Séance en hémicycle du 29 octobre 2020 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, attentat après attentat, la France des Lumières s’assombrit.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Quelques jours après l’abominable assassinat de Samuel Paty, le terrorisme islamiste vient de nouveau de frapper en la basilique Notre-Dame de l’Assomption, ce matin, à Nice, ville tellement meurtrie.

Je tiens, au nom du Sénat, à exprimer notre compassion et notre soutien aux familles des victimes et à leurs proches. J’ai une pensée émue pour les catholiques de France durement éprouvés en cette veille de fête de la Toussaint. Je pense aussi au père Hamel lâchement assassiné dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray au mois de juillet 2016. Je pense aux Niçoises et aux Niçois encore une fois éprouvés.

L’islamisme radical a déclenché contre notre pays une offensive de grande ampleur. Ces actes constituent une agression contre notre peuple, contre notre identité et contre – j’ose le mot – notre civilisation et les valeurs qu’elle porte. S’attaquer à une église, à un temple, à une synagogue ou à une mosquée, c’est s’attaquer à la République tout entière. Je pense au principe défini par Aristide Briand selon lequel la loi doit protéger la foi tant que la foi n’entend pas dicter la loi.

Nous sommes à la croisée des chemins. Faiblir, c’est renoncer. Renoncer, c’est abdiquer. Abdiquer sur les valeurs qui ont construit notre nation et notre République.

Notre combat est celui des Lumières contre l’obscurantisme. Aujourd’hui c’est l’esprit de la résistance qui doit nous animer ; c’est une nation solidaire et unie face à ce qui est désormais un ennemi – j’ose le mot – clairement désigné. Le Sénat, dans sa diversité, sera à la hauteur de ses responsabilités.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous invite à observer, non pas comme une répétition ou une forme de litanie, car nous ne cessons de nous recueillir en ces temps difficiles, un moment de recueillement, mais aussi d’engagement, en mémoire des victimes de cet attentat et de toutes celles et de tous ceux à qui nous devons d’être une République debout.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en effet dans un contexte particulièrement dramatique, après l’attentat atroce qui vient d’être perpétré à Nice, que je m’adresse à vous cet après-midi

Le Président de la République s’est rendu sur place. Et il était de mon devoir d’être présent ici, au Sénat, dans le cadre de mes fonctions, comme cela était prévu. La vie démocratique, que certains souhaitent abattre, doit plus que jamais suivre son cours.

La France subit une nouvelle fois une attaque sanglante. La République doit rester debout. Et c’est pour cette raison que je prononcerai depuis cette tribune le discours que j’avais préparé à votre intention.

Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que le vendredi 16 octobre, avec le meurtre de Samuel Paty, c’est la liberté d’expression et d’enseigner qui étaient prises pour cibles. Aujourd’hui, avec les victimes de Nice, c’est la liberté de culte et, au-delà, la liberté de conscience qui sont attaquées.

Dans cette heure d’une gravité exceptionnelle où l’émotion du pays est à son comble, permettez-moi d’adresser, au nom du Gouvernement, mes plus profondes condoléances aux familles et aux proches des victimes. Je tiens également à exprimer un message de soutien, en notre nom à tous, aux catholiques de ce pays frappés au cœur, dans une de leurs églises et à la veille des fêtes de la Toussaint.

Le Président de la République a immédiatement convoqué pour demain un conseil de défense et de sécurité nationale, et j’ai d’ores et déjà porté le plan Vigipirate au niveau « urgence attentat » sur l’ensemble du territoire national.

Non, vous avez raison, monsieur le président, la République ne faiblira pas, la République n’abdiquera pas !

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut remonter à près d’un siècle dans l’histoire de la France, de l’Europe et du monde pour trouver une crise sanitaire comparable à celles que nous vivons.

Hier soir, le Président de la République a souhaité s’adresser directement aux Françaises et aux Français pour leur faire part des décisions qui ont été prises pour affronter l’épidémie. Il me revient aujourd’hui, comme l’article 50-1 de la Constitution m’y autorise, de venir devant vous pour vous présenter tout à la fois les raisons et les modalités de ces nouvelles mesures. Il nous appartiendra ensuite d’en débattre. Et il vous reviendra de vous prononcer.

Je tiens d’emblée à dire devant la Haute Assemblée avoir parfaitement conscience que nous demandons à nos concitoyens, dans une période déjà particulièrement troublée, de nouveaux efforts et de nouveaux sacrifices, rendus nécessaires par cette nouvelle flambée de l’épidémie.

Cette flambée, vous le savez, ne concerne pas que la France ; l’ensemble des pays européens y est aujourd’hui soumis. L’accélération brutale et soudaine, en large partie imprévue avec une telle intensité, y compris par la communauté scientifique, nous oblige à agir plus fortement encore. Car ce virus, convenons-en tous ensemble, doit appeler chacune et chacun à la plus grande humilité. Le caractère totalement inédit de cette crise et les difficultés à y faire face tiennent, en effet, à ce que ce virus n’existait pas il y a encore un an et reste toujours, en large part, imprévisible.

La France, à l’instar de ses voisins, a déconfiné de manière progressive et territorialisée à partir du 11 mai. Dès que les signes de reprise épidémique se sont manifestés cet été, elle a adopté une réponse également progressive et territorialisée, toujours à l’instar de ses voisins.

Devant la Haute Assemblée, dont je connais l’attachement à la France des territoires, au dialogue et à la proximité, je tiens à saluer les élus locaux. Je suis en relation permanente avec ces élus depuis des semaines et voudrais souligner leur grand sens des responsabilités. Dans la gestion de cette crise, le couple préfet-maire, dont je me suis toujours fait l’ardent promoteur, fonctionne très bien. Je remercie également les régions et les départements de leur mobilisation constante.

Toutefois, cette stratégie se heurte aujourd’hui à la flambée de l’épidémie, j’insiste sur ce mot. Je l’ai dit ce matin devant l’Assemblée nationale et vous le savez : aucun pays d’Europe n’est épargné. Je discute régulièrement avec mes homologues de la situation à laquelle ils sont confrontés et des mesures qu’ils prennent.

En France, l’épidémie est désormais partout et sévit sur l’ensemble des territoires. Si la mortalité, comme pendant la première vague, affecte principalement des personnes très âgées, la maladie frappe toutes les générations, avec des formes graves et des séquelles parfois lourdes et durables.

Aujourd’hui, 60 % des lits de réanimation sont occupés par des patients covid, soit deux fois plus qu’il y a quinze jours. Nous allons devoir gérer un mois de novembre avec un pic d’hospitalisations vraisemblablement plus élevé qu’au mois d’avril dernier. L’accélération du virus nous oblige à presser la mise en œuvre de nouvelles mesures sanitaires

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a décidé d’instaurer un nouveau confinement à l’échelle du pays tout entier jusqu’au 1er décembre avec des adaptations pour les seuls départements et territoires d’outre-mer. Tous nos voisins européens sont ou seront contraints d’adopter des mesures similaires, et ce pour une raison simple : c’est la seule solution pour sauver des vies.

Il ne m’a pas échappé que certains soutiennent que multiplier les lits de réanimation suffirait à endiguer l’épidémie. Mais c’est refuser de comprendre que les murs et les lits ne suffisent pas, que l’on ne forme pas un médecin réanimateur ou une infirmière spécialisée en six mois. Quand bien même, mesdames, messieurs les sénateurs, pourrions-nous augmenter sans limites nos capacités hospitalières, ce raisonnement supposerait que nous acceptions de voir le nombre de morts et de personnes intubées s’envoler. C’est exactement vers le contraire que nous devons aller : prévenir plutôt que guérir, empêcher l’épidémie de progresser.

Par ailleurs, il est une seconde idée fausse que je ne peux pas laisser prospérer et que j’entends bien combattre devant vous. Certains, en effet, proposent de confiner les plus vulnérables de nos concitoyens, à commencer par les personnes âgées. Qui peut croire qu’il serait possible d’établir un mur étanche entre les aînés et le reste de la population ?

Il est tout aussi faux de penser que l’on pourrait laisser galoper impunément l’épidémie dans toute la population sans qu’elle finisse par atteindre celles et ceux que nous cherchons justement à protéger.

Pourtant, nous savons d’expérience que le confinement n’est pas exempt de graves conséquences économiques, psychologiques et sociales. C’est la raison pour laquelle la nouvelle forme de confinement que nous avons décidée sera différente de celle que nous avons connue au printemps dernier. Nous avons appris et tiré des leçons de la première vague.

Première différence majeure : les établissements scolaires resteront ouverts. Le confinement du printemps dernier a accru le risque de décrochage scolaire pour les enfants, en particulier les plus défavorisés. Je sais également que les enseignants ont été alors affectés d’être séparés de leurs élèves, mais je sais aussi pouvoir compter sur leur dévouement et leur attachement à l’école de la République, à un moment où elle a été attaquée avec la volonté de l’intimider.

Au-delà de l’école, nos grands services publics – je pense à La Poste ou aux guichets des administrations – doivent également continuer à fonctionner dans cette nouvelle phase. Aussi, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées resteront ouverts ; et il en ira de même du secteur périscolaire.

Dès la rentrée de lundi, en dehors du renforcement général de nos mesures de sécurité, le protocole sanitaire applicable à ces établissements sera renforcé pour assurer la protection de tous : enfants, enseignants, parents d’élèves. Conformément aux avis que nous ont transmis hier la société française de pédiatrie et le Haut Conseil de la santé publique, le port du masque sera étendu aux enfants du primaire dès l’âge de 6 ans.

Alors que la France avait connu une récession parmi les plus fortes en Europe avec le confinement du mois de mars, tout doit être fait, cette fois-ci, pour éviter de connaître une chute de l’activité économique aussi brutale. Il ne peut être question de mettre de nouveau notre économie sous cloche. Le plus grand nombre d’entre nous doit continuer à pouvoir travailler, autant que possible, dans des conditions sanitaires optimales, tout en stoppant la circulation virale.

Pour cela, le recours au télétravail doit être organisé de la manière la plus massive possible dans les entreprises comme dans les administrations publiques. S’agissant de ceux pour qui le télétravail est impossible et dont les activités resteront autorisées, des attestations dérogatoires permettront de poursuivre leur activité.

Le secteur du BTP doit continuer à travailler, nos usines doivent fonctionner et les agriculteurs poursuivre leurs activités. Pour autant, nous le savons, mesdames, messieurs les sénateurs, ce confinement aura, malgré notre volonté de l’adapter, des conséquences sociales et économiques lourdes, en particulier pour les secteurs déjà fragilisés qui vont de nouveau faire l’objet d’une fermeture administrative. C’est aussi ce défi considérable que nous devons relever.

Je comprends la difficulté immense et la détresse qui touchent ceux que, pour des motifs d’intérêt général sanitaire, l’on empêche de travailler. Comme lors de la première vague, les commerces, à l’exception de ceux de première nécessité, seront fermés, ainsi que les bars et les restaurants. Seront également fermées les entreprises de l’événementiel, du sport, et les secteurs du cinéma et du spectacle vivant cesseront leur activité. Suspendre temporairement ces activités est particulièrement douloureux, car il y va aussi de l’esprit français. Mais nous devons à nos concitoyens une ligne claire et des décisions lisibles.

Je pense aussi à ceux dont l’activité qui, sans être formellement interdite, subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire : le tourisme, l’hôtellerie, l’aéronautique et l’automobile. Nous ferons tout pour accompagner ces secteurs, leurs salariés et en particulier les indépendants, afin de repousser et d’éviter le risque de faillite.

L’État, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, a déployé, au cours de la première vague, des mesures de soutien tout à fait exceptionnelles saluées en Europe comme étant parmi les plus ambitieuses. Ces mesures seront reconduites et amplifiées, car nous savons que notre tissu économique a été particulièrement fragilisé depuis le printemps dernier.

Mercredi, le conseil des ministres adoptera un nouveau projet de loi de finances rectificative pour l’exercice 2020 prévoyant une enveloppe de 20 milliards d’euros supplémentaires pour financer ces mesures de soutien exceptionnel. Ces dépenses, que nous devons assumer ensemble, sont d’abord un investissement, car elles ont pour objet de limiter le coût économique, financier, mais surtout humain de cette pandémie.

Le Gouvernement a parfaitement conscience que certains de nos concitoyens ont souffert plus que d’autres depuis le début de cette crise et que ce sont les mêmes qui seront tout particulièrement affectés par ce nouveau confinement ; je pense évidemment aux jeunes, aux indépendants, aux travailleurs dits « de la deuxième ligne », aux personnes fragiles et précaires.

En concertation avec les partenaires sociaux que j’ai reçus en début de semaine et dont je salue le haut sens des responsabilités, avec les associations et les organisations professionnelles, nous allons renforcer les solutions adaptées à leur situation. Permettez-moi de m’adresser directement à eux, à travers vous, pour leur dire que la solidarité nationale continuera à se déployer pleinement.

Les mesures que nous prenons sont particulièrement difficiles à accepter pour une population qui a déjà affronté de longues semaines de confinement au printemps dernier. C’est la raison pour laquelle la situation sera soumise à une première évaluation au bout de quinze jours, afin d’ajuster éventuellement ce dispositif. Nous sommes déjà à pied d’œuvre pour anticiper l’échéance du 1er décembre, pour améliorer encore nos outils de prévention, pour tester mieux et plus, pour alerter plus vite, pour protéger de manière plus efficace, pour vivre avec ce virus jusqu’à ce que la science nous permette d’en venir à bout.

Nos concitoyens sont inquiets, beaucoup sont en souffrance. Tous sont concernés par cette maladie, tous sont menacés par la crise économique qui en résulte. Cette crise, mesdames, messieurs les sénateurs, est finalement un rendez-vous avec nous-mêmes. Car la vie avec le virus, la maîtrise de l’épidémie reposent avant tout sur notre responsabilité individuelle et collective. Une part de la solution est entre les mains de chacune et chacun d’entre nous. Adaptons nos comportements, respectons les gestes barrières. Protégeons-nous, protégeons les autres, y compris chez nous.

Nous devons tous nous hisser à la hauteur des circonstances exceptionnelles que traverse la France. Nous vivons un moment particulièrement difficile. Nous devons affronter avec le virus un ennemi qui n’a ni stratégie, ni tactique, ni volonté particulière, mais qui tue. Aujourd’hui, si la France est de nouveau horrifiée et endeuillée, la République tient debout.

La double épreuve qui nous frappe est totalement inédite. Nous devons, mesdames, messieurs les sénateurs, faire corps. Nous faisons le choix de la vie et de la solidarité, car finalement c’est le seul qui s’impose.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, à la demande de plusieurs présidents de groupe, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La séance est reprise.

Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.

Dans le débat, la parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre pays vit des heures noires.

La concorde nationale n’est pas, dans cette situation, quand il s’agit de préserver notre pacte républicain et notre modèle de société, une vaine expression. Soyons à la hauteur de l’attente des Français, qui ont besoin d’être rassurés, qui ont besoin de solidarité et qui ont besoin de se projeter, y compris dans la confiance en leurs dirigeants. L’angoisse, le désespoir, la peur, l’absence de perspectives composent le terreau fertile d’un potentiel délitement et affaiblissement de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Dans ce climat si inquiétant, mes premiers mots de compassion, après l’effroi et la sidération, vont vers les victimes du fanatisme islamiste, qui a encore frappé les habitants de la ville de Nice, une nouvelle fois meurtrie au travers de son église catholique. Je pense aussi à nos forces de sécurité, qui ont arrêté l’auteur de cette attaque ignoble et qui méritent plus que jamais notre respect, un respect à la hauteur de leur dévouement.

Ce dévouement et cette résilience, nous les retrouvons aujourd’hui dans chaque foyer français. Ainsi, je souhaite rendre hommage aux soignants, qui vont être une fois de plus en première ligne, alors que leur résistance physique et psychologique, héroïque bien souvent, a été fortement éprouvée. Et les semaines qui viennent, mes chers collègues, seront un enfer pour ces personnels soignants.

Je souhaite rendre hommage aux travailleurs qui ne pourront pas se confiner et qui continueront, malgré les risques pour leur santé, à faire en sorte que notre pays reste debout. J’aurai également une pensée pour nos compatriotes qui ont été touchés par ce virus, avec parfois des conséquences sur le long terme, pour ceux qui ont perdu des proches, pour ceux qui se battent actuellement contre cette maladie. J’aurai enfin une pensée pour une partie de nos concitoyens les plus fragiles, qui vont être confrontés à la solitude et la précarité.

Voilà neuf mois que la pandémie est entrée dans la vie de tous les Français. Elle l’a changée, percutée, détruite pour certains. Nous nous retrouvons ce jour au Parlement, dans cette enceinte qui est l’émanation du peuple français, pour évoquer les nouvelles mesures prises pour contrer la deuxième vague.

Cette nouvelle épreuve est grave. Elle demande un nouvel effort important, peut-être plus important même que celui qu’ont supporté les Français depuis le mois de mars dernier. Le pays tout entier est mobilisé pour faire face et chacun doit jouer son rôle.

Notre rôle, en tant que parlementaires, en tant que législateur, est de participer comme représentants du peuple au débat national. Valérie Rabault, mon homologue à l’Assemblée nationale, et moi-même vous avions demandé par courrier, monsieur le Premier ministre, le 10 septembre et encore le 15 octobre dernier, que le débat qui se tient aujourd’hui soit organisé bien en amont. Ce n’était pas un caprice, monsieur Castex : c’était une nécessité ! Vous l’avez refusé. Vous ne l’estimiez pas nécessaire dans votre réponse du 19 octobre.

Je le regrette, alors que nous nous retrouvons aujourd’hui pour entériner une décision très lourde de conséquences, annoncée hier soir par le Président de la République, sans qu’aucun débat éclairé et digne de ce nom ait pu avoir lieu préalablement dans les enceintes du Parlement. Le débat est normal, important dans une démocratie. Le débat devant les Français doit se faire dans notre enceinte et pas ailleurs. Sinon, la défiance sera au rendez-vous.

Nous regrettons votre gestion trop pyramidale. L’exécutif ne s’est pas senti obligé de présenter publiquement devant quiconque les différents scenarii sur lesquels il a travaillé. Les éléments de diagnostic sur lesquels il se fonde pour arrêter sa décision ont fait l’objet de cette réunion, disons-le, surréaliste, mardi soir dernier, avenue de Ségur.

La fonction délibérative de notre démocratie est ainsi remplacée par un débat qui n’aboutit qu’à un enregistrement a posteriori d’une décision prise ailleurs, puis détaillée plus finement devant la presse que devant la représentation nationale ce jour. Nous ne pouvons pas, monsieur le Premier ministre, être les supplétifs de quelques conseils que ce soit, aussi scientifiques soient-ils.

Votre gouvernement recherche l’unité nationale, mais ne fait rien pour la créer. Le Président de la République l’a dit hier soir : « J’ai décidé de confiner le pays. » Les consultations mises en place avant cette décision n’étaient donc que de pure forme.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner. Pour autant, en responsabilité, je dirais même en conscience, et eu égard à la situation actuelle, nous voterons en faveur de ce qui est devenu inévitable

Marques d ’ étonnement sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

C’est un vote favorable pour, encore une fois, protéger les Français.

Certes, le combat contre le virus est extrêmement difficile. Nous ne le nierons pas. Aucun gouvernement dans le monde n’y était préparé. Cette maladie est évolutive : elle ne frappe pas toujours là où on l’attend, et la deuxième vague dans laquelle nous sommes pris au piège, qui est encore devant nous, s’annonce plus terrible que ce que nous avions annoncé et que ce que nous avions vécu au printemps dernier.

Mais nous ne pouvons pas vous accorder notre confiance, monsieur le Premier ministre. De nombreux spécialistes, parmi lesquels le président du conseil scientifique, estimaient probable une deuxième vague. Le 27 juillet, un rapport dudit conseil jugeait, « fortement probable la survenue d’un retour du virus en novembre ou au plus tard dans l’hiver ».

Le 14 juillet dernier, le Président de la République affirmait que nous étions prêts à affronter une seconde vague. Vous-même, le 27 août, vous déclariez : « Face à la pandémie, il n’y a pas de quoi s’affoler. » Le 22 octobre, le ministre des solidarités et de la santé avançait, à l’appui du couvre-feu que : « sans mesures nouvelles là où c’est nécessaire pour freiner l’épidémie, il y aurait dans les quinze jours jusqu’à 50 000 malades diagnostiqués quotidiennement ». Ce seuil a été atteint quatre jours après cette déclaration. Hier soir, Emmanuel Macron, Président de la République, se déclarait « surpris par l’évolution du virus », présentant des comparaisons avec les autres États européens.

Monsieur le Premier ministre, je ne vous demande pas d’être « aussi faible » ou « aussi mauvais » que d’autres États européens, je vous demande d’être meilleur ! Nous ne pouvons pas vous faire confiance, car gouverner c’est prévoir. Ces déclarations montrent que ce n’était pas le cas. Ce manque d’anticipation va coûter très cher à la Nation.

Comme au printemps, la qualité de la réponse sanitaire déterminera le nombre de vies que nous sauverons. Il faut prendre en compte toutes ces alertes. Comme le disait hier notre collègue Bernard Jomier dans cette enceinte même, tous les rapports relèvent un dysfonctionnement dans la gestion de la pandémie : une myriade d’agences sanitaires, la création d’agences nouvelles, et la stratégie « tester, tracer, isoler » qui n’a pas fonctionné. Les nouvelles annonces restrictives sont nécessaires, mais elles sont aussi le marqueur d’un échec en matière de politique de santé publique.

La situation de l’hôpital public s’est dégradée. La lenteur de la mise en place du Ségur de la santé place les soignants devant un dilemme insoluble : ils ne peuvent que tenir malgré les insuffisances, sinon l’hôpital public implosera, ce qui affectera encore plus la santé de nos concitoyens.

Nous vous avons auditionné le 6 mai dernier, monsieur Castex, alors que vous étiez chargé du déconfinement. Vous êtes désormais le Premier ministre chargé du reconfinement. Dans ce cadre, j’ai une question simple à vous poser : pouvez-vous nous présenter clairement, avec précision, les différents scenarii qui nous permettront d’éviter un troisième reconfinement début 2021 ?

Nous relevons ces points par esprit de responsabilité. Contrairement à ce qu’ont pu dire ces derniers jours votre porte-parole et votre ministre des solidarités et de la santé, nous avons fait des propositions : cela fait neuf mois que nous répondons présents, que nous sommes au rendez-vous pour accompagner les Français face à cette crise. En matière de santé publique, nous vous avions alerté sur les dysfonctionnements.

Nos propositions ont également porté sur la question sociale. Sur ce point, aucun quitus non plus ne sera donné à votre gouvernement, qui n’a pas pris la mesure de l’urgence. Un million de Français ont rejoint les plus de 9 millions de Français qui étaient déjà sous le seuil de pauvreté. Cette situation est dramatique. Il aurait fallu réagir plus en amont, plus rapidement, plus efficacement. Vos annonces de samedi dernier ne répondent pas à ce drame social en perspective. Il n’y en a pas eu depuis, malgré le durcissement.

Vous pratiquez un saupoudrage, qui ne prend pas en compte l’ampleur de ce qui existe déjà, et encore moins de ce qui attend notre pays. Bien sûr, des mesures d’urgence ont été prises au début de la crise, et nous avions d’ailleurs voté vos différents budgets rectificatifs, mais les jeunes, les pauvres, les nouveaux précaires sont sortis de votre radar. À ceux-là, vous proposez des aides exceptionnelles et ponctuelles, quand la deuxième vague nous confirme qu’un grand nombre de Français risquent de s’installer dans la précarité sur un temps long.

Dans le même temps, la suppression de l’impôt sur la fortune et l’instauration de la flat tax au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter le revenu des 0, 1 % des Français les plus aisés, tandis que la distribution des dividendes, de plus en plus concentrée, a explosé ces derniers mois. §C’est la vie, mes chers collègues ! Cet « en même temps » là, c’est de la fracture sociale en puissance !

