Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Exception d'irrecevabilité

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Si les arguments environnementaux font sens pour rejeter ce texte, ce dernier se heurte également à un problème juridique, qui justifie le dépôt de cette exception d’irrecevabilité par nos collègues du groupe communiste.

Même notre commission des affaires économiques, majoritairement favorable à ce texte, s’est inquiétée des lacunes du dispositif, notamment d’un point de vue constitutionnel. En effet, préciser explicitement que les dérogations à l’usage des néonicotinoïdes seront réservées aux seules betteraves sucrières fait peser un risque important d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant la loi.

Sans conteste, cette dérogation ouvrira la porte à d’autres. Les producteurs de maïs et de blé sont en embuscade et l’un de nos collègues se fait le porte-voix, au travers d’un amendement, des producteurs de noisettes – Mme la rapporteure en a parlé. Cette dérogation est donc un véritable cheval de Troie.

Le projet de loi va également à l’encontre de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a inscrit le principe de non-régression en tête du code de l’environnement, un principe d’ores et déjà appliqué par le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, ce qui est sidérant et surréaliste, c’est que l’on nous demande de revenir sur une disposition de cette loi qui avait par ailleurs donné une valeur législative au principe de non-régression.

Je me permets de reprendre les propos de Mme la ministre de la transition écologique lors de l’examen de cette loi en 2016 : « Le texte qui vous est soumis consacre le principe de non-régression de la protection de l’environnement. Toute évolution législative future ne pourra avoir pour objectif qu’une amélioration constante de la protection de l’environnement. » Mes chers collègues, nous prenons exactement le chemin opposé !

Enfin, le projet de loi méconnaît les dispositions de la Charte de l’environnement, dont l’article 3 énonce que « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Cet article a été consacré dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel comme instituant un principe de prévention.

Je rappelle – excusez du peu ! – que 1 221 études scientifiques reconnaissent la toxicité aiguë des néonicotinoïdes, ainsi que leurs modes d’action identiques sur la biodiversité – pollinisateurs, vertébrés, invertébrés. Les semences traitées avec ces substances emportent des destructions graves et irréversibles pour l’ensemble des sols et le fonctionnement des écosystèmes. Compte tenu de l’impact de ces substances sur l’environnement, permettre leur utilisation constituerait une atteinte au principe de prévention.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cette motion.

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