Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

C’est écrit, il l’a déclaré, alors, comment expliquer ces mauvaises performances ? Le ministre des solidarités et de la santé s’est montré aussi définitif, aussi péremptoire qu’il l’est chaque fois qu’il répond à nos questions d’actualité au Gouvernement le mercredi – mes collègues en savent quelque chose, Alain Milon, en particulier.

Que s’est-il passé ? Les deux raisons qui expliquent les résultats que nous connaissons sont l’imprévision, que notre commission d’enquête, comme celle de nos collègues députés, a commencé à révéler, et l’impréparation.

L’imprévision a prévalu pendant le confinement : pas de masques, pas de gel, pas de blouses, et malheureusement pas de cap ni de stratégie. Dès le mois de mars, nous avons été nombreux, ici au Sénat, à indiquer qu’une mise sous cloche était une stratégie uniquement défensive et qu’elle aurait dû s’accompagner de la seule stratégie qui permette de briser les reins de l’épidémie : « tester, tracer, isoler ». Cela n’a pas été fait, et une fois la cloche retirée, le virus est reparti.

L’impréparation a, quant à elle, triomphé avec le déconfinement et l’été. Vous n’avez pas su profiter du répit que le virus vous donnait. On ne peut pas dire que l’on ne savait pas parce que, dès le mois de juillet, le président du conseil scientifique – ce n’est pas nous qui avons nommé les membres de ce conseil et choisi son président ! – nous avertissait d’une possible seconde vague. Et, dès la rentrée, le 9 septembre très exactement, le président du conseil scientifique, toujours lui, déclarait : « le Gouvernement devra prendre des décisions difficiles sous huit à dix jours ». Quelques jours après, monsieur le Premier ministre, vous aviez fait une conférence de presse lors de laquelle vous aviez annoncé que vous transformiez la quatorzaine en petite semaine.

Nous n’avons donc pas profité de ce moment de répit estival pour nous préparer et, en particulier, pour augmenter le nombre de lits en réanimation. Nous en sommes d’ailleurs toujours au même chiffre, malgré les allégations du ministre des solidarités et de la santé devant notre commission d’enquête.

Ce qui a été mis en échec à ce moment-là, c’est la fameuse stratégie « tester, tracer, isoler ». Personnellement, j’avais été heureux d’entendre votre prédécesseur dire dans cette enceinte même, dans son discours sur le déconfinement, qu’il fallait maintenant tester, dépister, tracer et isoler. Mais cette stratégie a été battue en brèche !

S’agissant du dépistage, on a fait du chiffre : jusqu’à 1, 2 million de tests par jour ! J’ai entendu certains s’en gargariser, mais à quoi cela sert-il de généraliser ces tests si les résultats arrivent trop tard et si ceux qui doivent être testés ne le sont pas en réalité ? À rien ! Pourquoi le ministère du travail a-t-il interdit aux entreprises et à la médecine du travail, à l’époque, de participer au dépistage ? Pourquoi les laboratoires publics n’ont-ils pas été suffisamment associés ? Ce premier volet de la stratégie a donc été un échec.

Pour ce qui est du traçage – je ne parle pas de l’application StopCovid –, on a permis aux fameuses brigades sanitaires de partir en vacances pendant l’été, en juillet et en août, alors que c’est à ce moment-là que se sont multipliés les clusters et que la circulation du virus s’est accélérée. Au mois de juillet, on traçait cinq cas contact en moyenne par malade, depuis quelques semaines, on n’en trace plus en moyenne que deux : échec sur le traçage !

Échec aussi sur l’isolement : dans mon propre département, seules trois personnes ont été isolées depuis le mois de mai : un sans domicile fixe et deux travailleurs étrangers. On n’a pas vraiment isolé, alors que les hôtels pouvaient être réquisitionnés et mobilisés. Voilà où nous en sommes !

Et les frontières ? Alors que le conseil scientifique, toujours lui, vous enjoignait au mois d’août dernier d’imposer un isolement absolu aux passagers en provenance des zones rouges, pourquoi n’avez-vous rien fait ? Pour quelle raison, si ce n’est cette idée que les frontières, en tout cas intraeuropéennes, doivent toujours – je l’ai encore entendu hier soir – restée ouvertes ?

Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, c’est cette accumulation d’échecs, ce sont ces manquements à l’anticipation, même si je sais que cela n’était pas facile, qui vous conduisent aujourd’hui à reconfiner. Ce sont les Français qui vont en payer le prix fort en termes de libertés publiques, bien sûr, mais aussi en termes de souffrances économiques et sociales, n’en doutons pas, parce que le confinement est aussi un cortège de souffrances sociales.

Ce n’est pas sur le front de l’activité économique que nous avons le plus de reproches à vous faire. Je pense en effet que le Gouvernement a plutôt bien accompagné l’économie. Nous avons d’ailleurs, chaque fois, voté les projets de loi de finances rectificative que vous nous présentiez.

Mais, de grâce, ne massacrez pas les commerces de proximité !

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