Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Pour le groupe centriste, cet équilibre des pouvoirs est essentiel. L’exécutif, au mieux, l’oublie. Nous ne nous y résignons pas !

Ensuite, au-delà des considérations institutionnelles, le reconfinement est une mesure très brutale. La question essentielle est de savoir si la résilience de notre pays est suffisante pour y résister. Ne nous y trompons pas : elle a diminué depuis le mois de mars dernier.

Nos concitoyens sont psychologiquement usés, les entrepreneurs sont dans la détresse, la précarité se diffuse. Le terrorisme – j’y reviendrai plus loin – a frappé très durement, encore ce matin. Les « bruits de bottes » sont multiples à travers le monde, parfois même en Méditerranée orientale. Notre pays a déjà perdu 7 % à 8 % de son PIB, nos déficits et notre endettement ont filé à des vitesses sidérantes.

Monsieur le Premier ministre, notre nation a besoin de toutes ses forces. À notre sens, vous surestimez la résistance de notre pays, tandis que vous sous-estimez les multiples défis de l’instant présent.

Nous préférons un appel « à se retrousser les manches » ou « à faire bloc collectivement en tant que nation » plutôt qu’à « rester au maximum chez soi ». Nous nous méfions de la pression du court terme, des images et des propos qui tournent en boucle et suscitent émotion comme culpabilisation.

Où sont les études d’impact du reconfinement ? Certainement pas dans le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, qui n’en dit pas un mot.

Quel est le bilan coûts-avantages des différents scénarios que vous devriez nous présenter, mettre en perspective ?

Êtes-vous certain que nous n’aurions pas réussi à freiner suffisamment l’épidémie autrement ? Par un couvre-feu élargi et aménagé, auquel on laisserait le temps de produire ses effets ? Par le « tester, alerter, isoler » et le déploiement des nouveaux tests ? Avons-nous tout fait sur les gestes barrières qui sont normalement de nature à nous protéger mutuellement ? Sommes-nous allés au bout de toutes les mesures ciblées, comme le fait au même moment l’Allemagne ?

Le Président de la République répond par la négative, mais il ne nous apporte pas de démonstration.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est une grande responsabilité de savoir si l’on a tout fait pour protéger. C’est aussi une responsabilité de déterminer si l’on a ou non imposé à notre pays une charge trop lourde, qui l’affaiblira dans la durée.

Regardons les choses avec les yeux de nos concitoyens.

Sur le plan sanitaire, quel sera l’impact sur notre système de soins d’un appauvrissement durable du pays ? Quel sera l’impact sur l’espérance de vie dans cinq ans, dans dix ans ? Où trouverons-nous les moyens pour financer la recherche, les politiques de prévention, les achats de matériels et de molécules dans les années à venir ? Quel sera l’impact dès demain des opérations à nouveau déprogrammées ? Des examens de dépistage non réalisés ?

Nous n’entendons que les urgentistes, les réanimateurs et les épidémiologistes. Où sont les cancérologues, les cardiologues, les psychiatres ? Que pensent-ils des mois et des années à venir ?

Sur le plan social et psychologique, comment quantifiez-vous le chômage issu de la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie ? Comment mesurez-vous l’angoisse qui va étreindre des millions de personnes précarisées ou isolées ? Combien de commerçants ou d’entrepreneurs vont perdre le fruit de leur travail ?

Sur le plan éducatif, comment estimez-vous les dommages pour nos enfants et nos étudiants ?

Sur le plan économique, combien d’entreprises ne se relèveront pas ou seront durablement fragilisées ? Combien seront dépassées par leurs concurrentes asiatiques ? Le Président de la République nous dit que les entreprises vont pouvoir continuer à travailler, mais pour cela elles ont besoin de clients, de marchés. Tout est interdépendant ! Sans clients, il n’y a plus d’activité.

Sur le plan budgétaire, comment financerons-nous le « quoi qu’il en coûte » ? L’argent magique, y compris européen, n’existe pas.

Monsieur le Premier ministre, nous avons le sentiment que les décisions sont prises sans tenir suffisamment compte de la globalité de leur impact à l’instant t et de leurs effets à long terme. Nous avons le sentiment curieux d’une société qui aurait perdu le sens du long terme.

Vous avez entendu nos réserves. Nous voulons tout autant que vous l’unité nationale. Nous n’oublions jamais son exigence dans la difficulté. Les difficultés sont là. Notre pays est assailli par le terrorisme, attaqué à l’extérieur pour ses valeurs ; le Président de la République est vilipendé et menacé.

Cette unité est cruciale pour lutter contre la maladie, pour lutter contre le terrorisme et pour sauver notre économie. Elle existe clairement face au terrorisme.

Le Président de la République a dit hier soir qu’il ne fallait pas opposer santé et économie. Nous avons cependant la conviction que vos options y conduisent. Nous vous demandons de faire évoluer les mesures contre la maladie pour sauvegarder notre économie, qui, je le souligne de nouveau, est également le pilier de notre santé future. Laissez leurs chances à nos entreprises, à nos commerces. N’attendez pas quinze jours ou encore moins un mois !

Ainsi, pour certains d’entre nous, le vote favorable traduira la volonté de partager les responsabilités. Pour ceux qui vont voter contre, entendez, monsieur le Premier ministre, qu’il s’agit d’une alerte solennelle pour revenir à un fonctionnement équilibré de nos institutions et donner toute sa réalité à l’unité nationale !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion