Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 21 octobre 2020 à 10h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le délégué général pour l'armement, merci d'avoir accepté notre invitation. Je commencerai par des compliments : dans nos visites successives aux forces armées, nous observons réellement la concrétisation de la LPM et les efforts conduits par la direction générale de l'armement (DGA). L'éreintement si souvent évoqué ces vingt dernières années commence à faire partie de l'histoire. Au titre des réussites, je citerai le récent tir de missile de croisière naval par le sous-marin nucléaire d'attaque Suffren. Le MdCN, tiré pour la première fois depuis un sous-marin, renforce considérablement la capacité de frappe de notre marine. Je souhaitais vous adresser mes félicitations, car ces résultats sont dus à l'engagement de la DGA.

Nous nous réjouissons de vous recevoir à l'occasion de l'examen du PLF 2021. Nous sommes particulièrement désireux de recueillir votre analyse sur le contexte de ce PLF, le troisième de la LPM.

La crise sanitaire a entraîné de nombreuses perturbations. Nous souhaitons savoir si un risque de sous-consommation des crédits est à déplorer du fait de la covid-19.

En particulier, sur les nouveaux véhicules blindés Griffon : moins d'une centaine devrait être livrés en 2020, au lieu des 128 prévus. Je crois que seuls 31 véhicules ont été reçus pour le moment, ils sont très attendus. Nous sommes très attentifs à la sécurité de nos troupes, notamment celles engagées dans les OPEX. Ces nouveaux matériels offrent des conditions de sécurité bien supérieures à ce que nous connaissions auparavant. Le retard pris en 2020 pourra-t-il être rapidement rattrapé ?

La DGA a été réactive face à la crise sanitaire. Un plan de soutien à la filière aéronautique d'un montant de 600 millions d'euros a été annoncé par le gouvernement en juin. Dans ce cadre, trois avions de transport et de ravitaillement MRTT ont été commandés cet été. Cela était attendu par nos industriels.

La DGA a participé à la recherche de solutions innovantes dans la lutte contre la covid-19 et s'est fortement impliquée dans le soutien à la BITD. Elle a notamment mis en place une indispensable cellule de soutien aux entreprises. Quel diagnostic faites-vous de l'impact de la crise sur les industriels, sur la BITD ? Quel est le bilan de l'action de cette cellule de soutien ?

Enfin, comment envisagez-vous l'actualisation de la LPM, moment fort de 2021 ? Nous nous réjouissons de la mise en oeuvre de la LPM 2019-2025, sur les trois exercices, conformément aux prévisions. Nous avons quelques inquiétudes : le coût d'achat de nouveaux Rafale ou encore les conséquences de l'incendie du sous-marin La Perle ne sont pas financés. Nous sommes attentifs aux informations que vous pourrez nous apporter.

Des marches budgétaires très importantes de la LPM restent à franchir : 3 milliards d'euros annuels, jusqu'à 44 milliards d'euros en 2023 et un effort de remontée en puissance qui devra être poursuivi. Sommes-nous d'accord sur le fait que l'actualisation de la LPM prendra la forme d'une loi ? Il s'agit en tout cas de la position du Sénat, nous l'avons rappelée au gouvernement.

Debut de section - Permalien
Joël Barre, délégué général pour l'armement

Merci Monsieur le Président. Je vous remercie pour vos propos introductifs chaleureux que je transmettrai à mes équipes.

Je vous propose de porter cette introduction sur trois points : d'abord, un premier point sur le budget 2020. Ensuite, j'évoquerai l'impact de la crise sanitaire à travers les sujets évoqués ; enfin, je m'attarderai sur le projet de loi de finances 2021. J'ajouterai également un point sur l'actualisation de la LPM en 2021 puisque vous m'interrogez à ce propos.

Concernant l'exécution 2020, pour les paiements du programme 146, les besoins de paiement ont été actualisés à 14,8 milliards d'euros, pour une ressource de 12,6 milliards d'euros, en incluant dans ces ressources les 504 millions d'euros de réserve, actuellement gelés.

