Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Accélération et simplification de l'action publique — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, cher Jean-François Longeot, mes chers collègues, je suis heureux de présenter aujourd’hui au vote de notre assemblée le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue au Sénat le 21 octobre dernier. À une très large majorité, nous sommes parvenus, députés et sénateurs, à nous accorder sur un texte qui apportera des avancées importantes à nos concitoyens.

Pourtant, les conditions d’examen de ce texte étaient compliquées à plusieurs titres.

D’abord – pardonnez-moi, madame la ministre –, il s’agit encore une fois d’un texte fourre-tout incluant des mesures très disparates. Sans colonne vertébrale, ce projet de loi a enflé au cours de la navette parlementaire, au gré des initiatives parlementaires, mais aussi des remords du Gouvernement, qui, par amendements, n’a eu de cesse d’alourdir la barque avec des dispositions importantes, qui ne sont ni validées par le Conseil d’État ni évaluées. Ce projet de loi est ainsi passé de 50 articles à plus de 160 examinés trop rapidement en procédure d’urgence.

Ensuite, après la première lecture au Sénat au mois de mars dernier, nous avons connu une interruption de plus de six mois due à la crise sanitaire, avant la reprise de la discussion par l’Assemblée nationale.

Si nous avons malgré tout réussi à trouver un accord global, c’est sans doute grâce à une volonté partagée d’écoute et d’ouverture transpartisane entre les commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je souhaite à cet égard rendre hommage à notre collègue Patricia Morhet-Richaud, rapporteur en première lecture, qui a donné le ton à nos débats. J’ai une pensée émue pour elle qui a conduit tous les débats ainsi que le travail au sein de la commission spéciale, aux côtés de ses membres et de son président. §Je tiens également à remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Guillaume Kasbarian, avec lequel j’ai eu des discussions franches et constructives.

Cet accord porte la marque du Sénat, qui a fait prévaloir de nouveaux équilibres et de meilleures garanties juridiques.

Je pense précisément à l’attention particulière portée aux collectivités locales, dont nous avons préservé et augmenté les compétences, qu’il s’agisse du renforcement de l’information des maires sur les projets d’installations éoliennes ou de la préservation du permis d’aménager et de l’obligation d’information dans l’exercice du droit d’initiative. Le Sénat y était très attaché : les élections municipales venaient d’avoir lieu et le rôle du maire de proximité avait été réaffirmé. Il était inconcevable que celui-ci ne soit pas au cœur du processus, notamment en matière de permis d’aménager.

Le Sénat a également amélioré les dispositifs concernant la vente en ligne de produits pharmaceutiques et l’alimentation du dossier pharmaceutique. En première lecture, au Sénat, le sujet de la vente en ligne a constitué une question majeure sur laquelle un bon équilibre a été trouvé. Nos collègues députés ne l’ont pas remis en cause. De même, je suis très satisfait que, sur la question de l’alimentation du dossier pharmaceutique par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et médico-sociaux, le Sénat ait retenu un dispositif qui bénéficiera à tous les patients.

Nous avons aussi obtenu que la volonté de simplification et d’accélération des procédures ne nuise pas à la concertation et à l’information du public. La Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF) a ainsi été maintenue et, pour les projets d’éoliennes en mer, la phase de dialogue concurrentiel de la procédure de mise en concurrence ne pourra pas démarrer avant la communication du bilan de la participation du public. Il s’agit là aussi d’un point très important : le Sénat ne pouvait pas imaginer que la CNEF soit supprimée, alors que nous entrons dans un programme de démantèlement pour la première fois dans l’histoire du nucléaire.

Sur les dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement, au traitement des sols pollués ou encore les dispositions relatives à l’information et à la participation du public, nous sommes parvenus à un compromis assez équilibré, qui permet de préserver la portée du droit de l’environnement, tout en favorisant l’attractivité de nos territoires, donc les installations industrielles et la création d’emplois. L’équilibre n’était pas facile à trouver ; il a été trouvé.

Nous avons également obtenu de bons compromis : sur la suppression de la Commission scientifique nationale des collections, remplacée par des mécanismes visant à garantir un contrôle scientifique préalable à toute décision de déclassement ; sur la possibilité pour les personnes âgées résidant dans un établissement médico-social d’utiliser leur chèque énergie pour régler certaines dépenses ; sur la protection des consommateurs dans le cadre des transferts de réseaux de gaz ; sur l’extension au biogaz des souplesses administratives prévues pour l’électricité renouvelable ; et aussi sur la suppression des certificats médicaux pour l’exercice d’un sport par les mineurs.

