Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 octobre 2020 à 11h30
Audition en commun avec la commission de la culture de l'éducation et de la communication de Mm. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports et gérald darmanin ministre de l'intérieur à la suite de l'assassinat de samuel paty

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Monsieur Brisson, la qualité de la formation continue est essentielle ; nous poursuivrons de plus belle notre travail en la matière.

Nous avons recentré les missions de Canopé sur la formation à distance des professeurs, en complément de la formation présentielle ; déjà 100 000 professeurs en ont bénéficié depuis le mois de mars. Dans ce cadre, nous avons décidé, depuis plusieurs semaines, que les enjeux liés à la laïcité et aux valeurs de la République feraient l'objet d'une formation à distance particulièrement dense et bien formalisée.

Le contrôle de l'instruction obligatoire à trois ans est assuré par des équipes spécialisées dans les rectorats, plus ou moins étoffées selon les besoins locaux. En revanche, je ne pense pas qu'il faille créer un corps spécialisé. Nous avons besoin d'inspecteurs de l'éducation nationale compétents sur l'ensemble du champ éducatif, qui consacreront tout ou partie de leur activité à ce contrôle de l'instruction obligatoire.

Nous avons des remontées régulières sur ce contrôle, et toutes les données dont nous disposons sont rendues publiques. Nous avons agi rigoureusement dans un certain nombre de cas : j'ai adressé plusieurs injonctions de scolarisation, notamment quand des enfants étaient, dans les faits, envoyés dans des écoles clandestines.

L'instruction obligatoire à l'école dès trois ans figurera dans le projet de loi sur le séparatisme. Cela signifie que tous les enfants iront à l'école maternelle : c'est essentiel et nous aidera à atteindre les objectifs que nous poursuivons tous dans la durée. J'entends les critiques qui nous reprochent, au motif de viser une cible, de risquer d'en atteindre une autre. Des exceptions seront prévues pour des raisons de santé, ou éventuellement en cas de projet éducatif spécifique, comme dans le cas des sportifs de haut niveau, ou encore en cas de problème psycho-médical, par exemple. Je suis ouvert à toutes vos propositions. Nous les examinerons avec pragmatisme. Il ne s'agit pas non plus de multiplier les exceptions, car il faut avoir en tête l'objectif qui est de combattre la radicalité et l'obscurantisme. L'Allemagne, la Suède et l'Espagne interdisent l'instruction à domicile, et la cour européenne des droits de l'homme n'a rien trouvé à y redire.

J'ouvrirai le Grenelle de l'éducation à quatorze heures au conseil économique, social et environnemental. Monsieur Lafon, président de la commission de la culture, naturellement, fait partie des personnalités invitées à y participer. Le Grenelle durera trois mois. Je vous rendrai compte de l'évolution de ses travaux. Les questions de ressources humaines seront centrales, car l'enjeu est d'améliorer la reconnaissance matérielle et morale des enseignants. Le processus est enclenché. Il était prévu depuis longtemps. J'ai choisi de ne pas modifier la date pour ne pas se laisser infléchir par le crime qui a été commis et parce que je pense que ce Grenelle représentera aussi une réponse aux problèmes qui sont soulevés aujourd'hui.

Nous avons, ces derniers temps, développé les ressources pédagogiques accessibles pour enseigner la liberté d'expression sur le portail Eduscol. Elles permettent d'expliciter, en lien avec les caricatures de Charlie Hebdo, ce qui se joue derrière la notion de liberté d'expression. En vérité les outils existent déjà et sont assez nombreux. Le site Eduscol en rassemble beaucoup, même si nous pouvons faire encore mieux, évidemment.

Je ne sais pas s'il faut inscrire dans la loi explicitement que les parents ne doivent pas s'immiscer dans la pédagogie. Nous devons en tout cas distinguer ce qui relève de l'éducation, d'une part, marquée par un enjeu de co-éducation, et donc de coopération entre l'école et les parents, et l'instruction, d'autre part, qui relève d'abord et avant tout de l'école, dans le dialogue avec les parents, sans que celui-ci ne se transforme en immixtion dans les choix pédagogiques de l'école.