Sur ce problème de la réserve, nous avons, au cours de cette année 2020, appliqué une modalité de gestion qui ajuste les engagements de l'année au fur et à mesure de nos prévisions de paiement ; en tenant compte de l'avancement des contrats passés, des évolutions de besoins de paiement liés à des retards de programmes ou des gains de gestion. Cette gestion dynamique, pilotée par Éveline Spina, directrice financière de la programmation, déjà mise en place en 2019, permet de nous rendre suffisamment résilients à ce qui pourra advenir d'ici la fin de l'année sur cette réserve budgétaire du 146.

La DGA est extrêmement attentive au report de charges à la fin de l'année 2020, pour l'instant conforme au chiffre de la trajectoire LPM, soit 2,4 milliards d'euros. Le mécanisme mis en place le permet : les retards pris dans la réalisation des travaux à cause de la covid-19 sont compensés par les dépenses additionnelles pour le soutien à notre industrie (en particulier aéronautique), mais aussi par les différentes mesures d'aides à l'industrie de notre BITD, prises au fur et à mesure du développement de la crise, comme la facilitation et l'accélération des paiements par exemple. À la fin de 2020, nous pensons être dans la trajectoire LPM sur le report de charges.

J'aborderai les principales livraisons attendues cette année. Pour l'armée de terre, vous avez évoqué le cas des Griffon, notre objectif de fin d'année est un peu en deçà de 100 pour un chiffre initial fixé à 128. De manière générale, tous les retards pris pour cause de crise sanitaire seront rattrapés dans le courant de l'année 2021. Pour les Griffon, il en sera ainsi au premier trimestre 2021, d'autres commandes prendront éventuellement un peu plus de temps.

Nous aurons fourni les deux premiers avions ATL2 rénovés de notre marine et réceptionné et livré le Suffren à la marine dans les semaines qui viennent.

Pour l'armée de l'air, les deux premiers avions légers de surveillance et reconnaissance seront livrés. Nous aurons livré un A400M de plus par anticipation et un MRTT Phenix. Il s'y ajoute les deux premiers A330 du plan de relance aéronautique.

Afin de terminer le panorama de la situation 2020, j'évoquerai les besoins de paiements du programme 144, à hauteur de 900 millions d'euros, sur la trajectoire de la LPM qui nous amène à 1 milliard d'euros en 2022. La totalité de la ressource des crédits sera consommée d'ici la fin de l'année.

Nous avons engagé, au titre de ces études préalables, la préparation du système de combat aérien du futur (SCAF), le char MGCS avec les partenaires allemands, le lancement de la phase de réalisation du porte-avions nouvelle génération, ainsi que des études préparatoires à nos systèmes spatiaux de prochaine génération.

Ainsi, pour conclure, sur la situation du budget 2020, nos retards de livraisons seront rattrapés au plus tard courant 2021.

Quant à l'activité de la DGA pendant la crise sanitaire, je souligne qu'au-delà du Suffren nous avons validé en juin le lancement d'un missile balistique stratégique M51 par le Sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Téméraire, dans le cadre d'un essai d'ensemble. Réussir l'ensemble de nos activités « sous-marins » n'était pas une chose aisée pendant la crise, compte tenu des difficultés à mettre en place les gestes barrière dans un tel contexte.

Nous sommes également parvenus à livrer les premiers systèmes de minidrones de reconnaissance (SMDR) pour expérimentation à l'armée de terre. Les essais Jaguar ont été entamés dans le cadre des objectifs de 2021.

Nous avons donc réussi à maintenir un plan de priorités concernant la dissuasion, le maintien des postures de sécurité et les opérations extérieures et maintien en conditions opérationnelles.

Nous avons retrouvé un niveau d'activité normal depuis l'été, avec un certain pourcentage de télétravail pour nos équipes quand cela est possible, de manière à garantir l'efficacité de notre mission et le respect des précautions sanitaires.

Vous avez évoqué la lutte contre l'épidémie à laquelle nous avons contribué avec l'appel à projets de notre agence de l'innovation de défense, avec le développement de solutions de transport et d'évacuation sanitaire et avec notre activité sur les masques qui en a facilité le déploiement sur l'ensemble du territoire.

