Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo de Stéphane DemillyStéphane Demilly :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la filière betterave-sucre française et les 46 000 emplois qui lui sont liés sont en danger. L’expansion de la maladie de la jaunisse risque de tuer ce fleuron de notre agriculture : il faut réagir ! C’est l’objet de ce projet de loi, qui permet de déroger jusqu’en 2023 à l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes.

Il s’agit non pas, comme je l’ai entendu précédemment, de revenir en arrière et d’autoriser de nouveau un usage général de ces produits, mais d’enclencher un mécanisme d’urgence assorti d’un strict encadrement, afin de répondre à des difficultés exceptionnelles : la maladie de la jaunisse altère la physiologie des plantes en entraînant une réduction quantitative des récoltes et qualitative du taux de sucre de la betterave.

Depuis le 1er septembre 2018, date d’interdiction des néonicotinoïdes, il a fallu recourir à des méthodes alternatives, mais celles-ci ne sont pas du tout à la hauteur du problème et parfois même, leurs conséquences sur l’environnement sont encore plus significatives.

L’Anses, elle-même, reconnaît que les indicateurs de risque alimentaire des néonicotinoïdes sont inférieurs à ceux des solutions alternatives. Il faut donc continuer à chercher le bon substitut, mais nous sommes dans l’urgence, dans le présent, et nos territoires ruraux déjà fortement affectés par la crise économique appellent à l’aide, car cette filière se trouve clairement dans une situation d’impasse technique.

Le ministère de l’agriculture annonce que la perte de rendement s’élève en moyenne à 13 %. Dans certains départements, les pertes se situent entre 40 % et 50 %, ce qui se traduit économiquement par une perte supérieure à 1 000 euros par hectare.

Les industriels français et tout l’écosystème de la filière sucre subissent de plein fouet les effets de cette crise : la durée de la campagne des usines est divisée par deux, les coûts fixes ne sont plus amortis et les pertes sont colossales. Que vont faire les planteurs des zones les plus touchées ? C’est simple, ils renonceront demain à semer de nouveau ce type de produits, sauf s’ils obtiennent la garantie de ne plus supporter les mêmes difficultés.

Au-delà des fermetures de sites de production que nous avons déjà eu à subir, notamment dans mon département, la Somme, en raison de l’arrêt des quotas, c’est la fin d’une souveraineté économique nationale, déjà bien altérée, qui est délibérément programmée si nous ne réagissons pas. Un plan social massif devra alors être élaboré pour accompagner les 46 000 emplois directs et indirects de cette filière, car les incidences du recul de la production du sucre affecteront, vous le savez, nos industries agroalimentaires, chimiques, pharmaceutiques et, naturellement, les industries liées à la production du carburant alternatif éthanol, pour lequel je me suis tant battu dans une autre chambre parlementaire.

Je rappelle, alors que l’on parle de relocaliser les productions de souveraineté sanitaire, que c’est cette filière qui produit également le gel hydroalcoolique, si essentiel pour lutter contre l’épidémie du moment. Bref, ce n’est pas un combat contre l’indispensable évolution des pratiques agricoles, c’est un appel à la raison et un cri du cœur pour sauver un pan entier de notre économie nationale, déjà si malmenée.

Avec 445 000 hectares plantés et 38 millions de tonnes produites, la France est le premier producteur de sucre de betterave européen et le deuxième mondial. Nous en sommes fiers.

Il est crucial pour cette filière, qui regroupe 25 000 agriculteurs et vingt et une sucreries, qu’elle obtienne la même dérogation que celle dont bénéficient déjà douze États membres de l’Union européenne, comme l’Allemagne, la Belgique, ou encore la Pologne. Tel est l’objet de ce projet de loi, lequel, en s’appuyant sur l’article 53 de la réglementation européenne, autorise l’usage de ces produits via l’enrobage des semences, à l’exclusion, bien sûr, de toute pulvérisation.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, le groupe Union Centriste vous invite à soutenir ce texte, qui répond à trois urgences : ne pas laisser l’industrie entière s’effondrer, soutenir intelligemment dans le temps une transition agroécologique prometteuse et, enfin, préserver notre agriculture et notre souveraineté économique nationale.

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