Nous nous trouvons au cœur d’un problème qui montre bien les limites de votre stratégie, madame la ministre.
Il est indiqué dans l’objet de votre amendement que la stratégie nationale de recherche n’a pas permis d’élaborer de réelles priorités nationales. Comment le pourrait-elle quand la majorité des financements transitent par une agence de moyens ? L’ANR ne définit pas de priorités, ou elle en définit peu, lorsqu’elle élabore des appels à projets et les chercheurs, lorsqu’ils lui soumettent des projets, ne le font pas en fonction de la stratégie nationale de recherche.
Du fait d’un recours systématique et croissant aux appels à projets – il est encore développé dans le cadre de ce projet de loi –, l’État se prive de tout l’intérêt d’une programmation scientifique. C’est là un problème structurel.
Vous êtes donc face à une alternative : conserver le système que nous connaissons depuis le début de la Ve République – l’État choisit des programmes scientifiques forts et leur accorde les moyens nécessaires pour permettre aux chercheurs de travailler – ou opter pour une agence de moyens – mais, dans ces conditions, l’État perd toute possibilité de programmation. Entre les deux, la voie médiane est très difficile à trouver.
De surcroît, je regrette vivement que, au sujet de ce projet de loi de programmation de la recherche, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) n’ait jamais été consulté. Pour tous les textes équivalents, son avis avait été recueilli systématiquement : en tant que membre de l’Opecst, je ne me souviens pas d’avoir débattu du présent texte et encore moins de la stratégie nationale dont il s’agit. Pourtant, cet organe interparlementaire aurait certainement eu des choses à dire.
Madame la ministre, avec cette réforme, c’est toute la collégialité qui disparaît au profit d’un système extrêmement vertical : désormais, le Premier ministre choisira à peu près à sa guise les personnes qu’il consultera.
Enfin, je ne sais pas ce qu’est la « société civile ». Je connais la société ; je comprends le sens du mot « civil » ; je vois aussi ce qu’est la société ecclésiastique, même si je n’y appartiens pas. Au demeurant, je n’ai pas non plus le sentiment d’appartenir à la société civile.
Il serait bon de préciser qui sera consulté au nom de la société civile. En première analyse, il serait également bon d’entendre les chercheurs et la représentation nationale !