Intervention de Franck Menonville

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

La France est le premier producteur européen de sucre. Cette filière compte 46 000 emplois et 21 sucreries. Elle est aujourd’hui durement frappée par la jaunisse, qui touche tous les modes de production et tous les territoires. Les pertes de rendement sont de grande ampleur – dans certaines régions, elles atteignent 40 % à 70 %, soit près de 1 500 euros par hectare.

Mes chers collègues, l’enjeu est essentiel : il y va de notre souveraineté alimentaire et de notre autonomie de production.

La dérogation que nous examinons aujourd’hui est prévue par le droit européen. Au total, douze autres pays membres l’ont d’ailleurs déjà introduite, et parmi eux les plus grands producteurs de betterave, comme l’Allemagne et la Pologne.

Nous souhaitons relocaliser et réindustrialiser en Europe et en France : en refusant cette dérogation, l’on irait à l’encontre de ces objectifs. De plus, un tel choix nous contraindrait inévitablement à importer des produits dont les normes environnementales et sanitaires sont souvent moins strictes que les nôtres.

Par ailleurs, il est important de rappeler que, pour 2020, notre excédent d’échanges agroalimentaires continue de reculer de plus d’une centaine de millions d’euros. Gardons à l’esprit que la filière betterave représente plus de 1 milliard d’euros d’excédent commercial.

L’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage sur la betterave, plante non mellifère, est à ce jour la seule solution efficace à court terme.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur l’historique de cette interdiction d’utilisation. Elle a été adoptée en 2016. Force est de constater qu’elle est entrée en vigueur en 2018 sans qu’aucune solution de substitution ait été prévue ou même étudiée.

Comme disait Talleyrand : « Quand il est urgent, c’est déjà trop tard. » Une étude d’impact aurait permis de constater que cette interdiction n’était pas réalisable dans un tel laps de temps.

Je souhaite vivement qu’à l’avenir l’on rende les études d’impact systématiques, que leurs analyses soient étendues aux conséquences économiques et sociales et que l’on s’assure de solutions alternatives crédibles, afin d’éviter de telles impasses. J’y insiste : il y va de l’avenir d’une filière et, plus généralement, de notre crédibilité dans le domaine du droit de l’environnement.

La dérogation proposée est strictement encadrée dans le temps, jusqu’en 2023. D’ici là, nos meilleurs alliés seront la recherche et l’innovation, lesquelles sont indispensables pour promouvoir le plus grand nombre de solutions. Les réponses devront être multiples ; la recherche génétique semble la plus prometteuse, et elle devra être combinée à d’autres solutions.

Par ailleurs, je souligne le travail accompli par la filière sucrière, afin de rechercher des solutions pour les pollinisateurs, particulièrement avec les producteurs de luzerne. Les pollinisateurs sont les meilleurs alliés des agriculteurs : il faut que nous fassions la promotion de solutions adaptées à leur protection.

Précisément, le dispositif est strictement encadré pour protéger la biodiversité parmi les pollinisateurs. Afin de limiter les risques, seule l’utilisation via l’enrobage des semences sera autorisée.

Je salue la limitation à 2023 de cette dérogation et l’interdiction temporaire de plantation et de replantation de végétaux mellifères. Je considère qu’un minimum de deux années s’impose pour une rémanence maîtrisée.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré dernièrement que « l’écologie sans solution est une écologie d’impasse ». Permettez-moi de vous féliciter de votre courage politique, d’autant que ce texte est particulièrement clivant !

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