Ainsi, il vous faudra répondre à ces questions de plus en plus pressantes, monsieur le Premier ministre.

Quand allez-vous penser de nouvelles ressources tirées de la taxation du capital pour qu’une réelle solidarité nationale s’exerce dans cette crise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Quand allez-vous ouvrir le revenu minimum aux jeunes pour les empêcher de sombrer quand ils n’ont plus de petits boulots ni de perspectives professionnelles ? Quand allez-vous revenir sur votre réforme des aides personnalisées au logement (APL) ? Quand allez-vous abandonner définitivement votre réforme de l’assurance chômage ? Quand allez-vous revaloriser les minima sociaux ? Quand allez-vous augmenter les moyens alloués à l’aide alimentaire, à laquelle le recours explose sur notre territoire, et non les baisser, comme le prévoit le projet de loi de finances ? Quand allez-vous rendre les masques gratuits à l’école pour que tous nos enfants soient protégés efficacement ? Quand allez-vous réactiver une politique ambitieuse de contrats aidés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

La réalité est là, sous nos yeux, tragique. Allez-vous la prendre en compte et changer de cap social ? C’est notre demande depuis le début de la crise.

Il faudra aussi accompagner, à côté du commerce de proximité et de la restauration, qui vont droit au tapis, même si vous allez les soutenir – je n’en doute pas un seul instant –, le monde de la culture et celui du sport, si durement touchés. Accélérez sur cette question que le Président de la République n’a même pas évoquée hier soir, sinon, il ne restera que des décombres et ce qui fonde notre identité commune ne pourra pas se relever.

Alors, oui, notre vote est un vote pour les Français. Mais pour aller vers les Français, il faut sortir de votre verticalité et mieux associer les relais que sont les élus locaux. Mon groupe a naturellement une préoccupation toute particulière pour les territoires d’outre-mer : certains ont été lourdement touchés par la crise sanitaire, d’autres, telle que la Polynésie française, subissent de plein fouet cette seconde vague. Puisque les situations sont différenciées, nous appelons des réponses territorialisées et surtout concertées avec les acteurs locaux. La mobilisation totale de l’État sera absolument nécessaire.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, ce confinement et le déconfinement qui suivra doivent fonctionner. L’effort est trop important. La difficulté de votre tâche est grande, mais la responsabilité devant les Français l’est tout autant. Nous vous demandons plus de transparence citoyenne : c’est par ce seul biais, par le partage d’éléments précis et clairs auprès de la représentation nationale et des Français, que vous emporterez la confiance de nos concitoyens. Cette confiance est nécessaire pour combattre le virus.

Monsieur le Premier ministre, nous voterons cette déclaration, pas pour vous, pas pour votre action passée, mais pour les Français, pour les protéger.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, dans quelques heures, par la volonté du président En Marche, la France sera à l’arrêt pour la deuxième fois, au moins jusqu’au 1er décembre. Il est plus facile pour Emmanuel Macron d’enfermer les Français que d’enfermer les islamistes !

Le Président de la République s’est livré hier à son exercice favori quand il s’adresse aux Français : culpabiliser, interdire et mentir avec un aplomb qui forcerait presque le respect. Comment oser affirmer, en regardant les Français droit dans la caméra, avoir appris de la première vague de la covid-19, alors que les conclusions du bilan de la gestion printanière de l’épidémie, rédigées par le général Lizurey, pulvérisent le mensonge du chef de l’État ?

Des conseils de défense qui ne donnent aucun conseil ! Des cellules de crise ministérielle et interministérielle concurrentes, dont les informations ne circulent pas ! Des préfets et directeurs d’agence régionale de santé (ARS) dont la rivalité neutralise les décisions ! Une logistique largement défaillante et, le plus inquiétant, c’est qu’aucune des vingt et une recommandations du rapporteur n’a été prise en compte. Aucune !

Cela n’a pas empêché Emmanuel Macron d’affirmer le 14 juillet que, en cas de deuxième vague, il serait prêt, suivi par le secrétaire d’État chargé du tourisme qui, le 12 octobre dernier, incitait les Français à partir pour les vacances de la Toussaint.

Pour le président Macron, passer de 5 000 à 6 000 lits, c’est doubler les capacités d’accueil en réanimation. Ce n’est pas étonnant quand un ministre de la santé préfère obéir aux exigences budgétaires de Bruxelles plutôt qu’aux exigences sanitaires de la France.

Pour tenter de masquer sa responsabilité, ainsi que celle de son gouvernement dans la reprise de l’épidémie, le Président use et abuse de la stratégie d’« anxiogénisation » des esprits avec l’évocation de 400 000 morts potentiels si l’on ne reste pas enfermé à double tour chez soi. Personnes âgées, jeunes, tout le monde est concerné par le virus, ce que nul ne conteste, mais alors pourquoi autoriser les visites dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et laisser les écoles ouvertes ?

La grande distribution peut se réjouir : ce confinement sera une nouvelle affaire juteuse, pendant que les artisans, les commerçants, les cafetiers, les restaurateurs sont condamnés à mort.

Le Président annonce le contrôle des frontières extérieures de l’Europe, mais laisse les frontières intérieures ouvertes, alors qu’il affirme dans le même temps que l’épidémie touche plus fortement encore nos voisins. Où est la cohérence, monsieur le Premier ministre ? Où est la logique ? Cela part dans tous les sens, et dans tous les sens contraires ! On n’y comprend plus rien !

Ce que l’on sait, c’est qu’à la crise sanitaire c’est une crise économique et sociale d’une violence inouïe que le Gouvernement inflige aux Français.

Et, bien sûr, tout en continuant à ignorer leur expérience, le chef de l’État a le culot d’en appeler à la mobilisation des élus locaux pour assurer le service après-vente. Ceux-ci ne vous ont pas attendu, fort heureusement monsieur le Premier ministre, pour protéger les populations.

Incapable de prévoir, d’organiser et de décider, vous n’avez plus d’autre solution que d’incarcérer nos compatriotes chez eux, de précipiter le chaos économique et social, et d’exiger du Parlement qu’il ait le vote sur la couture du pantalon. Les parlementaires ne sont pas, ne vous en déplaise, à votre botte !

À vos mensonges, les Français ne croient plus. À votre capacité à combattre l’épidémie, les Français ne croient plus. À votre capacité à écouter le pays réel, je ne crois plus. C’est pour toutes ces raisons, et pour la mémoire des 35 785 victimes du covid-19, monsieur le Premier ministre, que ma confiance, vous ne l’aviez déjà pas, et vous ne l’aurez définitivement plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les Français traversent actuellement des heures difficiles et la situation est grave.

La France, le pays que nous aimons, est frappée simultanément par plusieurs crises – sanitaire, économique et sociale –, mais aussi de nouveau par le totalitarisme islamiste. Au nom de mon groupe, je veux m’associer aux hommages et surtout saluer la mémoire des victimes, de toutes les victimes.

Monsieur le Premier ministre, je vous ai interrogé la semaine dernière lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement et vous ai indiqué que nous étions en train de perdre du terrain dans ce grand combat contre l’islamisme. Ces victimes vous obligent. Elles vous obligent à sortir des solutions toutes faites, des demi-mesures, car on n’y parviendra pas avec des demi-mesures, j’en suis persuadé.

Je pense qu’il faut un combat global et qu’il faut aussi sortir du cadre. Si vous restez dans le cadre, vous continuerez à faire des déclarations, nous continuerons à rendre des hommages et les crimes se poursuivront en France et ailleurs.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La gravité de cette situation, mes chers collègues, nous oblige à la fois à la responsabilité et à la hauteur.

Il n’est pas inutile de vous rappeler notre état d’esprit, monsieur le Premier ministre. La ligne que nous nous sommes fixée depuis le début des attentats et le début de cette crise tient en deux mots : responsabilité et exigence.

Responsabilité d’abord. Nous avons été au rendez-vous en adoptant tous les textes que vous nous avez proposés. Tous ! Notre responsabilité est de vous donner les moyens de gouverner pour protéger les Français. Mais, en face de cette responsabilité, il y a une exigence de vérité, exigence que nous devons d’un point de vue démocratique à nos concitoyens, à nos compatriotes, aux Français qui, eux-mêmes, s’interrogent – et nous nous devons de relayer leurs interrogations, parce qu’elles sont légitimes et que nous avons été mandatés pour cela.

Vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises sur l’unité nationale. Très bien ! Mais l’unité nationale ne peut être un prétexte pour imposer le silence dans les rangs, pour museler l’opposition nationale. Monsieur le Premier ministre, vous aviez une bonne occasion de sceller cette union nationale. Ce soir, nous allons examiner un texte qui vous donnera les moyens de réaliser ce que vous nous avez annoncé. Nous allons d’ailleurs sans doute l’adopter, après l’avoir amendé.

Mais vous avez aussi maintenu, dans les circonstances que nous connaissons, un vote à l’issue de ce débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution. Vous auriez pu le reporter : cela aurait été évidemment la preuve que vous étiez attaché à cette unité nationale. Vous ne l’avez pas fait, alors que c’est un vote qui n’est qu’indicatif, un vote de confiance, confiance que nous ne vous accorderons sans doute pas, un vote pour rien, un vote inutile donc. §Dans ces circonstances, était-il vraiment nécessaire de le préserver ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La responsabilité qui est la nôtre est de vous donner les moyens que vous souhaitez pour enrayer l’épidémie, et nous le ferons. Votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, est de nous écouter et de rendre des comptes au Sénat, mais aussi à tous les Français.

On a souvent parlé de guerre : guerre contre le virus, guerre contre le totalitarisme islamiste. Je me souviens de cette métaphore utilisée par le Président de la République au printemps dernier : il s’agissait d’une métaphore, suivie d’une anaphore, la répétition à six reprises des termes « nous sommes en guerre ». Mais n’est pas Clemenceau qui veut !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Que reste-t-il sept mois après cette déclaration de guerre ? La France est-elle sur le pied de guerre ? Non, la France est au pied du mur ! Hier, le Président de la République nous a annoncé les mesures de confinement. Je n’ai rien trouvé dans son discours qui se démarque de ce que tout le monde attendait déjà. Par conséquent, même si vous vouliez ce débat et ce vote, les jeux étaient faits. Tout est décidé, mes chers collègues ! Ce débat et ce vote sont à l’évidence un théâtre d’ombres !

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Que reste-t-il sept mois après cette déclaration donc ? Vous nous avez indiqué à plusieurs reprises, ce qui est vrai, que cette seconde vague est la même pour tout le monde, pour tous les pays d’Europe. Nous sommes confrontés aux mêmes difficultés, au même virus, mais nous n’obtenons pas les mêmes résultats, mes chers collègues !

(Non ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Non ! On fait moins bien que les autres tout en ayant en matière de dépenses de santé le niveau le plus élevé. Voilà le problème !

Marques d ’ approbation sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

D’après plusieurs outils de comparaison entre les pays, la France n’est pas bien classée en ce qui concerne sa mortalité : nous sommes au cinquième rang ! Peut-on s’en satisfaire ? Peut-on dire que c’est partout pareil et qu’on fait comme les autres ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ? Je sais, bien sûr, qu’il faut être humble, mais on doit aussi la vérité aux Français. Pour nous, c’est incompréhensible.

Prenons la déclaration du ministre des solidarités et de la santé dans le Journal du dimanche du 28 mars dernier : « L’anticipation a été absolue depuis le premier jour ».

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Quelle honte !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

C’est écrit, il l’a déclaré, alors, comment expliquer ces mauvaises performances ? Le ministre des solidarités et de la santé s’est montré aussi définitif, aussi péremptoire qu’il l’est chaque fois qu’il répond à nos questions d’actualité au Gouvernement le mercredi – mes collègues en savent quelque chose, Alain Milon, en particulier.

Que s’est-il passé ? Les deux raisons qui expliquent les résultats que nous connaissons sont l’imprévision, que notre commission d’enquête, comme celle de nos collègues députés, a commencé à révéler, et l’impréparation.

L’imprévision a prévalu pendant le confinement : pas de masques, pas de gel, pas de blouses, et malheureusement pas de cap ni de stratégie. Dès le mois de mars, nous avons été nombreux, ici au Sénat, à indiquer qu’une mise sous cloche était une stratégie uniquement défensive et qu’elle aurait dû s’accompagner de la seule stratégie qui permette de briser les reins de l’épidémie : « tester, tracer, isoler ». Cela n’a pas été fait, et une fois la cloche retirée, le virus est reparti.

L’impréparation a, quant à elle, triomphé avec le déconfinement et l’été. Vous n’avez pas su profiter du répit que le virus vous donnait. On ne peut pas dire que l’on ne savait pas parce que, dès le mois de juillet, le président du conseil scientifique – ce n’est pas nous qui avons nommé les membres de ce conseil et choisi son président ! – nous avertissait d’une possible seconde vague. Et, dès la rentrée, le 9 septembre très exactement, le président du conseil scientifique, toujours lui, déclarait : « le Gouvernement devra prendre des décisions difficiles sous huit à dix jours ». Quelques jours après, monsieur le Premier ministre, vous aviez fait une conférence de presse lors de laquelle vous aviez annoncé que vous transformiez la quatorzaine en petite semaine.

Nous n’avons donc pas profité de ce moment de répit estival pour nous préparer et, en particulier, pour augmenter le nombre de lits en réanimation. Nous en sommes d’ailleurs toujours au même chiffre, malgré les allégations du ministre des solidarités et de la santé devant notre commission d’enquête.

Ce qui a été mis en échec à ce moment-là, c’est la fameuse stratégie « tester, tracer, isoler ». Personnellement, j’avais été heureux d’entendre votre prédécesseur dire dans cette enceinte même, dans son discours sur le déconfinement, qu’il fallait maintenant tester, dépister, tracer et isoler. Mais cette stratégie a été battue en brèche !

S’agissant du dépistage, on a fait du chiffre : jusqu’à 1, 2 million de tests par jour ! J’ai entendu certains s’en gargariser, mais à quoi cela sert-il de généraliser ces tests si les résultats arrivent trop tard et si ceux qui doivent être testés ne le sont pas en réalité ? À rien ! Pourquoi le ministère du travail a-t-il interdit aux entreprises et à la médecine du travail, à l’époque, de participer au dépistage ? Pourquoi les laboratoires publics n’ont-ils pas été suffisamment associés ? Ce premier volet de la stratégie a donc été un échec.

Pour ce qui est du traçage – je ne parle pas de l’application StopCovid –, on a permis aux fameuses brigades sanitaires de partir en vacances pendant l’été, en juillet et en août, alors que c’est à ce moment-là que se sont multipliés les clusters et que la circulation du virus s’est accélérée. Au mois de juillet, on traçait cinq cas contact en moyenne par malade, depuis quelques semaines, on n’en trace plus en moyenne que deux : échec sur le traçage !

Échec aussi sur l’isolement : dans mon propre département, seules trois personnes ont été isolées depuis le mois de mai : un sans domicile fixe et deux travailleurs étrangers. On n’a pas vraiment isolé, alors que les hôtels pouvaient être réquisitionnés et mobilisés. Voilà où nous en sommes !

Et les frontières ? Alors que le conseil scientifique, toujours lui, vous enjoignait au mois d’août dernier d’imposer un isolement absolu aux passagers en provenance des zones rouges, pourquoi n’avez-vous rien fait ? Pour quelle raison, si ce n’est cette idée que les frontières, en tout cas intraeuropéennes, doivent toujours – je l’ai encore entendu hier soir – restée ouvertes ?

Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, c’est cette accumulation d’échecs, ce sont ces manquements à l’anticipation, même si je sais que cela n’était pas facile, qui vous conduisent aujourd’hui à reconfiner. Ce sont les Français qui vont en payer le prix fort en termes de libertés publiques, bien sûr, mais aussi en termes de souffrances économiques et sociales, n’en doutons pas, parce que le confinement est aussi un cortège de souffrances sociales.

Ce n’est pas sur le front de l’activité économique que nous avons le plus de reproches à vous faire. Je pense en effet que le Gouvernement a plutôt bien accompagné l’économie. Nous avons d’ailleurs, chaque fois, voté les projets de loi de finances rectificative que vous nous présentiez.

Mais, de grâce, ne massacrez pas les commerces de proximité !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Vous préciserez cela, monsieur le Premier ministre…

Sans doute trouvez-vous que ces critiques sont injustes…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Or c’est non pas moi qui ai signalé pour la première fois des « ratés », mais le Président de République, le 13 avril. Hier soir encore, il disait : « Avons-nous tout bien fait ? Non […] ». C’est l’évidence !

De même, vous nous avez souvent accusés de ne pas faire de propositions. Or nous avons tout voté, et notamment, sur tous les textes, des dizaines et des dizaines d’amendements qui sont autant de propositions !

Croyez-vous, monsieur le Premier ministre, que StopCovid serait « passé » au Sénat sans mon engagement personnel ? Qu’avais-je à y gagner à l’époque ? Rien du tout ! Je pensais, simplement, que c’était une affaire de cohérence par rapport à la stratégie de traçage, et j’ai emmené mon groupe pour qu’il vote en ce sens. C’était une question de responsabilité !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous continuerons à faire des propositions pour que la France reprenne le contrôle de l’épidémie et que les Français reprennent le cours d’une vie normale.

Ce que nous souhaiterions, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est un plan d’anticipation – enfin ! – qui permette, à la fois, de soigner tous les malades, y compris les plus âgés, et de traquer la maladie.

Faisons en sorte, dans la phase actuelle, que les personnes âgées ne soient pas mises de côté pour l’accès aux soins en réanimation à l’hôpital, comme l’a révélé la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. C’est très important ! On doit pouvoir multiplier le nombre de lits.

Alain Milon le disait hier, il faut faciliter l’entente et l’articulation entre l’hôpital, le secteur public et les cliniques privées, faire en sorte d’ouvrir des hôpitaux éphémères, ce qui est une idée du professeur Philippe Juvin – qui plus est, je connais une très belle entreprise vendéenne §qui peut installer en un rien de temps des structures modulaires ! –, et accélérer les formations, comme l’ont fait les Italiens.

Chez moi, à La Bruffière, il y a 63 cas sur 84 résidents dans un Ehpad, et le personnel est indisponible ! Le directeur et le maire ont fait appel à la réserve sanitaire ; or il n’y en a pas. Il faut, bien sûr, former cette réserve ! Aujourd’hui, ce sont les conseillers municipaux et les personnels du centre communal d’action sociale (CCAS) qui donnent un coup de main, bénévolement, dans cet établissement…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce qu’il faut faire, c’est multiplier les lits, parce que l’action publique est limitée par le nombre de lits de réanimation, et aussi traquer véritablement la maladie, dépister massivement via les tests antigéniques et, demain, les tests salivaires.

Dépistez en mobilisant toutes les énergies et tous les acteurs de santé, y compris la médecine du travail ! Faites en sorte de casser les reins de cette épidémie en traçant vraiment, en isolant ! Réquisitionnez des hôtels et isolez les personnes ! L’isolement doit être accompagné d’un suivi par SMS, « industrialisé ». Il faut également fermer les frontières.

Nous avons des propositions à vous faire, monsieur le Premier ministre. Nous en avons formulé depuis le départ, ici, au Sénat. Vous ne pouvez pas dire que l’opposition se contente de critiquer !

Je conclurai mon propos sur le sens du vote que vous nous demandez. Pour ce qui est de vous donner les moyens de prendre vos mesures, le vote interviendra ce soir, sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Mais ce que vous nous demandez ici, après cette déclaration du Gouvernement, c’est de vous faire confiance.

Cette confiance, nous ne pouvons vous l’accorder, car cela reviendrait à signer un chèque en blanc. Les Français ne font plus confiance ! §Ce vote est inutile.

Je vous souhaite de tout cœur de réussir, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement et le Président de la République, et nous serons toujours disponibles pour vous en donner les moyens. Réussissez ! Il y va de l’avenir de la France et surtout, en ces moments si difficiles qui concentrent tous les dangers, de la destinée commune du peuple de France.

Applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains. – Les membres du groupe Les Républicains se lèvent pendant que l ’ orateur regagne son siège.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs le ministre, mes chers collègues, une de ses patientes se confie un jour à Freud : « Docteur Freud, je n’arrive pas à élever mon fils. Je ne peux rien en tirer. S’il vous plaît, donnez-moi un conseil sur la façon de l’éduquer. » Et Freud lui répond : « Oh ! Ne vous inquiétez pas, madame, quoi que vous fassiez, vous ferez mal. »

Cette anecdote m’est revenue en mémoire mardi dernier, lors de la réunion à laquelle vous aviez invité, monsieur le Premier ministre, les présidents de tous les partis et de tous les groupes parlementaires. Tous, ou presque, vous ont expliqué que, de toute façon, vous feriez mal. Au point que François Bayrou a résumé la réunion en vous disant devant tout le monde, à la fin : « Vous savez maintenant qu’être Premier ministre ça consiste à se faire engueuler. »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Je ne me suis pas joint au chœur des plaignants et je ne le ferai pas aujourd’hui ; je vais vous expliquer pourquoi.

Il y a quelques jours, je demandais à Édouard Philippe, votre prédécesseur, ce qui lui avait paru le plus dur quand il devait gérer la crise. Il m’a répondu : « La même question a été posée à Churchill au sujet de la Seconde Guerre mondiale et celui-ci a répondu : “Le plus dur, c’est de prendre des décisions quand un tiers des informations dont vous disposez sont incomplètes, un tiers sont contradictoires et un tiers sont fausses.” »

Ce qui me frappe le plus dans cette épidémie, ce n’est pas que tout le monde ait été dans le brouillard au début. Un virus inconnu surgit et tout le monde patauge, c’est normal. Mais il y a quelques semaines, pendant l’accalmie, tout le monde – scientifiques, politiques, journalistes – disait : « S’il y a une deuxième vague, maintenant nous sommes beaucoup mieux préparés pour y faire face. Nous avons retenu les leçons de la première. »

La deuxième vague est arrivée, et elle nous désoriente de nouveau. Rien ou presque ne se passe comme prévu, ici comme ailleurs.

Aujourd’hui, l’Europe entière est frappée, et à ceux qui en douteraient je conseille la lecture de l’excellent rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui est paru ce matin.

La République tchèque n’avait recensé presque aucun cas ; elle est désormais le pays le plus touché. La Grèce, très épargnée la première fois, a déclaré le couvre-feu. L’Allemagne, que l’on donnait en exemple, est en pleine flambée et la Chancelière convoque en urgence les présidents des Länder. D’un pays à l’autre, les mesures s’enchaînent. Chacun répond dans l’urgence, quand ce n’est pas dans la panique.

Cette situation est tragique pour les gouvernants. D’un côté, beaucoup de citoyens ne leur font plus confiance, de l’autre, ces mêmes citoyens veulent être rassurés par des paroles et des actes clairs, précis et efficaces. Tout le monde voit bien qu’on est en présence d’un phénomène inédit, qui force à hésiter, à changer d’avis, à réagir au coup par coup. Pourtant tout le monde attend des décisions assurées et nettes. Et parce que l’une de leurs missions essentielles est de rassurer, les politiques tombent dans le piège consistant à affirmer des certitudes, contredites dès le lendemain.

Les opposants s’engouffrent dans la brèche avec un reproche permanent, répété ad nauseam : « Vous n’êtes pas capables d’anticiper. » Ce reproche est, à mon humble avis, aussi facile qu’injuste quand on sait que, face à cette situation imprévisible, il est dans de nombreux cas presque impossible d’anticiper. C’est la raison pour laquelle je ne vais ni participer au concert des critiques ni vous dicter les décisions que vous devez prendre. Je pense même qu’un certain nombre de ces critiques, dans le contexte tragique que nous connaissons et qui impose l’unité de la Nation, sont inopportunes.

