie incitative, d'un mécanisme consistant à affecter une partie du produit de la taxe existante sur les pesticides à l'indemnisation des producteurs de betteraves n'ayant pas recours aux néonicotinoïdes et qui feraient face à l'épidémie de jaunisse. Il s'agirait de récompenser les producteurs aux pratiques les plus vertueuses.
Enfin, la question est posée de la constitutionnalité du texte dans la mesure où il vise les seules semences de betterave sucrière. J'estime à cet égard qu'il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités.
Sur la base du travail que j'ai mené sur le projet de loi, en particulier des auditions qui ont été organisées, je n'ai pas de proposition d'amendement à vous soumettre.
Je félicite M. Belin pour ce rapport, son premier, et qui porte, de surcroît, sur un sujet sensible. Il a mené un travail en profondeur, en liaison étroite avec la commission des affaires économiques, mais en tenant compte de la sensibilité propre à notre commission.
Sur le fond, les propositions avancées me paraissent à la hauteur des enjeux. Il y a une ligne de crête à suivre, ce qui n'est pas simple...
L'invasion de pucerons résultant d'un hiver particulièrement doux touche nos agriculteurs et nos sucreries, qui passent sous le seuil de rentabilité dans les régions fortement frappées par la jaunisse. Résultat : la filière française de la betterave et du sucre est en danger, avec ses 46 000 emplois !
Si les incertitudes conduisent les agriculteurs à réduire leur activité consacrée à la betterave, l'approvisionnement des usines sucrières sera menacé. À Toury et à Eppeville, des sucreries ont déjà fermé.
Déroger jusqu'en 2023 à l'interdiction d'utiliser les néonicotinoïdes permettra de répondre à ces difficultés exceptionnelles, tant par leur ampleur que par leurs conséquences. Nos territoires ruraux, déjà fragilisés par la crise économique, doivent être soutenus.
En préservant notre filière sucrière, nous défendons aussi la souveraineté nationale.
Il est crucial que les mêmes règles s'appliquent en France que dans les autres pays européens. Rappelons à cet égard que onze producteurs européens, à commencer par l'Allemagne et la Pologne, prévoient déjà des dérogations pour l'utilisation des néonicotinoïdes. Dans certains pays, on recourt même à des produits interdits chez nous...
Les alternatives dites chimiques - Teppeki, Movento - ne sont pas du tout à la hauteur du problème que la filière rencontre. De plus, leurs conséquences sur l'environnement sont parfois plus graves que celles des néonicotinoïdes.
Ce projet de loi est donc important : il évitera l'effondrement de notre industrie sucrière et soutiendra une transition agroécologique engagée de longue date - les apports d'engrais azotés ont été réduits de 50 % entre 1994 et 2014, ce qui n'a pas empêché les rendements de croître de 40 %.
J'ajoute que la production biologique de betteraves sucrières se développe fortement ; l'objectif est de produire 30 000 tonnes annuelles de sucre biologique d'ici à cinq ans.
Répondons à une urgence dans nos territoires ruraux, ne laissons pas disparaître une industrie entière !
Je regrette que notre commission n'ait pas été saisie au fond de ce projet de loi, dont l'objet est au coeur de notre travail.
Je m'interroge sur la réintroduction dérogatoire et temporaire des néonicotinoïdes, car elle me paraît inspirée par une vision économique de court terme. Je pense que notre commission a pour mission de mettre en avant l'urgence écologique, dont on parle tous les jours et qui a l'assentiment de la quasi-totalité de la population.
Je félicite notre rapporteur pour avis pour sa modération, mais je reste sceptique sur la dérogation prévue.
Je remercie M. le rapporteur pour avis de ne pas avoir fait l'impasse sur la toxicité de ces substances.
Les sénateurs socialistes sont opposés à ce projet de loi, qui leur paraît marquer une régression importante en matière de préservation de l'environnement et de la biodiversité et dont la constitutionnalité, de surcroît, interroge.
En 2016, le précédent gouvernement avait laissé au secteur quatre ans pour préparer la transition. Quels moyens les professionnels, mais aussi les pouvoirs publics, ont-ils mis en oeuvre pendant cette période ? Si l'on avait sérieusement renforcé la recherche, nous ne serions pas aujourd'hui conduits à examiner la dérogation que l'on nous propose.
Nous sommes d'accord pour apporter un soutien à la filière de la betterave sucrière, mais nous considérons que la dérogation de trois ans proposée par le Gouvernement est le choix de la facilité et du court terme. Sans compter le risque d'ouvrir une boîte de Pandore : dès le mois d'août, la filière du maïs a demandé à bénéficier de la même dérogation...
