Intervention de Dominique Vérien

Réunion du 3 novembre 2020 à 14h30
Simplification des expérimentations du quatrième alinéa de l'article 72 de la constitution — Discussion générale

Photo de Dominique VérienDominique Vérien :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous étudions aujourd’hui est le bienvenu.

En effet, il vise à faciliter l’expérimentation, en prévision du très attendu projet de loi 3D. Voilà qui est bien. Commençons par expérimenter. Nous pourrons ensuite différencier. Je pense que nous ne pourrons avoir une différenciation qu’après une expérimentation réussie.

Je veux souligner deux points particuliers concernant ce projet de loi organique : l’évaluation et les moyens mis à la disposition des collectivités pour les accompagner dans ces expérimentations.

Premièrement, pour qu’une expérimentation soit réussie – du moins, jugée comme telle –, il est indispensable de faire une évaluation détaillée.

C’est sur ce thème que portent principalement les divergences entre votre texte, madame la ministre, et la version amendée de la commission des lois.

Un rapport annuel était déjà prévu depuis 2003 pour lister les expérimentations en cours et indiquer les collectivités ayant souhaité réaliser une expérimentation sans en obtenir l’autorisation. Comme cela a été dit plusieurs fois, le Gouvernement n’a pas réalisé ce rapport. Plutôt que de chercher à y mettre plus de cœur, vous avez préféré le supprimer. C’est effectivement la meilleure solution pour vous conformer à la loi, mais cela paraît étonnant au moment précis où vous souhaitez intensifier les expérimentations.

Peut-être ce rapport n’a-t-il jamais été remis parce qu’il n’y avait pas de sujet : quatre expérimentations en dix-sept ans, dont deux interrompues avant la fin, cela ne justifie pas un rapport annuel… Mais, à partir du moment où l’on veut vraiment se lancer dans l’expérimentation, et justement avant de mettre en place la différenciation, cela vaut le coup de lister ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, et en expliquer les raisons. Cela n’empêchera pas le rapport final de l’expérimentation, que vous conservez dans votre projet de loi organique et qui doit même être complémentaire.

Il semblerait qu’il soit compliqué de lister les demandes, mais, dès lors que vous mettez en place un guichet unique, ce qui constitue une avancée très positive, vous ne devriez avoir aucun mal à répertorier ces expérimentations.

Le rapport final, quant à lui, permettra de développer cette culture de l’évaluation qui nous manque tant, d’autant que, pour pérenniser les expérimentations, sans passer par une modification de l’article 72 de la Constitution, il va falloir justifier du respect du principe d’égalité, donc expliquer, comme l’indique le Conseil d’État, les raisons pour lesquelles, sur le thème expérimenté, la loi peut, à droit constitutionnel constant, différencier les modalités d’exercice des compétences en fonction de différences objectives entre les collectivités territoriales. Cette évaluation permettra à la collectivité concernée de justifier de ces différences objectives.

Un rapport intermédiaire vous est également demandé sur chacune de ces expérimentations. Il permettra de réorienter éventuellement les expérimentations en cours et, au législateur, de savoir ce qui se prépare et dans quelles conditions.

Cela fait beaucoup de rapports demandés par le Sénat qui, d’habitude, n’en est pas très friand, mais j’ai bien entendu, madame la ministre, que vous étiez favorable aux deux rapports d’évaluation – le rapport final et le rapport intermédiaire. Je suis certaine qu’il ne vous sera pas bien difficile de vous montrer également favorable au rapport annuel…

J’en viens aux moyens mis à la disposition des collectivités.

Lors des différentes auditions, je me suis rendu compte que, pour ces différenciations, on évoquait plutôt les départements ou les régions et assez peu les communautés de communes ou les communes. Il est vrai que les expérimentations déjà menées concernaient ces échelles.

Il est vrai aussi que l’on ne sait pas de quels types d’expérimentations les collectivités souhaiteront se saisir, mais il est sûr que celles qui réfléchissent à cette possibilité ont déjà une taille importante, leur permettant d’avoir l’ingénierie technique, financière et juridique adéquate pour y réfléchir.

Sans aller jusqu’aux communes, dont je ne suis pas certaine qu’elles puissent être véritablement concernées par le projet de loi organique, les communautés de communes ou les départements ruraux, souvent plus pauvres et moins calibrés en ingénierie, auront-ils la possibilité de se saisir de cette opportunité d’expérimenter ? Vous le savez, madame la ministre, ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’argent qu’on n’a pas d’idées… Mais vous m’avez rassurée : j’ai bien entendu que le guichet unique qui recueillera les demandes aura la possibilité d’accompagner les collectivités sur le plan juridique et que les moyens de l’État qui seraient mis à la disposition de l’ANCT dans les départements pourraient également participer à ce dispositif sur les aspects plus techniques. Je vous en remercie, car les territoires ruraux ont un vrai besoin d’accompagnement.

En conclusion, vous l’aurez compris, madame la ministre, les sénateurs de mon groupe sont favorables à ce projet de loi organique, mais ils suivront les recommandations pertinentes de nos corapporteurs de la commission des lois, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel. Vous savez que nous suivons toujours les recommandations de la nouvelle présidente de notre délégation aux collectivités territoriales…

Les sénateurs du groupe Union Centriste voteront donc la version amendée par le Sénat.

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