Hier soir, le Président de la République a annoncé les nouvelles mesures de lutte contre l’épidémie. Je suppose qu’il l’a fait en conscience et qu’il dispose de beaucoup plus d’informations que moi. En revanche, je voudrais vous soumettre deux ou trois réflexions.

Première réflexion : l’enjeu des prochaines semaines et des prochains mois est capital. Comment se débarrasser du virus sans mettre à nouveau l’économie à terre ? Comment casser les chaînes de contamination sans entraîner une récession d’une violence inouïe ?

Je dis d’une violence inouïe, car, au vu des dégâts du premier confinement sur une économie qui se portait plutôt bien, on peut prévoir que les mêmes mesures prises dans un pays pas encore convalescent seraient la recette infaillible de l’effondrement économique, puis social, enfin politique.

Nous sommes sur un chemin de crête terriblement dangereux. Prendre des mesures insuffisantes, ce serait laisser mourir des gens, mais tuer l’économie, c’est en faire mourir d’autres.

Vous avez choisi un confinement « allégé », si l’on peut dire, en laissant travailler tous ceux qui le peuvent sans danger, en laissant ouvertes les écoles, en permettant les déplacements professionnels. Je ne sais, et personne ne sait, si vous avez placé le curseur au bon endroit. Malheureusement, nous ne le saurons qu’après coup. Mais je constate que, à quelques détails près, dans notre Europe frappée au cœur, tous les gouvernements prennent des mesures semblables.

Je n’aurai pas l’outrecuidance de prétendre vous conseiller d’autres solutions. Si d’autres le font, j’aimerais qu’ils le fassent en prenant garde de ne pas rompre une unité nationale indispensable et pourtant déjà bien mise à mal.

Deuxième réflexion, et je ne suis pas le seul à la faire ici, chacune des mesures prises emporte avec elle une restriction des libertés publiques. L’immense majorité de nos concitoyens l’acceptent, à condition qu’elle ne soit que temporaire. La Ve République confère à l’exécutif des pouvoirs bien supérieurs à ceux du Parlement et tous ses gouvernements ont été tentés, à un moment ou un autre, de s’en servir, parfois d’en abuser. Je voudrais vous mettre en garde contre cette tentation.

Depuis le début de la crise, le Sénat a accepté dans une très large mesure de vous laisser prendre vos responsabilités. Il vous a autorisé à prendre en quelques semaines autant d’ordonnances qu’on en prend habituellement durant tout un quinquennat. Il s’apprête à vous permettre de prolonger leurs effets et d’en prendre de nouvelles. Mais il vous demande de les limiter dans le temps, peut-être davantage que vous ne le souhaiteriez, et de revenir régulièrement vers la représentation nationale. Je souhaite que vous l’acceptiez, monsieur le Premier ministre, car c’est un des meilleurs moyens de préserver l’unité nationale dont vous avez besoin.

Ma dernière réflexion est sans doute la plus préoccupante. Je veux, à ce stade de mon intervention, m’associer à mon tour à l’hommage aux victimes de l’effroyable attentat de Nice, à la douleur de leurs familles et de tous les chrétiens et, en fait, de tous les Français.

La conjonction des crises – virus, terrorisme, écroulement économique, bond du chômage et des difficultés sociales – ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur nos démocraties déjà affaiblies, qui comptent tant d’ennemis. Les attentats de Conflans et de Nice ainsi que la crise de ces derniers jours avec le sultan d’Istanbul en sont les derniers exemples.

Un peu partout en Europe, des manifestants refusent désormais les décisions des gouvernements sur l’urgence sanitaire. Il n’y a pas de meilleur carburant pour les rhétoriques complotistes, les discours allumés et les fausses nouvelles que l’ensemble de ces chocs simultanés et leur complexité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

La France y échappe pour l’heure et c’est une bonne chose. Souhaitons qu’elle garde cette sagesse malgré les épreuves, malgré la profusion des Diafoirus télévisés qui se succèdent et se contredisent, malgré les fanatiques qui tuent au hasard et, sans doute, continueront de le faire.

Souhaitons que la corde tendue à l’excès ne vienne pas à se rompre. Il y faudra beaucoup d’efforts, de patience, de courage. Mais c’est l’avenir de notre société qui est en jeu, notre façon de vivre ensemble, notre démocratie. Puissions-nous, tous ensemble, en prendre soin.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nos premières pensées et nos premiers mots vont aux victimes du barbare attentat islamiste de Nice. Nous adressons toutes nos condoléances à leurs familles et à leurs proches.

Dans le climat particulièrement lourd qui pèse sur notre pays, monsieur le Premier ministre, vous vous livrez à un exercice quelque peu étrange. Vous venez consulter le Parlement sur des décisions déjà prises par le pouvoir exécutif. La concertation n’est décidément pas votre fort ! Le spectacle affligeant de la réunion avec les chefs de partis et les présidents de groupes parlementaires, mardi dernier, en est le triste exemple. Ce qui était compréhensible au printemps, dans l’urgence, ne l’est plus six mois plus tard.

Le 14 juillet dernier, le Président de la République déclarait lors de son interview : « Nous serons prêts en cas de deuxième vague de l’épidémie. » Force est de constater que nous ne sommes pas prêts, que vous n’êtes pas prêts.

Faute de plan de bataille, faute de réponse graduée, faute de stratégie, faute de transparence, faute de concertation, vous en êtes réduit à imposer de nouveau le confinement. Nous ne remettons pas en cause ce choix, …

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

… car la situation sanitaire l’exige.

Il faut protéger les Françaises et les Français en limitant la propagation du virus. Il faut soulager nos soignantes et nos soignants, particulièrement éprouvés cette année.

Vous ne nous ôterez pas de l’esprit que ce reconfinement signe l’échec de la méthode de l’exécutif. Rares sont ceux qui rêvent de gouverner la France dans une telle période, et je ne peux prétendre que nous aurions mieux maîtrisé la propagation du virus si nous assumions ces responsabilités à votre place.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Mais ce dont je suis certain, monsieur le Premier ministre, c’est que nous ferions différemment.

L’union nationale ne se décrète pas, elle se construit. Dans les mois d’accalmie de la pandémie, vous auriez dû associer toutes les forces politiques à la prise de décision, à l’élaboration de la stratégie d’endiguement du virus. Le risque est élevé que la crise sanitaire dure au moins jusqu’à l’été. Après dix-huit mois de pandémie, rien ne reviendra totalement comme avant.

Il est indispensable d’associer la représentation nationale à la définition du cadre juridique pérenne permettant de faire face à la situation sanitaire, tout en protégeant les libertés individuelles. Il est indispensable d’en finir avec les ordonnances à répétition. Malheureusement, le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire que nous examinerons dans quelques heures ne va pas du tout dans ce sens.

Le Parlement doit retrouver toute sa place. Il est dans votre intérêt, dans notre intérêt collectif, d’associer réellement l’opposition aux prises de décisions. Encore moins que d’habitude, l’exécutif ne peut avoir raison tout seul.

La période actuelle illustre les fragilités de la Ve République. Vous me permettrez de voir dans la meilleure résistance de l’Allemagne à la crise l’efficacité d’un régime parlementaire reposant sur un véritable équilibre des pouvoirs, sur la concertation et l’efficacité d’un régime fédéral associant réellement les territoires à la prise de décisions.

En la matière, vous auriez dû associer beaucoup plus étroitement les élus locaux. Le couple maire-préfet fonctionne inégalement selon les territoires et la coordination entre les différents échelons – État, villes, intercommunalités, régions, départements – reste à construire. En l’absence d’un État stratège, il est heureux que les associations d’élus, par exemple France Urbaine, aient permis d’assurer ce lien afin de favoriser les échanges et le partage d’expériences, indispensables à la gestion de la crise.

Hélas, la consultation des territoires préalablement à la prise de décisions d’ampleur nationale, comme celles que vous présentez aujourd’hui, est inexistante. Cela ne peut plus durer ! Pour faire face au virus et mobiliser toute la Nation, il faut définir collectivement notre cap et construire ensemble les solutions.

Sachez que les écologistes, au Parlement ou dans les territoires qu’ils dirigent, seront, dans ce contexte, toujours disponibles pour accompagner le Gouvernement, pour réfléchir collectivement aux meilleures solutions, pour construire du compromis et assumer des décisions prises collectivement. Dans cette perspective, nous formulons un certain nombre d’exigences.

Le confinement est avant tout la conséquence de la fragilité de notre hôpital public : 100 000 lits ont été supprimés en vingt ans. Le Ségur de la santé marque, certes, un coup d’arrêt à cette hémorragie, mais avec 4 000 lits annoncés, nous sommes encore très loin du compte.

Vous avez annoncé 15 000 créations d’emploi, là où les hôpitaux et les Ehpad auraient besoin de 200 000 recrutements supplémentaires.

À l’hôpital, les logiques comptables et managériales n’ont pas été remises en cause. Monsieur le Premier ministre, ce reconfinement vous oblige à revoir la copie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il est plus que temps de mettre en œuvre un plan d’urgence sociale digne de ce nom. La crise économique résultant du confinement du printemps a mis près d’un million de Français au chômage et fait basculer dans la pauvreté des centaines de milliers de personnes.

Les mêmes causes produiront les mêmes effets et un effort d’une ampleur sans précédent doit être déployé. Il faut abroger la réforme de l’assurance chômage, augmenter les minimas sociaux, automatiser leur versement, élargir le revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans, déployer les chèques alimentaires, rétablir les contrats aidés, aider les associations et tendre demain vers un revenu universel.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Pour faire face à la crise, le secteur du réemploi solidaire est indispensable, et vous devez l’accompagner.

Nous vous demandons également de faire preuve d’une vigilance accrue à l’égard de tous les publics exposés par le confinement : les personnes seules, celles qui sont psychologiquement fragiles, les victimes de violences conjugales et tout particulièrement les femmes.

Le volet social était presque absent de l’effort de relance ; cela ne peut plus être le cas. La crise dure et votre réponse doit être à la hauteur, notamment pour l’éducation. Les professeurs et les instituteurs sont aussi en première ligne, et le dispositif semble insuffisant. Il faut des moyens humains, des équipements, des masques pour enfant, des outils pédagogiques pour construire la complémentarité entre distanciel et présentiel. Il convient également d’accompagner financièrement les communes dans ce casse-tête logistique.

Pour financer cet effort national sans précédent, les hauts revenus doivent être mis à contribution. Enfermé dans votre idéologie, vous vous y refusez depuis le printemps. Pourtant, c’est indispensable d’un point de vue comptable, car les dettes de l’État et des comptes sociaux ne peuvent pas être la seule source de financement de l’effort actuel. C’est également indispensable d’un point de vue moral pour garantir l’unité du pays.

Il convient de mettre en place une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont la richesse s’accroît encore malgré la crise. Comment comprendre que le CAC 40 verse encore 30 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires d’entreprises quand celles-ci bénéficient d’aides publiques ? Il est nécessaire d’exiger des contreparties sociales et environnementales de la part de toutes les entreprises qui reçoivent des aides publiques ou bénéficient de réduction d’impôts. Il faut, aussi, une contribution exceptionnelle des grandes surfaces…

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

… et des géants de la vente en ligne au bénéfice des petits commerçants obligés de fermer pendant le confinement.

Enfin, et ma conclusion ne vous étonnera pas, il est impensable que la crise actuelle oblitère la crise écologique. Le Président de la République n’en a pas dit un mot hier, ce qui est à la fois révélateur et inquiétant. Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ne sauraient davantage être abandonnées, délayées ou diluées.

Cela est d’autant plus vrai que le projet écologiste est la réponse la plus probante à la crise actuelle. Relocaliser l’activité dans les territoires, accroître leur résilience, développer les circuits courts, réduire la pression démographique dans les métropoles sont autant de perspectives pour diminuer les inégalités, mieux respecter notre environnement et limiter la propagation du virus.

Considérant tout à la fois les manques de votre plan, l’absence de concertation et les exigences de la situation, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires choisira une abstention exigeante.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, je veux que mon intervention soit sobre et confiante.

Je ne suis pas convaincu que les nombreuses critiques entendues depuis ce matin soient à la hauteur de la gravité de la situation que nous connaissons.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Qui a dit ici que la France était le pays qui avait le mieux traité les plus faibles pendant la crise du covid ? Personne ne l’a rappelé, et c’est pourtant la vérité !

Permettez-moi, d’abord, d’exprimer au nom de mon groupe un message de soutien ému aux familles des victimes de l’attentat terroriste survenu à Nice. J’adresse également mes pensées aux forces de l’ordre prises pour cible à Avignon, ainsi qu’à nos représentations diplomatiques, l’une d’entre elles ayant été attaquée ce matin. Je le disais hier, ces terroristes ne mettront jamais à terre ce à quoi nous croyons : nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité.

Mes chers collègues, nous vivons le temps de l’angoisse, de l’incertitude économique et sanitaire ainsi que du risque terroriste. Le sang-froid de la Nation est mis à rude épreuve. Le Gouvernement nous invite à réagir et à agir : nous le ferons, la France le fera.

Cette période inédite, l’exécutif, avec l’ensemble des Français, l’affronte et continuera de l’affronter avec détermination et pragmatisme. La gravité de la situation exige retenue, responsabilité et engagement.

Chacun a rappelé l’état dramatique de la situation sanitaire. Le virus se multiplie partout à grande vitesse, personne ne le conteste. Plus de la moitié des lits de réanimation sont occupés par des concitoyens touchés par le covid. Si rien n’est fait, les services de réanimation connaîtront dans quinze jours le même niveau de saturation qu’au printemps dernier, et nous aurons peut-être à déplorer près de 400 000 morts.

L’Europe tout entière est victime d’une nouvelle déferlante. L’ampleur de cette vague a surpris tout le monde, y compris la communauté scientifique.

Je n’ai jamais entendu les prédicateurs de tout poil prévoir ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui. Certains disaient qu’il y aurait une deuxième vague, mais beaucoup d’autres qu’elle ne surviendrait jamais, que le virus avait muté, qu’il était moins toxique et moins dangereux, que les traitements étaient meilleurs… De nombreuses opinions contradictoires ont été émises, mais je n’ai pas entendu beaucoup de propositions !

Partout sur notre continent, y compris dans les pays qui semblaient mieux résister à la reprise épidémique, les gouvernements sont contraints de prendre des mesures draconiennes pour casser sans attendre la chaîne de transmission. L’Irlande, le Pays de Galles, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et bien d’autres sont concernés.

Hier soir, la décision de mettre en place un nouveau confinement a été prise avec lucidité par le chef de l’État. J’ai entendu dire que nos concitoyens n’avaient plus confiance… Mais j’ai lu aussi, ce matin, que sept Français sur dix approuvaient les propos du Président de la République et les soutenaient !

La seule mesure à même de protéger les Français est le confinement. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, quand la circulation du virus augmente massivement, le Gouvernement réagit massivement. Les décisions proposées s’inscrivent dans cette démarche, avec trois objectifs principaux : la préservation de la santé des Français, l’aide aux plus vulnérables, le soutien à l’activité économique.

Préserver la santé des Français, en évitant la saturation des services hospitaliers ; aider les plus vulnérables, en prolongeant les dispositifs mis en place depuis le début de la crise ; soutenir l’économie en maintenant l’activité partielle et en amplifiant le fonds de solidarité, dispositifs indispensables au maintien de nombreux emplois dans une période incertaine. Certains d’entre nous ont rappelé que ces mesures avaient été importantes. Elles seront amplifiées, le Gouvernement s’y est engagé.

Mes chers collègues, nous partageons le constat fait sur l’ensemble de ces travées : nous devons mieux anticiper l’évolution de la circulation du virus. Mais je ne saurais dénombrer ici les contrevérités que j’ai entendues sur ce sujet…

Prenons les décisions nécessaires, mais sachons faire preuve d’humilité et ne pas exprimer de certitudes sur l’avenir ! Nous devons nous hisser, toutes et tous, à la hauteur des circonstances. Nous ne pouvons transiger avec la vie humaine. C’est la raison pour laquelle, depuis le début de la crise, il a été décidé de placer l’humain avant toute chose.

Encore une fois, la situation requiert la plus grande responsabilité de la part de chacun d’entre nous : de la part de tous les élus, pour que nous ayons des débats constructifs, mais aussi de chaque citoyen, pour que nous ralentissions efficacement la circulation du virus.

Sortons des vaines polémiques ! Refusons les postures dogmatiques et regardons le réel. Nous parlons de la vie et de notre capacité à poursuivre le travail. Cette nouvelle phase doit être préparée avec toutes les inconnues propres à ce fléau sanitaire. La pire des attitudes serait de céder à la critique facile.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

La tâche est immense, et c’est la raison pour laquelle ce débat est organisé au sein de la Haute Assemblée.

Loin de « bouder » la représentation nationale, comme je peux l’entendre ici et là, vous l’écoutez et la considérez, monsieur le Premier ministre.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

La règle « des 3 C » – concertation, cohérence, cohésion – doit être appliquée à la lettre.

J’ai entendu moquer la concertation à laquelle j’ai moi-même participé, mardi soir. J’ai entendu beaucoup de critiques sur des sujets qui n’étaient pas à l’ordre du jour, mais aucune proposition autre que celles formulées par le Gouvernement. Aucune ! §J’y étais et pas vous, mes chers collègues !

La cohérence, ensuite, c’est d’assumer les positions que vous avez défendues depuis le début de la crise, sans changer de braquet par opportunisme, comme certains commentateurs l’ont fait. Jamais votre discours n’a varié.

Il est important de rappeler que, cet été, face à un certain relâchement, la majorité et le Gouvernement, par la voix du ministre de la santé, avaient inlassablement averti du risque de rebond épidémique. Ils ont été peu entendus.

La cohésion, j’y faisais référence précédemment. Sachez, mes chers collègues, que nous serons jugés, quelle que soit notre sensibilité, sur notre capacité à entendre le message délivré par les Français, celui de l’unité nationale.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Les réflexes politiciens ne feront qu’ajouter de la crise à la crise, soyez-en tous conscients. Finalement, il convient de rappeler ici à ceux qui nous écoutent que, loin des critiques caricaturales, vous avez œuvré à préparer notre pays à cette reprise épidémique, monsieur le Premier ministre.

Non content d’avoir inlassablement alerté, vous avez reconstitué notre stock de masques et de matériel médical, revalorisé massivement les rémunérations de nos soignants et préparé l’augmentation de nos capacités en réanimation. Il y a aujourd’hui des doses de curare pour 29 000 patients.

Ceux qui affirment aujourd’hui le contraire, par opportunisme politique, ne sont pas à la hauteur. Nous préparons non pas une élection, mais la lutte contre la crise !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Notre groupe sait pouvoir compter sur vous, monsieur le Premier ministre, pour mener notre pays sur la voie du redressement sanitaire, économique et social.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, je voudrais tout d’abord exprimer aux familles des victimes de l’acte ignoble commis ce matin à Nice notre solidarité et notre soutien dans cette épreuve.

Je tiens aussi à exprimer notre reconnaissance et notre soutien sans faille à tous les personnels des hôpitaux et des Ehpad, en première ligne depuis plusieurs mois pour soigner et accompagner les plus vulnérables. Nous connaissons les conditions éprouvantes dans lesquelles ils doivent travailler, avec des moyens limités, mais toujours avec humanité.

Nous leur devons cet hommage car, au-delà des mots bienveillants, ces personnels totalement dévoués et épuisés sont en droit d’être dépités au vu de la situation catastrophique d’aujourd’hui. Le 11 mai dernier, dans cet hémicycle, monsieur le Premier ministre, votre prédécesseur nous expliquait que notre pays était sur un « fil », à quelques jours de la mise en œuvre du déconfinement que vous avez d’ailleurs supervisé. Un fil fragile, dont la solidité dépendait tout autant de notre capacité à tester massivement que des moyens supplémentaires dispensés à notre système de soin ou que du sens civique de chacun.

Cinq mois plus tard, le déconfinement est un échec.

Les annonces du Président de la République, auxquelles nul n’aurait cru en début de semaine, en prennent la mesure, avec des conséquences sur notre mode de vie difficiles à accepter. La circulation du virus est cependant hors de contrôle : les chiffres dépassent le pic du mois de mars ; le nombre de cas, sous-estimé, suit une courbe de progression fulgurante ; le taux d’incidence a atteint des niveaux inédits en très peu de temps. Les projections sont alarmistes, avec une hausse potentielle des hospitalisations de 30 % par semaine selon Santé publique France, alors que les services de réanimation sont déjà pratiquement saturés.

Il faut donc agir, et vite, pour casser cette épidémie qui fait plier bon nombre de sociétés, partout dans le monde. Il sera toujours temps, lorsque nous retrouverons des heures plus apaisées, d’identifier les dysfonctionnements, de souligner les responsabilités et d’en tirer les leçons pour le long terme, mais, pour le moment, je serai très claire, monsieur le Premier ministre : mon groupe estime que la gravité de la situation sanitaire exige d’agir avec force et détermination pour donner à l’État les moyens d’intervenir efficacement.

Notre soutien est commandé par l’intérêt général et l’absolue nécessité de préserver l’unité de la Nation, quels que soient nos attaches partisanes, les régions où nous vivons, ou notre âge, car pointer la responsabilité de nos jeunes dans la résurgence pandémique ou exiger une assignation à domicile quasi permanente des plus âgés n’est pas acceptable. Nous devons faire corps, comme vous l’avez dit.

Bien sûr, cette unité ne signifie ni unanimité irréfléchie ni blanc-seing. Autant il était concevable que les pouvoirs publics fussent dépassés au printemps dernier devant un phénomène inédit, autant cette argumentation n’est plus recevable aujourd’hui. La gravité des mesures annoncées hier soir tient aussi à la tardiveté de décisions qui auraient pu être prises il y a plusieurs semaines.

Partout, dans nos territoires, remontent des informations surprenantes montrant une véritable impréparation des services hospitaliers, malgré des signaux inquiétants depuis plusieurs semaines et les leçons du printemps. Pourquoi certaines ARS ont-elles ainsi attendu le dernier moment pour réarmer des lits de réanimation ? Pourquoi ne pas avoir davantage mobilisé la réserve sanitaire ? Pourquoi ne pas avoir alloué plus tôt les moyens matériels et humains adéquats ?

Monsieur le Premier ministre, par-delà le décompte funeste des contaminations, des admissions en réanimation ou des décès, notre groupe craint que cette crise systémique ne se transforme en une crise historique de confiance des citoyens. La colère a dépassé la résignation, vous ne pouvez l’ignorer. Le terreau, hélas, est déjà fertile. Le fossé entre nos concitoyens et nos institutions ne cesse de se creuser depuis longtemps, sur fond d’angoisses économiques et sociales majeures.

Le flottement ayant précédé les annonces du Président de la République y a encore contribué. Quand cessera donc ce feuilleton quotidien des rumeurs ballons-sondes, décortiquées sur les chaînes d’information par des experts autoproclamés ayant un avis définitif sur tout et n’importe quoi ?

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Il n’y a pas qu’eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Nos concitoyens, en particulier ceux qui sont durement touchés sur le plan économique et social, n’en peuvent plus de ce flot de propos anxiogènes et irrationnels qui minent la cohésion nationale. Voyez comment en Italie le mécontentement s’exprime dans la violence !

Ce qui est aussi en jeu, c’est la crédibilité de la puissance publique. Les extrémismes se nourrissent depuis toujours de la perte de confiance envers l’autorité légitime. En ces temps troublés, où le fanatisme religieux nous met au défi et où l’actualité semble sans fin, nous avons besoin d’un État solide, sûr de ses valeurs et de son autorité, dans lequel notre société se reconnaît. À l’évidence, l’impuissance des pouvoirs publics a provoqué l’effet inverse, au moment même où l’exercice de nos libertés publiques est une question fondamentale.

Rebâtir cette confiance passe par un renforcement de la subsidiarité des décisions, en laissant davantage de marges aux préfets et en continuant à faire des élus locaux des interlocuteurs incontournables : ils ont été à la hauteur de la situation ! Cela passe aussi par la restauration d’un dialogue de qualité avec le Parlement en amont des décisions, afin que du débat démocratique et de la concertation jaillisse une meilleure acceptation de décisions aussi lourdes de conséquences.