D'autres solutions existent : la montée en gamme de notre agriculture, une meilleure structuration des filières, la mise en oeuvre d'une véritable culture du risque permettant à notre agriculture d'être plus résiliente face aux aléas sanitaires, économiques et climatiques.
Fin du suspense : le groupe écologiste est opposé à ce projet de loi...
J'observe moi aussi que le rapport pour avis est marqué du sceau de la modération ; et j'en remercie M. Belin.
Il a parlé d'écologie punitive. Les néonicotinoïdes sont, en effet, de l'écologie extrêmement punitive : il est démontré depuis trente ans que ces substances particulièrement toxiques à des quantités infinitésimales provoquent un effondrement de toutes les chaînes trophiques - insectes, puis oiseaux. Compte tenu de leur rémanence, ces effets ne s'arrêteront pas en 2023 : trois ans de traitement supplémentaire entraîneront des conséquences pour des années et des années !
On aurait pu espérer que, ayant reconnu la toxicité de ces substances, le rapporteur pour avis et la majorité de la commission concluent au refus de la dérogation. Ce n'est pas le cas, et ce n'est pas tout à fait une surprise. Oui, la recherche doit être soutenue, notamment dans le domaine des cultures biologiques.
Il est essentiel aussi de travailler à la structuration des filières : si nous ne nous préparons pas à l'augmentation de la demande de sucre biologique, nous dépendrons des importations. De même, dans peu de temps, des sucres seront commercialisés avec la mention « sans utilisation de néonicotinoïdes » : le consommateur y sera très sensible... Faute d'anticipation, les filières seront encore plus en danger demain.
J'accueille avec un vif intérêt l'ouverture du rapporteur pour avis sur les mécanismes incitatifs. De fait, un des enjeux pour l'agriculture française est d'intégrer dans le système assurantiel les efforts des agriculteurs en matière d'incidence environnementale, par la modulation des primes ou des remboursements. S'il intègre cette dimension, le secteur assurantiel sera l'un des leviers de la transformation agricole ; dans le cas contraire, il sera un facteur de retard dans les mutations.
S'agissant de la constitutionnalité du texte, nous serons nombreux à demander son avis au Conseil constitutionnel...
L'Allemagne, il est vrai, a autorisé des dérogations, mais en privilégiant le traitement foliaire, c'est-à-dire l'action directe sur les champs, par rapport aux semences enrobées. Pourquoi ne pas avoir retenu cette option, qui certes n'est pas souhaitable, mais permet au moins de ne pas contaminer tous les territoires ? Si la rentabilité diminue de 13 % en moyenne et de 40 % à certains endroits, il y a d'autres endroits où elle est presque stable...
Enfin, si nous faisons l'effort de ne pas recourir aux néonicotinoïdes, le marché intérieur européen nous garantit-il des protections ? La même question se pose pour d'autres productions, comme les cerises. Nous sommes tous pro-européens, mais les distorsions en matière environnementale posent des difficultés qu'il faut absolument résoudre.
Je comprends d'autant plus les inquiétudes suscitées par ce texte que j'ai fait partie, en 2014, des quarante premiers parlementaires à demander l'interdiction des néonicotinoïdes, avec Ronan Dantec, ici présent, mais aussi Chantal Jouanno.
L'interdiction est salutaire, mais il faut bien tenir compte de l'absence de solution alternative. On ne programme malheureusement pas la date à laquelle la recherche aboutit ! Pour le glyphosate, par exemple, on ne voit toujours pas venir d'alternative...
Le biocontrôle est intéressant, mais efficace seulement sous serre ; en plein champ, comme on l'a vu avec la pyrale du buis, les méthodes ne sont pas au point.
L'agriculture française est malade : depuis un an, nous sommes même importateurs de produits agricoles. Pour que la transformation dont on parle souvent ne soit pas une destruction, il faut se garder d'aller trop vite et trouver une cohérence au niveau européen ; c'est en étant cohérents entre Européens que, de manière pragmatique, nous atteindrons nos buts.
Prenons garde aussi au mirage du « tout bio » : les Chinois commencent à cultiver des centaines de milliers d'hectares en agriculture biologique et inonderont bientôt les marchés à des tarifs défiant toute concurrence...
Les agriculteurs progressent : nous utilisons beaucoup moins de produits, nous irriguons mieux, nous optimisons les traitements par de nouvelles techniques - contrôle par drones, par exemple. La transformation de notre agriculture doit se poursuivre, en douceur. Le « zéro phyto » est une utopie ! Il y aura toujours des insectes, des bactéries, des champignons, qui ne demanderont qu'à ravager les cultures... Le renoncement à certains produits peut même poser des problèmes pour la santé humaine - à titre d'exemple, on sait que les mycotoxines de l'ergot du seigle tuent.