Le plan de soutien aéronautique a été engagé en juin. Il représente un total de commandes d'un peu plus de 800 millions d'euros dont 600 millions pour le ministère des armées et le programme 146 avec la commande anticipée d'un troisième avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR). Les trois avions A330 destinés à devenir les 13ème, 14ème et 15ème MRTT sont commandés, les deux premiers doivent être livrés d'ici la fin de l'année. Sont également inclus dans ce plan de soutien aéronautique les huit hélicoptères Caracal destinés au remplacement des Puma de l'armée de l'air. Ce plan de soutien comporte aussi des commandes de drones pour la marine. Les réalisations du programme 146 sont complétées par deux hélicoptères H145 pour la sécurité civile et dix hélicoptères H160 pour la gendarmerie nationale.

La cellule de soutien à la BITD a été mise en place au mois de mai : une centaine de personnels est mobilisée. Un peu plus de 1 200 ont été identifiées : à ce jour 1 075 entreprises ont été visitées et 120 relèvent d'une situation qualifiée de « préoccupante ». Pour ces dernières, des actions de remédiation ont été engagées : facilités ou accélérations de paiements, anticipations ou nouvelles commandes, aides à l'obtention de prêts auprès des banques, aides à l'obtention de prêts garantis par l'État (PGE), aides à la réponse aux appels d'offres prévus dans le plan de relance :des appels à projets existent dans le domaine aéronautique, dans le domaine de la résilience des industries et dans le domaine des territoires de l'industrie. Sur l'ensemble de ces appels d'offres pilotés par Bercy, nous travaillons avec la Direction générale des entreprises (DGE) et les régions pour les aider dans la sélection des projets retenus. Nous encourageons les entreprises à présenter des projets dans le cadre de ce plan de relance. Nous continuerons tout au long de la crise.

Nous complétons cet aspect d'aide directe à nos industries par l'aspect capitalistique, grâce à un doublement du montant du fonds Definvest, en place depuis 2017 pour soutenir les entreprises. Depuis la création de ce fonds, nous avons soutenu huit entreprises dans lesquelles une quinzaine de millions d'euros ont été investis. Nous avons pu faire bénéficier les entreprises d'un effet de levier de l'ordre de six, grâce à des investissements privés additionnels.

Dans les semaines qui viennent, un fonds complémentaire sera créé, visant à soutenir les start-ups et entreprises innovantes. Ce fonds, mis en place avec BPI France, porterait sur un montant de 200 millions d'euros.

Nous devons assurer la sécurité et la santé de nos salariés, nous respectons pour cela les consignes sanitaires. Si la situation ne s'aggrave pas de manière significative dans les mois qui viennent, nous pourrons continuer à répondre à nos missions.

En ce qui concerne le PLF 2021, nous sommes sur la trajectoire de la LPM pour le P146 et le P144. Le P146 prévoit d'augmenter l'allocation en crédits de paiement de 1,1 milliard d'euros (soit 13,6 milliards d'euros au total). Cet effort supplémentaire par rapport à 2020 portera essentiellement sur les programmes à effet majeur puisque ceux-ci représentent 700 millions d'euros dans la hausse évoquée. Le développement et la réalisation des commandes de la LPM pourront ainsi se poursuivre, tout en réduisant le report de charges. Celui-ci passera à 2,1 milliards d'euros, contre 2,4 milliards prévus fin 2020.

Au titre de l'année 2021, la commande des premiers hélicoptères interarmées légers Guépard est emblématique. Nous en commanderons une trentaine en 2021.

En 2021, nous livrerons les blindés Griffon prévus pour l'armée de terre, auxquels s'ajouteront ceux retardés en 2020. Les vingt premiers blindés Jaguar seront eux aussi livrés au début de l'année 2021 ; les quatre prévus en 2020 sont malheureusement, eux aussi, en retard en raison de la crise. Quoi qu'il en soit, la qualification du véhicule a commencé. Nous livrerons les véhicules blindés légers (VBL) utilisés en OPEX. Ces derniers demandent une régénération particulière puisqu'ils ont été largement utilisés et continuent de l'être. Le programme est désormais prêt à la livraison à partir de l'année prochaine.

Pour la marine, vous avez évoqué le Suffren qui avait déjà effectué un tir de torpille lourde, avant le tir du MdCN. Nous livrerons les torpilles pour la marine en 2021 de manière à être au rendez-vous de la mise en service du Suffren. Nous continuerons la livraison des pods de désignation laser de Thales pour l'armée de l'air et de l'espace, sur lesquels nous avons aussi pris du retard. Les livraisons se poursuivront de manière générale (MRTT Phénix etc.). À l'horizon 2021, nous rejoindrons le calendrier de livraisons prévu à l'origine de la LPM.