Rebâtir la confiance, c’est encore ne pas sacrifier le long terme. Oui, la priorité est de vaincre le virus – aujourd’hui, nous en sommes convaincus –, mais pas au prix du sacrifice de notre économie, qui est déjà durement touchée. Je pense en particulier aux petits commerces dits « non essentiels », dont beaucoup ne se relèveront pas ; aux professions indépendantes ; aux salariés qui ne peuvent télétravailler et qui ont été en première ligne durant le printemps. Nous devons tout faire pour les soutenir au nom de l’équité économique et de la justice sociale. Comment peut-on laisser aux grandes surfaces le droit de vendre des produits non essentiels, alors que les petits commerces spécialisés doivent fermer ?

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Cette iniquité n’est pas acceptable.

Aussi, monsieur le Premier ministre, c’est un soutien de responsabilité que mon groupe vous apportera dans sa grande majorité. De nombreuses questions se posent, et nous souhaitons que le Parlement soit pleinement associé à la définition des réponses que vous apporterez, au nom de la clarté, mais aussi au nom de l’exigence démocratique inhérente à notre État de droit, si durement éprouvé aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préalable, je souhaite faire part de l’émotion profonde et de l’horreur qui ont saisi les sénatrices et sénateurs de mon groupe à l’annonce de l’attentat commis dans l’église Notre-Dame de Nice.

Face à cet acte barbare, nous apportons notre soutien aux familles, aux proches des victimes, aux élus et à la population de la ville de Nice, une nouvelle fois confrontés à cette violence terroriste. Nous pensons à eux, nous sommes à leurs côtés.

La deuxième vague de l’épidémie est là. Elle est haute, très haute, et si rien n’est fait, elle pourrait nous submerger. Il faut agir vite et fort, c’est une certitude.

Nous ne sommes pas surpris comme en mars dernier, car nombreux furent les scientifiques éminents, à commencer par le président du conseil scientifique, qui avaient annoncé ce risque comme étant une quasi-certitude.

Aujourd’hui, des milliers de nos concitoyens souffrent. Chaque jour, des centaines de personnes décèdent ; chaque jour des centaines d’autres entrent en réanimation à l’hôpital. L’inquiétude est grande dans notre peuple face à cette épidémie mondiale. Mes pensées vont aussi à nos anciens, si exposés au risque, en particulier dans les Ehpad.

Comme en mars, je lance un appel fort à la prudence. Je dis à nos concitoyennes et concitoyens : protégez-vous, respectez les consignes, restez solidaires.

Mes premiers mots iront aussi une nouvelle fois aux soignants. Eux non plus ne sont pas surpris. Ils seront là pour faire face à l’épidémie, car leur sens du devoir est immense, mais ils sont amers. Ils sont en colère car, de toute évidence, ils sont les derniers remparts avec leur fatigue, leur angoisse, face à la maladie qui les frappe durement. Tenez bon, faites votre possible, même si nous savons que votre appel à la reconstruction de l’hôpital et de notre système de santé n’a pas été entendu.

Enfin, alors qu’un nouveau confinement aux contours imprécis a été décidé par le Président de la République, notre pays tiendra. Il tiendra grâce à l’engagement au quotidien de ces salariés de première ligne, ces « premiers de corvée » si peu reconnus par la société, alors qu’ils la tiennent à bout de bras en ces circonstances.

Monsieur le Premier ministre, comment ne pas s’interroger sur le sens de notre débat de cet après-midi ?

Le Président de la République a décidé seul, hier soir, d’une stratégie face à l’épidémie. Mardi dernier, vous nous avez réunis pour entendre vos réflexions, mais sans annoncer la moindre mesure, renvoyant à l’intervention de mercredi soir. Le 16 octobre, je vous avais écrit pour demander un débat sur le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire par décret et la mise en œuvre du couvre-feu. Vous avez répondu par la négative.

Pire, chacun l’a constaté, les mesures annoncées par Emmanuel Macron ont été imprécises sur bien des points et vous devez les détailler lors d’une conférence de presse ce soir à dix-huit heures trente, après avoir fait débattre et voter le Parlement. Ainsi, le Parlement est mis devant le fait accompli. Les erreurs successives ne vous ont pas servi de leçon, pas plus qu’au Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Pourtant, il y avait de quoi apprendre de l’absence d’anticipation de la première vague, caractérisée par l’absence de matériel – des masques aux respirateurs artificiels et aux lits de réanimation –, et de ce déconfinement dont beaucoup relèvent qu’il est un échec parce qu’il a été bâti sur trop peu de moyens – en tests, en système de traçage, en personnels – pour être mis en œuvre.

Nous entendons les appels à l’humilité : « Que feriez-vous à notre place ? » Cette épidémie touche l’Europe tout entière, plaidez-vous, comme l’a fait hier soir le chef de l’État, en oubliant que nous sommes malheureusement dans le groupe de tête des pays les plus touchés dans le monde. Vous oubliez aussi que l’ensemble de l’Europe a subi les conséquences des politiques d’austérité et de réduction de moyens.

Monsieur le Premier ministre, face à la violence de la nature, face à cette crise, oui, il faut être humble, mais il faut aussi s’ouvrir aux autres, écouter les propositions, admettre ses erreurs. C’est à ce moment-là que la démocratie est essentielle. Il n’y aura pas de sauveur suprême en la matière.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE – Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La caricature de consultation du Parlement doit sonner comme une alerte forte, pour en finir avec un régime à la verticalité folle.

Nous vous demandons, de nouveau, de mettre en place un comité de suivi national de la crise, véritable comité de santé publique, pluraliste, aux réunions hebdomadaires, mobilisable jour et nuit, afin de permettre un véritable contrôle démocratique et une réelle participation de tous aux décisions.

Où en sommes-nous ? Une chose est certaine, la deuxième vague est si haute que la submersion de notre système hospitalier est envisagée.

Hier soir, le Président de la République a écarté d’un revers de main l’argument de la faiblesse de nos moyens en réanimation, de nos moyens hospitaliers, comme raison des difficultés actuelles.

Pourtant, si l’on écoute un instant les professionnels, cette situation de destruction de l’hôpital depuis des années est une évidence. Depuis vingt ans, notre système de santé, l’une des fiertés de notre pays, est saccagé par les politiques libérales successives. La fermeture des lits était considérée comme un baromètre pour juger de l’efficacité d’une politique. En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés – ils existaient donc bien –, et avec eux tant de postes supprimés.

Emmanuel Macron n’a pas stoppé le mouvement : 4 800 lits furent fermés en 2018, 3 400 en 2019, et cela continue. Allez-vous, oui ou non, stopper cette évolution et réparer les dégâts ?

Les ravages du libéralisme ont touché toute la société, et leur description détaillée prendrait des heures. L’humanité est aujourd’hui en danger. La crise écologique masquait l’arrivée d’une soudaine crise sanitaire qui, elle aussi, ébranle le système, remettant profondément en cause le capitalisme mondialisé.

En mars dernier, le Président de la République avait semblé chanceler sur ses certitudes. Il avait eu des mots inhabituels : « rupture », « mettre à l’abri du marché ». Le « quoi qu’il en coûte » dominait le discours, bien loin de la course à la rentabilité et au profit, bien loin de ces dogmes de compétitivité et de concurrence qui font exploser notre société et contredisent fondamentalement ce concept profondément humain de solidarité.

Hier, quoi qu’il en dise, le Président de la République a placé l’économie devant l’humain. L’exercice est difficile.

Il est vrai qu’un équilibre doit être trouvé pour ne pas jeter dans la pauvreté des millions de personnes qui viendraient rejoindre les 10 millions qui se trouvent déjà, dans notre pays, sous le seuil de la pauvreté.

Mais nous n’avons pas entendu un mot – pas un mot, j’insiste ! – pour appeler ceux qui possèdent les richesses dans notre pays à participer réellement à l’effort de solidarité nationale.

Il n’y a pas de doute à avoir aujourd’hui : la priorité, c’est sauver des vies.

Oui, monsieur le Premier ministre, c’est vrai : ralentir considérablement l’économie a un coût, mais ce n’est ni aux salariés ni aux plus pauvres d’en subir les conséquences, y compris par leur mise en danger.

Nous regrettons qu’aucune mesure fiscale de solidarité ne soit imposée aux bénéficiaires de dividendes, dont le montant a explosé, y compris pendant la crise.

Nous regrettons qu’aucune mesure radicale ne soit prise pour faire participer les géants du numérique, comme Amazon, qui accumulent des profits prodigieux sur le dos de la crise et du malheur des hommes. Il faut aujourd’hui « changer de logiciel ».

Alors, nous serons responsables, comme notre peuple qui, contrairement à ce que d’aucuns ont dit, n’a pas fait preuve de légèreté. Nous serons mobilisés contre l’épidémie. Mais nous demandons au Président de la République d’être responsable démocratiquement, de cesser son exercice solitaire du pouvoir.

La responsabilité aujourd’hui, c’est accepter la démocratie, agir ensemble pour frapper ensemble cette épidémie.

La responsabilité, c’est la mise en service des richesses de notre pays au service du bien commun.

La responsabilité, c’est l’humain d’abord.

Ce qui nous est demandé aujourd’hui par notre vote, ce n’est pas d’être pour ou contre le confinement. En réalité, ce que vous nous demandez, monsieur le Premier ministre, c’est de vous accorder la confiance. Notre vote négatif mûrement réfléchi est donc un vote d’opposition à vos choix politiques et à la méthode utilisée pour les imposer.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

M. Philippe Bonnecarrère . Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la première fois depuis 2017, nombre de sénateurs centristes vont exprimer leur opposition à une déclaration du Gouvernement au titre de l’article 50-1 de la Constitution.

M. Vincent Segouin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Notre explication est double.

Premièrement, l’exécutif ne peut pas attraire à lui tous les pouvoirs. La France est une démocratie parlementaire. En application de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » L’hyperprésidentialisation de nos institutions va trop loin.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Deuxièmement, toute décision politique s’analyse à l’aune d’un bilan avantages-inconvénients. Nous ne sommes pas convaincus que ce bilan ait été fait, surtout au regard des effets de long terme du reconfinement. Il va être une catastrophe pour nombre de nos concitoyens, entraîner beaucoup de souffrances individuelles et collectives et de larges déchirures du tissu social. Aucun pays ne sort indemne d’une paupérisation. Le « quoi qu’il en coûte » illimité n’existe pas.

Avant de développer ces deux idées, les sénateurs centristes voudraient vous exprimer leur compréhension de la difficulté de la tâche des gouvernants : nulle leçon de notre part, aucune recherche de responsabilité ; nous partageons une humilité de bon aloi.

Nous exprimons notre gratitude au corps médical, à nouveau soumis à une terrible épreuve qui va durer.

Nous savons que la situation est préoccupante, mais nous savons aussi que le monde a déjà affronté des pandémies, que paradoxalement le taux de mortalité reste stable, que la maladie est peut-être parmi nous pour longtemps et qu’il faut en toute chose raison garder.

Que nous dit la raison ? La raison, pas simplement l’émotion. Et je reviens à nos deux sujets.

Tout d’abord, l’ordre normal des choses voudrait que l’exécutif propose, et que le Parlement débatte puis légifère. Nous entendons l’argument de l’urgence, mais vous faisons observer que des mesures antiterroristes à la sortie de la crise des « gilets jaunes », de l’état d’urgence de ce printemps en passant par les lois de finances rectificatives, le Parlement n’a jamais manqué à son devoir dans les délais les plus brefs et sait prendre ses responsabilités.

Or que constatons-nous ? Les décisions ont été annoncées par le Président de la République hier. Nous sommes réunis a posteriori pour voter, alors que les décisions sont déjà prises et alors que l’on nous dit que notre vote n’aura aucune incidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Cet abaissement du Parlement est une mauvaise manière, peut-être à notre égard, ce qui est secondaire, mais surtout à l’égard de la démocratie. L’exécutif – vous-même, monsieur le Premier ministre – en est la deuxième victime en s’exposant seul à la défiance, et nos concitoyens sont privés de tout dialogue et de toute appréciation des mesures à prendre. Dans cette crise, ils sont des sujets, et non des acteurs.

Plus les restrictions sont majeures – le reconfinement est une restriction majeure –, plus le contrôle du Parlement devrait être strict. Vous faites l’inverse. Plus la décision à prendre est lourde, plus elle doit être partagée. Vous faites toujours l’inverse.

Nous en arrivons même à ce que les conseils de défense remplacent les conseils des ministres.

Marques d ’ étonnement au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Notre Constitution est certes présidentielle, mais elle repose sur un équilibre des pouvoirs et, derrière, se profile toute la question des libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Pour le groupe centriste, cet équilibre des pouvoirs est essentiel. L’exécutif, au mieux, l’oublie. Nous ne nous y résignons pas !

Ensuite, au-delà des considérations institutionnelles, le reconfinement est une mesure très brutale. La question essentielle est de savoir si la résilience de notre pays est suffisante pour y résister. Ne nous y trompons pas : elle a diminué depuis le mois de mars dernier.

Nos concitoyens sont psychologiquement usés, les entrepreneurs sont dans la détresse, la précarité se diffuse. Le terrorisme – j’y reviendrai plus loin – a frappé très durement, encore ce matin. Les « bruits de bottes » sont multiples à travers le monde, parfois même en Méditerranée orientale. Notre pays a déjà perdu 7 % à 8 % de son PIB, nos déficits et notre endettement ont filé à des vitesses sidérantes.

Monsieur le Premier ministre, notre nation a besoin de toutes ses forces. À notre sens, vous surestimez la résistance de notre pays, tandis que vous sous-estimez les multiples défis de l’instant présent.

Nous préférons un appel « à se retrousser les manches » ou « à faire bloc collectivement en tant que nation » plutôt qu’à « rester au maximum chez soi ». Nous nous méfions de la pression du court terme, des images et des propos qui tournent en boucle et suscitent émotion comme culpabilisation.

Où sont les études d’impact du reconfinement ? Certainement pas dans le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, qui n’en dit pas un mot.

Quel est le bilan coûts-avantages des différents scénarios que vous devriez nous présenter, mettre en perspective ?

Êtes-vous certain que nous n’aurions pas réussi à freiner suffisamment l’épidémie autrement ? Par un couvre-feu élargi et aménagé, auquel on laisserait le temps de produire ses effets ? Par le « tester, alerter, isoler » et le déploiement des nouveaux tests ? Avons-nous tout fait sur les gestes barrières qui sont normalement de nature à nous protéger mutuellement ? Sommes-nous allés au bout de toutes les mesures ciblées, comme le fait au même moment l’Allemagne ?

Le Président de la République répond par la négative, mais il ne nous apporte pas de démonstration.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est une grande responsabilité de savoir si l’on a tout fait pour protéger. C’est aussi une responsabilité de déterminer si l’on a ou non imposé à notre pays une charge trop lourde, qui l’affaiblira dans la durée.

Regardons les choses avec les yeux de nos concitoyens.

Sur le plan sanitaire, quel sera l’impact sur notre système de soins d’un appauvrissement durable du pays ? Quel sera l’impact sur l’espérance de vie dans cinq ans, dans dix ans ? Où trouverons-nous les moyens pour financer la recherche, les politiques de prévention, les achats de matériels et de molécules dans les années à venir ? Quel sera l’impact dès demain des opérations à nouveau déprogrammées ? Des examens de dépistage non réalisés ?

Nous n’entendons que les urgentistes, les réanimateurs et les épidémiologistes. Où sont les cancérologues, les cardiologues, les psychiatres ? Que pensent-ils des mois et des années à venir ?

Sur le plan social et psychologique, comment quantifiez-vous le chômage issu de la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie ? Comment mesurez-vous l’angoisse qui va étreindre des millions de personnes précarisées ou isolées ? Combien de commerçants ou d’entrepreneurs vont perdre le fruit de leur travail ?

Sur le plan éducatif, comment estimez-vous les dommages pour nos enfants et nos étudiants ?

Sur le plan économique, combien d’entreprises ne se relèveront pas ou seront durablement fragilisées ? Combien seront dépassées par leurs concurrentes asiatiques ? Le Président de la République nous dit que les entreprises vont pouvoir continuer à travailler, mais pour cela elles ont besoin de clients, de marchés. Tout est interdépendant ! Sans clients, il n’y a plus d’activité.

Sur le plan budgétaire, comment financerons-nous le « quoi qu’il en coûte » ? L’argent magique, y compris européen, n’existe pas.

Monsieur le Premier ministre, nous avons le sentiment que les décisions sont prises sans tenir suffisamment compte de la globalité de leur impact à l’instant t et de leurs effets à long terme. Nous avons le sentiment curieux d’une société qui aurait perdu le sens du long terme.

Vous avez entendu nos réserves. Nous voulons tout autant que vous l’unité nationale. Nous n’oublions jamais son exigence dans la difficulté. Les difficultés sont là. Notre pays est assailli par le terrorisme, attaqué à l’extérieur pour ses valeurs ; le Président de la République est vilipendé et menacé.

Cette unité est cruciale pour lutter contre la maladie, pour lutter contre le terrorisme et pour sauver notre économie. Elle existe clairement face au terrorisme.

Le Président de la République a dit hier soir qu’il ne fallait pas opposer santé et économie. Nous avons cependant la conviction que vos options y conduisent. Nous vous demandons de faire évoluer les mesures contre la maladie pour sauvegarder notre économie, qui, je le souligne de nouveau, est également le pilier de notre santé future. Laissez leurs chances à nos entreprises, à nos commerces. N’attendez pas quinze jours ou encore moins un mois !

Ainsi, pour certains d’entre nous, le vote favorable traduira la volonté de partager les responsabilités. Pour ceux qui vont voter contre, entendez, monsieur le Premier ministre, qu’il s’agit d’une alerte solennelle pour revenir à un fonctionnement équilibré de nos institutions et donner toute sa réalité à l’unité nationale !

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous dire que votre vote n’est pas secondaire, qu’il ne l’est jamais.

M. Jean-Claude Tissot proteste.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Comme tout vote, il est surtout et d’abord un vote de clarification et de prise de responsabilité devant la Nation, comme l’a fait, du reste, l’Assemblée nationale ce matin. Je remercie celles et ceux d’entre vous qui sauront prendre leurs responsabilités.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu au cours des différentes interventions – permettez-moi de le dire – quelques approximations et des touches de démagogie que les circonstances présentes ne me paraissent pas autoriser.

Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

J’aime beaucoup entendre invoquer l’autorité du conseil scientifique et des scientifiques. Que n’entend-on à ce sujet ? Parfois, nous serions les jouets du conseil scientifique : c’est lui qui ferait la politique de la France…

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Mais, quand cela vous arrange, voilà que l’on nous reproche de ne pas suivre ses préconisations. Où se situe la vérité ?

Quand on invoque le conseil scientifique, encore faut-il le faire avec justesse ! Plusieurs orateurs ont cité certains de ses avis ou certaines mises en garde qu’il a effectivement formulés. Je suis parfaitement à l’aise quant aux mesures que nous avons prises, notamment à la suite de l’avis qu’il a rendu au mois de juillet.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

On me dit aussi – je crois que c’est le président Retailleau – et l’on ne cite, évidemment, qu’une partie de mes propos : « Vous êtes intervenu, monsieur le Premier ministre, le 11 septembre, et vous avez ramené la quatorzaine à la septaine ».

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Oui, bien sûr que c’est vrai.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Depuis lors, la plupart des pays se sont ralliés à cette mesure que j’ai prise précisément sur les recommandations des scientifiques et des médecins.

Monsieur le président Retailleau, ce 11 septembre, je déclarais aussi, et vous ne m’en voudrez pas de me citer

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

: « La période estivale a été marquée par une forme de relâchement que l’on peut probablement expliquer après les longues semaines de confinement du printemps dernier. La rentrée est là. Nous devons impérativement respecter les règles de distanciation physique, nous laver régulièrement les mains, porter le masque. » Quant à cette dernière préconisation, je l’avais rendue obligatoire, dès le mois de juillet, par trois décrets, dans l’espace public, dans les commerces et dans les entreprises, puisqu’il faut le rappeler.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Ce même jour, mesdames, messieurs les sénateurs, j’annonçais que, compte tenu de la dégradation particulièrement visible dans deux métropoles, Bordeaux et Marseille, les préfets seraient invités à prendre des mesures, après concertation avec les élus locaux. Parmi celles-ci, le 14 septembre, il y a eu pour la première fois la fermeture des bars et restaurants. Que n’ai-je entendu à l’époque !

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Que nous en faisions trop ? Ou que nous n’en faisions pas assez ? Les mêmes qui, aujourd’hui, me disent : « Vous êtes en retard, monsieur le chef du Gouvernement ! »…

Debut de section - Permalien
Jean Castex

… me disaient à l’époque : « Vous y allez trop fort ! Vous nous privez des libertés publiques ! » Telle est la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est à cause de l’absence de concertation !

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Contrairement à ce que j’ai entendu, nous avons mobilisé en six mois le maximum de ressources possible dans un cadre très contraint. À la seule Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux de vacance des personnels paramédicaux a diminué de moitié.

Cette situation résulte d’années de progression insuffisante de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) : nous devrions l’admettre avec modestie ! Ce Gouvernement a su prendre des décisions dans le cadre du Ségur de la santé

Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Il a mis en place des mesures structurelles pour rendre à nouveau attractifs les métiers de l’hôpital et pour investir dans notre système de santé.

Le plan de relance, qui vous sera soumis dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprend des reprises de dette hospitalière et des investissements pour l’hôpital. Je ne doute pas que le Sénat votera ces mesures, et je prends à témoin son président, que je sais être profondément et historiquement attaché à l’hôpital.

J’ai entendu aussi des reproches : « Vous allez fermer des commerces, des bars, des restaurants ! »

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. La décision a effectivement été très douloureuse à prendre, très difficile…

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la seule voie possible si vous souhaitez comme nous que ce confinement soit efficace, et vous avez toutes et tous dit que c’était ce que vous vouliez.

Nous avons amélioré ce confinement par rapport à celui du printemps dernier, en faisant en sorte, différence majeure, que les établissements scolaires continuent de fonctionner. Nous l’avons amélioré en faisant en sorte que l’activité économique en pâtisse moins, car l’un d’entre vous l’a dit à fort juste titre : la crise économique et sociale dans laquelle nous sommes déjà plongés aura des effets tout aussi ravageurs que la crise sanitaire.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Le Gouvernement le sait et a adopté des mesures correctrices et d’accompagnement dont vous avez bien voulu reconnaître la pertinence.

Pour autant, si en plus d’autoriser les gens à sortir de chez eux pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l’école et dans les établissements scolaires, nous les autorisions aussi à sortir pour aller faire toutes leurs courses en dehors de celles des produits de première nécessité, …

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Non, il n’y en aurait plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est encore la grande distribution qui va s’en tirer !

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Je veux aussi vous rappeler, mais je sais bien que vous le savez, car vos objectifs sont ailleurs

Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

, que tous les pays qui nous entourent prennent les mêmes mesures que nous. Je ne manquerai pas de faire part à leurs dirigeants de vos utiles recommandations.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Monsieur le président, dans la chambre des sages, dans l’assemblée des territoires auxquels je suis tant attaché, je voudrais en conclusion surtout retenir, si vous me le permettez, l’intervention du président Malhuret.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :

Nombre de votants335Nombre de suffrages exprimés308Pour l’adoption130Contre 178Le Sénat n’a pas approuvé la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (projet n° 74, texte de la commission n° 79, rapport n° 78).

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me présente devant vous, alors que vous venez de vous prononcer sur la déclaration que le Premier ministre a faite au nom du Gouvernement concernant l’évolution de la situation sanitaire, dans un contexte que je sais particulier.

