Ce débat sur le préciput est très intéressant, bien qu’extrêmement technique.
Madame la ministre, vous tentez de résoudre une contradiction forte : si l’essentiel des financements de ce projet de loi de programmation de la recherche passe par l’ANR, vous avez conscience, comme nous, qu’il est essentiel que les équipes et les établissements soient aussi financés par ailleurs. Nous avons unanimement souligné, ici même, au Sénat, l’importance d’assurer un équilibre entre ces deux types de financement.
Vous utilisez le préciput d’une façon quelque peu détournée pour alimenter les ressources propres de ces équipes. C’est une politique très difficile, parce qu’à demander trop à l’ANR, elle risque de rester dans la situation dont vous essayez de la sortir. Je crains que l’ANR ne devienne une vache à lait, si je puis dire, pour un certain nombre de politiques publiques que vous pourriez parfaitement soutenir par un autre mode de financement, notamment par la distribution des crédits récurrents.
Par ailleurs, chers collègues, la répartition des crédits de l’ANR est géographiquement très inégalitaire, Jean Hingray l’a dit avec justesse. Elle est aussi inégalitaire en fonction des disciplines. Certaines universités qui ne dispensent quasiment que des enseignements en sciences humaines et sociales bénéficient de très peu de crédits de l’ANR, non pas parce qu’elles ne le souhaitent pas, mais parce que du fait de leur encadrement administratif, les chercheurs ont énormément de mal à présenter des projets ; les chercheurs en sciences dites « dures » disposent, eux, d’un encadrement beaucoup plus important.
Si tout le financement passe par l’ANR et le préciput, un certain nombre de territoires et d’universités plutôt spécialisées en sciences humaines ne percevront pas cet argent et souffriront d’un sous-investissement chronique.