Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 4 novembre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • FISAC
  • effectif
  • justice
  • outil
  • relance
  • supplémentaires

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je salue la présence de nos collègues Agnès Canayer et Dominique Vérien, rapporteurs pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur les crédits de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je vous présente les crédits de la mission « Justice », qui concerne les moyens de la justice judiciaire, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.

Avec un budget de 10,06 milliards d'euros en 2021, le ministère de la justice bénéficierait de 657 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année précédente, soit une hausse de 7 % de ses moyens à périmètre constant.

Hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », en 2021, les crédits augmentent de 8 %, soit de 607 millions d'euros. Cette hausse est supérieure de 200 millions d'euros à la trajectoire prévue par l'article 1er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Toutefois, hors les mesures de périmètre et de transfert qui sont intervenues depuis la loi de programmation, l'écart à la loi de programmation n'est plus que de 100 millions d'euros.

Cet effort budgétaire représente ni plus ni moins qu'une hausse nécessaire des moyens pour l'exercice de cette mission régalienne, d'autant plus nécessaire que l'an passé le budget proposé n'était pas conforme à la trajectoire de la loi de programmation ; l'augmentation du budget était deux fois inférieure à l'annuité pourtant adoptée par le Parlement quelques mois plus tôt.

Le budget qui nous est proposé constitue donc un rattrapage indispensable, car la situation demeure fragile, comme en témoigne la dégradation des principaux indicateurs de performance de la mission, notamment les délais moyens de traitement des procédures pénales ou civiles (16 mois pour les cours d'appel en 2020 contre 13 mois prévus initialement) : la crise sanitaire a bien sûr eu des répercussions sur le fonctionnement de la justice, mais elles se sont ajoutées aux difficultés structurelles que connaît le ministère.

La masse salariale représente plus de 60 % des dépenses du ministère de la justice. Il est prévu de créer 1 500 emplois supplémentaires en 2021, dont 1 092 pour l'administration pénitentiaire. Les créations d'emplois sont marquées par la priorité stratégique fixée pour le budget 2021 du ministère : le renforcement de la justice de proximité afin de lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien. Ainsi, sur les 318 postes créés pour la justice judiciaire, 150 sont dédiés au renforcement de l'équipe autour du magistrat. En outre, une autorisation de recrutements supplémentaires à hauteur de 950 emplois pour un renforcement des équipes de proximité dès 2020 nous sera proposée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Tous les programmes de la mission sont concernés par cette priorité, mais la justice judiciaire figure en première ligne : les crédits alloués aux frais de justice augmentent de 127 millions d'euros, dont une partie afin de renforcer les moyens d'enquête et d'expertise de la justice. Cette hausse répond à la technicisation croissante des enquêtes, mais constitue surtout une mesure de sincérité budgétaire, car ce poste fait l'objet de sous-budgétisation récurrente ces dernières années. Par ailleurs, 15 millions d'euros supplémentaires sont également alloués aux délégués du procureur, qui apportent une réponse pénale rapide dans les faits de délinquance du quotidien. Outre les 150 emplois dédiés à cette priorité en 2021, 764 emplois supplémentaires seront proposés en LFR 2020 concernant la justice de proximité. Je soutiens l'initiative de ces recrutements rapides, qui doivent apporter un appui immédiat et temporaire aux juridictions, mais le recrutement de contractuels ne doit toutefois pas se faire au détriment de la création de postes pérennes nécessaires, à plus long terme, au bon fonctionnement de la justice.

Un effort particulier est consacré aux dépenses d'investissement, qui augmentent de 193 millions d'euros. 164 millions d'euros de crédits d'investissement supplémentaires sont ainsi dédiés à l'administration pénitentiaire, au titre du programme immobilier pénitentiaire. 270 millions d'euros sont consacrés au financement des 7 000 places qui seront créées d'ici à la fin du quinquennat, et 25 millions d'euros aux études des opérations de la deuxième phase de construction de 8 000 autres, qui seraient lancées d'ici à 2022.

Par ailleurs, la transformation numérique du ministère se poursuit et prend tout son sens dans le contexte de la crise sanitaire : 207 millions d'euros sont consacrés au plan de transformation numérique du ministère, qui s'accélère, tant en termes d'équipements de matériel pour les juridictions (25 000 ordinateurs, et 17 000 commandés, pour 86 000 agents) que de développement des projets applicatifs. Ces investissements coûteux nécessitent toutefois un suivi attentif afin que les délais soient respectés, mais surtout qu'ils soient utiles aux professionnels.

Je note une hausse des dépenses d'intervention de la mission résultant d'une augmentation de 28 millions d'euros des moyens consacrés à l'aide juridictionnelle. Au-delà de la hausse tendancielle de la dépense, cet effort comporte une enveloppe de 25 millions d'euros destinés à financer les mesures que retiendra le Gouvernement à la suite de la mission confiée au printemps 2020 à Dominique Perben au sujet de l'avenir de la profession d'avocat. Je ferai deux remarques sur ce point.

En année pleine, cette hausse de 50 millions d'euros dédiée à une meilleure rétribution des avocats reste inférieure à ce que préconise Dominique Perben, soit 100 millions d'euros.

Cette réforme, notamment la revalorisation de l'unité de valeur, se traduit en partie par un article rattaché à la mission, adopté à l'Assemblée nationale par la voie d'un amendement du Gouvernement. Nous ne disposons d'aucune évaluation préalable de l'article puisque cette réforme ne figurait pas dans le texte initial. Comme l'année dernière, le Gouvernement réforme l'aide juridictionnelle par la voie d'amendement de dernière minute, ce qui n'est pas acceptable.

Enfin, s'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, 4,8 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la création de cinq centres éducatifs fermés (CEF), le Gouvernement envisageant d'en créer vingt sur la mandature. Ces structures d'hébergement constituent une alternative à l'incarcération pour des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité.

Voilà les principales remarques que je souhaitais faire sur ce projet de budget. Compte tenu de l'effort budgétaire consenti sur la mission, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Justice ».

Quatre articles rattachés à la mission ont par ailleurs été adoptés par l'Assemblée nationale lundi : je dois prendre le temps de les examiner et vous indiquerai la position que je vous propose sur ces articles le 19 novembre prochain lors de la réunion d'examen définitif des missions budgétaires et articles rattachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Nous n'avons pas commencé nos auditions, qui débuteront cet après-midi. L'éclairage de la commission des lois est donc encore réduit sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

J'ai bien noté les recrutements bienvenus de contractuels, même s'il s'agit d'emplois à court terme. À titre personnel, je plaide pour le CDI public. L'immobilier et le numérique sont des questions à examiner de plus près. Le Syndicat de la magistrature est plus sévère que votre rapport, notamment sur le fonctionnement des logiciels. En tout état de cause, il s'agit d'un budget en hausse : ça le méritait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Le programme immobilier pénitentiaire prévoit la construction de 15 000 places de prison supplémentaires à horizon de 2027, dont une première vague de 7 000 places. Un premier bilan de cette première phase de construction de 7 000 places d'ici à 2022 peut-il d'ores et déjà être effectué ? Quel a été l'impact de la crise sanitaire sur le déroulement du programme immobilier ?

Le rapporteur spécial a indiqué qu'une autorisation de recrutements supplémentaires à hauteur de 950 emplois serait demandée pour la mission « Justice » dans le projet de loi de finances rectificative pour 2020, pour un renforcement des équipes de proximité dès cette année. S'agit-il exclusivement de recrutements contractuels ? Les recrutements pourront-ils être réalisés d'ici à la fin de l'année, en particulier compte tenu du nouvel épisode de l'épidémie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je me réjouis également de l'augmentation des crédits de ce ministère. Le tribunal de Bobigny est la deuxième juridiction de France, voire la première si l'on décompte de Paris toutes les procédures qui y sont ramenées et qui ne dépendent pas de ce territoire. Le Premier ministre, au cours d'une visite récente, a annoncé l'extension du tribunal de Bobigny à objectif, assez court, de quatre ans pour un budget de 120 millions d'euros. Est-il possible de tracer ces crédits dans le budget ? Je souhaite m'assurer que le ruban tricolore sera bien coupé en 2024, ce qui ne sera pas un luxe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Les dépenses de personnel sont augmentées de 3 %, soit d'environ 200 millions d'euros ce qui est une somme importante. Dans quelques jours naîtra le parquet européen - il est déjà en préfonctionnement. Or il y existe une dissension entre la France et l'Union européenne sur la rémunération des procureurs délégués, notamment français, la France refusant de payer les charges sociales, soit 300 000 euros. L'Allemagne aura onze procureurs délégués, l'Italie en aura sept et la France n'en aura que cinq. Le Sénat auditionne cet après-midi Mme Laura Kövesi, premier chef du parquet européen. Je souhaitais donc mettre l'accent sur ce problème qu'il importe de faire remonter, d'autant que l'enjeu est assez fort !

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Quel est l'impact de la grève des avocats et de la fermeture des tribunaux pendant la période de confinement sur le délai moyen de report ? Quand sera-t-il possible de rattraper tout ce retard ? Le rapporteur spécial a annoncé que des crédits seraient alloués à la modernisation, notamment à l'informatique. Y aura-t-il enfin, à court ou à moyen terme, des dossiers « greffes » numériques, avec possibilité d'accès à distance pour toutes les parties prenantes ? Nous en sommes encore aujourd'hui à des transferts par CD gravés, ce qui ne facilite pas l'accélération des délais de la justice !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Avez-vous des éléments sur le pourcentage d'occupation des centres éducatifs fermés et sur le nombre de places concrètement créées dans les prisons depuis trois ans ? Le taux d'absentéisme du personnel pénitentiaire est fort dans les maisons d'arrêt, notamment dans le Val-d'Oise où il s'élève à plus de 30 %. C'est énorme quand on sait qu'il s'agit en général d'un personnel assez jeune et plutôt masculin. Les politiques d'attractivité de ces métiers porteront-elles leurs fruits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

J'ai souvenir d'un engagement de créer 30 000 places de prison. A priori, il ne s'agit plus que d'en créer 15 000, voire moins. Quelle est la raison de cette baisse draconienne par rapport aux promesses de départ ? En ce qui concerne l'adaptation à la numérisation, je ne puis que relayer les remarques de Christine Lavarde. La loi est-elle adaptée à cette numérisation ? Ne courons-nous pas le risque d'un vice de procédure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En ce qui concerne le parquet européen, il s'agit d'une coopération renforcée. Je regrette l'attitude de la France : nous étions très volontaristes lors de la création de ce parquet et nous butons maintenant sur des problèmes de charges sociales. Il serait opportun de clarifier ce point. Nous incitons fortement la Hongrie à se doter d'un parquet européen. Il serait dommage que la France fasse mauvaise figure en la matière.