Continuons de progresser, mais avec pragmatisme. Le jour où, faute d'agriculteurs en France, nous importerons du bout du monde des produits traités on ne sait comment, nous n'aurons pas beaucoup progressé. Le groupe Les Indépendants - République et Territoires votera ce projet de loi.
Dans ma région, les champs de betteraves sont aussi jaunes que les murs de cette salle... On ne peut pas laisser les agriculteurs dans cette situation. N'oublions pas non plus que les contrats betteraviers sont sur le point d'être renouvelés.
Je remercie le rapporteur pour avis d'avoir objectivé cette question, particulièrement compliquée, sans rien cacher de la dangerosité des produits dont nous parlons. Je remercie aussi l'oratrice précédente d'avoir parlé en faveur de nos agricultrices et de nos agriculteurs.
Oui, les filières agricoles méritent d'être soutenues. Je viens moi aussi d'une région agricole, la Bretagne, où il n'y a pas que des grandes exploitations. En Bretagne, il n'y aurait plus d'eau, les algues vertes seraient partout... La stigmatisation est rapide, alors que nous avons besoin d'une agriculture de production.
Reste que nous ne réglerons pas les difficiles problèmes de notre agriculture à coup de néonicotinoïdes ; personne du reste ne le prétend.
En ne votant pas ce projet de loi, comme les autres sénateurs du groupe communiste, je marquerai mon refus de traiter notre agriculture comme un sous-ensemble de l'environnement. Elle est une activité à part entière, qui suppose des revenus rémunérateurs pour nos agriculteurs, une mise en perspective du point de vue du développement durable et de grandes actions de recherche.
Il est une substance naturelle qui, paraît-il, est dangereuse : la solanine. Pourtant, avec la pomme de terre qui en contient, Parmentier a sauvé l'humanité de la famine... Gardons-nous de croire que la nature serait spontanément généreuse et sans risque. J'insiste : mes réserves sur ce texte ne traduisent en aucune façon un renoncement à développer pour notre pays une agriculture de production.
C'est fort à propos que les orateurs précédents ont félicité notre rapporteur pour avis. Les auditions qu'il a organisées ont permis d'aborder les problèmes de manière à la fois objective et cordiale, quelles que soient les divergences.
Les néonicotinoïdes ne sont évidemment pas en soi une solution satisfaisante. Tous ceux qui, comme moi, vont régulièrement à la rencontre des agriculteurs savent qu'ils ne demandent pas cette dérogation par plaisir, ni même par facilité. Simplement, ils sont confrontés à une situation tout à fait exceptionnelle. Les pulvérisations à outrance, dont on parle assez peu, ne sont pas une alternative dont on puisse se satisfaire : elles conduisent à la dispersion de produits eux aussi toxiques.
Je répète souvent qu'il faut aller vers l'idéal en passant par le réel. En l'occurrence, il est sage de prévoir une transition de trois ans, tout en favorisant la recherche et la diversification des cultures. Le groupe RDPI votera donc le projet de loi.
J'entends les difficultés des producteurs de betterave, mais il faut entendre aussi celles des apiculteurs, dont la liberté d'entreprendre est atteinte. D'autres cultures voient leur rendement baisser du fait des dégâts des néonicotinoïdes sur les populations de pollinisateurs.
La crise liée aux attaques de pucerons est assez exceptionnelle. Elle résulte d'un hiver anormal, sans doute une conséquence des bouleversements climatiques. Par ailleurs, la biodiversité a beaucoup régressé, alors qu'elle constituait une protection naturelle : la betterave sucrière a prospéré pendant des siècles sans avoir besoin de moyens chimiques...
De l'autre côté de la frontière alsacienne, le gouvernement allemand se montre beaucoup plus circonspect. De fait, l'utilisation des néonicotinoïdes enrobant les semences en préventifs généralisés entraîne des dégâts majeurs - et pas seulement pour trois ans, comme l'a souligné Ronan Dantec.
On nous promet un vrai travail de recherche sur les alternatives. Mais, en 2016, la filière de la betterave disait clairement qu'elle souhaitait une dérogation ; elle n'a pas eu l'intention de chercher des alternatives. Par ailleurs, si nous mettons ce pied dans la porte, je redoute que d'autres filières s'efforcent d'obtenir la même dérogation...
La commission chargée de la santé environnementale ne se grandirait pas en soutenant un texte qui porte atteinte à l'environnement.