Enfin, l’accord trouvé en commission mixte paritaire apporte des avancées significatives à nos concitoyens. J’en citerai deux.

En premier lieu, ont été décidées la réforme de l’assurance emprunteur et la faculté de résilier ces contrats, qui ont recueilli l’unanimité des groupes du Sénat. Je tiens à rendre hommage à notre ancien collègue Martial Bourquin, qui, avec la commission des affaires économiques du Sénat et moi-même, s’était beaucoup engagé sur ce dossier. Nous avons retenu la version adoptée par le Sénat, c’est-à-dire le renforcement du droit de résiliation annuelle, qui est la formule la plus sûre et dont les effets ont été évalués. Nous l’avons assortie d’un renforcement de l’information des emprunteurs par les banques. Les économies potentielles pour les ménages sont très importantes, puisqu’elles s’élèvent à 9 milliards d’euros. C’est un progrès majeur très attendu par nos concitoyens.

En second lieu, nous avons amélioré le dispositif introduit par l’Assemblée nationale et ayant pour objet de renforcer la procédure d’expulsion des squatteurs en limitant les cas dans lesquels le préfet peut refuser de mettre en demeure l’occupant des lieux. Il s’agit des cas où les conditions fixées par la loi ne sont pas respectées – demande incomplète, squat non attesté, etc. – ou lorsqu’un motif impérieux d’intérêt général est en jeu.

Bien entendu, un accord sur l’ensemble du texte ne peut s’établir qu’avec des concessions de part et d’autre. C’est inévitable.

Nous avons d’abord le regret que certains sujets n’aient pas été traités comme ils l’auraient mérité. À ce titre, nous ne pouvons que déplorer le recours excessif aux ordonnances et le fait que des dispositions soient prises sans que le Parlement ait préalablement débattu au fond. La question du service national universel (SNU) est malheureusement exemplaire de ce point de vue : deux articles du projet de loi lui sont consacrés ; le premier article renvoie à une ordonnance, le second traite le cas des militaires retraités qui exercent des fonctions de formateurs SNU. Or jamais un ministre n’a débattu au Parlement des objectifs du SNU, de sa mise en place, des moyens humains et budgétaires à mettre en œuvre, de son calendrier.

Pour ma part, la concession la plus difficile à accepter a été de retenir la rédaction de l’article 33 proposée par l’Assemblée nationale concernant les agents de droit privé de l’Office national des forêts (ONF).

Ces agents nouvellement recrutés pourront ainsi verbaliser les infractions au-delà des seules infractions forestières. Je le regrette, car nous devrions tout au contraire recentrer l’action des agents sur l’entretien et la gestion de nos forêts dont nous connaissons l’état dramatique. Aujourd’hui, nous avons besoin des femmes et des hommes qui forment le personnel de l’ONF pour sauver la forêt française. Nous sommes allés au-delà de ce que prévoit le code forestier, ce qui ne contribuera en rien à relever le défi forestier monstrueux qui nous attend, à savoir la sauvegarde et la diversité de nos forêts. Nous avons besoin d’une véritable prise de conscience des enjeux et je sais que le Sénat reviendra sur le sujet lors de l’examen du projet de finances pour 2021 ou dans le cadre de son pouvoir de contrôle.

S’agissant de l’article 33, je me félicite en revanche de ce que l’habilitation à légiférer par ordonnance sur le conseil d’administration de l’ONF ne figure plus dans le texte final. Par ailleurs, en ce qui concerne la constitution de chambres d’agriculture de région, je me réjouis que la rédaction proposée par le Sénat ait été adoptée et que soient prévus « l’accord des deux tiers des chambres départementales et interdépartementales situées dans la circonscription de la chambre régionale d’agriculture d’origine et l’accord unanime des chambres départementales et interdépartementales comprises dans la circonscription du projet de chambre d’agriculture de région ».

C’est bien parce qu’un accord en commission mixte paritaire ne clôt pas les questions que je vous invite à voter le texte du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire.

À ce stade, je remercie le président de la commission spéciale, Jean-François Longeot, qui a présidé la commission mixte paritaire, Patricia Morhet-Richaud et les administrateurs de la commission spéciale qui nous ont permis de traduire les arbitrages que nous avons rendus avec l’Assemblée nationale.

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