Je ne saurais commencer mon propos sans avoir une pensée émue, alors que trois de nos compatriotes ont été assassinés, aujourd’hui, et que notre pays a été une fois encore victime d’attaques terroristes islamistes. Ces actes terroristes ont pris pour cibles, sur notre territoire, certains de nos concitoyens qui souhaitaient exercer librement leur culte, dans une ville déjà meurtrie par un attentat ; ils ont également porté contre un vigile qui assurait la protection de notre représentation consulaire à Jeddah, en Arabie Saoudite. Les Français et la France sont clairement attaqués.

Le Président de la République l’a dit, à Nice, il y a quelques heures : cet attentat ignoble, cette attaque aussi lâche que barbare, endeuille notre nation tout entière et appelle une réponse ferme et implacable du Gouvernement. Immédiatement, le plan Vigipirate a été relevé au niveau « alerte attentat ». L’opération Sentinelle déploiera quatre mille militaires supplémentaires sur l’ensemble du territoire dans les prochains jours. Un conseil de défense se réunira, demain, pour prendre toutes les mesures qui s’imposent.

La France fait donc face à une menace sécuritaire réelle, avérée et malheureusement à nouveau réalisée. S’y ajoute une autre menace, sanitaire, qui me conduit précisément devant vous, cet après-midi. Elle n’est pas idéologique. Elle appelle une réponse non seulement de l’État, mais aussi de chacun d’entre nous. C’est pourquoi, pour la deuxième fois depuis le début de l’année 2020, un confinement a été décidé face à un virus qui circule à nouveau de manière trop active, et qui nous fait craindre le pire.

La Nation tout entière est appelée une fois encore à faire bloc pour protéger les plus vulnérables, dont nos aînés, bien sûr, mais aussi tout un chacun, car ce virus peut également frapper les plus jeunes ; pour protéger les soignants aussi, parce que, malgré la fatigue accumulée ces derniers mois, vous savez qu’ils sont pleinement mobilisés.

Ce deuxième confinement ne saurait être comparé au premier. Il s’en distingue par bien des aspects. À titre d’exemple, le choix de ne pas fermer nos crèches, nos écoles, nos collèges et nos lycées traduit l’équilibre si fragile et si précieux que nous devons chercher à atteindre. Les efforts demandés aux Français sont très importants : le Gouvernement en a conscience et mesure les sacrifices individuels et collectifs auxquels nous nous préparons : ils sont indispensables pour sauver des vies.

La situation est peu commune. Il y a deux semaines, le Gouvernement vous présentait un texte visant à prolonger les mesures dérogatoires pour accompagner la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ce texte n’aura pas atteint le terme de son parcours, interrompu après que le Président de la République a pris un décret en conseil des ministres pour instaurer à nouveau l’état d’urgence sanitaire dans notre pays.

Il n’aura échappé à personne que, depuis le mois d’août, l’Europe est confrontée à une recrudescence du nombre des contaminations à la covid-19. Particulièrement meurtrière, l’épidémie a déjà causé le décès de plus de 250 000 personnes, dont près de 35 000 dans notre pays.

Conformément à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois nécessite une autorisation du législateur : c’est l’objet principal du projet de loi que je vous présente aujourd’hui.

En effet, l’évolution de la situation sanitaire et les effets différés de la circulation du virus sur le système de santé rendent indispensable une prorogation au-delà du 17 novembre. Une divergence existe sur la date, puisque la commission des lois du Sénat a privilégié celle du 31 janvier là où le Gouvernement avait inscrit le 16 février.

Autre désaccord, le projet de loi prévoit, à l’article 2, de proroger le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021, en vue de disposer de facultés d’intervention lorsque l’état d’urgence sera levé. La commission des lois n’a pas retenu cet article et le Gouvernement le regrette.

Il est pourtant indispensable de proroger ce régime dérogatoire et transitoire, si l’on veut éviter toute rupture brutale des mesures barrières en sortie d’état d’urgence sanitaire. À défaut, et sauf à ce que l’épidémie présente une gravité telle qu’elle justifie de prolonger encore l’état d’urgence, nous ne disposerons d’aucun moyen d’action, dès lors que ce régime expirera, c’est-à-dire demain, vendredi 30 octobre 2020, conformément à l’article 1er de la loi du 9 juillet dernier.

La date du 1er avril 2021 nous paraît, en outre, cohérente avec la clause de caducité que le Parlement a lui-même voulue pour le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Cette échéance permettra de consacrer la future réforme relative à la mise en place d’un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire, sans que le débat de fond soit suspendu par la nécessité d’une nouvelle prorogation des mesures transitoires.

Parce que nous disposons de systèmes d’information importants pour suivre et gérer efficacement l’évolution de la situation sanitaire, l’article 3 autorisera la mise en œuvre de systèmes dédiés à l’épidémie de la covid-19 pour une durée correspondant à la période de l’état d’urgence sanitaire et du régime transitoire.

À ce sujet, je salue le travail mené par le Sénat dans le cadre de l’examen du précédent projet de loi. En effet, la finalité d’accompagnement social mentionnée dès le texte initial pour reconnaître juridiquement l’action des organismes qui assurent une importante mission d’accompagnement social des personnes touchées par l’épidémie, comme les centres communaux d’action sociale, est un atout majeur issu d’une des propositions des sénateurs.

Enfin, à l’article 4, le projet de loi prévoyait plusieurs habilitations pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises sur le fondement des lois du 23 mars et du 17 juin 2020, ou sur celui de dispositions législatives récentes, précisément identifiées.

Cet article tire les conséquences du débat parlementaire qui s’est ouvert lors de la première lecture du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Plusieurs sénateurs avaient alors déposé des amendements visant à proroger les mesures d’incitation et de protection de la population. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans le présent texte, de proposer au Parlement de proroger un ensemble de dispositifs, à l’instar de ce que vous aviez accepté au moment de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Cette habilitation permettra, en tant que de besoin – j’insiste sur cette modération –, de rétablir et d’adapter à l’état de la situation sanitaire du moment ainsi qu’aux règles de police sanitaire, les mesures d’accompagnement qui avaient été conçues à partir de mars dernier.

En commission, les députés ont adopté un amendement tendant à réduire le délai pour prendre les ordonnances au 16 février, date de la fin d’état d’urgence sanitaire et non pas, comme l’avait prévu le Gouvernement, au 1er avril, date de la fin du régime transitoire. En séance, un amendement de compromis a été trouvé sur les consultations obligatoires. Pour pouvoir intervenir rapidement et en toute sécurité juridique, nous avons proposé de maintenir l’absence de consultation obligatoire en amont des ordonnances, au moins pour celles qui interviendront dans les premières semaines d’application de la loi.

En séance, samedi dernier, le Gouvernement a proposé de compléter ces mesures d’accompagnement transitoire qui nous paraissent indispensables pour limiter les conséquences de la reprise de l’épidémie.

Nous prenons acte des modifications qui sont intervenues lors de l’examen du texte par la commission des lois. Certaines d’entre elles posent des questions techniques ; d’autres, plus politiques. Si nous pouvons partager l’esprit de certaines initiatives, d’autres soulèvent de vraies difficultés. En tout état de cause, le Gouvernement considère que ces modifications ponctuelles ne justifient pas de supprimer ou de restreindre significativement les dispositions de l’article 4, telles que les a adoptées l’Assemblée nationale, dès lors que l’évolution très rapide de la situation et le renforcement des mesures de police sanitaire vont appeler la réactivation d’autres mesures d’accompagnement, dans les prochaines semaines.

Par conséquent, nous avons souhaité déposer des amendements sur les seuls éléments que nous considérons comme des lignes de crête pour garantir l’équilibre de ce projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début de la pandémie, le Sénat a su se montrer exigeant et responsable pour relever ce défi historique. Le virus n’épargne aucun territoire : dans l’Hexagone comme en outre-mer, tous nos concitoyens sont menacés. Nous nous préparons à un choc très important dans les jours qui viennent. Il faut le dire, et le Président de la République a été très clair dans son discours, hier soir. Nos soignants sont déjà sur le front et le pays tout entier doit être à nouveau à leurs côtés. De l’exigence, de la responsabilité, aucun élu n’en a manqué et tous seront au rendez-vous. Ce texte est aussi l’occasion de le rappeler.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la gravité de la situation épidémique dans notre pays, justifie à l’évidence que nous ayons ce débat sur les moyens qui doivent être mobilisés pour faire face au défi de la propagation du covid-19.

À l’évidence aussi, nous avons du mal à suivre les événements. Il y a quinze jours, nous discutions, ici, d’un projet de loi relatif à la prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ce texte a vu sa discussion interrompue, car dans le même temps l’épidémie galopait et le Gouvernement décidait de rétablir l’état d’urgence sanitaire, et non plus le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Il assortissait sa décision de la mise en œuvre, notamment, de couvre-feux territorialisés, qui n’ont cessé depuis lors de s’étendre. Le Président de la République a annoncé hier qu’il était de nouveau dépassé par la dynamique des contaminations et il a décidé que cet état d’urgence sanitaire, dont la prorogation était inscrite à l’ordre du jour du Parlement, soit lui-même accentué très fortement par le rétablissement du confinement, même si le confinement mis en œuvre n’est pas le même que celui de mars dernier.

Pour ne prendre qu’un exemple, les professeurs et les élèves des écoles continueront respectivement à assurer la mission d’enseignement et à assister à cet enseignement. Il n’en reste pas moins vrai que, de la prorogation avortée du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire au confinement, nous avons vu en quelques semaines les pouvoirs publics condamnés à surenchérir dans les restrictions apportées aux libertés, compte tenu de cette inflation des cas de covid-19. Rarement on aura vu en quinze jours un assaillant faire reculer à ce point les limites de l’action publique.

Nous sommes donc revenus, en quelque sorte, à la situation du 15 mars 2020, mais, à cette date, chacun pouvait constater que le confinement était la sanction de l’impréparation de la France au risque épidémique, puisqu’il n’y avait pas d’autre moyen de lutter contre le covid-19 que d’en venir à cette mesure extrême pour les libertés individuelles et pour les libertés publiques : ni masques, ni tests de dépistage, ni accès généralisé aux gels hydroalcooliques, ni apprentissage par nos concitoyens – et nous-mêmes ! – des distances physiques nécessaires pour se protéger, ni organisation du travail, ni télétravail, ni adaptation des transports publics et, surtout, aucun système d’information nationale permettant, à partir des dépistages, d’identifier les personnes en contact avec des personnes dépistées positives, et donc porteuses du virus.

Le confinement généralisé était donc la sanction de cette impréparation de notre pays. Je ne le dis pas pour accabler les pouvoirs publics ; je le dis parce que c’est un constat de fait. Même si nous n’avons pas le monopole de cette impréparation, il faut bien reconnaître que c’est une situation de fait à laquelle il a fallu faire face : nous n’avons pas marchandé au Gouvernement, à ce moment-là, les moyens d’action qu’il nous réclamait. Madame la ministre, mes chers collègues, si le confinement était la sanction de cette impréparation, on peut se demander de quoi le reconfinement est la sanction.

Le reconfinement est la sanction d’un échec, dont je veux bien admettre la dimension collective, mais c’est aussi nécessairement l’échec du Gouvernement et des autorités sanitaires de notre pays.

Cette situation est pour nous un constat qui appelle, dans notre réaction, l’exigence d’un esprit de responsabilité. Notre responsabilité n’est pas de faire votre procès : il y a pour cela des commissions d’enquête qui continuent leur travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Non, notre responsabilité, c’est de vous attribuer les pouvoirs nécessaires pour faire face à ce regain de la crise sanitaire, ici et maintenant, quel que soit l’enchaînement des causes et des effets qui a produit cette situation dramatique pour notre pays.

Il appartient maintenant au Gouvernement, si nous lui consentons ces nouveaux pouvoirs, de les utiliser efficacement, et sans doute davantage que cela n’a été le cas pour la mobilisation de tous les instruments qui ont été développés depuis la fin du premier confinement.

Pour autant, si je vous propose de donner au Gouvernement les moyens d’action dont il a besoin, nous ne pouvons lui accorder un blanc-seing, et nous le pouvons moins encore qu’au mois de mars dernier, compte tenu de ce que nous avons vécu, de ce que les Français ont vécu au cours de ces dix derniers mois. C’est la raison pour laquelle il me semble que cet esprit de responsabilité, dont nous pourrons faire preuve une fois encore – sans vouloir préjuger votre vote, mes chers collègues –, doit avoir pour corollaire un esprit de vigilance.

Premièrement, le Parlement doit resserrer son contrôle. Nous n’admettons pas que vous puissiez, jusqu’au 1er avril prochain, user de pouvoirs spéciaux sans jamais avoir besoin de revenir devant le Parlement.

À partir du moment où on en est arrivé à franchir ce palier, que tout le monde voulait éviter, le Président de la République le premier, à savoir le reconfinement, et donc la mise entre parenthèses des libertés les plus fondamentales de nos concitoyens, le contrôle du Parlement doit être simultanément renforcé. Plus les droits des Français sont mis en cause, plus le Parlement doit être présent pour contrôler les pouvoirs qui sont mis en œuvre par le Gouvernement. Donc non, il n’est pas question de vous laisser ces pouvoirs jusqu’au 1er avril prochain sans que le Parlement se prononce.

Nous allons vous proposer de ramener au 31 janvier la durée de l’état d’urgence sanitaire qui pourra être mis en œuvre sans vote du Parlement. Nous allons vous proposer aussi, puisque confinement il y a, ce qui n’était pas le cas lorsque nous avons examiné le texte du projet de loi en commission, de modifier le régime de l’état d’urgence sanitaire pour dire : oui, il y a état d’urgence sanitaire, mais, en plus, il y a confinement et, sur ce point particulier, nous voulons que le Gouvernement revienne devant le Parlement d’ici au 8 décembre s’il devait décider une prolongation. En effet, il n’est pas concevable que les Français puissent être confinés pendant les fêtes de fin d’année sans que la représentation nationale, c’est-à-dire la représentation de tous les Français dans leur diversité, ait été amenée à prendre ses responsabilités. C’est trop grave !

Deuxièmement, nous ne voulons pas vous donner non plus un blanc-seing en multipliant les ordonnances par des habilitations législatives, qui plus est d’un flou sans précédent. Nous ne pouvons pas accepter cela ! Par conséquent, sur les 70 habilitations proposées par le Gouvernement, nous avons réussi à n’en retenir que 30, tout en les restreignant. Dans certains cas, nous les avons écartées purement et simplement ; dans d’autres cas, nous avons inscrit dans la loi les règles que le Gouvernement voulait édicter seul ; dans le reste des cas, nous prévoyons de lui consentir ces habilitations.

Voilà ce qu’est la vigilance ; voilà ce qu’est la responsabilité. C’est ainsi que j’ai abordé ce travail de rapporteur, et que je vous propose d’aborder ce débat ce soir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, savez-vous pourquoi on évoque une deuxième vague de l’épidémie ? Parce qu’il y en a eu une première, pardi ! Une première, et vous n’en avez rien appris : neuf mois et 35 785 morts plus tard, vous nous imposez une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire, piétinant allègrement le Parlement, l’État de droit et les libertés économiques et individuelles des Français. Votre mode de gouvernement, c’est la réaction plutôt que l’anticipation. Tel le hamster dans sa roue, vous ne cessez de courir derrière un virus que, décidément, vous n’arrivez jamais à rattraper. Vous courez, mais ce sont les Français qui sont fatigués, et ce sont les Français que vous mettez en cage.

Plus de neuf mois après avoir été informés par vos prédécesseurs de l’arrivée en France de la covid-19, nos compatriotes sont aussi dépourvus en moyens qu’au début de l’année. Pendant ce temps, nos voisins italiens, dès le mois de mars, ont recruté 20 000 soignants, soit 5 000 médecins spécialisés, 10 000 infirmiers et 5 000 aides-soignantes. Ils ont même prévu de recruter leurs médecins à la retraite. Le nombre de lits en soins intensifs a été augmenté de 50 %. Comme quoi, c’est possible !

Qu’avez-vous prévu, vous, de structurel et de durable pour nos hôpitaux saturés ? Le rapport du général Lizurey sur le bilan de la gestion printanière répond à cette question, et c’est un implacable réquisitoire. Pour mémoire, et à toutes fins utiles, je rappelle qu’un certain Jean Castex a été le directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère des solidarités et de la cohésion sociale, de 2005 à 2006, et qu’à ce titre il est l’un des pères de la loi Hôpital, qui introduit la notion d’objectifs et de rentabilité dans la gestion hospitalière. Il est ensuite directeur de cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la santé pendant deux ans, puis conseiller chargé des affaires sociales de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Il est donc l’un des principaux artisans de la politique hospitalière, ou plutôt anti-hospitalière, de 2005 à 2012. Résultat : les opérations sont déprogrammées et des patients mis en danger ; notre tissu économique se déchire ; les droits du Parlement reculent ; notre démocratie et nos libertés publiques sont menacées. N’en jetez plus, madame la ministre, la coupe est pleine, vraiment pleine !

Vous accorder tout pouvoir sans contrôle jusqu’au 1er avril est inacceptable. Je refuse quant à moi de cautionner votre coup de force, conséquence de votre état de faiblesse. Le Parlement, le Sénat en tout cas, n’est pas une chambre d’enregistrement des dérives autoritaires de l’exécutif.

Enfin, pour couronner le tout, le ministre de la justice, dans la situation explosive que nous subissons, demande des alternatives à l’incarcération pour faire face à la densité carcérale en contexte épidémique et, tel un vulgaire préfet de police de Paris, le président de l’Assemblée nationale culpabilise à son tour les Français, en les rendant d’ores et déjà responsables de leur possible contamination. M. Ferrand est non plus au perchoir, mais perché au sommet de l’indécence.

La coupe est vraiment pleine, madame la ministre !

Au bilan sanitaire désastreux qui est le vôtre est venue s’ajouter la perquisition du domicile du ministre de la santé dans le cadre d’une information judiciaire sur la gestion de la crise. Est-ce la raison qui explique son absence devant la représentation nationale, une absence qui s’apparente à un véritable mépris de notre assemblée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Je conclus en une phrase : c’est non pas la prorogation de l’état d’urgence sanitaire que nous attendions du ministre de la santé, mais sa démission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France et la vaste majorité des pays du monde font face à la crise sanitaire la plus importante de ce siècle. En mars dernier, le Gouvernement a pris la décision d’instaurer l’état d’urgence sanitaire. Le pays fut confiné, avec pour conséquence une détérioration de la condition sociale et économique de nos concitoyens. Après une brève accalmie, nous devons nous rendre à l’évidence : depuis le début du mois de septembre, la France est confrontée à une dégradation de sa situation épidémiologique ; la deuxième vague est là !

Madame la ministre, nous sommes pleinement conscients de la gravité de cette crise sanitaire et des difficultés qu’engendre sa gestion. Depuis plus de sept mois, les pouvoirs publics et les comités scientifiques naviguent à vue. Cette situation dramatique nous oblige, en tant qu’élus de la Nation, à l’humilité et à la responsabilité.

Pour autant, les réponses à cette crise sanitaire majeure ne doivent pas être fondées sur l’affaiblissement du Parlement et l’infantilisation de la population. Cette crise appelle, au contraire, à plus de clarté et de démocratie, à plus de cohésion sociale pour bénéficier d’un soutien permanent de nos concitoyens, déjà lourdement éprouvés par la situation du pays. Il y a bien sûr nécessité d’agir pour enrayer l’épidémie, mais l’état d’urgence sanitaire, tel qu’il a été voté le 23 mars dernier, n’est pas satisfaisant, et a conduit à une gestion de crise désordonnée et autoritaire.

Désordonnée, car la multiplication des mesures liberticides n’a pas été utile pour prévenir la deuxième vague. Autoritaire, puisque le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’est lui-même inquiété d’un risque d’accoutumance au renouvellement sans fin des mesures de contrôle.

La nouvelle Défenseure des droits, Claire Hédon, a également exprimé son inquiétude face à ces nouvelles restrictions des libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

En outre, la confusion qui ressortait des prises de parole de l’exécutif, notamment sur l’utilité du port du masque, mais pas seulement, a gravement nui à la compréhension des mesures. La confiance des Français à l’égard du pouvoir exécutif s’en est trouvée visiblement amoindrie.

Or vous nous demandez aujourd’hui de déposséder le Parlement de ses prérogatives afin que le Gouvernement puisse prononcer seul toutes les mesures liberticides qu’il juge utiles, et ce pour une durée de plusieurs mois. Nous ne pouvons tolérer que la représentation nationale soit ainsi écartée du processus décisionnel !

Sur le sujet si grave de la pandémie, l’unique recours aux ordonnances est inacceptable. Députés et sénateurs ont été pleinement mobilisés ces derniers mois et travaillent sans relâche pour apporter des réponses à cette crise. Les laisser de côté dans cette épreuve revient à affaiblir notre démocratie et à nier le principe de séparation des pouvoirs.

Enfin, des incertitudes demeurent quant aux choix de gestion de ces dernières semaines. Tandis que les milieux de la culture, de l’événementiel et de l’hôtellerie-restauration, ainsi que les commerçants et les artisans étaient durement touchés par les mesures de restriction, les centres commerciaux restaient très peu contraints face à l’impératif de santé publique.

Il importe d’amplifier le recours au télétravail, dont la pratique demeure marginale, alors que près d’un quart des foyers de contamination sont situés en milieu professionnel.

J’ajoute que le soutien est clairement lacunaire pour une frange de la population tombée dans une précarité absolue. Une étude de l’ONG Médecins sans frontières a révélé qu’une personne en grande précarité sur deux a été infectée par le covid-19 en Île-de-France.

Madame la ministre, l’exécutif ne doit pas rester sourd aux alertes du monde associatif. L’attention aux plus démunis doit être au centre de nos priorités. Sans intervention forte des pouvoirs publics, les nouvelles mesures de restriction ne feront que creuser les inégalités sociales. La crise sanitaire a déjà fait basculer un million de Français dans l’impécuniosité. Ces nouveaux pauvres s’ajoutent aux 9, 3 millions de Français vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Les parlementaires de l’opposition, depuis le début de la crise, demandent le renforcement des aides au logement, ainsi que la gratuité des masques : en vain !

Madame la ministre, nous ne prendrons jamais l’habitude des pandémies, mais nous devons prendre l’habitude de les traiter d’une façon plus transparente, plus collaborative, plus constructive, plus républicaine. Vivre avec le virus signifie…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

… appliquer, dans les situations difficiles, les principes démocratiques et républicains qui régissent notre modèle et les améliorer, non pas y renoncer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

(Marques d ’ agacement sur les travées du groupe Les Républicains.) Terrible démonstration à laquelle nous ne nous résoudrons pas, madame la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Y renoncer signifierait que notre modèle républicain n’est pas adapté ni capable de gérer les crises qui durent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, je suggère que les orateurs calibrent leurs textes pour respecter leur temps de parole.

La parole est à Mme Nadège Havet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadège Havet

Je vais essayer de respecter mon temps de parole, monsieur le président !

Madame la ministre, mes chers collègues, en introduction, je voudrais adresser une pensée émue, au nom du groupe RDPI, aux victimes du nouvel attentat commis ce matin à Nice. L’unité est là encore indispensable face à la barbarie.

Nous le savons, la situation économique en Europe s’aggrave, et ce de façon très inquiétante. Le Président de la République a annoncé le renforcement des mesures de protection hier. Le Premier ministre les a précisées à l’instant. À l’instar de la France, de nombreux pays européens voisins ont pris, ces derniers jours, des décisions fortes, courageuses, parfois impopulaires, pour sauver des vies, pour protéger nos soignantes et nos soignants. La situation française n’est ni isolée ni singulière. Hier aussi, l’État fédéral allemand et les Länder se sont mis d’accord sur l’instauration d’un reconfinement partiel.