Puisque l'armée de l'air est devenue l'armée de l'air et de l'espace, en 2021, nous assisterons au lancement du satellite CSO-2, prévu en 2020 reporté pour cause de disponibilité de lanceur. Le système de satellite de renseignement d'origine électromagnétique CERES sera, lui aussi, lancé en 2021. Deux systèmes satellitaires de nouvelle génération seront donc livrés à notre armée de l'air et de l'espace.

Pour les études amont du P144, 900 millions d'euros de paiements sont annoncés, soit une hausse de 10 % par rapport à 2020, sur la trajectoire de la LPM, permettant la poursuite des études déjà évoquées sur la préparation des systèmes futurs.

En ce qui concerne l'actualisation, les travaux sont en cours et ne font que commencer. Les engagements pris au titre de la LPM sont tenus en termes de gestion budgétaire, d'avancement des livraisons (les effets covid seront rattrapés en 2021), en termes de démarrage des programmes capacitaires, et en matière de coopération européenne. Ces engagements sont également tenus en matière de transformation interne à la DGA : sur l'innovation, la préparation et la conduite des programmes.

Le contexte géostratégique ne s'est pas amélioré depuis 2017 : le modèle d'armée 2030, au fondement de la LPM est plutôt à conforter qu'à affaiblir.

Troisième considérant à prendre en compte, concernant cette actualisation : nous sommes dans une situation de nécessaire relance de notre industrie. La BITD demande le soutien que nous lui apportons, mais la LPM en soi est une LPM de relance à la fois sur le plan capacitaire et industriel. Il me paraît donc judicieux de poursuivre cette trajectoire.

Enfin, nous avons montré ces dernières années que la France peut être la locomotive de l'Europe de la défense aussi bien sur le plan capacitaire et opérationnel que sur le plan du développement de nos programmes. Nous devons poursuivre cette trajectoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci, Monsieur le Délégué général. Nous adhérons aux priorités que vous avez évoquées. Avant de passer la parole à nos rapporteurs, j'aimerais revenir sur la Perle, sur laquelle nous souhaiterions avoir quelques précisions.

Debut de section - Permalien
Joël Barre, délégué général pour l'armement

Une solution a été proposée. La ministre l'annoncera prochainement. Il y aura une solution dont l'objectif est de garantir la posture des sous-marins nucléaires d'attaque en opération telle qu'elle est demandée par notre marine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Très bien. Je laisse donc la parole à nos rapporteurs, d'abord à notre collègue Cédric Perrin pour le programme 146.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous pouvons nous réjouir que cette loi de finances respecte la LPM. Cependant, quelques inconnues demeurent et constituent des dangers pour le budget de la défense. Comment sera financé l'achat des douze nouveaux Rafale, récemment annoncé par la ministre ?

Nous avons demandé que la recette issue de la cession des Rafale de l'armée de l'air puisse contribuer au financement de ces nouveaux appareils : comment y parvenir ? Faut-il créer un compte d'affectation spécial au sein du budget de l'État ou doit-on procéder à une forme de troc en cédant d'abord nos appareils à Dassault ?

Quel pourrait être le produit de cette vente d'occasion ? Les 400 millions d'euros évoqués sont-ils confirmés ? Si oui, cela sera évidemment très insuffisant pour financer les Rafale neufs. D'autres programmes devront-ils être sacrifiés ? Vous avez évoqué la question du P146. Sera-t-il pénalisé sur d'autres points ?

Des questions similaires se posent sur la réparation du sous-marin La Perle. La question est éminemment financière : où allons-nous trouver les crédits pour financer ces opérations non programmées ou pas suffisamment budgétées dans la LPM ? Des interrogations s'offrent à nous et impacteront rapidement le programme 146.

Enfin, concernant les crédits de l'AID, pouvez-vous nous éclairer sur l'articulation entre l'AID et la DGA, deux ans après la création de l'AID ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Vous avez évoqué un fonds de 200 millions d'euros pour les start-ups. Le 7 mai dernier, j'ai interrogé le ministère sur les difficultés d'accès au financement des entreprises du secteur de la défense, notamment les PME. Une mission d'information sera bientôt lancée par les députés sur le sujet. Est-ce un début de réponse à ce problème rencontré par nos PME ?