Je vais faire sourire le rapporteur spécial et je le dispense par avance de me faire une réponse. Comment voter ce type de crédits quand on ne croit plus à la justice de son pays ? La seule chose dont je me réjouisse, c'est que la ligne budgétaire augmente pour permettre la création d'emplois. Mais quand je vois qu'un certain nombre de procureurs ne bougent pas le petit doigt pour faire remonter les plaintes, y compris lorsque des maires se font agresser, au motif qu'ils sont surchargés de travail, je crois de moins en moins en la justice de notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Dominique Vérien a évoqué le Syndicat de la magistrature, que j'ai également auditionné : son constat sur les logiciels est effectivement sévère, notamment pendant la période de confinement. Les réponses qui m'ont été données sur la partie numérique et les mesures prises à l'issue du premier confinement me paraissent néanmoins aller dans le bon sens.

M. le rapporteur général m'a interrogé sur le bilan de la première phase de la création des 7 000 places de prison. Il n'a jamais été question de créer 30 000 places, il s'agissait d'en créer 15 000. Très vite, Mme la garde des sceaux a précisé qu'il fallait entendre ces 15 000 créations de places sur un double quinquennat, soit 7 000 places en cinq ans, puis 8 000 d'ici 2027. Pour la première phase de 7 000 places, l'acquisition du foncier a été réalisée pour 73 % des places. Au total, 82 % des places sont validées. Reste la question du lancement des travaux, qui concerne seulement 34 % des 7 000 places. Quoi qu'il en soit, le processus est bien engagé.

La crise sanitaire a bien sûr eu un impact sur le déroulement du programme immobilier. Les opérations de chantier qui avaient déjà débuté ont dû être stoppées. On annonce un décalage de deux mois par rapport à la livraison initiale. En ce qui concerne les 8 000 places supplémentaires qui doivent être lancées en trois vagues de cinq à six établissements entre 2020 et 2022, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) nous a indiqué que le calendrier n'était pas affecté à ce stade.

Concernant le recrutement et les emplois contractuels, 950 emplois supplémentaires seront demandés en fin de gestion 2020 pour la justice de proximité : 764 pour la justice judiciaire, 100 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, et 86 éducateurs pour l'encadrement des mineurs. Pour la justice judiciaire, la direction des services judiciaires nous a indiqué que les emplois proposés seraient pourvus sous la forme de contrats de projet, plus souples et rapides à mettre en place. Ces contrats permettent aux employeurs publics de recruter des personnes en CDD pour répondre à un besoin temporaire d'activité. Les cours auraient ainsi jusqu'à mi-novembre pour recruter les contractuels. Ce délai effectivement très court devrait être tenu.

Philippe Dallier m'a interrogé comme tous les ans sur la situation du tribunal de Bobigny, qui mérite notre attention. 120 millions d'euros en autorisations d'engagement figurent bien au sein du budget de la justice judiciaire pour 2021.

Je remercie Jean-François Rapin pour ses remarques sur le parquet européen, qui ne figure pas dans les crédits de la mission « Justice ». Par ailleurs, le décalage entre l'Allemagne et la France pour le nombre de procureurs est édifiant : notre pays est toujours en retard dans les classements européens en matière de justice.

Christine Lavarde m'a questionné sur l'impact des fermetures de tribunaux pendant le confinement. 18 000 affaires sont en stock au civil, il y en avait 2 800 de moins sur la même période l'an dernier. Les difficultés ont surtout concerné les greffiers. Pour eux, le travail à distance a été compliqué, notamment en raison des problèmes de connexion à différentes applications. Un fort investissement dans les ultraportables devrait améliorer les choses.

Sébastien Meurant a évoqué les centres éducatifs fermés. 412 places existent en CEF et le taux d'occupation est en 2019 de 77 %. Pour rendre les métiers pénitentiaires attractifs, la prime de fidélisation a été mise en place et commence à produire ses effets. Je devais rendre un rapport de contrôle budgétaire sur cette question au printemps, notamment sur la formation dans la pénitentiaire. Notre visite à l'École nationale d'administration pénitentiaire (Énap) d'Agen a été reportée pour cause de confinement, mais ce n'est que partie remise.

J'ai pris bonne note des remarques de Jean Bizet. Les procureurs bénéficieront d'appuis grâce aux emplois évoqués tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

je voterai quand même les crédits !

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Justice ». Elle décide de réserver son vote sur les articles 55 bis, 55 ter, 55 quater et 55 quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je salue la présence parmi nous de Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de la mission « Asile, immigration et intégration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Les années se suivent, les ministres se succèdent, mais les mauvaises habitudes perdurent. Il est difficile, concernant cette mission, d'avoir des chiffres fiables. Nous sommes de nouveau en présence d'un budget insincère que je vous inviterai donc à rejeter.

Nous avons eu du mal à obtenir des chiffres pour 2020 concernant un certain nombre d'organismes jouant un rôle important dans la mission « Immigration, asile et intégration ». Certes, la covid-19 a beaucoup perturbé les services, mais c'est tout de même inquiétant.

Je considère comme absurde le périmètre de cette mission. Hier, nous avons abordé avec notre collègue Christian Klinger l'aide médicale d'État (AME), dont le coût dépasse le milliard d'euros. Je rappelle que les immigrés clandestins en sont les principaux bénéficiaires, alors qu'ils n'ont normalement aucune raison d'être présents sur notre sol. Pour avoir une vision plus consolidée de la situation, j'estime que l'aide médicale d'État devrait être rattachée à cette mission et non à la mission « Santé ».

Les députés Rodrigue Kokouendo et François Cornut-Gentille ont réalisé un rapport d'information en 2018 sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis. L'estimation du nombre de clandestins dans ce département par les services de l'État varie de 60 000 à 200 000, c'est dire le flou ! Certains évoquent même le chiffre de 400 000 personnes, pour un département de 1,6 million d'habitants. Il faut avoir bien du talent pour trouver dans le document de politique transversale (DPT) un chiffre consolidé au sujet de la politique française de l'immigration. Le coût consolidé pour l'État de la politique française de l'immigration est estimé à 6,9 milliards d'euros en 2021. De nombreuses dépenses ne sont toutefois pas incluses, comme celles relevant des départements en faveur des mineurs étrangers isolés.

Cette mission n'échappe pas à la sage volonté d'une programmation triennale afin d'anticiper au mieux les évolutions démographiques et adapter notre politique migratoire. Cette année, le budget de la mission continue à augmenter et il dépasse d'environ 100 millions d'euros la programmation triennale, ce qui témoigne de l'incapacité du gouvernement à maîtriser les dépenses dans ce domaine. Cette absence de vison d'ensemble et de long terme pose problème. Le ministre de l'intérieur, qui considérait naguère le candidat Macron comme un « bobo populiste », a surtout retenu le côté bobo et ne semble pas estimer que l'immigration est un immense problème pour la survie même de la France. Le budget qu'il nous présente demeure empreint d'un irénisme d'autant plus inquiétant que nous en discutons après plusieurs attentats. Il croit peut-être, comme son nouveau mentor, à la mondialisation heureuse et à la pacification du monde par le doux commerce ? Je crois plutôt au tragique de l'histoire longue et à la permanence des civilisations. Il ne me semble pas évident de transformer en quelques décennies des millions d'étrangers qui arrivent en France non seulement à l'état civil, mais aussi culturellement, moralement, politiquement. Il me semble encore plus difficile d'intégrer en quelques décennies des millions de musulmans héritiers d'une civilisation non pas seulement étrangère, mais aussi hostile à la nôtre pendant des siècles. Confer les nombreuses vidéos de M. Erdogan qui circulent sur le net ou celles de drapeaux français brûlés au Mali, au Pakistan et au Bangladesh. Une fatwa a été lancée contre notre président, Emmanuel Macron. Je vous rappelle aussi qu'à Nice, il y a quelques jours, un clandestin passé par l'île de Lampedusa a commis un attentat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Bref, la fiabilité des données est pour le moins hasardeuse. Le nombre de mineurs isolés s'établit selon le ministère de la justice à 16 770 en 2019. On a du mal à obtenir des éléments département par département, mais d'après l'Assemblée des départements de France (ADF) le chiffre des mineurs isolés s'élèverait à 40 000, soit presque le triple ! En termes de budget, l'ADF parle de 2 milliards d'euros.

Le Gouvernement nous propose de voter cette mission « Immigration, asile et intégration » sans que nous disposions des moyens d'apprécier la situation et son évolution. Nous travaillons depuis trop longtemps à l'aveuglette. Par ailleurs, je trouve fou, en cette période à tous égards étrange, de trouver à côté de cette mission des crédits du plan de relance. Comment justifier cela sur le plan des principes ? Pourquoi le plan de relance viendrait-il financer le retour volontaire des étrangers dans leur pays ? J'avais compris que le plan de relance consistait en un effort financier important de la nation pour soutenir l'économie française mise à mal par la crise sanitaire. Je ne vois aucune raison d'en détourner ne fusse qu'un seul centime pour financer l'économie de pays tiers, a fortiori les filières de trafiquants !

