Intervention de Marc Leone

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 14 octobre 2020 à 16h35
Audition commune des professeurs éric maury président de la société de réanimation de langue française hervé bouaziz président de la société française d'anesthésie et de réanimation et marc leone chef du service d'anesthésie-réanimation des hôpitaux universitaires de marseille

Marc Leone, chef du service d'anesthésie-réanimation des hôpitaux universitaires de Marseille :

Je ne répondrai peut-être pas point par point à toutes ces questions car cela me serait difficile.

Je commencerai par la formation. Vous avez évoqué la possibilité de solliciter des internes et les IDE en fin de formation. Oui, toutes ces solutions sont largement éprouvées sur le terrain. Tous nos internes sont au sein des unités et ont un rôle actif de professionnels de santé. Ils ne sont aucunement mis sur le côté. Tout le monde participe à la prise en charge de ces patients à l'hôpital.

Le problème réside dans la pénurie complète qui prévaut. Je ne comprends même pas que vous soyez surpris du fait qu'on ne peut, en trois mois, changer une situation de pénurie pérennisée depuis vingt ans. Vous avez compris à travers les propos du professeur Maury qu'il y a une composition entre les MIR et les MAR. Cela témoigne bien de l'esprit très négatif qui peut exister dans les hôpitaux : si l'on crée des MIR, ce ne peut être qu'aux dépens des MAR. À Marseille, à l'APHM, nous manquons de 30 anesthésistes réanimateurs pour aller dans les blocs opératoires faire de la chirurgie courante et pour faire de la réanimation. Le problème n'est pas d'enlever des MAR pour créer des MIR. Il s'agit d'augmenter les ressources disponibles pour tous, de façon significative.

Se pose aussi la question de l'attractivité du secteur privé pour les personnes qui sont en fin de formation. Les personnels ont été formés jusqu'à leur thèse. Ils restent un ou deux ans chez nous en post-internat, puis sont naturellement tentés de rejoindre le privé, dont l'attractivité est immense. Les pratiques sont aussi assez différentes de celles qui existent dans nos centres. Les rémunérations n'ont aucun rapport avec celles pratiquées dans le secteur public. Autrement dit, nous formons nos propres concurrents et, une fois formés, ils partent pour la clinique en face, où ils vont gagner beaucoup d'argent. En revanche, le rôle social ne sera pas forcément rempli.

Il faut sortir de cette logique de compétition entre nous. Il faut des internes supplémentaires formés pour la réanimation et formés pour le bloc opératoire. Nous défendons cette ligne, via la SFAR, car cette plasticité des anesthésistes-réanimateurs peut être très utile. La pratique, au bloc opératoire n'est pas si différente de celle qui existe en réanimation. Je suis ami avec de nombreux médecins intensivistes-réanimateurs et je n'alimenterai pas ce débat.

La situation pouvait être anticipée il y a vingt ans mais nous payons aujourd'hui le prix de la politique instaurée il y a vingt ans, assortie d'un numerus clausus très sévère. Il faut aussi mentionner l'évolution des pratiques. Lorsqu'un anesthésiste-réanimateur remplace un autre anesthésiste-réanimateur dans le secteur privé, deux postes seront pourvus, car les gens travaillaient, à l'époque, 70 heures par semaine. De ce fait, deux voire trois professionnels vont remplacer un seul professionnel partant. Le paysage de la santé a complètement changé ces dernières années.

La surface nécessaire, en réanimation, est assez normée, à raison, je crois, de 20 mètres carrés par chambre. Ce n'est pas vraiment un problème. En revanche, les familles ne supportent pas que les patients se trouvent en réanimation s'il n'y a pas un plateau technique à côté. Si vous dites à une famille qu'un patient a été placé sous ventilateur mais qu'il n'y a pas de cardiologue pour effectuer une coronographie ni de scanner dans l'hôpital, les familles refusent la prise en charge. Les réanimations doivent se trouver là où existent des plateaux techniques permettant une prise en charge performante des patients, faute de quoi ceux-ci et leurs familles sont furieux, à juste titre. Des lits de réanimation seuls, sans le plateau technique qui doit se trouver autour, ne sont donc pas très utiles.

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