La protection fonctionnelle est un mécanisme qui consiste à accorder un accompagnement juridictionnel en cas de problème. Dans l'affaire de Conflans-Sainte-Honorine, le professeur a porté plainte, ainsi que la principale du collège. La protection fonctionnelle aurait naturellement été enclenchée en cas de suites judiciaires. L'éducation nationale comporte aussi une structure intitulée « L'Autonome de solidarité», à laquelle les professeurs peuvent adhérer, ce qui n'était pas le cas de M. Paty, et qui offre notamment un accompagnement par les pairs dans ce genre d'affaires. Peut-être devrions-nous généraliser ce type de dispositif.

Monsieur Paccaud, nous sommes dans la phase de préparation de la loi sur le séparatisme. Nous sommes ouverts à toutes les idées, dès lors qu'elles ont un impact réel. J'ai le sentiment que les outils juridiques dont nous disposons nous permettent de faire face aux problèmes que vous évoquez, mais nous pouvons en débattre. Nous sommes d'accord sur le fond, la question est de savoir si une telle mesure ne serait pas une redondance juridique.

Monsieur Vial, le contrôle et l'évaluation des établissements hors contrat se sont accentués, notamment depuis la loi Gatel, mais celle-ci a surtout permis d'empêcher l'ouverture de nouveaux établissements. Pour les fermetures, nous avons besoin d'aller plus loin. Nos contrôles permettent de détecter certaines choses. Grâce à une excellente collaboration avec le ministre de l'intérieur, nous avons fermé des établissements de fait. Le travail de repérage est important. Les élus ont aussi un rôle à jouer, car il peut s'agir de petites structures sans existence juridique. En ce qui concerne le hors contrat, nous devons désormais être capable de faire la différence entre le « bon » hors contrat et le « mauvais » hors contrat. C'est ce que nous avons commencé à faire, mais la loi contre le séparatisme nous fournira davantage d'outils à cet égard.

La question sur l'implication des parents dans l'éducation morale et civique est une question importante. Elle renvoie à l'enjeu de la co-éducation. Cette question est particulièrement cruciale pour le numérique : l'enjeu est de réussir avec des écoles des parents sur différents sujets à impliquer les parents. Cela montre bien que la question est complexe. Il ne s'agit pas de dresser des parois étanches entre l'école et les parents, mais de trouver les bons canaux, au travers de l'éducation morale et civique en particulier.

Nous ne constatons pas dans nos remontées, que nous rendons publiques chaque trimestre, d'accentuation du phénomène des violences envers les enseignants. À chaque fois, nous déclenchons les poursuites qui s'imposent.

Madame Morin-Desailly, votre question concernant les contenus haineux sur les plateformes internet n'est ni de la compétence du ministre de l'intérieur, ni de la mienne. Toutefois, nous suivons ce sujet avec attention. Nous avons des relations avec les plateformes, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne. À l'échelle nationale, la situation doit encore évoluer. Certaines plateformes sont réactives, mais cela n'est pas suffisant, car le défi posé par le cyberharcèlement est considérable. Il est temps d'aller plus loin. Il n'est pas normal que l'on puisse cyberharceler impunément des enfants et des adolescents. Nous avons fait des progrès en matière de lutte contre le harcèlement à l'école, mais la vague du cyberharcèlement est si forte que nous avons besoin d'outils nouveaux.

1 commentaire :

Le 28/11/2020 à 14:09, aristide a dit :

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"Nous sommes ouverts à toutes les idées, dès lors qu'elles ont un impact réel. "

Une idée : en finir avec la répression des supposés signes religieux, pour mieux faire comprendre la non discrimination aux élèves.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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