Ma question porte sur les relations franco-britannique et franco-allemande. Il existe un décalage sur la perception que nous avons de l'engouement français, notamment par rapport à nos homologues allemands. Sur la relation franco-britannique, nous avons adopté le 15 juillet dernier dans cette commission un rapport sur le SCAF. Nous prônions avec Ronan Le Gleut une accélération du programme au vu du calendrier, qui prévoit la sortie des Tempest en 2035, alors que celle du SCAF est prévue en 2040. Un tel calendrier serait préjudiciable aux ventes du SCAF.

Pendant nos auditions, nous avions l'impression que nous, Français, ne prenions pas suffisamment au sérieux la motivation des Britanniques, voire négligions l'importance de prendre en compte leur approche, beaucoup plus globale que la nôtre. Les Britanniques travaillent déjà sur le système de systèmes alors que nous sommes concentrés sur le démonstrateur avec 2026 comme objectif. L'usine 4.0 de BAE Systems fera appel à l'impression 3D et à la robotique pour réduire les délais et les coûts. La technologie, dite des jumeaux numériques, devrait accélérer le développement de cet avion sans utiliser de démonstrateur. Les Britanniques évoquent entre autres un cockpit portable et un co-pilote virtuel.

L'ambition est la même que la nôtre, mais l'approche est totalement différente. Une étude publiée la semaine dernière souligne que le programme Tempest pourrait générer plus de 20 000 emplois hautement qualifiés et qu'il serait susceptible d'injecter plus de 25 milliards de livres sterling dans l'économie britannique d'ici à 2050. Devrions-nous être plus attentifs à ce qui se passe Outre-Manche ?

De même, nous semblons plus engagés que nos homologues dans le partenariat franco-allemand. Êtes-vous confiants dans les progrès réalisés ? Pourrons-nous atteindre un niveau d'engagement financier en 2021 rendant les programmes SCAF et MGCS irréversibles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Pour prolonger la question d'Hélène Conway-Mouret : toute collaboration avec les Britanniques sur le SCAF est-elle véritablement impossible ? Avec la crise sanitaire et les dettes invraisemblables contractées par les États, y-a-t-il de la place pour plusieurs nouveaux systèmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur le Président, pour les Britanniques comme pour nous, il s'agit d'un programme absolument nécessaire pour préparer l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le Délégué général, nous ne pouvons que nous réjouir de cette vente de Rafale à la Grèce et éventuellement à la Croatie. Pouvez-vous nous assurer que la charge ne sera pas trop lourde à porter pour notre armée ? Précédemment, nous avons fait part au Général Lavigne de notre inquiétude sur le fait qu'un certain nombre d'heures de vols ne soient plus disponibles et que les formateurs sur Rafale ne soient plus complètement libres pour nos aviateurs.

Concernant les contrats de maintenance dits verticalisés, vos services ont-ils pu en évaluer les bénéfices en matière de maintenance des équipements aéronautiques et terrestres ? Des éléments existants peuvent-ils nous être communiqués au titre de la LPM ?

Enfin, la propulsion du porte-avions de nouvelle génération devrait être nucléaire. Les décisions du Président de la République sont très attendues. Pour vos services, quelles sont les priorités en termes de crédits d'études amont et de calendrier dans le cadre de la LPM et du budget 2021 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Merci Monsieur le délégué général pour ces précisions. Vous avez exposé les dispositions prises pour aider les PME et ETI impliquées dans les programmes d'armement tout au long de la crise sanitaire. Nous sommes au commencement de la seconde phase. Pendant combien de temps pouvez-vous tenir à bout de bras certaines entreprises ? Certaines vous inquiètent-elles plus que d'autres, notamment dans le domaine aéronautique ? Ma question porte sur les entreprises qui présentent des risques de défaillance voire d'arrêt total.

À l'heure où le concept de souveraineté prend partout de l'ampleur, pensez-vous que nous fassions le nécessaire pour préserver notre souveraineté industrielle ? Vous n'éviterez pas la question sur le dossier Photonis, qui me donne l'impression d'être dans une impasse. Pouvez-vous nous donner quelques explications d'actualité sur ce sujet ? Cette impasse n'est-elle pas symptomatique des maux que nous subissons actuellement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

M. le délégué général, des conséquences sur les contrats et coopérations engagés avec les Britanniques sont-elles à craindre, dans un scénario où il n'y aurait pas d'accord sur le Brexit ? La continuité des projets est-elle garantie ?