Pour conclure, j'évoquerai la question préoccupante des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il s'agit de décisions de justice. Ces OQTF connaissaient en 2018-2019 un taux d'exécution s'établissant à environ 12 %, qui est aujourd'hui passé en deçà de 8 %. Nous avons tous entendu les déclarations du ministre de l'intérieur et du Président de la République. Or il faut savoir que les OQTF prononcées deviennent caduques au bout d'un an : elles ne sont pas valables par tacite reconduction. Il se trouve que des juges se prévalent de ces OQTF non exécutées pour accorder des titres de séjour. Nous sommes dans l'absurde ! Une prise de conscience s'impose, au-delà des aspects budgétaires. Pour mémoire, 41 % du contentieux administratif de la nation concerne le droit des étrangers et l'appel 51 %.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter ce budget. En 2020, je n'ai pu réaliser qu'un contrôle à l'extérieur concernant l'association France terre d'asile. Je n'ai pas réussi à obtenir les rémunérations de ses dirigeants, mais sachez que ses effectifs sont passés entre 1998 et 2020 de 30 équivalents temps plein à 1 100 ...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Merci, monsieur le rapporteur spécial. Vous vous êtes quelque peu écarté de la question budgétaire et vous avez dérivé vers une vision plus large de la politique d'immigration, d'asile et d'intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

La mission « Immigration, asile et intégration » devrait également bénéficier de crédits du plan de relance, notamment pour la création de places d'hébergement et d'un centre de rétention administrative (CRA). Pouvez-vous détailler l'utilisation de ces crédits ? Surtout, pensez-vous qu'ils ont bien leur place au sein du plan de relance ? Les dépenses d'asile font l'objet d'une sur-exécution assez forte. Pensez-vous que le mouvement va se poursuivre en 2021, malgré la crise sanitaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Je suis choquée par un certain nombre de propos et d'amalgames du rapporteur spécial, qui s'écartent de l'analyse budgétaire. Je rejetterai ces crédits parce qu'ils ne me semblent pas en relation avec la réalité, mais je rejetterai aussi cette présentation de rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Je m'associe aux propos de Sophie Taillé-Polian. Je n'ai pas d'autre exemple de rapport aussi peu budgétaire et aussi polémique politiquement. Je garderai donc mes questions budgétaires pour moi. Je souligne néanmoins qu'une politique d'asile qui se veut sérieuse doit disposer de crédits suffisants. Le rapporteur nous propose-t-il de ramener à une trentaine de postes, comme en 1998, les effectifs de France Terre d'asile ? Il me paraît que les effectifs de cette association sont insuffisants au vu du travail à réaliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Le nombre de places en CRA a largement augmenté. Comment ces derniers ont-ils fonctionné durant le confinement ? Des économies ont-elles pu être réalisées ? Si oui, qu'en faisons-nous ? Même question pour l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Comment améliorer le ratio entre le nombre d'OQTF prononcées et celles réellement exécutées ? Un accord a été conclu à La Valette, mais à défaut d'une cohérence d'ensemble il est impossible d'obtenir un résultat. S'agit-il d'un manque de moyen ou d'un manque de volonté politique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Je m'associe aux interventions de Sophie Taillé-Polian et de Rémi Féraud et je me désolidarise totalement des propos de notre collègue Sébastien Meurant, même si je vais le rejoindre en émettant un vote négatif. Non seulement je conteste la philosophie de notre collègue, mais je conteste aussi d'un point de vue matériel certaines de ses affirmations. Les OQTF sont prises par arrêtés préfectoraux et ne sont la plupart du temps pas du tout des décisions de justice, même si elles peuvent, bien entendu, se contester devant les tribunaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Je m'intéresse uniquement aux faits et aux réalités de terrain, je ne suis pas dans l'idéologie ni dans le parti pris. Les chiffres que je vous présente sont le fruit d'une politique qui nous amène tous à rejeter ces crédits.

Le plan de relance se traduit par un effort de l'État sur l'hébergement. De multiples dispositifs ont été créés, avec des coûts différenciés. Les prévisions d'arrivée de migrants à héberger sont difficiles à réaliser, mais année après année le budget est en sur-exécution dans la mesure où le nombre de migrants a été systématiquement minoré. Après le Covid-19, l'État annonce un nombre de migrants égal à celui de 2019. Pour répondre à Jérôme Bascher, plus il y a de migrants, plus on a besoin d'ADA. On aurait pu penser que ces budgets allaient diminuer eu égard à la baisse des arrivées pour 2020, mais ce n'est pas le cas. Les délais de traitement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) sont passés à 275 jours, et je rappelle qu'un mois en plus de traitement des demandes entraine une dépense de 42 millions d'euros supplémentaires pour l'ADA. Il n'y a donc pas de baisse de dépenses sur lignes.

Heureusement, cher Rémi Féraud et chère Sophie Taillé-Polian, que chacun a encore sa liberté de parlementaire ! Je le redis : mon intervention ne se veut absolument pas polémique. Je note, comme vous, que les crédits de cette mission, dont je m'occupe depuis trois ans, sont volontairement insuffisants, ce qui est grave. Mes collègues en région parisienne voient comme moi le nombre de malheureux qui dorment sur nos trottoirs : c'est ignoble pour un grand pays comme la France !

L'exécution des OQTF s'inscrit dans une politique d'ensemble. Le ministre de l'intérieur s'est d'ailleurs rendu à cette fin dans différents pays. Évidemment, les OQTF peuvent toujours être contestées devant les tribunaux. Plusieurs parlementaires ont aussi manifesté leur étonnement parce que de nombreux pays que nous aidions, comme le Mali, refusent de reprendre des laissez-passer consulaires. Pour améliorer le taux de retours, il faut une pression politique. Certes, tout cela sort de la question budgétaire, mais les chiffres trahissent l'absence de volonté politique de traiter cet aspect de la question. Ces dernières vingt-quatre heures, plus de 600 migrants sont arrivés à Lampedusa. Est-il raisonnable de laisser entrer toutes ces personnes sur notre territoire une semaine après le drame de Nice ?

Les seuls efforts consentis budgétairement parlant portent sur les hébergements, notamment via la création de CRA et de places supplémentaires pour les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Néanmoins, ces efforts sont systématiquement insuffisants, j'en veux pour preuve le nombre de malheureux qui dorment sur les trottoirs de nos grandes villes. La difficulté à obtenir des informations pour 2020 de la part du Gouvernement n'est pas un signe positif. Idem en ce qui concerne les décisions de justice relatives à l'éloignement. Depuis trois ans, les budgets consacrés à l'éloignement stagnent à un peu moins de 40 millions d'euros. La police aux frontières (PAF) ne dispose que d'un avion de type Beechcraft 1900 de 19 places parvenant à peine à traverser la Méditerranée et le Gouvernement songe à utiliser les nouveaux Dash de la sécurité civile destinés à la lutte contre les incendies de forêt afin d'exécuter les éloignements.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » pour 2021, sur le rapport de nos rapporteurs spéciaux Thierry Cozic et Frédérique Espagnac.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

La mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie. La mission porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques, ainsi que ceux de l'Insee et des services économiques du Trésor à l'étranger.

Cette année, la mission « Plan de relance » concentre l'ensemble des crédits nouveaux en faveur des entreprises, au sein du programme n°363 « Compétitivité » mais également au sein du programme n° 364 « Cohésion » avec des crédits dédiés à des garanties de prêts en faveur de la croissance des PME.

Si les crédits demandés pour la mission « Économie » en 2021 affichent une hausse de 6,7 % en autorisations d'engagement (AE) et de 12,6 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, cette augmentation résulte principalement de la très nette croissance, +123 millions d'euros, des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs. La hausse encore plus nette des crédits de paiement s'explique quant à elle par le déblocage progressif des crédits de paiement sur le plan France très haut débit. En dehors de ces deux mesures, les moyens des trois programmes permanents de la mission sont globalement en baisse et la réduction des crédits de la mission se poursuit.

Je commencerai par évoquer les mouvements de crédits importants ayant été opérés sur la mission au cours de cette année.

En effet, une nouvelle action dédiée aux « mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire » a été créée pour couvrir 580 millions d'euros de dépenses urgentes. Elle a porté les crédits de différentes mesures d'urgence : achats de masques à usage non sanitaire, dispositifs d'aide exceptionnelle aux centres équestres et aux poneys clubs, aux cirques avec animaux, aux parcs zoologiques, aux aquariums ou encore aux refuges. Cette action n'est pas dotée en crédit pour 2021, de sorte que nous nous interrogeons, devant la recrudescence de l'épidémie, sur la pérennisation de ces dispositifs.

Au niveau de la mission, les moyens accordés aux différents dispositifs d'intervention sont en nette diminution pour 2021. Une fois exclue la compensation carbone, les crédits alloués aux différents dispositifs d'intervention du programme sont passés de 350,2 millions d'euros en 2017 à 165,3 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 53 %.

Cette diminution, j'insiste, est considérable. Elle correspond à un mouvement de rationalisation progressive des instruments de soutien de l'État aux TPE/PME, qui sont multiples : aides directes ou indirectes, prêts, garanties, actions collectives de formation, de promotion ou de mutualisation des moyens à l'échelle d'une filière. Ils portent sur des secteurs très divers, allant de la petite industrie aux métiers d'arts, en passant par les commerces de centre-ville, les services à la personne ou encore les jeunes PME innovantes.

Ces coups de rabots successifs ne permettent pas de dégager d'orientation politique durable pour la mission « Économie ». En fin de compte, les réductions proposées ne donnent pas vraiment de sens à la politique et aux choix qui sont faits.

Sur le long terme, il y aura un réel désengagement de l'État de l'économie des territoires.

Toutefois, pour 2021 et pour 2022, il y a évidemment lieu de relever que la mission « Plan de relance » remet en cause cette logique de désengagement, avec un volume important de crédits dédiés. Je tiens tout d'abord à rappeler que cette enveloppe spécifique s'inscrit dans une durée limitée. Une fois cette mission budgétaire « Plan de relance » arrivée à échéance, l'ensemble des dispositifs d'intervention de l'État en faveur des entreprises risquent eux aussi de disparaître définitivement dans la mesure où aucun crédit n'est conservé sur la mission « Économie ».

Le message semble clair, l'État doit éventuellement jouer un rôle contracyclique à l'occasion des crises mais, dans la durée, ce sera le rôle des régions que d'assurer un développement équilibré entre les territoires.

Alors que la crise actuelle touche de plein fouet l'économie de nos territoires, l'artisanat et le commerce, je tiens à revenir sur le rôle du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) : après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d'euros en 2010 à seulement 16 millions d'euros en 2018, le Fisac a été placé en « gestion extinctive » à partir de 2019. En clair, il a été supprimé et les crédits de paiement votés pour 2020 avaient seulement vocation à couvrir les engagements antérieurs.

Face à la crise actuelle, il me semble qu'il faut nettement distinguer ce qui relève des dispositifs d'urgence pour sauver les commerces et les artisans comme le fonds de solidarité, et les outils d'intervention qui permettent d'aider spécifiquement à la création, à la transmission, au maintien ou à la modernisation des entreprises et des commerces dans les territoires les plus fragiles.

