Intervention de Sophie Taillé-Polian

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « travail et emploi » - examen du rapport spécial

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale :

Mon appréciation du budget qui nous est proposé pour la mission « Travail et emploi » diffère de celle portée par mon collègue.

L'augmentation de 3 % des crédits demandés pour 2021 va naturellement dans le bon sens, même s'il ne faut pas en exagérer la portée, puisqu'elle ne fait que se conformer à la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques votée en 2018.

Je partage le constat relatif au manque de lisibilité budgétaire, avec des crédits issus de deux missions distinctes. Cela a néanmoins la vertu de mettre en évidence, au-delà du renfort ponctuel de crédits issus du plan de relance, les moyens que le Gouvernement entend structurellement allouer aux politiques du travail et de l'emploi. Force est de constater qu'ils sont insuffisants et restent même nettement inférieurs à leur niveau de 2017, où ils s'élevaient à près de 17 milliards d'euros.

Un bon exemple de cette tendance concerne le financement de Pôle emploi à qui l'État donne d'une main, via le plan de relance, des crédits supplémentaires qu'il lui reprend partiellement de l'autre, en abaissant la subvention pour charges de service public financée par la mission « Travail et emploi ». On peut également déplorer que, dans le même temps, la contribution de l'Unedic au financement de Pôle emploi reste fixée à 11 %, dans la continuité de la hausse observée en 2020. On ne dira jamais assez que cette mesure revient in fine à faire supporter aux chômeurs le coût du service public de l'emploi, car c'est la nécessité d'améliorer les comptes de l'assurance-chômage, déjà lourdement affectés par la crise et la prise en charge du chômage partiel, qui, je le crains, viendra demain servir de justification à une nouvelle restriction de leurs droits.

La poursuite obstinée de l'effort de réduction des effectifs du ministère du travail m'a davantage étonnée encore. L'exercice 2021 se traduirait à nouveau par un schéma d'emploi fortement négatif, fixé à 221 équivalents temps plein (ETP) en moins, et à périmètre constant, le plafond d'emploi serait inférieur de plus de 1 100 EPT par rapport à 2017.

Pour faire face aux besoins urgents liés à la crise sanitaire, il nous a été indiqué que, comme cette année, le ministère pourrait recourir en 2021 au recrutement d'agents vacataires pour colmater les brèches, notamment dans les services déconcentrés. Ces renforts seront bienvenus, mais la méthode retenue envoie le signal paradoxal d'un ministère chargé de l'amélioration de la qualité de l'emploi, mais créateur de précarité pour ses propres agents. La forte dégradation attendue du marché du travail et ses conséquences sociales de long terme appellent, à l'inverse, une augmentation pérenne et structurelle des effectifs.

De même, on peut s'interroger sur l'urgence qu'il y avait à mener la réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE) qui concerne tout particulièrement les ministères sociaux. Je crains qu'elle n'entraîne une certaine désorganisation, à l'heure où les services doivent être entièrement occupés à la gestion des conséquences de la crise.

Il y a certes des points positifs dans ce budget, avec des moyens conséquents octroyés en faveur de l'inclusion dans l'emploi des publics les plus fragiles, notamment pour le secteur de l'IAE, même si la question de la capacité à proposer des solutions de long terme à ses bénéficiaires à l'issue des contrats d'insertion reste posée. Je pense aussi à la montée en puissance de l'expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), que je défends de longue date et qu'une proposition de loi en cours d'examen doit permettre d'étendre. Les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte doivent être examinées cet après-midi au Sénat.

En dépit de certaines avancées, la trajectoire de baisse des effectifs du ministère indique que l'esprit d'austérité semble encore dominer, en décalage de plus en plus flagrant avec la situation sociale du pays. Pour cette raison, je vous proposerai de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

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