Intervention de Angèle Préville

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est une défaite, un grand dommage, un retour retentissant à la case départ. Quatre années se sont écoulées sans que la filière de la betterave sucrière ait mis en place de solutions alternatives durables d’agroécologie.

Quatre ans après le vote de 2016, rien n’a été fait pour assurer le succès des décisions politiques volontaristes et courageuses prises pour le bénéfice de tous, alors que la France était précurseur, qu’elle avait entraîné l’Union européenne dans son sillage vertueux.

Ainsi, vous vous dérobez à la première difficulté d’une filière, comme s’il n’y avait rien d’autre à faire que de renoncer. En réponse à cette crise, vous faites le choix d’une certaine facilité.

Nous ne partageons pas les solutions économiquement court-termistes et écologiquement désastreuses que vous proposez. Celles-ci nous opposent dans notre rapport à l’environnement, à la biodiversité, à l’économie et à la santé ; elles marquent aussi une véritable fracture politique entre des choix soumis à la pression des lobbies, dévastateurs d’un point de vue écologique, et notre ferme volonté de poursuivre les engagements que nous avons pris en 2016 pour l’environnement.

Une nouvelle fois, vous privilégiez l’économie au préjudice de l’écologie. Les effets délétères des néonicotinoïdes n’échappent pourtant à personne dans cet hémicycle ; nous connaissons la neurotoxicité de ces molécules et leurs conséquences sur les écosystèmes et le vivant ; nous savons que ces insecticides prennent une large part dans la chute inexorable de la biodiversité.

Oui, les espèces sont menacées. D’ailleurs, la Cour des comptes européenne relève les échecs des actions menées et les fortes sommes engagées pour enrayer le déclin de la biodiversité, sans effet. C’est grave : nous n’arrivons pas à arrêter ce terrible déclin, c’est un fait, et c’est là le véritable problème aujourd’hui.

Vous proposez au Parlement de renoncer à ses engagements passés. Quelle ironie de faire une telle proposition au moment où la Cour de cassation rejette le pourvoi de Monsanto concernant l’herbicide Lasso, reconnaissant définitivement le combat d’une victime, Paul François, intoxiqué par les vapeurs de pesticides !

Dans ce contexte, ce projet de loi fait fi de la science, va à contre-courant de l’évolution de la société. C’est un échec écologique fracassant, un non-sens environnemental qui va à l’encontre du droit de l’environnement et menace directement notre santé.

Un intérêt général d’ordre supérieur devrait pourtant s’imposer à nous, celui des biens communs : l’eau, l’air, la terre, la nature en somme qui, dans son ensemble, nous offre et nous rend tellement de services, gracieusement. En retour, vous lui offrez la réintroduction d’une substance 7 000 fois plus toxique que le DDT ; les colonies d’abeilles sont décimées – 37 % au sein de l’Union européenne, tout de même. Or les abeilles sont des lanceuses d’alerte, leur santé est un véritable indicateur de l’ensemble de la chaîne des pollinisateurs sauvages et, plus largement, des insectes. Sans leur présence, la pollinisation, pourtant indispensable à la production agricole, serait compromise.

Nous ne pouvons entériner la réintroduction d’un poison enrobant une semence, d’autant moins que, a priori, nous ne savons pas si elle est nécessaire. Notons que 80 % de l’enrobage ne restera pas là où on l’a mis, mais partira dans les sols, affectant notamment les vers de terre, et dans l’eau, pour atteindre les lacs et les rivières. Le néonicotinoïde y persistera des années durant, constituant une pollution de l’eau que nous consommons. La plante, quant à elle, sera entièrement irriguée d’une sève toxique et deviendra un végétal pesticide. Ainsi, c’est l’ensemble de la chaîne du vivant qui est menacée.

Le monde bruissant, chatoyant et foisonnant de la nature est d’une magnifique complexité ; les interactions y sont variées et complexes, elles forment des écosystèmes à l’équilibre insoupçonné, que l’on découvre parfois alors qu’il est déjà trop tard.

Ce texte offre, enfin, le spectacle d’un revirement politique : vous mettez fin non seulement aux mesures adoptées en 2016, mais aussi à celles de 2018, prises dans le cadre de la loi Égalim, qui élargissait l’interdiction des néonicotinoïdes. Drôle de temporalité, alors que la France s’apprête – ou peut-être pas – à prendre des engagements lors de la COP 15 de la biodiversité.

Vous l’aurez compris, nous voterons contre ces mesures d’un autre âge, d’ordre libéral, afin de préserver notre avenir commun.

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