Le Fisac doit constituer un instrument de reprise pour les activités les plus durement frappées par la crise. Il doit ainsi permettre aux commerces des territoires les plus durement touchés d'être préservés et surtout de se moderniser en développant de nouveaux outils. Je pense en particulier aux artisans qui pourraient renforcer leur recours aux dispositifs numériques.

Le projet de foncières, porté par la banque des territoires et abondé de 60 millions d'euros par le plan de relance, constitue sans doute un bon outil ; il devrait permettre de mobiliser plus d'un milliard d'euros pour la rénovation d'espaces commerciaux. Il n'est cependant pas calibré pour le maintien de l'activité dans les villes les plus fragiles. Aussi, je vous proposerai un amendement pour rétablir le Fisac en le dotant de 30 millions d'euros.

Je terminerai par quelques mots sur le plan France très haut débit. Le programme 343 porte la participation de l'État, soit au total 3,3 milliards d'euros. En 2021, le déblocage des crédits de paiement devrait ainsi s'accélérer avec 622 millions d'euros prévus en 2021.

Dans le contexte de crise sanitaire et de confinement, les chantiers de déploiement ont pris du retard, engendrant parfois d'importants surcoûts.

Afin de poursuivre le déploiement du réseau, de nouvelles autorisations d'engagement ont été ouvertes : via le recyclage d'autorisations d'engagement non consommées à hauteur de 280 millions d'euros en février dernier ; via une ouverture budgétaire de 30 millions d'euros par la troisième loi de finances rectificative pour 2020, à l'initiative de notre ancien rapporteur général Albéric de Montgolfier ; via une dotation nouvelle pour 2021 du plan France très haut débit dans le cadre de la mission « Plan de relance », à hauteur de 240 millions d'euros d'autorisations d'engagement.

Au total, 550 millions d'euros auront ainsi été ouverts en un an. Il s'agit d'un effort conséquent et que nous saluons. Nous estimons cependant qu'il faudra rester attentif. Avant la crise, l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, l'Avicca, estimait que l'État devait porter 600 à 700 millions d'euros supplémentaires pour assurer la couverture intégrale du territoire. Une fois pris en compte les surcoûts liés à la crise, le compte pourrait ne pas y être. Nous resterons attentifs à ce que les ambitions du Gouvernement soient couvertes à moyen terme par les crédits correspondants.

Enfin, pour conclure, je souhaite saluer la décision du Gouvernement de proroger l'ensemble des dispositifs sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Nous avions rédigé, avec mes collègues Bernard Delcros et Rémy Pointereau, un rapport sur l'avenir des ZRR. En décidant de prolonger ce dispositif jusque fin 2022, le Gouvernement fait oeuvre de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Cozic

J'aborderai pour ma part trois sujets majeurs de la mission et du compte de concours associé : les administrations et opérateurs de la mission, le soutien à l'export et la question du soutien au financement des entreprises.

Concernant les administrations de la mission, si l'effort reste important, puisque 102 postes seront supprimés en 2021 sur le périmètre de la mission, il est nettement moindre que celui demandé lors des années précédentes : 262 postes supprimés en 2020 et 326 en 2019. La pression diminue en particulier sur les administrations du programme 134, la baisse des effectifs passant de 155 à 22 entre 2020 et 2021.

Tout d'abord, les effectifs de la direction générale des entreprises (DGE) se réduiront beaucoup moins rapidement que prévu avec 19 équivalents temps plein (ETP) en moins en 2021. Dans le contexte de crise, les services déconcentrés ont été particulièrement mobilisés, de sorte que la priorité est à la gestion de crise, la finalisation du projet de services économiques de l'État en Région (SEER) étant retardée à 2022. L'activité des services devrait ainsi continuer à se focaliser sur l'accompagnement des entreprises en difficulté et sur les filières stratégiques et l'innovation.

Par ailleurs, la réduction des effectifs de la direction générale du Trésor se poursuivra également en 2021 à un rythme moins soutenu, avec la suppression de 13 ETP. La rationalisation du réseau a été particulièrement forte au cours des dernières années, l'effectif des services économiques à l'étranger étant passé de 1 339 à 603 agents en 2009 et 2020, soit une baisse de 55 %. Un contrôle budgétaire avait été lancé sur ce sujet avant le début de la crise sanitaire, nous devrions le reprendre dans les mois à venir pour évaluer les conséquences de ces réductions d'effectifs sur les activités du réseau.

Pour la deuxième année consécutive, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) verra ses effectifs préservés en 2021, avec une baisse de seulement 5 ETP. Doit ainsi être mieux garantie l'exécution de ses missions en matière de sécurité sanitaire et de contrôle des fraudes.

Je ferai deux observations principales concernant les opérateurs de la mission. Tout d'abord, l'article 24 prévoit un plafonnement au profit de l'État des recettes de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI). L'écrêtement qui en résulte permettrait à l'État de disposer de 41,9 millions d'euros de recettes supplémentaires. Sur ce point, nous considérons que la priorité doit être donnée à la protection de la propriété industrielle à moindre coût pour les entreprises et non à l'objectif de recettes fiscales pour l'État. Ensuite, la dotation de l'agence nationale de fréquence (ANFr) devrait augmenter de 3,9 millions d'euros en 2021 afin de préparer les Jeux olympiques et paralympiques et d'anticiper les risques de saturation des fréquences.

J'en viens maintenant à une question essentielle : celle du soutien à l'export. En effet, le déficit des opérations courantes de la France est le plus élevé d'Europe au deuxième trimestre 2020, à 14,3 milliards d'euros.

Il est indispensable de rééquilibrer notre commerce extérieur en renforçant notre position à l'international. De ce point de vue, les crédits proposés dans le plan de relance nous semblent aller dans le bon sens. Cependant, dans un contexte de recrudescence de l'épidémie, nous nous interrogeons sur le calendrier de déploiement des dispositifs prévus.

En effet, si aider les volontariats internationaux en entreprises (VIE) ou améliorer la visibilité des PME françaises à l'international nous apparaissent comme des moyens pertinents, nous nous interrogeons sur la mise en oeuvre pratique de ces dispositifs dans le contexte actuel de recrudescence de l'épidémie.

Pour conclure, je souhaite aborder le sujet du financement des entreprises. Les prêts garantis par l'État (PGE) ont constitué un outil indispensable, en permettant aux entreprises de trouver rapidement des liquidités et ainsi de traverser la première vague de l'épidémie. À ce jour, le bilan des PGE reste positif : ils ont permis aux entreprises d'emprunter un total de 120,7 milliards d'euros. La sinistralité envisagée avant la mise en oeuvre de nouvelles restrictions pour faire face à la deuxième vague épidémique impliquait un coût global du dispositif de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros, soit un niveau relativement limité au regard des apports du dispositif en termes de soutien aux entreprises. La deuxième vague de l'épidémie et les nouvelles restrictions pourraient cependant faire évoluer ce coût de façon très significative.

Le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés » comprend les crédits de deux dispositifs qui permettent de pallier les situations dans lesquelles les entreprises ne parviennent pas à se financer malgré les PGE.

Il s'agit d'une part du fonds de développement économique et social (FDES) et, d'autre part, des avances remboursables et prêts bonifiés gérés par la direction générale des entreprises.

D'abord, la mobilisation du FDES dans le cadre de l'épidémie de covid-19 a donné lieu à un dédoublement de sa doctrine d'intervention. En parallèle du FDES « classique », qui est un outil de soutien aux restructurations, une doctrine d'intervention spécifique, dite « covid-19 » a été déployée.

À la différence de son usage classique, dédié aux restructurations et supposant une contribution importante de financeurs privés, le FDES « covid 19 » n'a pas été conditionné à des cofinancements et à une procédure de restructuration. Il a permis d'octroyer des prêts avec une conditionnalité limitée.

La quinzaine de dossiers ouverts cette année représente un total de 208 millions d'euros : groupe verrier Arc (117 millions d'euros), nouveau prêt à Presstalis (35 millions d'euros), Ascométal (50 millions d'euros), Manoir Group (15 millions d'euros), Primavista (4,7 millions d'euros). Dans le cas de Presstalis, le versement a été accompagné d'abandon de charges de l'État, à hauteur de 79 millions d'euros en capital et 6,96 millions d'euros en intérêts. Au total, c'est donc à peine plus de 20 % du milliard d'euros prévu pour 2020 qui a été consommé, de sorte que l'intégralité des crédits sera reportée en 2021, avec une ouverture de crédit complémentaire de 75 millions d'euros.

Concernant les prêts bonifiés et les avances remboursables, la consommation des crédits a été encore plus limitée puisque seuls 19,4 millions d'euros sur les 500 millions d'euros ouverts ont été consommés au 31 août. D'après les informations transmises, une soixantaine de dossiers resteraient en instance.

Pour conclure, je souhaite aborder la question du concours de l'État aux fonds de garantie de Bpifrance. En effet, depuis plusieurs années, Frédérique Espagnac et mon prédécesseur, Bernard Lalande, déplorent l'absence de budgétisation des crédits dédiés aux fonds de garantie, qui résultent de redéploiements de crédits ou de recyclage internes à Bpifrance. Ces débudgétisations sont en contradiction avec le principe d'universalité budgétaire et nuisent à la sincérité budgétaire.

Pour 2021, outre le fait qu'une partie des crédits dédiés aux fonds soit à nouveau débudgétisée, des crédits dédiés à ces garanties « classiques » ont été rangés au sein du « plan de relance ». Il nous semble qu'une part non négligeable des crédits labellisés relance aurait dû être retracés sur le programme 134 dans la mesure où ils correspondent aux activités classiques des fonds de garantie et non pas à des activités nouvelles en lien avec la relance.

