Intervention de Sylvie Robert

Réunion du 30 octobre 2020 à 14h30
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Article 16

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert :

Cet article dessaisit le Parlement et crée une nouvelle exception dans le domaine de la recherche, en autorisant l’utilisation d’œuvres relevant des arts visuels, à des fins exclusives d’illustration de publications, ou de travaux, diffusés en ligne sans restriction d’accès, dans le cadre d’une activité de recherche et d’enseignement supérieur publics, à l’exclusion de toute activité à but lucratif.

Sur la forme, d’abord, c’est-à-dire sur le principe : comme vous le savez, madame la ministre, nous n’aimons pas beaucoup le recours aux ordonnances.

Sur le fond, ensuite, le sujet appelle plusieurs observations.

Le bien-fondé d’une telle exception se justifie sans problème. Elle est d’ailleurs autorisée par la directive du 17 mai 2019 et devrait se traduire par une modification de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit déjà plusieurs exceptions, notamment à des fins pédagogiques, au droit exclusif d’un auteur d’autoriser l’exploitation de son œuvre : analyses, courtes citations, représentations, reproductions d’extraits d’œuvres, fouilles de textes, etc.

Ces exceptions ne peuvent s’appliquer aux arts visuels. Outre la fouille de textes, qui ne concernent que les œuvres écrites, la reproduction partielle d’une œuvre visuelle constitue une dénaturation de celle-ci et, donc, une violation du droit moral de son auteur.

De nombreuses autres questions se posent : quid des modalités de gestion de l’exception ainsi créée ? Faut-il recourir à une gestion collective obligatoire ou pas ? Comment définir et encadrer cette exception ? Quelle est la juste rémunération des ayants droit ?

Vous le savez, mes chers collègues, et nous le redirons lors de l’examen du projet de loi de finances, les auteurs des arts visuels sont les parents pauvres de la chaîne des droits : pour l’heure, ils n’ont droit à rien. Une licence collective les servirait bien sûr, mais encore faut-il qu’elle soit bien négociée. Or, on le sait, ces auteurs d’arts visuels sont peu organisés, ne sont pas représentés par un organisme de gestion collective (OGC) et sont peu rompus aux négociations.

Surtout, nous disent-ils, ils n’ont pas été consultés avant le dépôt du projet de loi, alors que cet article, qui les concerne, est important pour eux.

Nous ne souhaitons pas du tout refuser la mise en place d’une exception qui servira la recherche, et refuser sa gestion collective en vue de l’attribution d’une juste rémunération au profit des ayants droit, mais il existe un problème de forme : il n’y a aucun débat et il n’y a pas eu de concertation, alors même que l’encadrement de l’exception doit être précisé et aurait dû être négocié.

Nous voulons débattre de cette question : c’est dans cet esprit que nous avons présenté cet amendement et c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

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