Intervention de Sebastien Pla

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Exception d'irrecevabilité

Photo de Sebastien PlaSebastien Pla :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un sujet passionnant et passionné ! Personne ne veut des pesticides, mais vous nous proposez d’en réintroduire.

Le groupe socialiste votera cette motion pour des raisons à la fois juridiques, économiques, écologiques et politiques.

Tout d’abord, l’aspect juridique. Comme nous l’a expliqué Mme Assassi, ce projet de loi est en partie mort-né et il ne survivra pas à la censure du Conseil constitutionnel. Son article 2 est une véritable impasse : soit il méconnaît le principe d’égalité devant la loi et emportera l’ensemble du texte dans la censure constitutionnelle ; soit il ouvre une brèche, permettant des dérogations pour toutes les cultures et remettant en cause le principe même de l’interdiction.

Par ailleurs, la Commission européenne a mandaté l’Agence européenne de sécurité des aliments afin de déterminer si les autorisations d’urgence qui réintroduisent ces substances sont fondées. Sachez que, récemment, elle a rejeté les demandes de la Lituanie et de la Roumanie.

Économiquement ensuite, il est tout à fait regrettable que, depuis 2016, la filière n’ait pas pu s’organiser et chercher des alternatives. Cela dit, ne la laissons pas tomber !

Monsieur le ministre, vous avez pourtant ignoré la proposition de nos collègues députés d’un plan B, comme betterave, fondé sur trois piliers : une montée en gamme de la filière sur le bio, une compensation des pertes de production et la mise en place d’un fonds de développement important pour maintenir l’attractivité de la filière, en développant la génétique végétale et l’usage des biocontrôles – 7 millions d’euros, ce n’est pas assez !

Ce projet de loi ne règle rien sur le fond. En permettant des dérogations jusqu’en 2023 et en indiquant investir seulement 7 millions d’euros dans la recherche, vous renvoyez clairement la « betterave chaude » aux calendes grecques…

Sur le plan sanitaire, comment passer sous silence les quelque 1 200 études scientifiques internationales reconnaissant la dangerosité des néonicotinoïdes. En contentant les industriels de la betterave d’un côté, vous désespérez de l’autre les apiculteurs et vous mettez en danger la biodiversité dans notre pays.

Politiquement enfin, ce sujet révèle les injonctions contradictoires répétées qui règnent au sein de votre gouvernement. En 2016, Mme Pompili se réjouissait de l’interdiction des pesticides ; qu’en pense-t-elle aujourd’hui ? En 2018, le Président de la République twittait pour se féliciter de l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles.

Monsieur le ministre, vos discours sont contradictoires : d’un côté, vous souhaitez une agriculture moins dépendante des pesticides ; de l’autre, avec ce texte, vous envoyez un signal désastreux, qui ruine la crédibilité de la parole politique en matière de changement de paradigme agricole et de lutte pour une alimentation plus saine – et c’est un agriculteur qui vous parle !

Plus globalement, ce n’est pas dans le renoncement que nous construirons un avenir alimentaire meilleur et que la politique retrouvera la confiance de l’opinion publique. Pour que la France reste audible et crédible, nous devons, mes chers collègues, repousser cette dérogation, en adoptant cette motion d’irrecevabilité.

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