Compte tenu de tout ce qui précède et des mesures massives de soutien en faveur des entreprises contenues dans le présent budget, nous vous invitons à adopter l'amendement de crédit sur le Fisac et à adopter les crédits de la mission ainsi modifiés, ainsi que les crédits du compte de concours financier, « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

L'amendement n° 1 vise à rétablir les crédits du Fisac à hauteur de 30 millions d'euros en AE et en CP. Alors que la crise sanitaire et les restrictions actuelles touchent en premier lieu les services, l'artisanat et les commerces de proximité, il est indispensable de disposer de crédits d'intervention afin de maintenir ces activités dans les territoires ruraux. Le Fisac a été supprimé l'an dernier. Dès lors, il est proposé de recréer la ligne dédiée au Fisac au sein de l'action n° 23. Cette hausse des crédits serait gagée sur l'action n° 01 « Définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen » du programme 305 « Stratégies économiques » et sur l'action n° 01 « Infrastructures statistiques et missions régaliennes » du programme 220 « Statistiques et études économiques », sur lesquelles il existe des gisements d'économies importants - dépenses de fonctionnement de l'Insee et subventions à la Banque de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je soutiens l'amendement : lorsque le Fisac a été supprimé, on nous avait promis qu'un autre mécanisme prendrait sa place. Mais, finalement, c'est comme lors de la suppression de la réserve parlementaire, on n'a rien eu ! La crise sanitaire illustre le besoin de politiques de proximité, menées par les services déconcentrés de l'État, sous l'autorité du préfet, et les maires, les intercommunalités et la région. Un dispositif qui irrigue les centres-bourgs et les territoires excentrés par rapport aux agglomérations est nécessaire. Je soutiens donc votre amendement.

Enfin, la rapporteure spéciale évoque le désengagement de l'État dans les territoires : mais, sans vouloir être provocateur, l'État est-il encore qualifié pour administrer l'économie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Le plan France très haut débit est essentiel, non seulement pour faciliter le télétravail en raison de la crise sanitaire, mais aussi pour préparer l'avenir, car la révolution digitale est en cours dans les entreprises. En Bretagne, un programme de déploiement de la fibre est mené par la région, les quatre départements et les 59 intercommunalités, pour un coût global de deux milliards d'euros : les opérateurs privés interviennent dans les zones urbanisées, tandis que les collectivités territoriales sont responsables sur le reste du territoire, avec un coût de 1 850 euros par prise. Comment est-il, dès lors, possible d'atteindre l'objectif national de couverture totale en 2025 en mobilisant seulement une enveloppe de 600 à 700 millions d'euros ?

J'ai un avis divergent sur l'amendement : la bonne méthode pour soutenir le commerce est-elle de rétablir un fonds dont les procédures administratives étaient tellement lourdes qu'elles étaient dissuasives pour ceux qui souhaitaient déposer des projets ? Les problèmes de financement étaient récurrents. Il existe d'autres solutions. La dotation d'équipement pour les territoires ruraux (DETR) est ainsi utilisée dans le Finistère pour financer l'installation des commerces. De plus, la loi NOTRe confie aux régions la compétence économique. Ne faut-il pas éviter que chacun ne s'occupe de tout ? Il est temps de rationaliser les interventions de chaque niveau d'administration. C'est une question d'efficience de l'action publique et de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Je ne partage pas l'analyse de Michel Canevet sur le Fisac. J'ai accompagné les démarches d'artisans, de commerçants, de prestataires de services, etc. La procédure était relativement souple : les financements obtenus étaient modestes, mais offraient un vrai effet de levier. Le Fisac permettait à des opérateurs privés de moderniser leurs locaux ou équipements, et d'adapter leurs pratiques de production ou de commercialisation. N'est-ce pas l'enjeu à l'heure de la crise sanitaire, avec le développement du e-commerce, de la robotisation et de la digitalisation ? Les sommes proposées sont raisonnables et je soutiens donc cet amendement. Au-delà d'actions ponctuelles, cet outil peut aussi participer à des stratégies globales de développement territorial. Relancer ce fonds est donc indispensable pour aider les commerçants et les artisans.

Je veux aussi alerter sur la situation de Presstalis : nous connaissons un gros problème de diffusion de la presse. Dans certains territoires, les quotidiens ne sont distribués que tous les deux ou trois jours. On en voit les conséquences sur la démocratie avec le développement des réseaux sociaux et des fake news, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L'amendement proposé est un amendement d'appel, en raison des contraintes de gage fixées par l'article 40 de la Constitution qui limite nos marges d'action. Il n'est pas certain, en effet, que le Fisac constitue le meilleur outil, mais le problème est réel, encore exacerbé par la crise. Il est nécessaire d'aider les commerces face au développement du e-commerce. Pourquoi, par exemple, ne pas développer de nouvelles recettes provenant du e-commerce ?

Je regrette que l'achèvement du plan France très haut débit ne soit pas une priorité du plan de relance. Il est pourtant indispensable de développer le télétravail, la télémédecine, le télé-enseignement, etc. Or, le plan a pris du retard. Il faudrait saisir l'occasion de ce projet de loi de finances pour demander au Gouvernement d'accélérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Comme d'autres, j'avais été surpris de découvrir des petites annonces pour recruter des sous-préfets à la relance. On doit être le seul pays à procéder ainsi ! Au-delà de l'anecdote, où figurent ces postes sur le plan budgétaire ? Sont-ils inscrits dans la mission ? Dans les crédits du plan de relance ? S'agit-il aussi de postes pérennes ou à durée déterminée ?

Ma deuxième question concerne les aides à la relocalisation de la production de masques. L'idée de produire des masques en France est intéressante : nous dépendions totalement de la Chine, et lorsque la Chine a été bloquée, nous n'avions plus de moyens de nous en procurer. Certaines entreprises ont commencé à produire des masques, mais ont dû arrêter faute de commandes. Les aides annoncées s'accompagnent-elles donc d'engagements de commandes ? En dépit des aides à l'investissement, l'écart de coûts salariaux est tel qu'il est difficile aux masques français d'être compétitifs.

L'Insee est un organisme important, mais j'ai toujours été déçu par les données qu'il fournit et par l'absence de séries sur la longue durée. Impossible, par exemple, de trouver des données sur une quinzaine, voire une vingtaine d'années, pour retracer l'évolution de la Seine-Saint-Denis, un département qui m'est cher. Les données ont, en outre, toujours plusieurs années de retard, ce qui n'est pas très utile pour analyser des phénomènes qui évoluent très vite. J'avais même proposé à l'Insee de payer pour réaliser une étude. En vain. Les sommes importantes consacrées à l'Insee ne pourraient-elles pas être utilisées autrement pour nous renseigner sur l'évolution de nos territoires et de notre pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

J'étais hésitant initialement sur les mesures relocalisation de l'activité, mais je trouve finalement que créer un tel dispositif centralisé parmi les autres aides est une bonne idée. Mais quelle sera la procédure de décision ? Je suis prudent quant à la procédure des appels à projets, dont les résultats sont très inégaux : il y a parfois des trous dans la raquette.

Je voudrais également être rassuré en ce qui concerne la digitalisation des entreprises. Quel sera l'accompagnement concret ? Pages Jaunes et Solocal risquent d'être cédés à Google. Il faut non seulement accompagner les entreprises pour les aider à financer leurs investissements dans le numérique, mais il faut aussi se préoccuper du contexte dans lequel elles évoluent, car une entreprise ne peut prospérer que si elle a un marché. En outre, je voudrais savoir ce qui est destiné spécifiquement aux TPE ? Elles constituent 90 % du tissu économique dans le Val-de-Marne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Quels sont les effectifs de l'Insee ? Quelle est son efficacité ? Même si les agents recenseurs font de leur mieux, on constate des décalages localement dans les recensements ; certaines communes sont pénalisées, alors que les dotations de l'État dépendent en partie de la population.

Il est beaucoup question du « produire en France » : quelles sont les mesures pour aider les entreprises qui produisent des masques en France ? Enfin, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur l'avenir des ZRR au-delà de 2022 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Il est essentiel de soutenir les commerces de proximité et l'artisanat. Je voterai l'amendement sur le Fisac. Ce fonds pourrait d'ailleurs être utilisé en complémentarité avec d'autres dispositifs comme le programme « Petites villes de demain ».

Je regrette aussi que le plan de relance ne comporte que 250 millions d'euros pour France très haut débit et que l'échéance ait été repoussée de 2022 à 2025, nouvel horizon qui semble lui-même peu probable au vu de l'état des avancées dans les territoires. Je m'interroge aussi sur les zones Appel à Manifestation d'Intention d'Investissement (AMII) : il me semble que les opérateurs privés ne tiennent pas leurs engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je voterai aussi l'amendement sur le Fisac : celui-ci n'est certes pas la panacée, mais il constitue malgré tout un bel outil. Je voudrais dire un mot sur les stations-service rurales de proximité auxquelles on impose les mêmes normes de sécurité qu'aux stations sur les autoroutes. Elles courent après les normes ! Celles-ci coûtent très cher. Pourtant il n'y a jamais eu d'accident. Beaucoup doivent fermer. Évitons de faire comme avec les petits hôtels de campagne, qui faisaient le charme de nos territoires, que l'on a tués par l'accumulation de normes. Je plaide pour des mesures différenciées pour les territoires ruraux qui sont moins exposés que les territoires urbains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Sur le haut débit, le déploiement avance, même si cela ne va pas assez vite. Mais, l'angle mort n'est pas tant les infrastructures que les usages : l'État n'y consacrera que 30 millions d'euros en 2020. Or, on estime pourtant que 13 à 14 millions de personnes sont touchées par l'illectronisme et que la moitié de la population n'est pas à l'aise avec le numérique. Ces personnes se sentent exclues. Les 250 millions d'euros de crédits seront-ils consacrés aux usages ou uniquement aux tuyaux ?

Je pense comme Michel Canevet sur le Fisac : l'efficacité d'un système dépend de sa lisibilité. Par cohérence avec la répartition des compétences, les aides économiques devraient revenir aux régions ou aux intercommunalités. La proximité est source d'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

La question de la souveraineté industrielle est un sujet majeur, mais restera un dossier compliqué vu le niveau des charges. Thierry Breton a dit hier que « l'ère de la naïveté était révolue » pour notre continent et que les Gafam allaient être taxés. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Sans doute peut-on rationaliser et confier uniquement aux régions l'aide économique, mais le Fisac est un mécanisme qui est bien connu par les artisans, les commerçants et les élus locaux. On peut le piloter au niveau des intercommunalités. À l'heure du e-commerce, il peut aider les artisans et les commerçants à développer la vente en ligne. Je rejoins toutefois Michel Canevet quant à la lourdeur des procédures. J'ai siégé au Conseil national d'évaluation des normes quand nous avons examiné le décret sur les crédits du Fisac. Comme je l'ai dit alors, il faut être à la fois ingénieur des ponts, polytechnicien et éminent juriste pour remplir un dossier pour refaire la devanture de son épicerie ! La paperasserie est décourageante. Comme on dit en Méditerranée, la sauce ne doit pas coûter plus cher que le poisson... Il conviendrait donc de simplifier, mais le dispositif est utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Le Fisac était un dispositif bien identifié par les territoires. J'entends la remarque de Michel Canevet. Il est vrai que les modes opératoires ont évolué et que les procédures étaient plus compliquées pour les appels à projets les plus récents. Toutefois, nous n'avons pas véritablement d'autre outil disponible. Comme nous l'avions remarqué avec Bernard Delcros et Rémy Pointereau dans notre rapport sur les ZRR, le Gouvernement réduit l'accompagnement des TPE, des PME et des entreprises en zones rurales. Certes, la compétence économique a été recentrée au niveau des agglomérations ou des régions.

Les différents dispositifs que nous mentionnons dans notre rapport étaient reconnus et fonctionnaient plus ou moins bien. Ils ont été supprimés brutalement. Si l'on ajoute la nouvelle diminution des mesures de soutien dans le cadre des ZRR, il ne reste finalement plus guère d'outils. Notre amendement est un amendement d'appel, l'enveloppe de 30 millions n'est pas considérable, mais l'essentiel est de préserver l'outil. Cela permettra d'interpeller le Gouvernement. Le Fisac était aussi le seul outil permettant d'aider les stations d'essence rurales à se mettre aux normes. Il n'en reste guère que 5 000. Elles sont menacées.

L'État est-il encore qualifié pour administrer l'économie ? Vaste débat ! Mais, malgré tout, il a encore le mérite d'intervenir lorsque les collectivités territoriales ne le peuvent pas toujours. Dans la mesure où on ne leur transfère pas tous les ressources nécessaires, il convient de se battre pour maintenir l'existant.

Les crédits pour le très haut débit ne sont, malgré tout, pas négligeables. L'État ne doit pas tout financer : les opérateurs et les collectivités doivent aussi prendre leur part. La question est aussi de savoir si tous les projets dans les collectivités territoriales sont suffisamment aboutis pour utiliser les crédits accordés au guichet. Il me semble que cela n'est pas forcément le cas. Cette année, les crédits devraient suffire, mais la question se posera à nouveau l'année prochaine. Cependant, nous pouvons réfléchir à abonder les crédits dès cette année, si vous le souhaitez.

Pourquoi ne pas inclure le Fisac et les crédits des ZRR dans la DETR, comme le proposent Michel Canevet et un rapport de l'Assemblée nationale ? Mais, d'une part, ce n'est pas le rôle de la DETR, et d'autre part, je crains qu'in fine au lieu d'additionner les enveloppes, on réduise les crédits au détriment des territoires. Soyons vigilants.

Patrice Joly a raison sur Presstalis. On constate tous les difficultés dans nos territoires. Les abandons de créances de l'État devraient permettre de surmonter la crise à court terme, mais on peut s'interroger sur l'avenir. Je n'ai pas davantage d'éléments pour le moment et je vous répondrai de manière plus approfondie ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Cozic

Je tiens à rappeler que l'État est particulièrement engagé pour soutenir Presstalis et a accompagné sa restructuration avec un abandon de créance au titre du FDES de 86 millions d'euros.

L'Insee commence à ouvrir progressivement ses données. Son budget est de 450 millions, en hausse de 2,1 %, un chantier de numérisation des enquêtes est engagé. Ses effectifs s'élèvent à près de 5 200 ETP, avec des effectifs importants pour suivre les enquêtes ménages, qui ne sont que partiellement dématérialisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Les crédits pour aider les entreprises qui fabriquent des masques s'élèvent à 40 millions d'euros, mais nous n'avons pas de garanties sur des commandes de l'État. Ils devraient probablement servir à reconstituer des stocks stratégiques mais nous n'avons pas d'informations précises à ce sujet. Tout dépendra aussi de l'évolution de l'épidémie. Il est vrai que l'on a en tête l'expérience du premier confinement et Philippe Dallier a donc raison d'alerter.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Cozic

Pascal Savoldelli, concernant les appels à projet, les entreprises candidatent auprès de la DGE, dans une logique de guichet. Les dossiers sont analysés au cas par cas. Il en va de même pour ce qui concerne la modernisation des TPE et des PME. De plus, une enveloppe de 40 millions d'euros de prêts garantis est consacrée à la numérisation des TPE.

Les sous-préfets à la relance ne sont pas directement inscrits dans la mission. Sur le programme 134, la direction générale des entreprises a multiplié par deux les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés, qui sont les anciens commissaires au redressement productif.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Le programme « Petites villes de demain » est fléché pour les communes de moins de 20 000 habitants, mais les communes rurales qui bénéficiaient du Fisac sont souvent beaucoup plus petites, avec moins de 3 000 habitants, ce n'est donc pas la même cible. C'est justement dans ces communes que le Fisac était particulièrement précieux pour préserver le dernier commerce ou permettre la réouverture d'un nouveau.

L'enveloppe destinée au très haut débit s'établit à 490 millions et se répartit à peu près à parts égales entre les tuyaux et les usages, il y a donc un réel effort du Gouvernement qui n'est pas centré uniquement sur le déploiement matériel du haut débit.

Enfin, sur les Gafam, je rappelle que nous avons été nombreux au Sénat à voter des amendements pour demander qu'ils paient leur dû, mais cela n'avance qu'à petits pas... Ils devront payer la taxe sur les services numériques en France, mais en ce qui concerne l'Europe, il conviendrait d'interroger directement M. Breton.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de son amendement, ainsi que les crédits du compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je salue notre collègue Frédérique Puissat, rapporteur pour avis pour la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Comme à l'accoutumée, ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même allons présenter à deux voix notre rapport sur les crédits demandés pour la mission « Travail et emploi ». Malgré nos divergences, nous pouvons dans certains cas porter des constats communs.

En premier lieu, nous ne pouvons que nous satisfaire de la hausse substantielle de ces crédits, qui s'élèveraient, en 2021, à 14,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 13,4 milliards d'euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d'environ 3 %, en rupture avec la tendance observée les années précédentes de baisse importante, puis de stabilité des crédits.

Cette augmentation apparaît d'autant plus nécessaire que la situation du marché du travail s'est brutalement dégradée. Pour ne donner qu'un chiffre, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A a déjà progressé de près de 10 % sur un an. Tous les indicateurs sont au rouge : augmentation des plans sociaux et du nombre de personnes en sous-emploi notamment. La situation est cependant trop instable pour que je vous livre des estimations précises de l'impact de la crise sur l'emploi à ce stade. Les prévisions - déjà pessimistes - que nous évoquons dans notre rapport avaient elles-mêmes été établies avant la décision du second confinement. Une certitude cependant : les ajustements à ces chocs sur le marché du travail touchent en premier lieu les jeunes et les salariés les plus précaires. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relève ainsi, à titre d'exemple, que seulement 76 % de l'emploi intérimaire, où ces publics sont surreprésentés, détruit à fin avril 2020 avait été recréé à fin août.

Pour faire face à la crise, la mission « Plan de relance » prévoit d'allouer près de 10 milliards d'euros supplémentaires à la politique de l'emploi. Ces crédits permettront de venir renforcer des dispositifs existants d'ores et déjà financés par la mission, comme les Parcours emploi compétence (PEC) ou la Garantie jeunes. Ce choix est, selon moi, le bon : l'heure n'était pas à l'improvisation de mesures nouvelles dans la précipitation. Le principal enjeu est bien d'être en mesure de déployer les actions le plus rapidement et le plus puissamment possible.

Je relève cependant qu'au strict plan de la lisibilité budgétaire, la situation n'est pas vraiment optimale. Prenons l'exemple de l'activité partielle : alors que le dispositif de droit commun relevait de la mission « Travail et emploi », les 21 milliards d'euros débloqués au titre des lois de finances rectificatives en 2020 ont été retracés sur un programme ad hoc de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». En 2021, aucun crédit ne figure sur ce programme puisque le dispositif sera financé par la mission « Plan de relance ».

Cette architecture permet donc difficilement aux parlementaires de connaître avec précision l'effort budgétaire que le Gouvernement entend déployer en faveur de la politique de l'emploi, pourtant cruciale pour l'année à venir. En gestion, les modalités précises du pilotage du plan de relance, qui fait intervenir la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la direction du budget, ne sont pas encore parfaitement clarifiées.

Sur le fond des politiques menées, la stratégie est sensiblement la même que les années précédentes et me semble être la bonne : concentrer les moyens sur les publics les plus fragiles grâce à des dispositifs ciblés, tout en conduisant dans le même temps des efforts structurels, notamment en matière d'effectifs.

Pour ne prendre que quelques exemples, on constate que, pour la seconde année consécutive, les crédits alloués au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui emploie des personnes rencontrant des difficultés particulièrement importantes d'accès au marché du travail, dépassent le milliard d'euros. Les crédits mobilisés en faveur des travailleurs en situation de handicap au titre des aides aux postes dans les entreprises adaptées progressent également. On relève aussi une augmentation des moyens octroyés au dispositif des emplois francs, qui vise à favoriser l'emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, même si la complète évaluation du dispositif et de ses effets d'aubaine potentiels reste à faire.

En tout état de cause, les publics concernés par ces dispositifs sont frappés de plein fouet par la crise. Plus préoccupant encore, l'expérience des crises passées indique qu'ils ne bénéficieront pas spontanément des effets de la reprise lorsqu'elle aura lieu. Il faudra les accompagner dans la durée ; ce sera notre rôle de rapporteurs spéciaux d'y veiller.

Le budget qui nous est proposé, renforcé par les crédits du plan de relance, apparaît, dans l'ensemble, sérieux et nécessaire. Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Mon appréciation du budget qui nous est proposé pour la mission « Travail et emploi » diffère de celle portée par mon collègue.

L'augmentation de 3 % des crédits demandés pour 2021 va naturellement dans le bon sens, même s'il ne faut pas en exagérer la portée, puisqu'elle ne fait que se conformer à la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques votée en 2018.

Je partage le constat relatif au manque de lisibilité budgétaire, avec des crédits issus de deux missions distinctes. Cela a néanmoins la vertu de mettre en évidence, au-delà du renfort ponctuel de crédits issus du plan de relance, les moyens que le Gouvernement entend structurellement allouer aux politiques du travail et de l'emploi. Force est de constater qu'ils sont insuffisants et restent même nettement inférieurs à leur niveau de 2017, où ils s'élevaient à près de 17 milliards d'euros.

Un bon exemple de cette tendance concerne le financement de Pôle emploi à qui l'État donne d'une main, via le plan de relance, des crédits supplémentaires qu'il lui reprend partiellement de l'autre, en abaissant la subvention pour charges de service public financée par la mission « Travail et emploi ». On peut également déplorer que, dans le même temps, la contribution de l'Unedic au financement de Pôle emploi reste fixée à 11 %, dans la continuité de la hausse observée en 2020. On ne dira jamais assez que cette mesure revient in fine à faire supporter aux chômeurs le coût du service public de l'emploi, car c'est la nécessité d'améliorer les comptes de l'assurance-chômage, déjà lourdement affectés par la crise et la prise en charge du chômage partiel, qui, je le crains, viendra demain servir de justification à une nouvelle restriction de leurs droits.

La poursuite obstinée de l'effort de réduction des effectifs du ministère du travail m'a davantage étonnée encore. L'exercice 2021 se traduirait à nouveau par un schéma d'emploi fortement négatif, fixé à 221 équivalents temps plein (ETP) en moins, et à périmètre constant, le plafond d'emploi serait inférieur de plus de 1 100 EPT par rapport à 2017.

Pour faire face aux besoins urgents liés à la crise sanitaire, il nous a été indiqué que, comme cette année, le ministère pourrait recourir en 2021 au recrutement d'agents vacataires pour colmater les brèches, notamment dans les services déconcentrés. Ces renforts seront bienvenus, mais la méthode retenue envoie le signal paradoxal d'un ministère chargé de l'amélioration de la qualité de l'emploi, mais créateur de précarité pour ses propres agents. La forte dégradation attendue du marché du travail et ses conséquences sociales de long terme appellent, à l'inverse, une augmentation pérenne et structurelle des effectifs.

De même, on peut s'interroger sur l'urgence qu'il y avait à mener la réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE) qui concerne tout particulièrement les ministères sociaux. Je crains qu'elle n'entraîne une certaine désorganisation, à l'heure où les services doivent être entièrement occupés à la gestion des conséquences de la crise.

Il y a certes des points positifs dans ce budget, avec des moyens conséquents octroyés en faveur de l'inclusion dans l'emploi des publics les plus fragiles, notamment pour le secteur de l'IAE, même si la question de la capacité à proposer des solutions de long terme à ses bénéficiaires à l'issue des contrats d'insertion reste posée. Je pense aussi à la montée en puissance de l'expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), que je défends de longue date et qu'une proposition de loi en cours d'examen doit permettre d'étendre. Les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte doivent être examinées cet après-midi au Sénat.

En dépit de certaines avancées, la trajectoire de baisse des effectifs du ministère indique que l'esprit d'austérité semble encore dominer, en décalage de plus en plus flagrant avec la situation sociale du pays. Pour cette raison, je vous proposerai de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Je remercie les deux rapporteurs spéciaux qui, avec les mêmes chiffres, livrent un panel de propositions très différentes. Notre commission des affaires sociales, en phase d'auditions, n'a pas encore conclu sur les crédits de la mission, lesquels, à court terme, s'inscrivent dans une logique de continuité. Le plan de relance semble, s'agissant des mesures relatives à l'emploi, satisfaire les partenaires sociaux comme nos autres interlocuteurs. Des inquiétudes demeurent toutefois concernant l'équilibre des comptes sociaux et de l'Unedic. À cet égard, une réflexion sur la dissociation de la dette classique et de celle liée à la pandémie nous semble pertinente. La commission rendra son avis lors de sa réunion du 25 novembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Tout en les remerciant pour leur travail, je constate que nos deux rapporteurs spéciaux continuent d'avoir des positions divergentes sur les crédits de la mission. Dans le troisième projet de loi de finances rectificative, la commission des finances avait poussé à la création d'une prime à l'embauche dans le secteur marchand, pour soutenir le recrutement dans les petites et moyennes entreprises (PME). Le Gouvernement avait retenu l'idée, mais avec des critères différents : elle est destinée à toutes les entreprises, mais seulement pour les jeunes. Disposez-vous d'une première évaluation du dispositif ?

S'agissant du secteur de l'IAE, le Gouvernement s'est engagé à accompagner la création de plus de 100 000 postes supplémentaires sur cinq ans. Par ailleurs, le plan de relance prévoit d'en financer 35 000 pour la seule année 2021, exclusivement réservés à des jeunes. Est-ce bien réaliste ?

Ma troisième question porte sur les emplois francs imaginés au début du quinquennat précédent, puis abandonnés faute de succès. Après une tentative de relance, le dispositif semble à nouveau marquer le pas. Serait-ce une fausse bonne idée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je regrette l'insuffisance des crédits destinés à l'emploi dans une période si tendue. L'an dernier, nous avions longuement débattu des missions locales et des maisons de l'emploi, sujet auquel je demeure attentif. Le Président de la République a annoncé donner la priorité à la jeunesse, mais les crédits destinés à ces structures semblent encore trop limités. La troisième vague de l'appel à projets 100 % inclusion est, hélas, décalée. Toutefois, il convient de saluer l'augmentation de 1,3 % des crédits du plan « 1 jeune, 1 solution ». Les difficultés demeurent également concernant la Garantie jeunes : seuls 60 % des objectifs annuels sont remplis. Pourquoi, dès lors, ne pas l'élargir au-delà de la seule exonération d'impôt pour le foyer du jeune ? En effet, de nombreux jeunes se trouvent, du fait de la crise, en grande difficulté. La politique de l'emploi favorise les solutions de court terme et comporte trop de dispositifs empilés : il serait utile de les concentrer davantage et de les rendre plus lisibles pour les demandeurs d'emploi comme pour les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Je remercie nos rapporteurs spéciaux pour leurs analyses. Je salue l'effort budgétaire conséquent réalisé en faveur de l'accès à l'emploi, notamment au travers de l'IAE et du renforcement du plan d'investissement dans les compétences (PIC), et pour l'insertion des jeunes. Comme président des missions locales de la Creuse, je témoigne de l'engagement du personnel pour accompagner les jeunes sans qualification qui, avec la crise, affluent en nombre. Je suis particulièrement attaché aux outils locaux de la politique de l'emploi. Les missions locales ont été dotées de 100 millions d'euros supplémentaires ; je m'en réjouis. Leur action vous semble-t-elle efficace ? Le nombre de parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) et de garanties jeunes devrait augmenter, cela sera-t-il suffisant ?

Les maisons de l'emploi, hélas, ne bénéficieront en revanche pas de crédits supplémentaires, alors qu'il s'agit d'un outil intéressant, malgré des dysfonctionnements observés dans certains territoires : pour quelle raison ?

À la faveur du plan de relance, les effectifs de Pôle emploi, dont le rôle apparaît primordial en période de crise, augmenteront. Cette croissance, fondée sur des embauches sur contrat à durée déterminée (CDD), sera-t-elle pérenne ? Il le faudrait pour accompagner les chômeurs sur le long terme. Les relations entre l'opérateur et les missions locales semblent satisfaisantes, tout comme l'évolution des objectifs du Gouvernement : alors que l'ancien Premier ministre évoquait une fusion, l'actuelle ministre du travail préfère parler de coopération. Chaque opérateur peut, ainsi, travailler plus sereinement.

Je fais partie de ceux qui croient à l'utilité des emplois aidés pour favoriser l'insertion. J'approuve leur augmentation, mais, une fois de plus, cet effort sera-t-il suffisant ?

Je remercie enfin Frédérique Puissat pour ses éclairages. Les partenaires sociaux apparaissent effectivement réceptifs aux mesures du plan de relance. Il faut maintenant espérer une pérennisation de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Pour les crédits de cette mission, le niveau satisfaisant serait nul. De fait, ils augmentent comme le chômage... Le Gouvernement, compte tenu de la dégradation de la situation depuis l'établissement du présent projet de loi de finances, a-t-il prévu d'amender les crédits de la mission ?

Sophie Taillé-Polian a évoqué la situation de Pôle emploi qui bénéficie de recrutements supplémentaires tout en accusant une réduction structurelle de ses effectifs. Cela pose un problème de sincérité budgétaire. D'autres petits établissements publics existent en matière de politique de l'emploi, notamment dans le domaine de la formation, sans être financés par la présente mission. Leur fusion est-elle envisagée, afin de dégager quelques économies ?

Je partage, par ailleurs, les interrogations de notre rapporteur général sur les emplois francs. Enfin, la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion a créé les contrats uniques d'insertion, dont le pluriel semble quelque peu anachronique. Ne serait-il pas temps de revoir les différents contrats d'insertion créés depuis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Les effectifs du ministère du travail, après avoir diminué en 2019 et en 2020, enregistreront la suppression de 221 ETP en 2021. Or, le contrôle du dispositif d'activité partielle a nécessité le recrutement de 300 vacataires, par nature moins expérimentés que les agents titulaires. Avez-vous un retour sur les opérations de contrôle ? J'ai été saisie de cas d'abus ; je pense notamment au secteur du prêt-à-porter.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je remercie à mon tour nos rapporteurs spéciaux. La mission « Travail et emploi », avec 13,4 milliards d'euros de crédits de paiement, comporte un enjeu financier important. Je m'interroge, pour ma part, sur les effectifs des opérateurs, notamment de Pôle emploi, qui enregistrent une augmentation, alors que le ministère continue de supprimer des postes. Cette politique est-elle efficace sur le terrain ?

Je m'intéresse également à l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, sujet fréquemment évoqué par la délégation sénatoriale. Observe-t-on une évolution positive dans ce domaine ? Des moyens humains sont-ils spécifiquement dédiés à cette politique ?