Pourquoi ? Parce que depuis le début de la pandémie, plus de 260 000 personnes sont déjà décédées en Europe et que le nombre de contaminations bat des records. L’état d’alerte décrété dimanche en Espagne, comparable à l’état d’urgence, constitue, pour le gouvernement socialiste, « la mesure la plus efficace pour infléchir la courbe des contagions ».

C’est dans ce contexte général grave qu’a été réactivé en France, à compter du 17 octobre, l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire. C’est aussi dans ce contexte que le présent projet de loi nous est soumis.

Le Gouvernement sollicite donc tout d’abord une prorogation du régime de l’état d’urgence sanitaire pour trois mois, soit jusqu’au 16 février. Cette durée nous paraît, ainsi que l’ont confirmé le conseil scientifique et le Conseil d’État, adaptée et proportionnée à l’état de la situation sanitaire. C’est d’ailleurs un point sur lequel, monsieur le rapporteur, les positions n’apparaissaient pas, en réalité, irréconciliables. Vous avez consenti à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire tout en réduisant sa durée de deux semaines.

Nous avons, dans le même temps, des réserves quant à la suppression de la prolongation du régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Celle-ci permettrait de conférer une agilité et une capacité d’adaptation indispensables dans la gestion de crise, de nature à favoriser une sortie anticipée, car progressive, de l’état d’urgence. C’est ce que souligne l’avis du Conseil d’État lui-même.

La vigilance, peut-être même la défiance, qui se manifeste sur nos travées, ne doit pas faire oublier le cadre strict qui s’applique aux deux régimes précités. Je pense aux prérogatives de contrôle renforcées du Parlement, et je veux, sur ce point, saluer le travail de notre commission des lois. Je pense également au contrôle du juge, qui peut suspendre en référé l’application des mesures prises.

La position de la commission sur l’article 3, qui vise à ramener du 1er avril au 31 janvier l’autorisation de mise en œuvre des systèmes d’information, est elle aussi source d’interrogations. Aux termes du droit en vigueur, cette autorisation devrait arriver à échéance le 10 janvier. Le texte de la commission n’augmente donc que très modestement la durée d’utilisation de ce système, alors même qu’il est indispensable pour la réussite de la stratégie « tester, tracer, isoler ».

Je veux également saluer les mesures d’urgence économique et sociale visant à prolonger le fonds de solidarité, les dispositifs d’activité partielle et de garde d’enfants, ou encore adapter le fonctionnement des collectivités territoriales.

Il n’est jamais aisé ni agréable pour nous, législateurs, de consentir aux habilitations.

Un mot, enfin, sur les dispositions introduites en commission sur les modalités d’organisation des prochaines élections locales. Une mission a été confiée à Jean-Louis Debré, qui mène une concertation approfondie pour trouver un consensus politique. Il nous paraît opportun d’en attendre les conclusions pour prendre en compte les conditions de déroulement des campagnes électorales. Le groupe RDPI conditionne son vote aux évolutions qui seront adoptées en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà deux semaines, lors de l’examen avorté du projet de loi prorogeant le régime transitoire instituant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, j’avais pointé l’entre-deux dans lequel nous étions, à savoir un état d’urgence qui n’en était pas un. Par son intervention d’hier, le Président de la République a fait état d’une situation sanitaire fortement dégradée, nous imposant aujourd’hui un nouveau confinement. Dès lors, le choix entre nous empêcher de vivre et nous empêcher de mourir est vite fait.

Ces mesures sont nécessaires si l’on souhaite venir à bout de ce covid-19, mais, au-delà des mesures transitoires, des déconfinements, puis des reconfinements, il va falloir que nous nous interrogions sérieusement sur notre stratégie pour éradiquer définitivement ce virus du territoire.

Aujourd’hui, nos concitoyens ont le sentiment qu’ils n’ont qu’un seul droit, celui d’aller travailler, et je regrette vivement que les mots choisis à certains moments aient alimenté la défiance. Il va de soi que le contexte actuel nous oblige à proroger l’état d’urgence sanitaire, le simple régime transitoire que nous devions discuter la semaine dernière ne suffisant plus. À cet égard, mon groupe partage l’avis de la commission des lois, qui souhaite la prorogation jusqu’au 31 janvier uniquement, et la suppression du régime transitoire. La persistance de ces deux régimes distincts suscitait, une fois de plus, de l’incompréhension, d’autant que tout ce que permettait le régime transitoire est possible dans le cadre de l’état d’urgence.

Concernant les systèmes d’information de l’article 3, à savoir le système d’information national de dépistage et le téléservice Contact Covid, mon groupe est également favorable à leur prorogation. Nous nous réjouissons que les mesures permettant une meilleure pseudonymisation, inspirées du Sénat, aient été ajoutées. Nous partageons néanmoins les doutes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur l’évaluation et l’efficacité sanitaire de ces dispositifs. Là encore, trop peu d’éléments sont mis à notre disposition.

Permettez-moi de faire un parallèle avec les retards récurrents avec lesquels sont rendus publics les avis du conseil scientifique. Madame la ministre, la confiance du Parlement ne se décrète pas ; elle se mérite. Aussi, une publication dans des délais plus brefs serait heureuse.

Concernant les habilitations à légiférer par ordonnances, le champ prévu par le texte était très large, trop large. Aussi, je salue le travail effectué par le rapporteur Philippe Bas, qui vise à ne conserver que ce qui est pleinement nécessaire. Le passage du nombre des habilitations de 70 à 30 décidé par la commission est, selon nous, le bienvenu.

Sur les mesures visant à la sécurisation du processus électoral, nous sommes plus partagés. Les membres du RDSE sont attachés à la vitalité du débat démocratique. Ils souhaiteraient, bien entendu, pouvoir garantir le déroulement des scrutins départementaux et régionaux prévus au printemps prochain. Les mesures proposées en matière de procurations sont, à leur avis, intéressantes. Il faudra néanmoins rester vigilant quant aux dispositions relatives au vote par correspondance.

Pour conclure, je saluerai les mesures prises à l’article 6 en faveur des PME, qui vont une fois de plus souffrir de ce confinement – j’en ai parlé lors du débat précédent. La rétroactivité de ces mesures ajoutées par notre commission sera d’un grand secours dans cette période éminemment difficile pour elles. Vous l’aurez compris, face à l’urgence sanitaire, le groupe du RDSE votera ce projet de loi au regard des améliorations apportées par le Sénat.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je veux souligner l’incohérence de nos travaux, signe d’un profond mépris du pouvoir exécutif à l’égard du Parlement.

Nous allons débattre des principes de l’encadrement juridique de la prorogation de l’état d’urgence, alors que, il y a quelques instants, notre assemblée était amenée à se prononcer sur les nouvelles décisions du Président de la République, et de lui seul, organisées, mises en place dans ce cadre juridique que le Sénat n’a donc pas encore approuvé.

Bien sûr, l’urgence, l’explosion de l’épidémie exigent de réagir vite, mais nous ne sommes plus en février ou en mars. Nous aurions pu en discuter en amont. D’ailleurs, nous avions demandé, avec d’autres, un débat sur le rétablissement par décret de l’état d’urgence sanitaire. Les parlementaires, madame la ministre, ont des choses à vous dire : l’emballement de la circulation du virus, ce sentiment que le couvre-feu ne répondait pas à l’urgence de la situation, et bien d’autres choses, que je ne développerai pas ici. Il est donc grand temps de sortir de la verticalité, de l’organisation jupitérienne du pouvoir. Les événements actuels, les échecs successifs, de la pénurie des masques jusqu’aux ratages des tests et du couvre-feu, appellent un tournant démocratique dans la lutte contre le covid-19.

Avec ce projet de loi, c’est une nouvelle fois le Parlement qui est contraint. Le texte visait, avant son examen par la commission des lois, à proroger pour quatre mois l’état d’urgence sanitaire, sans retour devant le Parlement durant cette période. Le Gouvernement proposait même de prolonger cet état d’exception par un autre état d’exception, le fameux régime de sortie d’état d’urgence, nouveau genre inauguré le 11 juillet dernier, et ce jusqu’au 1er avril prochain. Nous estimons que cette démission démocratique au profit d’un pouvoir personnel n’est pas acceptable et qu’elle peut même s’avérer dangereuse pour notre peuple, vu la situation actuelle.

Pour y faire face, nous proposons, comme nous l’avions fait dès le 19 mars dernier, de revenir à une validation législative au terme de douze jours, et non d’un mois, des décrets d’état d’urgence, et que la présente prolongation soit ramenée à un mois. Nous irons même plus loin, au regard de l’expérience, en proposant que ce soit le Parlement qui décide de l’état d’urgence, sur proposition du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, nous avons noté votre émoi à l’annonce du couvre-feu, mais nous constatons que vos propositions s’arrêtent au milieu du gué.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vous ramenez en effet à trois mois, au lieu de six, l’état d’exception, sans vous attaquer selon nous totalement à la source du malaise démocratique, c’est-à-dire aux conditions du déclenchement de l’état d’urgence.

Dans la peur du moment, notre peuple subit ces mesures, qui peuvent être ponctuellement nécessaires, mais il faut repousser toute tentation autoritaire, qui peut s’appuyer sur l’habitude de la contrainte.

Enfin, nous nous opposons frontalement à l’extension de la législation par ordonnances. Madame la ministre, depuis le 23 mars dernier, 66 ordonnances ont été prises dans le cadre de l’état d’urgence, auxquelles il faut ajouter 22 autres, prises dans d’autres domaines. Ce projet de loi en prévoyait 70 nouvelles et, monsieur le rapporteur, vous les avez réduites à 30, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

… ce qui est encore trop à nos yeux. Aucune des ordonnances prises dans le cadre de l’état d’urgence n’a été à ce jour ratifiée. Peut-on continuer ainsi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Le débat peut-il s’accommoder d’une telle violation de la Constitution ? En tout état de cause, nous nous y opposerons, sur la forme comme sur le fond, notamment dans le domaine du droit du travail, parce que, dans ce projet de loi, comme dans celui dont l’examen a été interrompu voilà maintenant une semaine, un certain nombre d’ordonnances n’ont pas leur place.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous voterons contre ce texte, véritable blanc-seing accordé à un pouvoir, qui, en fermant la porte au débat démocratique, se prive d’un outil indispensable à une lutte efficace contre la pandémie.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de ma dernière intervention sur la question de l’état d’urgence, plus précisément sur celle de la sortie de l’état d’urgence, voilà quelques jours, juste avant que le projet de loi ne soit retiré pour passer en état d’urgence, je déplorais déjà l’état d’exception et l’éloignement forcé de nos règles démocratiques.

Comment ne pas insister aujourd’hui sur le sujet ? Je ne parle même pas du confinement. Je comprends qu’il faille protéger des vies et que le nombre de nos lits de réanimation soit trop faible. Faiblesse que je ne vous impute pas, madame la ministre : voilà longtemps que notre hôpital est malmené… Pour autant, je ne vous en exonère pas non plus, car c’est bien votre gouvernement, madame la ministre, qui souhaite fermer le centre d’appels d’urgence 15 d’Auxerre – je m’éloigne du sujet, quoique…

Je comprends donc qu’il faille confiner. Ce que je ne comprends pas, c’est que l’urgence sanitaire empêche toute concertation avec le Parlement.

Ce que je ne comprends pas, c’est que l’urgence sanitaire puisse potentiellement repousser des élections, mais ne permette pas de réfléchir à d’autres modalités de vote comme le vote par correspondance.

Alors, comme je ne suis pas la seule à me poser ces questions au sein de la commission des lois, des propositions vous ont été faites afin, tout en respectant la protection de chacun, de repositionner le Parlement au cœur de la vie démocratique.

Nous vous proposons ainsi de revenir chaque mois devant nous pour prolonger les mesures de confinement, le cas échéant. Au regard des restrictions annoncées, un tel dispositif nous apparaît comme une assurance nécessaire pour préserver nos libertés fondamentales.

Nous vous proposons aussi d’autres modes de vote pour que les élections à venir puissent se tenir. Comment imaginer que l’on ne puisse, à cause d’un virus, renouveler nos conseillers départementaux ou régionaux et demain, qui sait, le Président de la République ?

De même, nous avons réduit le champ des ordonnances. Alors, c’est vrai, prévoir de tout décider par ordonnance donne une véritable latitude au pouvoir. Mais le principe même de la démocratie veut que le peuple, à travers sa représentation nationale, puisse juger de l’opportunité des actions à mener. Se passer de notre avis est pratique, mais véritablement autocratique.

En outre, se passer de notre avis est aussi contre-productif : ne croyez-vous pas que vos mesures concernant la fermeture de certains commerces, par exemple, passeraient mieux si elles avaient été adoptées après concertation ? Si la liste des commerces avait pu être réfléchie ensemble, et donc défendue ensemble, ne serait-elle pas mieux acceptée ?

De même, ne croyez-vous pas qu’il aurait été plus constructif de débattre de la liste des ordonnances réellement nécessaires pour vous permettre d’être efficaces, plutôt que de la prévoir tellement large que l’on a l’impression que vous vous moquez de nous ? Comment pouvez-vous imaginer que nous vous donnions un blanc-seing, qui plus est pour une longue période ? Le Gouvernement a-t-il décidé définitivement de se passer de nous ?

Je ne serai pas plus longue. Le groupe Union Centriste votera la version sénatoriale de ce projet de loi, modifié et amélioré par notre rapporteur Philippe Bas.

Madame la ministre, nous vous invitons à consulter le Parlement et à discuter avec lui, car il ne demande pas mieux. C’est, soyez-en certaine, le cas du Sénat : nous ne demandons pas mieux que de vous accompagner dans ces périodes difficiles où il est préférable d’être unis. Mais, pour être unis, il faut la volonté des deux parties.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat se réunit aujourd’hui pour examiner un cinquième projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire. Chaque fois, il a répondu présent.

Notre groupe, qui participait activement à ces réflexions dès le 23 mars dernier, a abordé ce texte avec un regard à la fois exigeant et ouvert. Cette ouverture et cette compréhension de la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent notre pays et le Gouvernement nous ont amenés, voilà quelques instants, à approuver les propositions du Premier ministre à la suite des annonces, hier soir, du Président de la République.

Bien évidemment, il faut toujours garder à l’esprit que le Gouvernement doit pouvoir agir. Mais deux autres éléments doivent aussi être pris en compte : d’une part, le respect de notre constitution, le respect de l’équilibre des pouvoirs, le respect du Parlement ; d’autre part, les absences de ce texte.

Je rappellerai, sur le premier point, une phrase que nous connaissons tous : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu exprime purement et simplement ce que nous vivons aujourd’hui : le Parlement doit pouvoir, comme le prévoient les termes mêmes de la Constitution, limiter, encadrer, contrôler le pouvoir exécutif.

Or le choix que vous avez fait aujourd’hui est assez surprenant, sinon inquiétant : vous avez décidé de présenter dans un seul et même texte l’ensemble des dispositions contenues auparavant dans plusieurs textes, en décrétant une prolongation de plusieurs mois de l’état d’urgence sanitaire et en rendant dès à présent possible sa prorogation. Vous instaurez ainsi un régime valable jusqu’au mois d’avril prochain, sans qu’il soit besoin de revenir devant le Parlement. Ce n’est pas acceptable.

C’est d’autant moins acceptable que le Parlement a démontré sa capacité à délibérer avec l’adoption de la loi du 23 mars dernier, prorogée par la loi du 11 mai, avec l’adoption de la loi du 9 juillet permettant la sortie de l’état d’urgence sanitaire et avec l’examen, le 14 octobre dernier, et même si le débat a avorté, du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Non, ce n’est pas le Parlement qui empêche, et pourtant vous ne voulez pas de lui.

Ce choix n’est pas acceptable, raison pour laquelle notre groupe avait proposé des amendements visant à réduire de manière importante cette durée et à refuser l’article instaurant d’ores et déjà un régime de sortie d’état d’urgence sanitaire pour le mois de février. Une large majorité, pour ne pas dire unanimité, s’est manifestée en commission et nous avons pu, avec le rapporteur Philippe Bas, rendre les choses un peu plus conformes à l’esprit démocratique, mais nous aurons tout à l’heure l’occasion de défendre des amendements qui vont un peu plus loin.

Plusieurs de mes collègues ont déjà évoqué la question des ordonnances, à travers lesquelles le Parlement décide de remettre tous ses pouvoirs entre les mains de l’exécutif. Le recours aux ordonnances peut être justifié par l’urgence, ce que nous pouvions comprendre quand nous avons adopté la loi du 23 mars dernier – quoique : 70 habilitations dont certaines n’ont jamais été utilisées… Mais lorsque, sept mois plus tard, vous demandez de recourir de nouveau aux ordonnances, il ne s’agit plus d’urgence, mais plutôt d’une forme de désinvolture qui n’existe pas dans notre droit. Cela signifie aussi que vous considérez que le Parlement n’a pas de raison d’être. Encore une fois, ce n’est pas acceptable.

Mon groupe avait proposé de supprimer cet article ; le rapporteur et la majorité de la commission ont préféré élaguer considérablement les possibilités d’utiliser les ordonnances, ce qui est déjà un progrès.

Quid du fonctionnement de la démocratie ? Quelle curieuse chose de considérer que tout peut fonctionner, sauf les élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Madame la ministre, j’ai cru comprendre que vous seriez vous-même candidate à une élection dans quelques semaines. Je vous suggère donc d’approuver, au nom du Gouvernement, les dispositions que nous proposons sur le vote par correspondance et sur le vote avec double procuration.

Comment peut-on imaginer que la démocratie ne fonctionne pas ? Dans cette période – et nous l’avons encore vu aujourd’hui – où notre pays est menacé dans ses fondements mêmes, comment peut-on penser que tout peut fonctionner, sauf la démocratie ? Notre groupe, notamment sur l’initiative de notre collègue Éric Kerrouche, propose cette solution depuis de nombreux mois. Nous espérons qu’elle sera enfin approuvée.

J’ai également évoqué la question des manques de ce texte. Singulièrement, ce projet de loi comporte peu de dispositions en matière sociale. À cet égard, votre présence au banc du Gouvernement est une bonne chose.

Cette question a été abordée lors de la présentation du plan Pauvreté, accueilli de manière assez fraîche par les associations, notamment sur la question du RSA jeunes. Mme Cukierman, entre autres, a également abordé ces questions. Nous ferons aussi des propositions.

Si notre groupe salue l’évolution positive du texte en commission, nous n’avons pas décidé, à ce stade, quel sera notre vote. Nous verrons, lors de l’examen des articles, quel état d’esprit guide le Sénat.

Je pense que nous devrions faire en sorte que la plus grande majorité des parlementaires, et pas seulement des sénateurs, approuve un texte commun. Il faut que nous arrivions à faire évoluer nos collègues députés pour que, demain, la commission mixte paritaire aboutisse à un texte qui nous fasse honneur. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, raison pour laquelle nous ne pourrons nous prononcer qu’à la fin des débats.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux votes aujourd’hui sur la gestion de la crise, deux votes aux finalités sensiblement différentes. Le groupe Les Républicains votera donc différemment.

Voilà quelques instants, nous discutions, en quelque sorte, de la confiance que nous pouvions accorder au Gouvernement dans la gestion de la crise. Notre vote a été très majoritairement négatif. Non pour déplaire au Gouvernement, mais parce que, comme nos concitoyens, nous nous posons un certain nombre de questions. Pourquoi, par exemple, inciter les Français à partir en vacances en cette période de la Toussaint, sachant qu’ils se sont assez naturellement déplacés des zones rouges vers les zones vertes, prenant ainsi le risque de disperser le virus ? Pourquoi s’enorgueillir d’un taux de tests enfin élevé, alors qu’aucune infrastructure suffisante n’a été mise en place pour en exploiter les résultats selon le fameux triptyque « tester, tracer, isoler » qui a donné tant de bons résultats dans les pays asiatiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Pourquoi fermer aujourd’hui des commerces ayant adopté les gestes barrières depuis des semaines ? En quoi serait-il plus dangereux d’aller chez le cordonnier que d’acheter une baguette ? Ces questions ont en partie justifié notre vote négatif sur la confiance.

Mais nous discutons désormais non plus de la mise en œuvre des moyens, mais des moyens qu’il convient d’accorder au Gouvernement pour gérer cette crise. Nous sommes aujourd’hui dans le cadre d’un régime de sortie de l’état d’urgence qui confère déjà des pouvoirs importants à l’exécutif.

Le Gouvernement sollicite le bénéfice du régime d’état d’urgence, déjà décrété, mais qui ne peut être prolongé au-delà d’un mois sans l’aval du Parlement. Cette demande est motivée par l’augmentation non seulement des cas positifs au covid, mais surtout des hospitalisations et du nombre de personnes en réanimation. Ces éléments sont réels. Ce n’est pas aujourd’hui le moment de mener le débat de la responsabilité. Il faut répondre à cette situation et le groupe Les Républicains va voter ce texte, mais pas à tout prix.

Tous les orateurs l’ont souligné, et je ne voudrais pas paraphraser le Premier ministre, les institutions sont le soutien de la démocratie ; les institutions, dans leur force et dans leur équilibre. Comme le prévoit la Constitution, le Gouvernement peut prendre des décisions, mais le Parlement les contrôle. Et M. le rapporteur l’a dit, plus nous confions de décisions au Gouvernement, plus notre contrôle doit être fort. Sous l’égide de notre rapporteur, nous avons adopté, en commission des lois, des dispositifs différents de ceux que nous proposait le Gouvernement, afin de nous assurer justement un contrôle plus fort.

Ces dispositifs ont été rappelés : il s’agit d’abord de ne pas permettre d’instaurer l’état d’urgence sur une durée excessivement longue. Il faudra revenir beaucoup plus tôt devant le Parlement. Il s’agit aussi de mieux contrôler – et plus rapidement – la plus liberticide des dispositions, le confinement. Il s’agit encore de ne pas permettre de rétablir le régime de sortie d’état d’urgence sans revenir devant le Parlement pour pouvoir échanger et discuter. Ces éléments nous paraissent essentiels pour faire en sorte que le contrôle parlementaire puisse avoir lieu d’une façon régulière et que le Gouvernement ne se retrouve pas « la bride sur le cou » pour utiliser les pouvoirs si forts qu’il nous réclame aujourd’hui.

Nous avons eu un débat récurrent sur les ordonnances lors de l’examen de chaque texte relatif à cette crise particulière depuis le mois de mars dernier. Dans un premier temps, nous avons permis au Gouvernement d’empiéter sur le domaine législatif. Nous n’avons pas discuté, car nous étions d’accord sur l’urgence qui justifiait l’application de telles dispositions.

Cette urgence, le Gouvernement ne peut plus s’en prévaloir aujourd’hui. L’adoption des propositions de la commission des lois nous semble donc assez naturelle, à savoir une diminution du nombre d’ordonnances – sachant que le Gouvernement semblait parfois ne pas savoir ce qu’il entendait faire de ce pouvoir – et l’inscription en clair dans la loi des dispositions du ressort de la loi qui peuvent d’ores et déjà être prises.

Enfin, je voudrais évoquer la démocratie. L’urgence sanitaire existe et rend plus difficile l’exercice de la démocratie par le jeu des élections – nous l’avons vu lors des dernières municipales. Toutefois, le devoir du Parlement est sans doute d’essayer de pallier cette difficulté en trouvant les moyens à même de permettre à la démocratie de s’exprimer. Le virus ne peut pas confisquer la démocratie.

C’est ce qu’a fait la commission des lois, grâce à un assez large accord, transpartisan, sur les procurations ou sur le vote par correspondance afin d’éviter de créer des foyers de contamination dans les bureaux de vote. Cette question n’est pas la moindre.

Le groupe Les Républicains approuvera, ainsi modifié, ce projet de loi qui confie certes des pouvoirs au Gouvernement, mais qui permet aussi de les contrôler au plus près.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes premières pensées vont aux victimes de l’attaque de Nice et à leurs familles. Notre pays est une nouvelle fois frappé, alors que nous sommes par ailleurs confrontés à une situation sanitaire toujours préoccupante : plus d’un million de nos concitoyens ont déjà été infectés par la covid-19, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux sont morts.