Les PME qui s'occupent de défense sont souvent extrêmement compétentes et pourtant très fragilisées : elles doivent faire face à des sociétés étrangères prédatrices, très intéressées par leur savoir-faire. Indépendamment du soutien apporté par les pouvoirs publics aux PME, évoqué dans votre début d'intervention, une attention particulière est-elle portée à ces PME stratégiques de grande importance, très spécialisées et tournées vers la défense ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

M. le Délégué général, en avril dernier, face à la pénurie de masques, la DGA s'était très fortement mobilisée pour identifier des solutions alternatives aux masques FFP2 et créer des homologations. Par ailleurs, des appels à projets pour des solutions innovantes, notamment sur les respirateurs artificiels, avaient été lancés. Pouvez-vous nous détailler les opérations que vous comptez mener face à la deuxième vague ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Le Gleut

Le 5 mai 2020, l'armée de l'air australienne s'est vu livrer le Loyal Wingman de la compagnie Boeing, un appareil autonome piloté par Intelligence artificielle. Cet été, le groupe aéronautique russe Kronstadt a également annoncé qu'il concevait un drone de combat de type Loyal Wingman au profit des forces aériennes russes, le « Grom ». Concernant le SCAF qui verra le jour en 2040, comment s'assurer de ne pas être « obsolete by design » ? Comment s'assurer de réaliser un véritable travail de prospective pour ne pas concevoir ce qui serait obsolète le jour de sa mise en oeuvre ?

Debut de section - Permalien
Joël Barre, délégué général pour l'armement

Merci pour toutes ces questions. À propos du programme 146 et de ses inconnues, vous avez raison de souligner M. Perrin, que l'exportation du Rafale constitue depuis le démarrage de la LPM une « hypothèque » à deux milliards d'euros. Nous avons besoin d'exporter le Rafale pour assurer la continuité nécessaire à la production des avions français. Tout ce qui advient aujourd'hui comme prospect à l'exportation, en particulier le prospect grec, est donc en soi une bonne nouvelle.

Évidemment, un problème de financement et de continuité de livraison à nos armées se pose. Nous y travaillons. Nous évaluons l'impact positif du prospect grec à six avions neufs auxquels s'ajoutent un peu plus de 400 millions d'euros pour les avions d'occasion, soit environ un milliard d'euros. Ce prospect lève donc la moitié de l'hypothèque de deux milliards d'euros.

L'exercice devra maintenant se mener en termes de flux budgétaires annuels au titre de l'actualisation. Les termes de l'actualisation, auxquels nous ajouterons d'autres prospects éventuels s'ils surviennent, vous seront présentés en début d'année prochaine. Ce sujet nous préoccupe mais tout prospect à l'exportation est bénéfique, sur le plan budgétaire comme sur le plan du maintien de la chaîne de production.

Sur la Perle, l'ordre de grandeur sur le plan budgétaire est d'environ 100 millions d'euros, dont une partie sera prise en charge au titre des assurances. Le montant résiduel, évalué à environ 60 millions d'euros, n'est pas déterminant pour l'exercice que nous mènerons.

Le porte-avions de nouvelle génération est prévu au titre de la LPM. Le calendrier du porte-avions a pour objectif une mise à disposition en 2038, avec une mise à la mer en 2036, à la fin de l'exploitation du Charles de Gaulle. Le niveau de crédits nécessaires a été identifié en fonction du mode de propulsion retenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Avec un choix récent du Président de la République sur la propulsion nucléaire, selon la presse.

Debut de section - Permalien
Joël Barre, délégué général pour l'armement

Je ne m'exprimerai pas au nom du Président de la République.

Quant à l'articulation entre l'AID et la DGA, au mois de mai dernier, un premier bilan d'activité de l'AID a été dressé. Il est très satisfaisant, notamment sur ses relations avec les autres équipes de la DGA travaillant à la préparation du futur : les études des programmes ou le développement technologique. Des échanges de personnels ont été mis en place. L'appel à projets évoqué sur la covid-19, lancé par l'AID, a bien démontré l'agilité du dispositif en termes de réactivité et d'efficacité dans un domaine qui n'était pas le nôtre.