Agriculteur moi-même, je connais la capacité de réaction du monde agricole face aux crises et aux évolutions. N'oublions pas non plus que c'est la profession qui a demandé le démantèlement des quotas sucriers, qui mettaient les producteurs de betterave à l'abri des crises les plus fortes : sécheresses et même insectes.
Bigot l'a bien souligné : depuis 2016, il ne s'est pas passé grand-chose en termes de prévention... C'est assez fâcheux, car il y avait moyen de faire évoluer la production. Les dégâts de la jaunisse sont significatifs, mais moins importants qu'on ne l'avait craint. La sécheresse considérable de cette année pèse sans doute davantage.
En adoptant la même position que la commission des affaires économiques, je ne suis pas sûr que nous enverrions un très bon message. Pour notre part, nous proposerons en séance des solutions d'accompagnement de la filière.
Ne perdons pas de vue que la baisse des quotas sucriers a profité surtout aux industriels de l'agroalimentaire ; ils détiennent une part de la réponse à cette crise.
La sucrerie d'Erstein, dans mon canton, a déjà supprimé soixante-dix emplois l'année dernière, dans le cadre de rationalisations.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous gagnerions peut-être à reprendre certaines suggestions entendues au cours de vos auditions, s'agissant en particulier des plantations successives. La betterave n'a pas de fleurs, mais le risque est que les abeilles butinent, un an ou deux plus tard, des fleurs de colza. La profession agricole pourrait s'organiser pour ne pas planter de colza sur les sols où de la betterave a poussé. Si notre commission en faisait la recommandation, elle n'adopterait pas exactement la même position que la commission des affaires économiques.
Il faut que nos agriculteurs puissent travailler, mais nous sommes tous conscients que les activités sont liées ; les apiculteurs sont aussi agriculteurs.
Sénateur de l'Aisne et fils de betteravier, je ne suis peut-être pas l'orateur le plus objectif... Mais je peux essayer de traduire une réalité que je connais.
En effet, les abeilles ne butinent pas sur les feuilles de betterave ; ces produits sont interdits pour d'autres productions, avec lesquelles de vraies difficultés se posent. Au reste, dans mon département, un travail de fond est mené entre agriculteurs et apiculteurs, qui se passe plutôt bien. Le problème, bien réel, est celui des résidus. Mais, cette année, que s'est-il passé ? Au lieu d'aller dans le champ une fois, le tracteur y est allé quatre fois : une fois pour semer, trois fois pour répandre pesticides et insecticides. Du point de vue de l'environnement et de la biodiversité, il n'est pas sûr que cela soit préférable aux néonicotinoïdes...
Je crois pouvoir dire que la profession a reçu le message : nous avons compris que, dans le temps prévu, nous allions devoir trouver d'autres solutions. Le schéma retenu permet de suivre cette ligne de crête, dont M. Mandelli a parlé, entre souci de l'environnement et intérêt économique.
Exerçant dans un territoire rural, je connais bien les difficultés de l'agriculture. Oui, monsieur Médevielle, elle est malade, et même en asphyxie dans certains secteurs. Comme maire et président de département, j'ai connu une douzaine de suicides d'agriculteurs et vu le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) dans le monde agricole être multiplié par six ou sept... Tout cela est indéniable, comme le sont les problèmes qui se posent sur le plan de la santé.
Madame Muller-Bronn, je n'ai pas forgé ma position en cherchant à prévoir quelle sera celle de la commission des affaires économiques. Ce projet de rapport pour avis est le reflet de mon travail, en toute sincérité. C'est dans cet esprit que je travaillerai toujours si vous décidez de me confier d'autres rapports.
Les encadrements sur lesquels j'insiste figurent bien dans le projet de loi, y compris en matière de rotations sur les parcelles - dans les trois ans qui viennent, un seul passage de betteraves traitées avec néonicotinoïdes sera possible sur une même parcelle.
Nombre d'entre vous ont insisté sur la recherche. Je ne suis pas en mesure d'évaluer ce qui s'est passé depuis 2016, mais l'essentiel est que, à partir de maintenant et jusqu'en 2023, on se mobilise dans ce domaine ; le conseil de surveillance jouera à cet égard un rôle fondamental. Plus généralement, nous devons faire de la recherche un étendard à chaque occasion, car c'est par elle que notre pays avancera.
Merci, monsieur le rapporteur pour avis, pour tout le travail accompli, en un temps record ! Y a-t-il des oppositions aux conclusions du rapporteur pour avis ?...Je constate cinq abstentions.
Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous le 27 octobre pour le débat en séance publique. Je suis convaincu que nous saurons enrichir la discussion, comme c'est notre rôle !
La réunion est close à 18 h 30.