La France, comme d’autres pays européens, connaît une nette dégradation de sa situation sanitaire. Pour juguler une progression rapide des contaminations, malgré des couvre-feux locaux, le Président de la République a décidé hier un reconfinement national.

C’est dans ce contexte sous tension que nous examinons ce projet de loi qui vise à prolonger, au-delà du 16 novembre prochain, l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020.

La durée initiale de la prolongation, non modifiée par l’Assemblée nationale, était fixée à trois mois. Notre commission des lois a souhaité la limiter au 31 janvier 2021 pour que le Parlement se prononce à cette date sur la nécessité du maintien de ce régime.

À l’instar des précédents textes d’urgence, celui-ci vise également à maintenir, au-delà du 30 octobre 2020, les systèmes d’information déployés en appui à la lutte contre la pandémie.

Enfin, il autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances en vue de prolonger l’application de certaines mesures exceptionnelles mises en œuvre depuis mars dernier.

La commission des lois a apporté des précisions quant aux conditions de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire afin notamment d’y associer plus étroitement le Parlement. Depuis le début de la pandémie, Gouvernement et Parlement ont su travailler ensemble efficacement. Nous devons veiller à maintenir ce haut niveau de coopération.

Dans ce contexte, une bonne information est primordiale. La transmission immédiate des avis du comité de scientifiques au Parlement, introduite par la commission, contribuera à éclairer les décisions politiques.

Je me félicite que la commission ait directement inscrit dans la loi certaines des décisions à prendre. Leur mise en œuvre n’en sera que plus rapide.

Plus généralement, il apparaît nécessaire que la représentation nationale puisse se prononcer sur des mesures ayant de si fortes conséquences sur la vie de nos concitoyens.

La France, mes chers collègues, traverse une année particulièrement difficile. Gouvernement et Parlement doivent travailler ensemble pour protéger au mieux les Français. Mais l’État ne peut pas tout. Avec beaucoup de bienveillance, je voudrais appeler nos concitoyens à une nouvelle forme de ressaisissement. La crise sanitaire que nous traversons est très dure. Il nous faut en outre affronter d’autres périls. Souvenons-nous de ceux qu’ont dû traverser, au cours de notre longue histoire, celles et ceux qui se sont battus pour que la France continue d’exister. Nous sommes une grande nation millénaire, nous devons garder confiance et courage.

Cette résilience, nous la devons aussi à celles et ceux qui sont en première ligne : soignants, militaires, forces de l’ordre et pompiers qui ont tenu bon jusqu’à présent et qui continuent de faire face. L’élue de l’Aube que je suis reste déterminée à lutter contre toute tentation crépusculaire, contre tout défaitisme.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Soucieux du rôle du Parlement, et particulièrement attaché au respect des libertés, le groupe Les Indépendants soutient les objectifs de ce projet de loi qui vise à nous doter des moyens de la reprise de l’épidémie.

Mme Catherine Di Folco et MM. Claude Malhuret et Yves Bouloux applaudissent.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

À l’écoute de vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris acte de vos remarques, de nos désaccords, sur le fond ou sur la forme. J’espère que l’examen des articles pourra éclairer la Haute Assemblée. Pour ma part, je m’y emploierai, ayant trop de respect pour le débat parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La commission doit se réunir pour examiner les amendements de séance. Monsieur le président, de combien de temps souhaitez-vous disposer ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, nous aurons besoin d’une heure au maximum. Nous avons beaucoup d’amendements à examiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-neuf heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la capacité hospitalière du pays.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Au cours de l’allocution du Président de la République, hier soir, le confinement nous a été annoncé, nous en avons beaucoup parlé tout au long de cet après-midi. Cette décision se fonde sur l’explosion du nombre de cas de covid et une saturation de nos hôpitaux, qui constituent la problématique au cœur de nos débats.

Surtout, il faut parler d’une crise de la capacité hospitalière, crise structurelle, qui n’est pas due à une épidémie galopante, mais au fait qu’on refuse de prendre les mesures qui s’imposent.

On nous parle beaucoup des lits de réanimation. Je le rappelle, nous disposons toujours de 5 000 lits seulement. Les choses ne semblent donc pas avoir changé depuis la première vague. Par ailleurs, cette problématique n’est pas la seule. En effet, le traitement des patients a progressé, puisque nombre d’entre eux, aujourd’hui, ont besoin d’être non pas réanimés, mais seulement oxygénés. Ils doivent bénéficier de corticoïdes. Si l’affection est prise à temps, on observe un soulagement des patients.

Il est donc nécessaire de prévoir des lits en aval des services de réanimation. Or, nous le savons, mes chers collègues, dans les établissements hospitaliers de nos territoires, tous les soignants nous alertent sur un manque structurel de lits.

Nous avons donc besoin de disposer d’un état des lieux. Avez-vous prêté attention, sur le site d’information indépendant Basta !, à la carte des suppressions de lits d’hospitalisation ? Ces suppressions se poursuivent, y compris pendant la période d’épidémie.

Nous demandons donc, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement au Parlement permettant de connaître de façon extrêmement précise notre capacité hospitalière. Nous aurons ainsi une information transparente, qui nous permettra d’agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les amendements faisant injonction au Gouvernement de remettre des rapports au Parlement ont un avantage : ils permettent à certains de nos collègues de soulever un problème et d’alerter le Gouvernement. Ils ont aussi un inconvénient : ils sont dénués de toute portée.

Vous pourriez amender le texte en prévoyant cinq cents rapports, le Gouvernement ne serait pas tenu de faire ces rapports, heureusement d’ailleurs ! Sinon, il ne ferait plus que cela ! Il lui faut garder un peu de temps pour agir, afin d’être efficace dans l’action exécutive.

Si je tiens à expliquer ma position sur cette demande de rapport, ce n’est pas pour aller contre l’exigence posée très justement par nos collègues d’une « objectivation » – veuillez excuser ce néologisme – de la situation de l’hôpital public, qui serait selon moi très utile. Simplement, je souhaite ne plus avoir à entrer dans le détail des nombreux amendements qui prévoient un rapport du Gouvernement. J’y opposerai, dans la suite de la discussion, un avis défavorable, sans explication complémentaire.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission. Les données sur la capacité hospitalière sont déjà largement publiées par Santé publique France. Les décisions prises par le Gouvernement pour déclarer l’état d’urgence sont éclairées par de nombreux documents publics, vous le savez probablement, relatifs à cette capacité. Je pense aux avis du conseil scientifique et du Haut Conseil de la santé publique, qui constituent une importante source d’informations.

Il s’agit de faire en sorte que les gens n’arrivent pas en réanimation. Tel est notre objectif commun.

Pour votre information, le système de santé est passé de 5 085 lits de réanimation avant la crise de la covid, à 5 800 lits permanents équipés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Disons les choses franchement, c’est l’article 40 de la Constitution qui nous contraint à demander des rapports. Au demeurant, autant je comprends et j’apprécie la réponse de M. le rapporteur, conforme à la philosophie du Sénat, autant, pardonnez-moi, madame la ministre, j’estime que vous n’avez pas prêté attention aux propos que j’ai développés.

Vous me répondez lits de réanimation, qui sont en nombre insuffisant, alors que je vous parle lits en aval des services de réanimation. Je vous invite à prendre connaissance des propos des soignants. Dans un article du Figaro, Gérald Kierzek, qui est un médecin urgentiste, réaffirme la nécessité d’ouvrir des lits en aval des services de réanimation, ce qui nécessite d’ailleurs un personnel moins formé techniquement, dont la formation est donc plus courte.

Par conséquent, il est nécessaire, pour le Gouvernement et les parlementaires que nous sommes, de disposer d’éléments précis. Si vous avez d’ores et déjà connaissance de ces éléments, madame la ministre, cela pose un problème grave, puisqu’il y a mise en danger de la vie d’autrui.

Si vous refusez d’ouvrir des lits en sachant pertinemment que la capacité hospitalière est insuffisante, le seul choix est donc bel et bien le confinement : il faut mettre sous cloche les personnes, afin d’éviter qu’elles ne tombent malades.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

I. – L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 31 janvier 2021 inclus.

II

1° Le I de l’article L. 3131-15 est ainsi modifié :

a) Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Limiter ou interdire les rassemblements, activités ou réunions sur la voie publique ainsi que dans les lieux ouverts au public ; »

b) Le 8° est abrogé ;

2° Au cinquième alinéa du II de l’article L. 3131-17, après le mot : « déroule, », sont insérés les mots : « pendant plus de douze heures par vingt-quatre heures, » ;

3° Au premier alinéa des articles L. 3821-11 et L. 3841-2, la référence : « n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » est remplacée par la référence : « n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Depuis le début de la crise, le groupe Les Républicains a toujours pris ses responsabilités autour de son président Bruno Retailleau.

Nous avons toujours accompagné la majorité dans un grand nombre de prises de décisions. Pour autant, prendre ses responsabilités, c’est aussi dire la vérité.

Je ne reviendrai ni sur les cafouillages au sujet des masques, d’abord jugés inutiles, car en nombre insuffisant, ni sur le rôle des cliniques privées, mises de côté pendant la première vague.

Certaines directives relatives aux tests sont aujourd’hui encore parfois difficiles à comprendre. Les délais s’allongent et des produits peuvent encore manquer. Parfois, des réponses tardent à arriver.

Pire encore, alors que les équipes de Marseille étaient les seules, en France, à dépister massivement et à préconiser un parcours de soins, sans surmortalité, vous avez préféré vous livrer à une bataille contre l’hydroxychloroquine, si ce n’est à une bataille contre Marseille, abandonnant les études sur ces tests.

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Permettez-moi d’insister sur cet élément important : à Marseille, près de 9 000 patients ont été suivis, plus de 5 800 traités avec le protocole, et on a observé une très faible mortalité des patients détectés précocement. Ces protocoles sont aujourd’hui abandonnés.

Par ailleurs, alors que vous souhaitez prolonger l’état d’urgence sanitaire, je compte sur l’examen de ce projet de loi pour obtenir des réponses à mes questions. Les cliniques privées sont-elles pleinement associées ? Comment suivre les lits de réanimation dans ces cliniques ? Quel est le profil des malades ? Quel est le taux de mortalité et de comorbidité ? Les taux de comorbidité, par âge, ne sont jamais indiqués dans les chiffres que vous donnez. Combien de lits de réanimation ont-ils été ouverts ou fermés depuis le mois de janvier ? J’aimerais aussi connaître le taux d’occupation des lits de réanimation année par année avant la crise.

Enfin, alors que vous avez été capable de débloquer 470 milliards d’euros pour les entreprises, combien ont été débloqués pour soutenir nos hôpitaux et nos soignants, qui font un travail absolument remarquable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 52 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 53 rectifié est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 52.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Nous proposons de supprimer l’article 1er. Depuis le début, vous le savez, nous sommes pour le moins sceptiques sur l’efficacité du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire pour lutter efficacement contre l’épidémie et sur ses conséquences démocratiques.

Comme tout le monde, nous constatons avec effroi que l’épidémie se propage dangereusement. Jour après jour, nous sommes malheureusement confortés dans notre position, puisque nous observons que, parallèlement à ces mesures, l’exécutif fait preuve de beaucoup moins de rigueur dans d’autres domaines de gestion de la crise, qui sont pourtant au moins aussi importants, si ce n’est davantage.

Je ne reviens pas sur la situation de notre système de santé, qui a été longuement évoquée, mais on pourrait citer – on l’a beaucoup fait cet après-midi – un certain nombre d’incohérences, voire de décisions contre-productives. Ce soir, à quelques heures du confinement, qui est réactivé, nous sommes inquiets. Bien sûr, on peut s’habituer et se dire que ce régime est nécessaire compte tenu de la situation.

Pourtant, j’observe, dans nos débats et nos votes, mais également dans la presse et dans tout ce qui s’exprime démocratiquement aujourd’hui, l’installation d’une véritable crise de confiance. Nous serons bientôt dans une situation extrêmement compliquée, entre l’état d’urgence sanitaire extrêmement strict, reconduit sans même qu’un espace de discussion soit prévu – nous aurons l’occasion de revenir sur ses modalités –, et le manque de confiance dans l’exécutif.

Lors du débat sur la déclaration du Gouvernement, M. le Premier ministre a jugé bon de dire que certains parlementaires seraient responsables et d’autres le seraient moins. Dans ce pays, je crois que nous le sommes tous !

MM. Philippe Bonnecarrère et Sébastien Meurant applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Nous vous alertons au sujet de la crise de confiance qui est en train de s’installer. Nous y répondrons non pas par un arsenal juridique, mais par une confiance renouvelée s’appuyant sur le travail réel de toutes les forces vives de notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

La loi d’urgence du 23 mars dernier a conféré à l’exécutif le pouvoir de limiter les libertés individuelles et publiques de nos concitoyens. Alors que la pandémie est en pleine recrudescence, le Gouvernement a fait le choix de déclencher de nouveau ce dispositif, dont l’application a été assouplie depuis le 10 juillet.

Le présent article prévoit de proroger l’état d’urgence sanitaire. Nous comprenons que, face à l’ampleur inédite de cette épidémie, au nombre de contaminés et de décès, au caractère anxiogène de la situation, l’exécutif ait souhaité faire preuve de volontarisme en prenant des mesures radicales.

Toutefois, le caractère temporaire de cet état d’urgence sanitaire ne saurait être oublié. A fortiori, celui-ci ne saurait devenir permanent. Nous ne nous le rappelons que trop bien, le Gouvernement a permis l’incorporation dans le droit commun de dispositifs ayant trait à l’état d’urgence sécuritaire, notamment par la loi SILT, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, de 2017.

Surtout, cet état d’exception ne doit aucunement cacher le véritable problème engendré par la pandémie liée au covid-19, à savoir l’état de notre système de santé. Mes chers collègues, l’hôpital public est en lambeaux : les budgets d’austérité et les choix économiques ont mis à mal les conditions sociale et salariale de nos soignants, mais aussi les conditions d’accueil et de traitement des patients.

Si, aujourd’hui, la pandémie frappe aussi durement notre pays, c’est en partie aussi parce que nos dispositifs hospitaliers ne sont pas aptes à faire face aux vagues de contamination. Plutôt que le retour de l’état d’urgence sanitaire, les auteurs du présent amendement préconisent un vaste plan pour l’hôpital français, bien plus ambitieux que le modeste Ségur de la santé présenté récemment. Ils demandent, de ce fait, la suppression de l’article 1er.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 4 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 16 février 2021 inclus.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

La commission s’est montrée défavorable à la rédaction initiale de cet article, j’en suis parfaitement consciente.

Pourtant, le présent amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er du projet de loi dans sa version transmise au Sénat, afin de permettre une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus, et non pas jusqu’au 31 janvier 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je suis quelque peu étonné que vous déposiez cet amendement, madame la ministre. En effet, nous avons eu un long débat en commission et nous pensons vraiment que la durée proposée par le Gouvernement est excessive. Quel inconvénient voyez-vous à ce que l’on réduise, comme l’a proposé notre rapporteur et comme l’a proposé le groupe socialiste, la durée de l’état d’urgence, de manière à ce que le Parlement se réunisse de nouveau pour statuer ?

Je ne comprends pas quel argument, madame la ministre, vous pourriez invoquer pour revenir à la charge comme vous le faites. Notre position est en effet très claire, et très respectueuse des droits du Parlement. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement s’y opposerait désormais.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mon cher collègue, le Gouvernement est libre de prendre la parole quand il le souhaite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Apparemment, il est surtout libre d’être muet !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 40, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier 2021

par la date :

16 décembre 2020

La parole est à Mme Céline Brulin.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Cet amendement vise à réduire la durée de l’état d’urgence, en tout cas la durée pendant laquelle l’exécutif n’est pas tenu de consulter le Parlement. Chaque groupe a un avis un peu différent sur cette durée. Quoi qu’il en soit, une volonté commune se dégage.

Je ne comprends pas non plus, madame la ministre, pourquoi le Gouvernement refuse de discuter de cette durée ni pourquoi il refuse d’entendre la volonté largement partagée de la restreindre. Il y a une vraie contradiction entre une sorte d’unité nationale à laquelle vous semblez appeler et le refus de discuter des propositions qui émergent et font l’objet d’un débat. Une telle situation nous pose vraiment problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 54, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er janvier

La parole est à M. Guy Benarroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Je rejoins bien entendu l’avis des auteurs de ces amendements en discussion commune.

Le présent amendement vise à raccourcir la durée d’application de ce régime dérogatoire, en retenant la date limite du 1er janvier 2021.

S’il s’avère nécessaire de prolonger une nouvelle fois l’état d’urgence, le Gouvernement pourra, le cas échéant, déposer un projet de loi de prorogation et solliciter de nouveau le Parlement.

Je l’ai dit, les atteintes aux libertés induites par un tel régime ne peuvent se prolonger sans que les sénateurs et les députés soient en mesure d’en évaluer l’impérieuse nécessité. Or nous ne savons pas où en sera la situation à la date prévue par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 58, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

16 janvier

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Après avoir entendu le débat en commission sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, nous avons modifié légèrement la date que nous proposons. En effet, il avait été suggéré, et nous l’avons entendu, que le décompte se fasse à partir du moment où nous prolongeons l’état d’urgence et non pas à partir de son début. Par conséquent, alors que nous avions initialement proposé la date du 17 décembre, nous retenons désormais la date du 16 janvier.

Nous estimons que la date du 31 janvier proposée par le rapporteur est un peu bancale. En effet, nous légiférons pour l’avenir : il ne s’agit pas simplement du texte examiné aujourd’hui, le Gouvernement ayant annoncé vouloir instaurer une législation qui sera inscrite dans le droit commun. Nous sommes donc en train de décider si, lorsqu’il y a prorogation de l’état d’urgence, c’est pour une semaine, un mois, deux mois ou six mois. La commission propose une durée de deux mois et demi, ce qui paraît un peu étrange. C’est la raison pour laquelle nous avons retenu la date du 16 janvier, qui correspond à une durée de deux mois.

Au-delà de cet aspect, je veux revenir rapidement sur la position du Gouvernement. Je l’ai dit cet après-midi dans mon intervention, il faut que chacun fasse une partie du chemin, afin que ce texte soit soutenu par l’arc parlementaire le plus large possible. Dans ces conditions, peut-être trouverions-nous un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Les amendements déposés par le Gouvernement témoignent d’une volonté inverse : vouloir rétablir à tout prix le texte initial, c’est refuser le débat et considérer que, au fond, rien ne peut être amélioré, la majorité de l’Assemblée nationale rétablissant le texte initial. Fin du débat ! Tout cela est contrariant.

Je défends donc cet amendement visant à retenir la date du 16 janvier, afin que nous adoptions, pour l’avenir, une durée claire. Dans le même temps, j’attire votre attention sur le fait que le Gouvernement fait preuve d’une absence totale de volonté d’échange, ce qui me préoccupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il faut examiner ce problème de dates dans le cadre de l’enchaînement des rendez-vous que nous voulons avoir avec le Gouvernement.

Le Gouvernement a proposé d’en finir une fois pour toutes avec le vote du Parlement concernant la lutte contre l’épidémie de covid-19 après notre débat. En effet, il souhaite pouvoir continuer à utiliser des pouvoirs spéciaux, d’abord au titre de l’état d’urgence sanitaire, puis au titre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire, jusqu’au 1er avril prochain. C’est du jamais vu ! Nous avons dit au Gouvernement que nous ne voulions pas de cela.

Premièrement, nous voulons que, à mi-chemin, soit avant le 31 janvier, au cas où le régime de pouvoirs spéciaux serait prorogé, le Parlement se prononce pour y autoriser le Gouvernement.

Deuxièmement, nous voulons que, puisque le Gouvernement a décidé le confinement, franchissant un palier dans les restrictions portées aux libertés des Français, ce dernier ne puisse pas être prolongé au-delà du 8 décembre sans un vote. Dans ces conditions, si nous avons un vote le 8 décembre sur l’éventuelle prolongation du confinement, nous ne pouvons pas avoir aussi un vote le 16 décembre, le 1er janvier et le 16 janvier.

Il faut garder la date du 31 janvier, retenue par la commission, étant entendu que celle-ci se montre très exigeante. Quand le Gouvernement a déclenché l’état d’urgence sanitaire, il l’a fait pour deux mois. Cet état d’urgence a été reconduit pour deux mois. Ensuite, il a fallu voter de nouveau pour créer le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui a duré trois mois et demi. C’est le maximum de temps que nous ayons jamais donné au Gouvernement pour exercer les pouvoirs exceptionnels que nous avons consenti à lui conférer.

Nous n’allons pas passer d’un régime dans lequel le Parlement exerce un contrôle étroit sur le Gouvernement à un régime dans lequel ce contrôle serait relâché jusqu’au 1er avril prochain, alors même que les contraintes imposées aux Français sont beaucoup plus fortes qu’elles ne l’étaient voilà encore quinze jours.

Il s’agit donc d’une exigence fondamentale. Il est de l’intérêt de la démocratie que le Gouvernement l’accepte. Sinon, il agira seul, autant qu’il le voudra, dans l’exercice de pouvoirs spéciaux dont nous ne voulons pas qu’il puisse abuser.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements, au bénéfice du régime de contrôle resserré que nous avons voulu mettre en place.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Je profiterai de cet avis pour répondre à M. Sueur.

Comme l’a indiqué le conseil scientifique, plusieurs éléments laissent à penser que les mois d’hiver seront difficiles du point de vue de la circulation du virus. Le nombre de cas positifs se situe déjà à un niveau extrêmement élevé et le taux d’occupation des lits de réanimation par les patients atteints de la covid-19 risque d’atteindre un point de saturation dans quelques jours pour certains territoires particulièrement touchés.

Les virus respiratoires circulent davantage en saison hivernale – ce n’est pas moi qui le dis : c’est le conseil scientifique –, ce qui est corroboré, d’ailleurs, par la recrudescence des cas dans toute l’Europe depuis le mois de septembre.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

En outre, comme l’a rappelé le conseil scientifique, l’immunité collective de la population française contre ce virus reste très faible – vous avez pu le constater –, à un niveau bien trop bas pour prendre le risque de laisser celui-ci circuler librement. Cela nous conduit à considérer qu’une prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la mi-décembre ou à la mi-janvier seulement serait insuffisante. À cet égard, je rappelle que le premier état d’urgence sanitaire avait duré, en comptant sa prolongation, plus de trois mois et demi, alors que nous étions au printemps.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Bien entendu, si la situation sanitaire devait s’améliorer, le Gouvernement pourrait mettre fin à l’état d’urgence sanitaire avant le 16 février 2021, comme il l’avait fait en septembre pour la Guyane et pour Mayotte, par décret en conseil des ministres.

J’émets, par conséquent, un avis défavorable sur ces amendements.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 84, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1er

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. – Pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, l’application des mesures prévues au 2° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu’elles ont pour conséquence d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, ne peut être autorisée au-delà du 8 décembre 2020 que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du même code.

II. – Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

bis Après le I du même article L. 3131-15, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« I bis. - Le Premier ministre ne peut interdire, en application du 2° du I du présent article, aux personnes de sortir de leur domicile plus de douze heures par vingt-quatre heures qu’en vertu d’une disposition expresse dans le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-13 ou dans la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-14. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement vise à mettre en place le système dont je vous ai parlé à l’instant.

Il y a, d’une part, l’état d’urgence sanitaire : si le Gouvernement veut le reconduire après le 31 janvier 2021, il faut un vote du Parlement.

Et il y a, d’autre part, à l’intérieur de l’état d’urgence sanitaire, des pouvoirs spéciaux qui portent des atteintes particulières aux libertés. Ces pouvoirs viennent d’être mis en œuvre par l’exécutif ; ils permettent le confinement. En la matière, concernant, donc, le seul confinement, que disons-nous ? Que, par exception – l’exercice des autres pouvoirs, lui, peut être prolongé sans vote jusqu’au 31 janvier 2021 –, nous ne voulons pas que le confinement puisse être prolongé par décret au-delà du 8 décembre prochain sans vote du Parlement.