L'AID fait partie des engagements tenus en matière de transformation de la DGA et de modernisation de son activité de préparation des programmes.

Pour répondre à Mme Conway-Mouret sur Definnov, les entreprises de défense se heurtent de plus en plus fréquemment à un phénomène de frilosité bancaire.

Un fonds de 100 millions d'euros sur cinq ans est ciblé sur les entreprises critiques, stratégiques, qui risqueraient d'être menacées. Le fonds complémentaire de 200 millions d'euros sera ciblé sur les entreprises duales, transverses, d'innovation technologique pour essayer d'entraîner les autres investisseurs.

Notre effet de levier est de six sur les fonds d'investissement, la démarche est productive, mais il convient de s'inquiéter du comportement des banques.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous devons porter ce débat sur la place publique : les banquiers se dérobent alors que tout le monde doit avancer ensemble dans cette industrie de la défense.

Debut de section - Permalien
Joël Barre, délégué général pour l'armement

Quant aux avancées des Britanniques, j'ai lu comme vous les travaux sur les jumeaux numériques et l'usine 4.0. Encore faudrait-il s'assurer de ce que recouvrent les annonces. Les Britanniques ont déclaré avoir investi 2 milliards de livres sterling ; nous avons déjà investi 150 millions d'euros sur les études préalables du SCAF et prévoyons d'investir 2,5 milliards d'euros sur la tranche 2021-2026. Cela est donc tout à fait comparable.

Je ne suis pas convaincu par les théories affirmant que les jumeaux numériques remplaceront les démonstrateurs. Les jumeaux numériques sont des maquettes numériques, la démonstration en vol est incomparable. Il n'est pas exact d'affirmer que nous ne réaliserions pas, contrairement à eux, un « système de systèmes ». Le démonstrateur de 2026 est bien un démonstrateur du « système de systèmes », pas seulement un démonstrateur de l'avion.

Cela rejoint une question posée par M. Le Gleut. Nous disposons aujourd'hui de cinq architectures de systèmes identifiées par les études préalables, au sein desquelles se présentent trois modèles d'avion différents et trois types de drones, y compris le Loyal Wingman. Ces études s'affineront encore et, en 2026, nous réaliserons une démonstration en vol, non pas uniquement de l'avion mais de l'avion et des drones retenus dans la configuration système.

Ainsi, nous aboutirons en 2027 à une définition du système de combat aérien du futur à l'horizon 2035-2040. Nous nous engagerons alors sur le calendrier de mise en service du SCAF. Nous ne pouvons pas le faire avant d'avoir réalisé l'ensemble des travaux préparatoires.

Nous ne fermons pas la porte aux Britanniques. Depuis qu'ils ont quitté le projet en 2017, nous avons veillé à maintenir le contact. Un programme de développement technologique conjoint existe. Il n'est certes pas de grande ampleur (25 millions d'euros chacun par an sur trois ans), mais nous avons veillé à maintenir ce lien.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Il m'arrive d'être parfois plus confiant dans une coopération franco-britannique que franco-allemande.

Debut de section - Permalien
Joël Barre, délégué général pour l'armement

C'est pourquoi ce lien est essentiel.

Quant au programme 178, depuis que le MCO aéronautique a été repris en main avec la création de la DMAé, sur l'A400M nous avons doublé le nombre d'avions disponibles en moyenne :nous sommes passés de trois à six, avec des pics réguliers à onze avions disponibles sur dix-sept. Sur le Caracal, nous sommes passés de cinq sur dix-huit en 2017, à huit aujourd'hui. Nous avons doublé le nombre d'heures de vols réalisables dans l'année sur les Fennec de l'armée de terre, l'un des sujets les plus critiques (de 2500h de vol en 2018 à 5000 en 2020). Une mécanique d'amélioration de cette disponibilité est en marche, ses premiers résultats sont aujourd'hui tangibles.

Sur le Rafale, nous nous sommes accordés avec Dassault pour dégager de la disponibilité supplémentaire de six avions au cours de l'année prochaine, grâce à une meilleure pratique dans le remplacement des pièces qui tombent en panne. En 2022, la poursuite du contrat de verticalisation passé par la DMAé avec Dassault doit nous apporter dix avions disponibles en 2022.

Parfaitement conscients de ces difficultés sur la disponibilité des moyens aéronautiques depuis 2017, nous sommes sur la bonne voie pour les résoudre. Nos objectifs sont suffisamment solides et permettront de concilier l'exportation du Rafale et la nécessité de maintien du nombre d'avions en ligne nécessaire à nos armées.

La formation fait partie des contrats qui doivent être négociés entre Dassault et le client.

Sur les ETI-PME, notre dispositif de suivi rapproché est en place et sera maintenu. Sur un millier d'entreprises cartographiées, une centaine a eu besoin d'actions de remédiation. Sur cette centaine, quatre-vingt ont déjà eu lieu. Les risques d'arrêt que vous évoquez sont réels, nous en sommes conscients. L'action menée l'est avec les maîtres d'oeuvre industriels en première ligne, avec les organisations des industries de défense et avec la DGE qui pilote le plan de relance et les différents appels à projets. Le dispositif mis en place est donc de nature à nous garantir que les difficultés qui surviendront seront gérées au mieux selon nos disponibilités en matière d'action.

Ensuite, nous avons rappelé dès le début le rôle essentiel et stratégique du savoir-faire de Photonis. Nous avons donc affirmé que dans le cas où un étranger serait intéressé pour le rachat, nous appliquerions le dispositif d'investissement étranger en France.

Thales et Safran, d'abord consultés, n'ont pas souhaité réaliser d'offre et contribuer au sauvetage immédiat de l'opération. Nous avons donc défini avec le ministère de l'économie, face à Teledyne, le repreneur américain potentiel, les règles imposées en matière de rachat par une société américaine.

Le potentiel acheteur, au vu de ces règles particulières, a modifié le prix initial. Sur la suite, je n'en sais pas plus. Il me semble que rien n'est acté mais il s'agit du secret commercial. Si le rachat a lieu, il se fera à un moindre prix que le prix initial. De notre côté, nous mettrons en place les mesures nécessaires pour garantir la sauvegarde des intérêts stratégiques représentés par Photonis.

Le dispositif des IEF évoqué pour les investissements étrangers en France protège toute technologie considérée comme stratégique, nous l'appliquerons sur Photonis. L'opération ne se fera que dans des conditions que nous jugerons convenables.

Quant au Brexit, il n'impacte pas pour l'instant la coopération bilatérale de défense entre la France et le Royaume-Uni. Nos modèles d'armées, ainsi que nos bases industrielles et technologiques de défense sont très proches. Ce modèle de coopération, qui advient hors Union Européenne, ne semble aucunement être remis en question de part et d'autre.

Le retard pris par le gouvernement britannique dans sa loi de programmation militaire nous préoccupe plus fortement. Nous avons bien sûr étudié le document britannique « integrated operating concept » et échangé sur l' « integrated review » qui correspondent peu ou prou à ce que nous avons effectué au titre de la « revue stratégique ». Leur déclinaison capacitaire pluriannuelle détaillée, la « spending review », l'équivalent de la LPM, est quant à elle attendue depuis plusieurs années. Attendons.

Quant aux appels à projet pour la covid-19, nous avons effectivement réalisé un travail important sur l'homologation des masques au printemps dernier. Nous nous sommes retirés dans le courant de l'été au profit de laboratoires civils, publics ou privés, que nous avons aidés à se doter des procédures expérimentées. Quant à l'appel à projets de l'AID sur la covid-19 de 10 millions d'euros, une quarantaine de projets ont été proposés (d'expérimentation participative ou sur les diagnostics), certains viennent d'être retenus par l'autorité de santé. Nous avons donc contribué à ce niveau-là.

J'ai répondu tout à l'heure sur le Loyal Wingman : il s'agit du système de combat aérien du futur, un avion accompagné de drones. Ils peuvent être de plusieurs types, de masse variable, consommables ou récupérables, armés ou de surveillance. Tout est envisagé. J'espère que nous ne proposerons pas une technologie « obsolete by design », auquel cas nous ne mériterions pas les félicitations que Monsieur le Président a bien voulu nous accorder en début de séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je les renouvelle, les précisions apportées dans cette audition ont été passionnantes. Merci infiniment Monsieur le Délégué général.

La réunion est close à 12 h 45.