Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

C’est une solution sans coût budgétaire que nous propose en l’espèce le Gouvernement. Il s’agit donc d’une réponse bien tentante, à l’heure où l’État doit soutenir de nombreux secteurs face aux conséquences économiques de la covid-19.

En outre, cette réponse évite au Gouvernement d’avoir à se pencher sur les causes profondes de la crise que traverse la filière betteravière française.

La détresse de cette dernière doit être entendue. Mais avant de prendre une telle décision, lourde de conséquences – nous le savons tous –, nous devons nous poser les bonnes questions.

Premièrement, une dérogation à l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes résoudra-t-elle durablement les difficultés de la filière ? Non, puisque les causes profondes sont d’ordre systémique.

Certes, la jaunisse de la betterave exacerbe les difficultés des producteurs dans certains territoires, mais elle est loin d’expliquer à elle seule la fragilité de la filière sucrière.

En 2019 déjà, les principaux sucriers fermaient des usines et supprimaient des emplois ; c’était non pas le contrecoup d’un déficit de production de betteraves, mais la conséquence directe de la suppression, en 2017, des quotas sucriers et du prix minimal garanti, qui a entraîné un effondrement des prix.

En 2016, les acteurs de la filière betterave espéraient que la libéralisation du marché du sucre leur permettrait d’augmenter leurs rendements et leurs marges : tel n’a pas été le résultat, bien au contraire. Aujourd’hui, ils pensent que la réintroduction des néonicotinoïdes permettra de sortir leur filière de l’ornière. Pourtant, la filière a surtout besoin que le législateur soit à ses côtés pour l’accompagner vers une plus grande résilience.

Deuxièmement, l’autorisation d’utiliser ces substances dangereuses résoudra-t-elle le problème de la campagne de 2020 ? Évidemment non, puisque les néonicotinoïdes appliqués à la graine n’auront d’effet que sur la récolte suivante.

Troisièmement, la filière betterave est-elle réellement dans une impasse technique ? Non, encore une fois. Dans son rapport de 2018, l’Anses s’est montrée formelle : seuls 6 cas sur les 130 usages autorisés des néonicotinoïdes étudiés n’ont pas permis de trouver de solution de substitution, et les betteraves n’en faisaient pas partie.

La filière betterave-sucre elle-même voit désormais une issue à cette impasse. Ainsi, le 2 octobre dernier, elle a remis au ministre de l’agriculture un plan de prévention pour accélérer la transition vers une culture de la betterave sans néonicotinoïdes. La filière s’engage notamment à « mettre en pratique toutes les solutions alternatives aux néonicotinoïdes ». Il y a donc non pas d’impasse technique, mais un simple retard.

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