Intervention de Patrick Pelloux

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 14 octobre 2020 à 16h35
Audition commune des professeurs éric maury président de la société de réanimation de langue française hervé bouaziz président de la société française d'anesthésie et de réanimation et marc leone chef du service d'anesthésie-réanimation des hôpitaux universitaires de marseille

Patrick Pelloux, président de l'association des médecins urgentistes de France :

Ce que viennent de dire le professeur Leone et le président Maury est juste : nous sommes arrivés au bout d'un système. C'est d'autant plus grave que nous avions tous à peu près la certitude, aux mois de mars et d'avril, que la situation allait se calmer. C'est avec cette conviction que nous avions mobilisé fortement le personnel, partout en France, et que nous avions tous accepté le principe des déprogrammations.

Aujourd'hui, nous ne savons pas où nous allons et nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire. L'épidémie n'est pas seulement située, comme en mars et avril, dans l'Est, en Île-de-France, dans les Hauts-de-France et à Marseille : elle est partout. Les renforts dont nous avons bénéficié, et que nous saluons tous, venant de professionnels dont il faut saluer l'engagement et la citoyenneté, alors qu'ils ne connaissaient pas les services dans lesquels ils sont venus travailler, ne seront pas là cette fois-ci. En outre, comme l'ont dit des collègues chirurgiens, la déprogrammation n'est plus entendable par les malades. Certains d'entre eux ont été opérés avec de longs délais, notamment dans le cas de cancers. L'idée selon laquelle tous les lits seraient réservés au coronavirus n'est pas entendable par des malades souffrant de pathologies présentant une mortalité supérieure à celle du coronavirus, même si je comprends l'engagement politique et social qui existe sur cette question.

Nous n'avons pas de réserves. On a ouvert un hôpital de campagne du service de santé des armées mais celui-ci est également exsangue, même s'il ne peut le dire car il n'a pas la même liberté de parole que nous. À Paris, on a fait l'erreur de fermer l'hôpital du Val-de-Grâce. C'est une interpellation que j'adresse : il faut rouvrir cet hôpital et y installer des lits. Il y a aussi eu toutes ces fermetures de lits. Je n'accuse pas le gouvernement actuel. Nous sommes dans une commission d'enquête. L'analyse faite ces vingt ou trente dernières années, selon laquelle la France avait trop lits d'hospitalisation, nous a conduits à privilégier une économie de santé et à rechercher toujours plus d'efficience, ce qui nous a conduits à réduire la voilure en diminuant de 100 000 le nombre de lits, ce qui est énorme. C'est une autocritique collective qu'il faut faire et je m'y inclus. Nous travaillons avec les urgentistes. Nous représentons les premières heures de prise en charge. Nous devons ensuite transférer ces malades aux réanimateurs médicaux, pour l'essentiel. Je travaille actuellement au SAMU de Paris. La situation est extrêmement tendue sur l'ensemble de l'Île-de-France. On essaie de trouver des lits de différentes manières mais c'est très compliqué. Si l'on en croit les courbes mathématiques de l'INSERM et de Pasteur, les jours qui vont arriver seront très difficiles.

Le noeud du problème réside dans le personnel. Vous avez lu des articles montrant que le personnel n'en peut plus. Il y a des interpellations sociales liées à l'attractivité des hôpitaux et au management qui y est pratiqué. Tous ces éléments sont liés.

Croyez bien à l'engagement des professionnels de santé, qui veulent tout faire pour sortir de la crise, d'autant plus que celle-ci a des retentissements sur l'ensemble de la société et de notre civilisation. Nous sommes très engagés mais nous souffrons du fait que nous sonnons l'alerte depuis des années sans avoir été beaucoup écoutés. Vous évoquiez les problèmes de matériels et de médicaments. Il faut réindustrialiser la France de toute urgence afin que nous soyons de nouveau autonomes concernant les médicaments.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion