Intervention de Joël Barre

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 octobre 2020 à 10h15
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de M. Joël Barre délégué général pour l'armement en téléconférence

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Merci Monsieur le Président. Je vous remercie pour vos propos introductifs chaleureux que je transmettrai à mes équipes.

Je vous propose de porter cette introduction sur trois points : d'abord, un premier point sur le budget 2020. Ensuite, j'évoquerai l'impact de la crise sanitaire à travers les sujets évoqués ; enfin, je m'attarderai sur le projet de loi de finances 2021. J'ajouterai également un point sur l'actualisation de la LPM en 2021 puisque vous m'interrogez à ce propos.

Concernant l'exécution 2020, pour les paiements du programme 146, les besoins de paiement ont été actualisés à 14,8 milliards d'euros, pour une ressource de 12,6 milliards d'euros, en incluant dans ces ressources les 504 millions d'euros de réserve, actuellement gelés.

Sur ce problème de la réserve, nous avons, au cours de cette année 2020, appliqué une modalité de gestion qui ajuste les engagements de l'année au fur et à mesure de nos prévisions de paiement ; en tenant compte de l'avancement des contrats passés, des évolutions de besoins de paiement liés à des retards de programmes ou des gains de gestion. Cette gestion dynamique, pilotée par Éveline Spina, directrice financière de la programmation, déjà mise en place en 2019, permet de nous rendre suffisamment résilients à ce qui pourra advenir d'ici la fin de l'année sur cette réserve budgétaire du 146.

La DGA est extrêmement attentive au report de charges à la fin de l'année 2020, pour l'instant conforme au chiffre de la trajectoire LPM, soit 2,4 milliards d'euros. Le mécanisme mis en place le permet : les retards pris dans la réalisation des travaux à cause de la covid-19 sont compensés par les dépenses additionnelles pour le soutien à notre industrie (en particulier aéronautique), mais aussi par les différentes mesures d'aides à l'industrie de notre BITD, prises au fur et à mesure du développement de la crise, comme la facilitation et l'accélération des paiements par exemple. À la fin de 2020, nous pensons être dans la trajectoire LPM sur le report de charges.

J'aborderai les principales livraisons attendues cette année. Pour l'armée de terre, vous avez évoqué le cas des Griffon, notre objectif de fin d'année est un peu en deçà de 100 pour un chiffre initial fixé à 128. De manière générale, tous les retards pris pour cause de crise sanitaire seront rattrapés dans le courant de l'année 2021. Pour les Griffon, il en sera ainsi au premier trimestre 2021, d'autres commandes prendront éventuellement un peu plus de temps.

Nous aurons fourni les deux premiers avions ATL2 rénovés de notre marine et réceptionné et livré le Suffren à la marine dans les semaines qui viennent.

Pour l'armée de l'air, les deux premiers avions légers de surveillance et reconnaissance seront livrés. Nous aurons livré un A400M de plus par anticipation et un MRTT Phenix. Il s'y ajoute les deux premiers A330 du plan de relance aéronautique.

Afin de terminer le panorama de la situation 2020, j'évoquerai les besoins de paiements du programme 144, à hauteur de 900 millions d'euros, sur la trajectoire de la LPM qui nous amène à 1 milliard d'euros en 2022. La totalité de la ressource des crédits sera consommée d'ici la fin de l'année.

Nous avons engagé, au titre de ces études préalables, la préparation du système de combat aérien du futur (SCAF), le char MGCS avec les partenaires allemands, le lancement de la phase de réalisation du porte-avions nouvelle génération, ainsi que des études préparatoires à nos systèmes spatiaux de prochaine génération.

Ainsi, pour conclure, sur la situation du budget 2020, nos retards de livraisons seront rattrapés au plus tard courant 2021.

