Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Exception d'irrecevabilité

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Il s’agit bien de la seule et unique manière de parer à la réalisation du dommage lié à l’utilisation de ces substances incontrôlables dans l’espace et dans le temps.

Ainsi, le risque grave et irréversible est largement caractérisé ; je ne reviens pas sur les études mentionnées. Par ailleurs, dans un arrêt de 2013, le Conseil d’État a jugé que l’existence d’un tel risque doit être regardée comme une « hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques pour justifier l’application du principe de précaution ». Il est clair, en l’espèce, que le risque est pour le moins « plausible » ; c’est même un euphémisme.

Enfin, l’article 7 de la Charte est bafoué. Il affirme que « toute personne a le droit […] d’accéder aux informations relatives à l’environnement ». Ce projet de loi, en effet, ne prévoit pas la faculté pour nos concitoyens de savoir où de telles dérogations seront accordées et quels terrains seront concernés.

Enfin, et même si ce principe n’a pas à proprement parler de valeur constitutionnelle, la loi Biodiversité du 8 août 2016 a consacré le principe de non-régression du droit de l’environnement, selon lequel la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

Ce principe de non-régression est par ailleurs considéré comme un principe général du droit international de l’environnement.

D’abord, au titre du principe de coopération affirmé par la déclaration de Stockholm de 1972, selon lequel les États coopèrent, non pas pour diminuer la protection de l’environnement, mais, bien au contraire, pour toujours la renforcer et « conserver, protéger et rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre ».

Ensuite, au titre de la durabilité, qui implique un effort continuel des États pour atteindre un développement compatible avec les limites de la terre, comme cela a été réaffirmé amplement à l’occasion de la Conférence Rio+20 dans le document L ’ Avenir que nous voulons.

Par ailleurs, le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature a adopté, le 15 septembre 2012, une motion sur la non-régression, qui vise non seulement la nécessité de protéger les acquis de Rio, mais aussi tous les acquis des politiques et du droit de l’environnement, à l’échelle tant nationale qu’internationale.

En l’espèce, permettre au pouvoir réglementaire de revenir sur une interdiction législative nous situe très clairement dans la régression environnementale.

S’il est adopté, ce texte constituera un point d’appui à tous ceux qui luttent sans faille depuis 2016 pour défaire ce que le Parlement a fait.

En ouvrant la brèche pour le secteur betteravier, ce projet de loi crée aussi le risque d’un contentieux sans fin pour l’ensemble des autres cultures au nom du principe d’égalité, reconnu lui aussi constitutionnellement.

Au fond, ces questions sont bien trop sérieuses pour laisser les lobbies tenir la main du législateur.

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