Intervention de Sylvie Robert

Réunion du 29 octobre 2020 à 10h30
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Article 10

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire quelques mots de ce sujet si important qu’est l’intégrité scientifique.

La pandémie de la covid-19 constitue un véritable paradoxe pour le débat scientifique. Certes, ce dernier se trouve placé sous le feu des projecteurs et permet de sensibiliser avec acuité les citoyens aux questions scientifiques. Mais il n’échappe pas à ces écueils de la médiatisation en continu que sont le débat de postures, l’invective et la réaction à chaud.

Ce format sied particulièrement mal au débat scientifique, qui – on l’a dit – se nourrit du temps long, de la réflexion, des expérimentations menées et de ses conclusions empiriques.

L’ampleur de l’enjeu politique, économique et sociétal que représentent la lutte contre le coronavirus et son corollaire – la découverte d’un vaccin – a également accentué cette tension, cette pression du résultat conduisant à l’affirmation de faits qui n’étaient parfois, en réalité, que des hypothèses.

En ce sens, le déplacement du débat scientifique d’un espace traditionnellement littéraire, par articles et revues interposés, à un espace plus médiatique a substitué au régime de l’hypothèse et de la preuve scientifiques celui de la vérité autoritaire, mais non moins spécieuse. En d’autres termes, la logique même de la science a été perdue de vue par instants. On constate ainsi l’impérieuse nécessité de renforcer l’intégrité scientifique.

Cette problématique – précisons-le d’emblée – ne vise à restreindre ni la liberté d’expression ni les libertés académiques des chercheurs et des enseignants. La science a toujours progressé grâce aux polémiques et aux controverses. Dans une large mesure, elle est même un art de la controverse. C’est d’ailleurs pourquoi les arguments d’autorité sont si peu pertinents dans le champ scientifique.

Néanmoins, le pendant de ces libertés réside précisément dans l’intégrité scientifique, qui est une forme d’exigence à l’égard du monde de la recherche.

En faisant appel aux notions d’impartialité et d’objectivation de la connaissance, cette intégrité participe de ce qu’on pourrait appeler une éthique scientifique. Sans elle, nous basculons de la connaissance vers l’opinion, de la recherche de la vérité vers la clameur du fait erroné.

Or la science n’est pas déconnectée de la société. Au contraire, dans cette période délicate, complexe et sensible, marquée par tant de soubresauts, elle est un repère et un espoir pour nombre de personnes. Mais elle se doit de conserver sa rigueur, caution de sa crédibilité, faute de quoi – on le sait – la confiance que leur portent les citoyens s’érodera ; et alors, elle se verra attaquer plus avant, comme l’ont été toutes les institutions, par la suspicion, la défiance et la post-vérité !

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