Quant à l'activité de la DGA pendant la crise sanitaire, je souligne qu'au-delà du Suffren nous avons validé en juin le lancement d'un missile balistique stratégique M51 par le Sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Téméraire, dans le cadre d'un essai d'ensemble. Réussir l'ensemble de nos activités « sous-marins » n'était pas une chose aisée pendant la crise, compte tenu des difficultés à mettre en place les gestes barrière dans un tel contexte.

Nous sommes également parvenus à livrer les premiers systèmes de minidrones de reconnaissance (SMDR) pour expérimentation à l'armée de terre. Les essais Jaguar ont été entamés dans le cadre des objectifs de 2021.

Nous avons donc réussi à maintenir un plan de priorités concernant la dissuasion, le maintien des postures de sécurité et les opérations extérieures et maintien en conditions opérationnelles.

Nous avons retrouvé un niveau d'activité normal depuis l'été, avec un certain pourcentage de télétravail pour nos équipes quand cela est possible, de manière à garantir l'efficacité de notre mission et le respect des précautions sanitaires.

Vous avez évoqué la lutte contre l'épidémie à laquelle nous avons contribué avec l'appel à projets de notre agence de l'innovation de défense, avec le développement de solutions de transport et d'évacuation sanitaire et avec notre activité sur les masques qui en a facilité le déploiement sur l'ensemble du territoire.

Le plan de soutien aéronautique a été engagé en juin. Il représente un total de commandes d'un peu plus de 800 millions d'euros dont 600 millions pour le ministère des armées et le programme 146 avec la commande anticipée d'un troisième avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR). Les trois avions A330 destinés à devenir les 13ème, 14ème et 15ème MRTT sont commandés, les deux premiers doivent être livrés d'ici la fin de l'année. Sont également inclus dans ce plan de soutien aéronautique les huit hélicoptères Caracal destinés au remplacement des Puma de l'armée de l'air. Ce plan de soutien comporte aussi des commandes de drones pour la marine. Les réalisations du programme 146 sont complétées par deux hélicoptères H145 pour la sécurité civile et dix hélicoptères H160 pour la gendarmerie nationale.

La cellule de soutien à la BITD a été mise en place au mois de mai : une centaine de personnels est mobilisée. Un peu plus de 1 200 ont été identifiées : à ce jour 1 075 entreprises ont été visitées et 120 relèvent d'une situation qualifiée de « préoccupante ». Pour ces dernières, des actions de remédiation ont été engagées : facilités ou accélérations de paiements, anticipations ou nouvelles commandes, aides à l'obtention de prêts auprès des banques, aides à l'obtention de prêts garantis par l'État (PGE), aides à la réponse aux appels d'offres prévus dans le plan de relance :des appels à projets existent dans le domaine aéronautique, dans le domaine de la résilience des industries et dans le domaine des territoires de l'industrie. Sur l'ensemble de ces appels d'offres pilotés par Bercy, nous travaillons avec la Direction générale des entreprises (DGE) et les régions pour les aider dans la sélection des projets retenus. Nous encourageons les entreprises à présenter des projets dans le cadre de ce plan de relance. Nous continuerons tout au long de la crise.

Nous complétons cet aspect d'aide directe à nos industries par l'aspect capitalistique, grâce à un doublement du montant du fonds Definvest, en place depuis 2017 pour soutenir les entreprises. Depuis la création de ce fonds, nous avons soutenu huit entreprises dans lesquelles une quinzaine de millions d'euros ont été investis. Nous avons pu faire bénéficier les entreprises d'un effet de levier de l'ordre de six, grâce à des investissements privés additionnels.

Dans les semaines qui viennent, un fonds complémentaire sera créé, visant à soutenir les start-ups et entreprises innovantes. Ce fonds, mis en place avec BPI France, porterait sur un montant de 200 millions d'euros.

Nous devons assurer la sécurité et la santé de nos salariés, nous respectons pour cela les consignes sanitaires. Si la situation ne s'aggrave pas de manière significative dans les mois qui viennent, nous pourrons continuer à répondre à nos missions.

En ce qui concerne le PLF 2021, nous sommes sur la trajectoire de la LPM pour le P146 et le P144. Le P146 prévoit d'augmenter l'allocation en crédits de paiement de 1,1 milliard d'euros (soit 13,6 milliards d'euros au total). Cet effort supplémentaire par rapport à 2020 portera essentiellement sur les programmes à effet majeur puisque ceux-ci représentent 700 millions d'euros dans la hausse évoquée. Le développement et la réalisation des commandes de la LPM pourront ainsi se poursuivre, tout en réduisant le report de charges. Celui-ci passera à 2,1 milliards d'euros, contre 2,4 milliards prévus fin 2020.

Au titre de l'année 2021, la commande des premiers hélicoptères interarmées légers Guépard est emblématique. Nous en commanderons une trentaine en 2021.

En 2021, nous livrerons les blindés Griffon prévus pour l'armée de terre, auxquels s'ajouteront ceux retardés en 2020. Les vingt premiers blindés Jaguar seront eux aussi livrés au début de l'année 2021 ; les quatre prévus en 2020 sont malheureusement, eux aussi, en retard en raison de la crise. Quoi qu'il en soit, la qualification du véhicule a commencé. Nous livrerons les véhicules blindés légers (VBL) utilisés en OPEX. Ces derniers demandent une régénération particulière puisqu'ils ont été largement utilisés et continuent de l'être. Le programme est désormais prêt à la livraison à partir de l'année prochaine.

Pour la marine, vous avez évoqué le Suffren qui avait déjà effectué un tir de torpille lourde, avant le tir du MdCN. Nous livrerons les torpilles pour la marine en 2021 de manière à être au rendez-vous de la mise en service du Suffren. Nous continuerons la livraison des pods de désignation laser de Thales pour l'armée de l'air et de l'espace, sur lesquels nous avons aussi pris du retard. Les livraisons se poursuivront de manière générale (MRTT Phénix etc.). À l'horizon 2021, nous rejoindrons le calendrier de livraisons prévu à l'origine de la LPM.

Puisque l'armée de l'air est devenue l'armée de l'air et de l'espace, en 2021, nous assisterons au lancement du satellite CSO-2, prévu en 2020 reporté pour cause de disponibilité de lanceur. Le système de satellite de renseignement d'origine électromagnétique CERES sera, lui aussi, lancé en 2021. Deux systèmes satellitaires de nouvelle génération seront donc livrés à notre armée de l'air et de l'espace.

Pour les études amont du P144, 900 millions d'euros de paiements sont annoncés, soit une hausse de 10 % par rapport à 2020, sur la trajectoire de la LPM, permettant la poursuite des études déjà évoquées sur la préparation des systèmes futurs.

En ce qui concerne l'actualisation, les travaux sont en cours et ne font que commencer. Les engagements pris au titre de la LPM sont tenus en termes de gestion budgétaire, d'avancement des livraisons (les effets covid seront rattrapés en 2021), en termes de démarrage des programmes capacitaires, et en matière de coopération européenne. Ces engagements sont également tenus en matière de transformation interne à la DGA : sur l'innovation, la préparation et la conduite des programmes.

Le contexte géostratégique ne s'est pas amélioré depuis 2017 : le modèle d'armée 2030, au fondement de la LPM est plutôt à conforter qu'à affaiblir.

Troisième considérant à prendre en compte, concernant cette actualisation : nous sommes dans une situation de nécessaire relance de notre industrie. La BITD demande le soutien que nous lui apportons, mais la LPM en soi est une LPM de relance à la fois sur le plan capacitaire et industriel. Il me paraît donc judicieux de poursuivre cette trajectoire.

Enfin, nous avons montré ces dernières années que la France peut être la locomotive de l'Europe de la défense aussi bien sur le plan capacitaire et opérationnel que sur le plan du développement de nos programmes. Nous devons poursuivre cette trajectoire.

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