Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 3 novembre 2020 à 14h30
Simplification des expérimentations du quatrième alinéa de l'article 72 de la constitution — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Je salue sincèrement le projet de loi organique que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre. Je tiens à dire que, de manière générale, je partage assez largement vos propos. Ce texte constitue une nouvelle étape après la loi Engagement et proximité, qui a assoupli le dogme de la loi NOTRe (loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) de reconnaissance de la diversité des territoires.

Toutefois, je me dois de dire, à regret, que ce texte est, tout de même et malgré tout, « à petit souffle ». Le Sénat, qui est souvent taxé de conservatisme, a eu davantage d’audace voilà deux semaines en proposant une réforme au souffle plus ardent pour un nouvel élan des libertés locales.

Néanmoins, nous voterons ce projet de loi organique, même timide, madame la ministre, modifié par quelques amendements, car force est de constater – et je suis d’accord avec vous sur ce point – qu’en la matière l’immobilisme est mortifère.

Autour de l’expérimentation se noue inévitablement le débat sur la différenciation et l’égalité des droits et des libertés, à laquelle nous sommes tous très attachés. Mais cette égalité des droits et des libertés implique assurément une différenciation de moyens. N’est-ce pas là la raison du droit spécifique aux outre-mer ou aux communes de montagne ?

Se noue aussi le débat sur l’interprétation du principe de libre administration des collectivités. Nous avons clairement affirmé ce principe dans notre proposition de loi constitutionnelle, qui rendait l’expérimentation beaucoup plus libre.

L’expérimentation rappelle que les théories doivent être observées et évaluées : c’est le prix de la pertinence et de l’efficience, lesquelles sont encore trop éloignées de notre culture.

En 2003, un pas audacieux fut accompli avec l’inscription dans la Constitution du droit pour les collectivités de déroger, à titre expérimental et pour une durée limitée, aux dispositions législatives et réglementaires.

Vous l’avez rappelé, madame la ministre, à ce jour, seules quatre expérimentations ont été conduites : le revenu de solidarité active, qui a été généralisé ; la tarification sociale de l’eau, étendue dans la loi Engagement et proximité ; les modalités de répartition des fonds libres de la taxe d’apprentissage et l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans, deux dispositions qui ont été « effacées » ou reprises dans la loi sur l’apprentissage.

Le Conseil d’État a récemment déclaré que le cadre excessivement contraignant de l’expérimentation expliquait le faible recours à ce dispositif. Deux reproches sont formulés : une procédure trop lourde et une issue binaire, abandon ou généralisation. Nous en ajouterons deux autres : une évaluation trop lacunaire – Mathieu Darnaud évoquera ce point – et, dans certains cas, l’absence d’accompagnement des petites collectivités, que vous avez évoquée, madame la ministre.

J’aborderai principalement la procédure : longue et complexe, elle s’apparente à un parcours du combattant, qui doit avant tout être patient ; il a fallu deux ans pour conduire l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau. Néanmoins, la généralisation de cette mesure a été plus rapide puisqu’elle a été faite avant son évaluation.

Vous proposez d’abord, fort pertinemment, de simplifier la procédure, en substituant au dispositif existant une simple délibération de la collectivité, validée après vérification du contrôle de légalité et publiée pour information au Journal officiel.

La seconde simplification porte sur le régime juridique des actes pris par la collectivité dans le cadre de l’expérimentation. Vous souhaitez le rapprocher du droit commun, ce qui est une excellente chose. En effet, la publication au Journal officiel ne serait ainsi plus nécessaire pour l’entrée en vigueur de ces actes, et ne serait effectuée qu’à titre informatif. La légalité des actes serait vérifiée par le contrôle de légalité dans les conditions de droit commun.

Avant de céder la parole à Mathieu Darnaud pour évoquer l’évaluation, que j’ai qualifiée de « lacunaire », je veux dire que ce projet de loi organique est salutaire pour l’efficience de l’action publique – un objectif que nous partageons. Inventer des solutions au jour après jour, c’est le lot quotidien des élus locaux. Osez, madame la ministre, osons leur faire confiance, faciliter leurs initiatives, qui naissent de leur sens des responsabilités, comme on le mesure bien aujourd’hui !

Le Sénat, convaincu de l’impérieuse nécessité d’une nouvelle audace décentralisatrice dans notre République une et indivisible, propose de vous encourager à adopter une démarche plus allante. Osons forcer l’allure ! C’est ce que nous attendons du futur projet « 3D » ou plus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion