Intervention de Elisabeth Doineau

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 novembre 2020 à 8h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Examen du rapport

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau, rapporteure :

J'ai évolué sur le sujet. Quand j'étais chef d'entreprise, j'ai pris en considération les besoins de mes salariés, qui n'en faisaient d'ailleurs pas forcément la demande. Mais je vois que, génération après génération, les mentalités changent. Les jeunes d'aujourd'hui qui deviennent parents ont envie de partager ces moments uniques : on ne revient jamais au premier jour de vie de son enfant ! Il y a donc un besoin d'être là, et de partager avec la maman les tâches liées à l'arrivée d'un enfant. Certes, tout dépend des générations et des caractères : c'est vraiment la personnalité des parents qui fait la différence. Quand on offre la possibilité de passer ces jours-là auprès du jeune enfant - le docteur Dugravier a insisté sur ce point -, il y a vraiment quelque chose qui se passe et cela participe à l'équilibre et au bien-être du jeune enfant.

La prise en charge par la sécurité sociale est au même niveau que pour le congé maternité. De ce fait, on avance sur l'égalité entre hommes et femmes, notamment pour l'embauche, puisqu'il arrive que le chef d'entreprise redoute les absences liées à la maternité. La délégation aux droits des femmes du Sénat devrait s'en réjouir ! Les trois jours de congé de naissance sont en réalité des autorisations d'absence, avec maintien du salaire. Il n'y aura donc pas de coûts supplémentaires.

Il ne semble pas que cette mesure induira des besoins de recrutement. Seuls sept jours seront obligatoires et, pour certaines activités, cela créera peut-être des besoins de recrutement sous contrats à durée déterminée. L'ensemble des organisations syndicales mène une réflexion sur la question, et le décret ne sera pris que quand un consensus aura été trouvé. Il ne faut pas que ce soit vu comme une pénalité sur les entreprises, quelle que soit leur taille, mais plutôt comme une avancée sociale et sociétale.

Le comité des 1 000 jours nous a bien dit que la présence des deux parents les premiers jours avait une véritable valeur. Bien sûr, tout dépend de l'investissement de chacun, et on ne peut pas parier sur l'investissement d'un père, d'une mère, d'un parent. Pour être en charge de la protection de l'enfance dans mon département, je sais que, dans certaines familles, il y a des carences énormes d'éducation et de prise en charge. Inversement, certains parents veulent de plus en plus s'investir pour leur enfant, et cela dès les premiers jours.

On a dit que cela pourrait soulager la mère dans ses tâches vis-à-vis de l'enfant. Nous avons pu observer que les dépressions, après une naissance, sont souvent ignorées, alors qu'il s'agit d'une réalité répandue, qui met les femmes à la peine. La présence du père pendant les premiers jours aidera peut-être à mieux identifier ces moments de grande déprime pour certaines femmes. Dans l'entreprise, il faut favoriser tout ce qui accroît l'égalité entre les salariés, et surtout entre les hommes et les femmes. Moins nous aurons de discrimination par rapport à l'approche, plus on avancera sur ce sujet.

Je partage la déception de Mme Meunier : je rêve depuis quelques années d'une véritable ambition pour la politique familiale de notre pays, qui rendrait plus aisé le financement de nos retraites. Ce n'est pas un gros mot que d'avoir une politique familiale et de penser natalité ! En France, c'était bien après-guerre, mais il semble qu'aujourd'hui il ne faille plus en parler. Rien n'est fait pour donner envie aux familles d'avoir plus de deux enfants. Il y a quelques années, c'était presque la norme d'avoir deux enfants, et avoir un troisième enfant était le petit plus que certaines familles se permettaient. Cette norme est retombée à un enfant, et c'est le second qui est le petit plus... Financièrement, tout est fait pour vous décourager, et le rapport entre la vie familiale et la vie professionnelle ne s'est guère modernisé. Moi aussi, j'apprécierais que la CNAF nous associe à ses travaux ! On voit bien que les collectivités territoriales n'investissent pas suffisamment.

Les pères prendront-ils ce congé ? Celui-ci ne coûtera-t-il pas cher à l'entreprise ? Sur ce deuxième point, on sait que la réponse est négative. En revanche, cela affectera l'organisation de l'entreprise. Mais il faut voir qu'il y a beaucoup de bénéfices ! Quand on a imaginé d'accueillir un enfant, c'est bien aussi d'imaginer être plus proche de lui... Le congé paternité est déjà pris par 64 % des pères. On voit bien que les générations changent, et que la volonté de partager avec l'autre parent se développe.

Le caractère obligatoire augmentera le taux de recours, et constitue une protection pour le salarié, qui sinon n'osera pas demander les jours, s'ils sont tous facultatifs. J'étais chef d'entreprise dans le négoce de bois, et nous n'étions que cinq salariés. Je sais donc que si une personne manque, à certaines saisons, c'est catastrophique. Mais l'arrivée d'un enfant, c'est tellement unique, tellement exceptionnel... Les chefs d'entreprise montrent une telle capacité à réagir, qu'ils sauront s'adapter dans la plupart des cas.

Cette proposition arrive peut-être au mauvais moment, mais il n'y a jamais de bon moment quand on veut avancer ! C'est l'une des seules préconisations du rapport sur les 1 000 jours qui est traduite dans ce PLFSS.

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