J'aimerais enfin savoir si un effort serait, compte tenu de la crise sanitaire, réalisé au bénéfice des services de santé au travail, dont les effectifs sont très réduits.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Le plan de relance injecte des milliards d'euros pour la rénovation thermique des bâtiments. Le secteur a besoin de main d'oeuvre pour répondre à la demande ; il convient d'organiser des formations en conséquence. Les cinq axes du PIC indiqués dans votre rapport spécial me laissent, hélas, à penser que nous ne serons prêts que dans cinq ou six ans : il s'agit d'abord de financer des études prospectives et des expérimentations... Investissons-nous réellement dans l'emploi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Quel bilan tirez-vous de la fusion des missions locales dans les grandes agglomérations ? A-t-elle été efficace ? Disposez-vous, par ailleurs, de retours d'expérience sur le dispositif TZCLD ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Le dispositif TZCLD suscite de nombreuses attentes de la part des territoires : cinquante d'entre eux devraient rejoindre l'expérimentation en cours. Pour combien de nouveaux territoires les crédits qui y sont consacrés en 2021 permettront de lancer l'expérimentation ? Par ailleurs, le plan de retour à l'équilibre de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est-il bien avancé ? Votre rapport spécial évoque enfin la réorganisation des services déconcentrés chargés de la politique de l'emploi. Qu'en est-il concrètement ? Quel serait le calendrier de cette réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Nous savons que les difficultés et le coût du retour à l'emploi des chômeurs s'amplifient avec le temps. Aussi, au risque d'une lapalissade, il convient d'éviter le chômage de longue durée. Il existe à cet effet plusieurs dispositifs, mais la mesure TZCLD ne bénéficie qu'à quelques territoires et ses crédits restent insuffisants.

Je soutiens le recours aux contrats PEC, dont l'usage est bien maîtrisé par les élus locaux. Hélas, l'État ne participe plus à leur financement qu'à hauteur de 50 %. Au nombre de 450 000 il y a quatre ans, ils ne sont plus désormais que 100 000. Souvent critiqués, ces contrats ont le mérite de maintenir dans l'emploi et, partant, dans la dignité. J'en ai signé plusieurs pour ma commune et je déplore que les maires ne puissent plus apporter de réponse à ceux qui souhaitent travailler. Sur les dix employés de ma commune, six sont passés par un contrat aidé avant de devenir fonctionnaires titulaires : je pense avoir, sans ruiné l'État, fait oeuvre sociale et de professionnalisation. Nous avons un peu rapidement jeté l'opprobre sur ces contrats...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Je vous remercie pour vos nombreuses questions et de votre mobilisation sur ces sujets majeurs.

Jérôme Bascher, cette mission ne finance pas seulement la politique de lutte contre le chômage, mais également la santé au travail et l'inspection du travail : même en l'absence de demandeurs d'emploi, il existera toujours une mission « Travail et emploi » ! Il est difficile d'évaluer à ce stade le dispositif d'aide à l'embauche des jeunes dans toutes les entreprises, qui vient d'être lancé. L'OFCE nous alerte cependant sur le fait que les mesures en faveur de l'emploi mériteraient d'être davantage ciblées ; cela doit nous interroger. Les objectifs fixés à l'IAE ne pourront être atteints que si nous accompagnons les structures dans leur diversité, y compris donc plus modestes et sur l'ensemble du territoire, et si nous les aidons à résister à la crise. Le montant de l'aide au poste prévue par le projet de loi de finances reste sans doute trop faible pour certains types de structures.

De nombreuses questions portent sur les missions locales. Je rappelle que les structures qui ont pris la décision de fusionner étaient volontaires. Elles nous ont fait part de leur mobilisation et des difficultés rencontrées pendant la crise et à venir, au vu de la hausse très forte des besoins d'accompagnement qui est attendue. Elles s'interrogent, en outre, sur l'évolution des indicateurs de la mission : le taux de sortie positive du parcours d'accompagnement, auquel est lié leur niveau de financement, ne prendrait plus en compte les sorties en formation professionnelle, ce qui paraît effectivement difficile à comprendre.

Avec la crise, les opérateurs ont été largement mis à contribution, mais demeurent fragilisés. L'AFPA, notamment, a joué, grâce à son offre dématérialisée de formation, un rôle important. Pourtant, la réforme et le plan social se poursuivent : 313 postes seront supprimés en 2021. M. Bascher a évoqué les autres petites structures. La mutualisation de celles oeuvrant dans le domaine de la santé au travail a été évoquée par le rapport Lecocq et annoncée dans le cadre d'un prochain projet de loi sur le sujet. Nous serons donc amenés à en débattre. L'Agence nationale des conditions de travail (Anact) a, quant à elle, perdu 10 % de ses effectifs. Les petites structures sont fragilisées, alors qu'elles constituent des outils efficaces. L'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) a, par exemple, produit dans l'urgence les protocoles sanitaires. Nous avons besoin de ces organismes spécialisés en période de crise. Les inspecteurs du travail verront également leur nombre reculer, ce qui limitera d'autant leurs interventions, y compris pour contrôler l'application du dispositif d'activité partielle.

S'agissant de l'OTE, un premier volet de la réforme a déjà été mis en oeuvre : certaines enveloppes financières concernant les moyens matériels des services et l'immobilier du ministère du travail ont été versées au ministère de l'intérieur. Au 1er janvier, les moyens humains seront mutualisés, ce qui pourrait poser des difficultés en matière de mobilité des agents. Seront ensuite créées, au 1er avril, les directions régionales en charge de l'économie, du travail, de l'emploi et des solidarités (DRETS) et les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Je l'interroge sur l'intérêt de poursuivre cette réforme à marche forcée, alors que les services de l'État sont mobilisés par la crise. Il conviendra de veiller à ce que le système d'inspection du travail continue à dépendre du ministère du travail et non de celui de l'intérieur, conformément aux engagements de la France dans le cadre de l'OIT.

Les crédits alloués en 2021 permettront à cinquante nouveaux territoires de lancer l'expérimentation TZCLD. Des interrogations subsistent sur les crédits destinés à la gestion du fonds, mais cela ne semble pas bloquant. Le texte issu de la CMP permet d'aller au-delà de 50 nouveaux territoires. Il faudra bien entendu que les crédits budgétaires suivent le cas échéant.

Enfin, je rejoins Christian Bilhac sur les contrats aidés, outils indispensables pour les petites collectivités territoriales et le tissu associatif. On peut toutefois regretter que le taux de prise en charge de ces contrats soit encore insuffisant élevé. Le plan de relance permet de le relever en 2021, mais uniquement pour les publics jeunes...

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Le rapporteur général m'interroge sur l'aide à l'embauche. Nous avions eu ce débat au Sénat : un tel dispositif doit-il - plutôt viser l'embauche de personnes peu qualifiées dans les PME ou, comme l'a choisi le Gouvernement, les jeunes ? Les économistes que nous avons entendus en commission des finances il y a quinze jours semblaient d'accord pour considérer que les aides à l'embauche constituent un outil efficace en bas de cycle économique. Pour ce qui concerne plus précisément le public à cibler, ils tendaient à donner raison au Sénat : le critère pertinent serait plutôt l'absence de qualification, bien que les publics soient en réalité proches, puisque les jeunes éloignés de l'emploi manquent souvent de qualification. Le dispositif s'applique à tous les CDD de plus de trois mois et aux contrats à durée indéterminée (CDI) pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Le dispositif est bien lancé et le décret afférent a bien été pris le 5 août dernier, mais nous ne disposons d'aucune évaluation à ce stade. Du reste, toutes les entreprises ne connaissent pas l'existence de la prime : il faudra en faire la promotion dans les territoires. Le système apparaît assez généreux, puisque la prime est renouvelée avec le CDD, y compris passé l'âge de vingt-six ans, et si un contrat d'apprentissage a été signé préalablement avec le salarié.

S'agissant de l'IAE, l'objectif est la création de 100 000 postes en cinq ans, auxquels s'ajoutent les 35 000 postes financés par le plan de relance pour l'année 2021. Cela semble ambitieux, alors que les structures compétentes ne sont pas spécialisées sur ces publics. Méfions-nous d'une politique du chiffre... En cas de sous-consommation, les crédits restants pourront abonder, comme cette année, le fonds d'aide aux structures.

L'évaluation des emplois francs apparaît également complexe. Un premier système a échoué sous un gouvernement précédent, puis les critères ont été assouplis et la liste des quartiers éligibles étendue, permettant un démarrage sensible début 2020, que le premier confinement a cassé net. Cet outil correspond aux besoins actuels, mais il conviendra d'être vigilant, dans le futur, à d'éventuels effets d'aubaine.

Éric Jeansannetas, nous souhaitons le rétablissement des crédits des maisons de l'emploi au sein de la mission et avons bon espoir que, comme l'an passé, l'Assemblée nationale leur consacre une ligne de 5 millions d'euros. Nous réfléchirons alors pour la porter à 10 millions d'euros, car il s'agit d'un outil utile, comme nous l'avions montré dans un précédent rapport.

Sylvie Vermeillet, il est effectivement nécessaire de contrôler l'usage de l'activité partielle, qui bénéficie de montants exceptionnels. Durant l'été, 50 000 contrôles a posteriori ont été réalisés : 7 % ont fait l'objet d'une suspicion de fraude et, parmi eux, 580 ont conduit à l'engagement d'une procédure pénale. Le montant des fraudes est estimé à 225 millions d'euros. Il faut par ailleurs continuer de développer les contrôles a priori, notamment pour les entreprises qui déposent de nouvelles demandes. Les contrôles visent davantage les entreprises dont l'activité permet le télétravail.

Christine Lavarde, j'entends votre remarque. Il faut, bien entendu, que les formations soient rapidement utiles. J'ai bon espoir, car le PIC est géré par les régions qui, à l'exception de deux d'entre elles, ont contractualisé sur le sujet.

S'agissant des contrats aidés, je n'ai jamais été favorable à un recours massif à ce dispositif. Les 100 000 PEC prévus sont maintenus. Il est également prévu de relancer les contrats aidés dans le secteur marchand en 2021, qui pourront être des outils utiles pour véritablement favoriser un retour rapide à l'emploi. Le dispositif doit cependant rester temporaire et il faudra rester attentif aux effets d'aubaine.

Enfin, Marc Laménie m'a interrogé sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail. L'Index de l'égalité professionnelle a été mis en place dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés depuis le 1er mars. Il s'agit d'une mesure tout à fait positive. Les sanctions sont, par ailleurs, élevées - jusqu'à 1 % de la masse salariale - en l'absence d'actions menées pour améliorer la situation des femmes au sein de l'entreprise.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Travail et emploi ».

La réunion est close à 12 h 05.