Il nous semble extrêmement important d’apporter cette garantie à nos concitoyens : le Parlement se prononcera de nouveau si jamais la situation sanitaire devait exiger, aux yeux du Gouvernement, de prolonger le confinement pendant les fêtes de Noël.

Il s’agit donc d’un amendement extrêmement important. Il contient également une disposition permanente : à l’avenir, quand on activera l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire la loi du 23 mars 2020, ce système qui distingue les différents pouvoirs qui peuvent être accordés au Gouvernement s’appliquera. Certains pouvoirs spéciaux sont plus attentatoires aux libertés que d’autres ; quand on les actionne, le contrôle du Parlement est plus resserré. Cela permet, nous semble-t-il, de hiérarchiser les exigences en matière de protection des libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, le Premier ministre ne peut faire application des mesures prévues au 2° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu’elles ont pour conséquence d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, pour une période supérieure à trente jours. L’application de ces mesures au-delà de cette période, définie à partir du jour de la prise de décision, ne peut être autorisée que par la loi.

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Nous partageons la logique du contrôle resserré qui vient de vous être décrite, en deux temps, avec, au sein de ce contrôle resserré, un focus sur la restriction spécifique des libertés que représente le reconfinement.

L’esprit de ces deux amendements est exactement le même ; la discussion porte seulement sur huit jours. Nous retirons donc l’amendement n° 18 rectifié au bénéfice de l’amendement n° 84.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 18 rectifié est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 84 ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Nous ne sommes évidemment pas favorables à cet amendement, monsieur le rapporteur. La durée des mesures de confinement ne peut être définie à l’avance, s’agissant d’un virus très évolutif. Le Gouvernement doit donc garder une capacité de réaction rapide et d’adaptation. Le contrôle parlementaire déjà prévu paraît suffisant, équilibré ; sa rigidification pourrait être préjudiciable à l’action.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je pense vraiment que nous ne parlons pas de la même chose, madame la ministre, là encore. Vous revenez sur la dangerosité du virus. Mais personne ici ne remet en cause cette dangerosité. Nous sommes en train de parler, nous, de confinement des droits démocratiques. Dès lors que vous jugez qu’il n’est pas nécessaire de recueillir l’avis du Parlement, vous confisquez la démocratie ! De même quand vous restreignez le droit de manifester ou les droits syndicaux !

Voilà ce que nous sommes en train de vous dire, chacun avec nos sensibilités propres : voilà le fondement de nos interventions. Et vous nous répondez à un autre niveau. Ce n’est pas la réponse que notre groupe attend de la part du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le Gouvernement ne veut plus venir devant le Parlement ; c’est ennuyeux…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Madame la ministre, pendant ce confinement, toutes les entreprises ont le droit de travailler, sauf le Parlement, ce qui est quand même assez étonnant.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

La vie démocratique nécessite que les lois s’appliquent et que le Gouvernement interroge le Parlement. Si tout le monde peut aller travailler malgré la circulation du virus, je pense que le Parlement peut également continuer à travailler de façon normale, comme peut le faire le Gouvernement, en nous consultant.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

J’irai dans le sens de mes collègues. Madame la ministre, je vous remercie de nous rappeler que nous ne contrôlons pas la pandémie et que l’évolution de la situation est aujourd’hui difficile à prévoir ; nous en sommes tous conscients et nous cherchons des solutions avec vous : nous cherchons à vous aider à trouver les meilleures solutions.

Malgré tout, l’état d’urgence sanitaire est une confiscation d’un certain nombre de nos libertés. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous refusez obstinément d’admettre que le Parlement puisse être à même de savoir, de juger et de décider avec vous de la prolongation ou non d’un certain nombre de mesures, et en particulier du confinement.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 60, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Au début du 6° du I de l’article L. 3131-15, les mots : « Limiter ou interdire » sont remplacés par le mot : « Réglementer » ;

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

La liberté de manifester est, selon le Conseil constitutionnel, un « droit d’expression collective des idées et des opinions ». Celui-ci ne saurait être arrêté par le confinement ; même pendant l’état d’urgence, le principe de la liberté de manifestation doit donc demeurer.

Pour cette raison, le Conseil d’État a décidé, le 13 juin dernier, de suspendre les restrictions de manifestation sur la voie publique. Nous vous proposons, par cet amendement, de remplacer les mots : « limiter ou interdire » par le mot : « réglementer », cette dernière notion paraissant plus proportionnée. Bien entendu, la réglementation pourrait différer en fonction de la situation sanitaire. Mais nous posons le principe que l’exercice de la liberté de manifestation doit toujours rester possible, même en situation sanitaire particulièrement tendue.

Le vote de cet amendement me semble essentiel pour réaffirmer dans la loi nos principes, mais aussi pour envoyer un message et exprimer notre solidarité avec un autre pays. Ce pays, la Pologne, vit lui aussi un confinement en ce moment, mais, depuis une semaine, des millions de femmes et d’hommes y descendent dans la rue contre leur gouvernement, bien que celui-ci les attaque en prenant prétexte de la situation sanitaire dans le pays. S’ils sont dans la rue, c’est pour protester contre la manipulation du droit dont s’est rendu coupable le gouvernement polonais en remettant en cause la possibilité, pourtant faible dans ce pays, d’avorter.

Nous devons, nous, élus du pays des droits de l’homme, envoyer un signe de solidarité aux Polonais, en disant que chez nous, quoi qu’il arrive, le droit de manifestation peut être réglementé, mais certainement pas supprimé, en période d’état d’urgence. Il y va de la défense de nos principes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mon cher collègue, ne voyez pas dans l’avis de la commission la marque d’un manque de solidarité à l’égard de la Pologne. D’ailleurs, même si les Polonais sont certainement très sensibles – je n’en doute pas – à l’adoption de cet amendement, il est possible que cette discussion échappe à beaucoup d’entre eux.

En ce qui me concerne, je voudrais vous dire que vous faites un usage excessif d’une décision du Conseil d’État qui était parfaitement circonstanciée. Le Conseil d’État a dit en effet, alors qu’il était saisi d’une interdiction de manifester, au mois de juin dernier, que la situation sanitaire qui prévalait alors ne devait pas empêcher les manifestations sur la voie publique telles qu’elles étaient prévues. Il n’a pas dit que jamais on ne pourrait interdire de manifestation sur la voie publique !

Imaginez qu’à partir d’aujourd’hui les Français soient tous confinés chez eux et qu’on permette en revanche qu’ils aillent manifester sur la voie publique ; où serait la cohérence dans la lutte contre le virus ? Nous ne saurions donc accepter votre amendement, quel que soit notre attachement, qui est commun à tous les groupes de notre assemblée, à la possibilité d’exprimer ses convictions par l’exercice du droit de manifestation.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Monsieur le sénateur, je vous rejoins sur le caractère nécessaire de la liberté de manifester. D’ailleurs, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, dès lors que le décret du 16 octobre 2020 préserve les manifestations, en excluant expressément les rassemblements de plus de six personnes interdits sur la voie publique, ce droit de manifester se trouve consacré. Il n’y a donc pas d’interdiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le rapporteur, nous ne proposons pas de maintenir le droit de manifester sans réglementation ; nous proposons simplement de substituer aux notions de limitation et d’interdiction la notion de réglementation proportionnée à la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ne caricaturez donc pas notre position, monsieur le rapporteur : bien entendu, nous ne manifesterions pas aujourd’hui dans les mêmes conditions que nous l’avons fait contre la réforme des retraites.

Il n’empêche que cette liberté de manifestation ne doit jamais être totalement contrainte, même si nous comprenons que la situation actuelle exige des réglementations particulières, réglementations auxquelles nous ne nous opposons d’ailleurs pas : nous proposons de remplacer un dispositif binaire par un dispositif continu, via le principe d’une réglementation qui serait proportionnée à la situation. Cette solution permet de consacrer notre attachement à la liberté de manifestation, qui me semble essentielle quoi qu’il en coûte.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 83, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Un décret détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans le département peut, pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé en application du I du présent article, à titre dérogatoire et lorsque la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus est garantie, autoriser l’ouverture de commerces de vente au détail.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il ne faut pas exagérer la portée de cet amendement, qui a malgré tout une certaine importance. Il vise à permettre au Gouvernement de déterminer les conditions dans lesquelles les préfets pourraient, par exception, autoriser l’ouverture de commerces qui ne sont pas de première nécessité si les conditions sanitaires étaient réunies, afin de prendre en compte les situations locales, par exemple dans de petits bourgs ruraux où l’ouverture d’un commerce ne saurait attirer une clientèle si nombreuse qu’elle puisse mettre en péril la sécurité sanitaire.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

L’adaptation des mesures de fermeture des commerces relève de la responsabilité du Premier ministre au niveau national. Si des assouplissements devenaient utiles, il appartiendrait à un décret de les prévoir, comme cela a pu par exemple être le cas pour la jauge des 5 000 personnes applicable aux grands événements.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Il est difficile d’adopter la bonne mesure. Lorsque nous avons commencé à déconfiner, tout le monde voulait que les décisions soient prises à l’échelle locale, territoriale ; dès lors que le virus revient et que la pandémie s’enflamme, on demande au contraire un traitement national. Nous sommes donc toujours en train de jongler entre ces deux injonctions : le niveau national doit tout régler et tout régenter, d’un côté ; il faut faire droit aux particularités et à des décisions plus locales, de l’autre. Et il est un peu compliqué de trouver le bon équilibre…

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je voudrais vraiment appuyer cet amendement : il répond à une réalité dont nous avons ressenti qu’il était urgent de la traiter dès l’annonce du confinement. Partout dans nos territoires, en effet, les petits commerçants se posent des questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je pense notamment aux fleuristes, aux cordonniers, aux libraires de nos communes, qui sont aujourd’hui soumis à cette obligation de fermeture, alors que, dans le même temps, les grandes surfaces pourront continuer à vendre des fleurs ou des livres. Il y a donc bien une distorsion de concurrence.

Nous n’ignorons rien des enjeux de sécurité, mais nous savons que ces petits commerçants ont mis en place tous les outils et tous les moyens nécessaires au respect de la sécurité sanitaire. C’est un point essentiel !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la ministre, votre action en la matière sera observée de très près sur le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

M. Philippe Mouiller. L’ensemble des professions et des syndicats professionnels auront le regard rivé sur la position du Gouvernement. Cet amendement, qui me paraît relativement simple, a pour objet un enjeu fondamental au niveau national, pour les territoires ruraux comme pour les territoires urbains ; des milliers d’emplois sont en jeu. Il ne faut donc pas le prendre à la légère. Vous avez, en l’espèce, une véritable responsabilité, à la mesure de l’engagement pris par le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Nous voterons cet amendement. Il y a quand même une vraie curiosité, madame la ministre, à expliquer que ces règles doivent être définies au niveau national. Ces règles vont s’appliquer pendant plusieurs semaines ; j’ai entendu le Président de la République, hier, dire qu’il réévaluerait la situation dans quinze jours – c’est trop aimable. Mais les préfets, dans les départements, sont quand même les mieux placés, me semble-t-il – ce sont d’ailleurs eux qui, sans doute, informeront le Président de la République –, pour dire si dans telle ou telle zone du territoire des assouplissements peuvent être décidés, comme cela a pu être le cas au printemps.

Soyons au plus près du terrain ; permettons à nos concitoyens de respirer et aux commerçants de survivre – pour eux, il ne s’agit même plus de respirer. Voilà pourquoi nous voterons cet amendement.

Mme Pascale Gruny et MM. Loïc Hervé et Philippe Mouiller applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Nous voterons nous aussi cet amendement. Je ne pense pas, madame la ministre, que la question soit celle du caractère national ou local des enjeux. Il s’agit de cohérence, celle que demandent nos concitoyens : ceux-ci ne demandent qu’à comprendre les mesures qu’on leur intime de respecter. Or je ne vois pas comment on peut comprendre, par exemple, que les grandes surfaces restent ouvertes, alors qu’elles rassemblent beaucoup de monde et qu’il n’est pas toujours possible d’y respecter les règles de distanciation physique.

Il en a été beaucoup question cet après-midi : la crise sanitaire est en train de muter en une crise économique et sociale. Or autant il me semble, sans préjuger de rien, que la famille Mulliez et le groupe Auchan, qui ont d’ailleurs été généreusement aidés, …

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Leurs salariés l’ont été aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

… vont pouvoir bon an mal an s’en sortir, autant nos commerces de proximité, nos commerces locaux, les « petits », comme nous avons coutume de les appeler, auront sans doute beaucoup plus de difficultés. Un peu de justice sociale, un peu d’intervention, pour que les plus petits puissent continuer de survivre et de vivre, cela nous semble donc déterminant dans le moment que nous traversons.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Je veux simplement ajouter deux choses, dans le prolongement de ce qui a été dit.

Un mot sur l’« agilité », tout d’abord : il va nous en falloir sur ce sujet – nous le voyons bien. Nous allons devoir nous doter des outils – c’est ce que propose l’auteur de cet amendement – nous permettant d’être réactifs et d’agir en proximité.

Cet après-midi, pendant que se tenait un débat un peu crispé entre notre assemblée et le Premier ministre sur la question des commerces, qui est absolument essentielle, Le Monde nous informait de l’autorisation d’ouverture, annoncée par d’autres membres du Gouvernement, accordée aux garages et aux opticiens. On voit bien, donc, que les choses sont en mutation, en évolution constante, et qu’il va falloir s’adapter. C’est ce que permet le présent outil.

Second point : oui, il faut un décret. C’est précisément ce qui est proposé par l’auteur de cet amendement.

MM. Philippe Bas, rapporteur, et Philippe Mouiller applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

J’en appelle donc, madame la ministre, à la mutation de votre avis en un avis de sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

La question dont nous discutons est difficile ; les exigences qui s’y font jour peuvent apparaître contradictoires : d’un côté, une nécessaire lisibilité au niveau national ; de l’autre, des situations locales qui sont très différentes.

De ce point de vue, monsieur le rapporteur, votre amendement me semble un amendement de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Nous comprenons vos propos, madame la ministre, et les éléments que vous mettez en avant. Mais il faut tenir compte des réalités locales, notamment dans nos territoires ruraux, où un certain nombre de commerçants exercent des activités multiples, dont certaines sont interdites et d’autres autorisées.

Qui, à l’échelle déconcentrée de l’État, donc au niveau des services du département et du préfet, est mieux à même de juger, en liaison avec les maires et les élus locaux, des mesures les plus sages et des décisions de bon sens – je m’apprêtais à employer un mot qui est bien de chez nous, dans le Sud-Ouest : le biaïs, autrement dit le bon sens paysan ? Faisons preuve d’un peu de biaïs dans nos décisions, afin d’opposer à cette crise sanitaire particulièrement forte, à laquelle en effet nous devons faire face, une réponse adaptée aux réalités locales. C’est important, et même essentiel.

M. Philippe Bas, rapporteur, applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Le confinement remet en cause certains éléments de notre tissu économique et social et fragilise, voire casse, des savoir-faire, du moins la capacité à les exploiter. L’adoption de cet amendement permettrait de les laisser vivre là où il serait possible de le faire sans conséquence sur le plan sanitaire. Il me semble que c’est essentiel.

La situation dans laquelle nous sommes est paradoxale : depuis six mois, on nous dit qu’il faut recouvrer notre souveraineté. Or que fait-on ? À chaque librairie qui ferme, ce sont des centaines de livres qui s’achètent sur Amazon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Au nom de la sécurité sanitaire, on va tuer l’ensemble de notre tissu économique et social pour « GAFAïser » l’ensemble de notre économie ! Et, pendant ce temps, on parle de souveraineté ?

Madame la ministre, là où cela n’aurait pas de conséquences sanitaires, allons dans le sens proposé par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Philippe Mouiller l’a bien dit : votre erreur, c’est votre entêtement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Ce sera l’erreur de ce reconfinement : celle qui consiste à ne pas écouter les territoires. Jean Castex devrait d’en souvenir, lui qui avait, avant de devenir Premier ministre, proposé des aménagements locaux. Mais tout ça est oublié désormais… Vous avez la mémoire bien courte ! Je sais pour quelle raison : parce qu’hier, la Pythie de l’Élysée n’a pas dit que les commerces pourraient rester ouverts ! Et tant que la Pythie n’a pas parlé, vous n’avez pas le droit de déroger ! Or c’est bien là où le bât blesse.

Il faut que le Gouvernement gouverne en écoutant le Parlement, qui fait la loi ; ce n’est pas au Président de la République de décider seul. La loi doit primer ; elle est faite au Parlement.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit, mais je vais ajouter autre chose, madame la ministre. Dans les petits commerces, les commerces locaux, les magasins, les barrières sanitaires sont respectées. Dans les grandes surfaces, au contraire, on a vu pendant le confinement, de ce point de vue, des situations absolument catastrophiques.

Que voulez-vous faire ? Laisser le coronavirus circuler ? Persévérer dans la concurrence déloyale ? Tuer nos commerçants, sans parler de la ruralité ?

Mme la ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Vous pouvez faire « non » de la tête, madame la ministre ; je vous invite chez moi. J’ai reçu toute la journée des appels téléphoniques : les gens ne comprennent pas. Pensez aux barrières sanitaires !

Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Madame la ministre, je suis un peu surpris que cette proposition, qui me paraît relever éminemment d’une sagesse et d’un bon sens ancrés dans la terre, puisse créer une polémique ou poser un problème. J’ai même du mal à concevoir pourquoi cet amendement ne serait pas accepté par le Gouvernement.

Revenons dans la réalité : j’étais samedi dernier à la préfecture des Bouches-du-Rhône, où les parlementaires étaient reçus par le Premier ministre et le préfet du département. La préoccupation majeure de tous les représentants des différentes corporations de commerçants et d’artisans qui étaient présents à cette réunion était que leur cas puisse être étudié de manière spécifique en tenant compte de ce qui se passe, précisément, dans la réalité. Telle était également la préoccupation des maires des petits villages des Bouches-du-Rhône qui étaient présents.

L’incompréhension est totale ; elle tient au fait que le sujet n’est pas étudié d’une manière déconcentrée et décentralisée, au niveau des territoires. C’est tout ce que nous demandons ! Nous ne demandons pas que tous les commerces rouvrent demain ; nous demandons simplement que les problèmes soient étudiés au cas par cas, par le biais qu’a très bien expliqué notre rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Madame la ministre, je voudrais vous exhorter à sauver les centres-villes. On ne peut pas promettre une loi sur la décentralisation, la différenciation et la déconcentration et, dans le même temps, tuer les petits commerces. J’ai entendu mes collègues parler de la ruralité. Je peux vous assurer que dans les grandes villes, à Marseille par exemple, tout ce qu’on peut faire pour le petit commerce permet d’assurer la sécurité et la pérennité de notre ville. Aujourd’hui, tous les centres-villes souffrent en France. De quoi souffrent-ils ? Des grandes surfaces !

Déjà, pendant le confinement, nous ne comprenions pas pourquoi on pouvait se chausser, s’habiller, acheter les produits de première nécessité dans les grandes surfaces alors que tous les magasins, par ailleurs, étaient fermés. C’est encore plus incompréhensible aujourd’hui, surtout lorsqu’on entend le Président de la République dire qu’il veut réindustrialiser le pays et favoriser la production locale. En effet, que se passe-t-il ? Mes collègues vous l’ont dit, depuis toutes les travées de cette assemblée : un bouquin que vous n’achetez pas dans une librairie, c’est une vente pour Amazon ! Amazon s’apprête à embaucher pendant que nous assistons à la destruction de nos commerces de proximité. Mais jusqu’où ira cette absurdité, madame la ministre ?

Je voudrais que la voix du Parlement soit entendue afin que puisse cesser cette concurrence biaisée, déloyale, que vous allez créer en favorisant les grandes surfaces. Ou bien, si vous nous entendez, madame la ministre, il faudra proposer à ces dernières de ne vendre que des produits alimentaires, pour que les autres commerces ne soient pas lésés.

Les Français en ont assez, par ailleurs, que vous instrumentalisiez le Parlement. Le Parlement n’est pas la chambre d’enregistrement des désirs du Président de la République ! Nous ne sommes pas là pour faire un petit tour sans participer à la décision ! Quand on en appelle à l’union nationale, on respecte la représentation nationale, et on l’écoute, madame la ministre ! On ne fait pas semblant de venir tout en n’écoutant pas ce que les parlementaires ont à dire. Les parlementaires sont élus par les Français, et les Français, aujourd’hui, ont envie d’être entendus et respectés dans leurs choix ; ils ont envie que l’on respecte les petits commerces, les centres-villes et la ruralité.

Je vous en prie, madame la ministre : sauvez les petits commerçants, qui ont tant souffert. Cela ne sert à rien de faire de la dette si c’est pour tuer ceux qui restent !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Madame la ministre, ce sont, sous plusieurs formes, les mêmes exhortations qui sont énoncées, ici, dans cette assemblée, pour défendre le petit commerce, mais aussi, au-delà du petit commerce, la vie de nos villages et de chacune de nos PME.

Quand on regarde le bilan en termes de perte de chiffre d’affaires de la première vague de confinement pour ce secteur économique, il est impossible d’expliquer dans nos territoires que, demain, on appliquera de nouveau une différence de traitement entre les grandes surfaces et les petits commerces, les seconds accueillant pourtant dix, cent, mille fois moins de clients que les premières.

Il faut absolument sortir d’une forme d’autisme quant à la réalité de nos territoires et il faut effectivement, madame la ministre, que vous puissiez donner quelques gages au Parlement et, à travers nous, aux acteurs des territoires, aux PME aujourd’hui à l’agonie. Si vous ne le faites pas, vous en porterez la pleine responsabilité, car, après la mort « sanitaire » de certains de nos concitoyens, nous assisterons à une mort économique et sociale d’un grand nombre d’acteurs qui font la vie quotidienne de nos territoires et la richesse de nos centres-villes dans les grandes, moyennes et petites villes.

Ayez enfin un peu d’écoute à l’égard des parlementaires, lesquels représentent les territoires et leur diversité ! Je vous en conjure !

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

En réponse aux différentes interventions, je précise de nouveau que, soit l’amendement est une injonction à déconcentrer adressée au Premier ministre, soit il n’est pas normatif. D’où l’avis défavorable du Gouvernement.

Par ailleurs, je voudrais tout de même vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons décidé l’instauration d’un fonds de solidarité. En un mois, nous allons dépenser plus que sur la totalité du premier confinement !

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Je tiens donc à m’exprimer – je ne parle pas souvent –, notamment pour indiquer que je suis élue depuis plus de huit ans dans une circonscription extrêmement rurale. Par conséquent, je connais parfaitement les problèmes des commerçants, et compatis tout autant que vous à leur situation.

Mais j’affronte une crise sanitaire ! Je ne reste pas là à m’apitoyer, mesdames, messieurs les sénateurs ; je suis aux côtés des commerçants de mon territoire et je leur parle autrement : je leur explique ce que nous allons faire pour les aider.

Mme Pascale Gruny s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Croyez-vous que nous n’ayons pas envie, nous aussi, de vivre normalement, de vivre à notre guise, de vivre sans confinement ? Aujourd’hui, il y a une crise sanitaire, et nous en sommes tous victimes ! Nous devrions plutôt être dans l’union et, à tous ces commerçants que nous tenons à bout de bras depuis des semaines et des mois, nous adresser d’une même voix !

Je ne suis pas une ministre « hors-sol » ! Voilà plus de huit ans que je suis élue. Venez sur mon territoire, madame la sénatrice, je vous y invite vous aussi… Je pourrai vous présenter des tas de gens, que je connais très bien et qui connaissent mon sens de la proximité. Je n’apprends rien de ces territoires ce soir, comme on vient de le laisser entendre !

Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Applaudissements.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.